Parmi mon peuple

Chapitre 4 : Pas de répit pour la compagnie

6365 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 07:03

      C’est dans une stupéfaction générale que le buisson craint par la compagnie recracha dans une pluie de feuilles vertes volantes et chatoyantes, un drôle d’énergumène à l’allure grotesque, monté sur un traineau de bois tiré par… des lapins ? Oui c’étaient de gros lapins de garenne… remarqua la jeune voyageuse en se pinçant le bras pour être sûre qu’elle ne rêvait pas.

 

    L’homme âgé portait longue sa barbe entremêlée de poils gris et châtains. Amerys crut alors lire une certaine panique et le plus grand effarement dans ses grands yeux bleus perdus. Il paraissait en tout point de vu déguenillé. Vêtu de frusques brunes et verdâtres il semblait se fondre dans l’expansive masse de la nature. Une longue fiente d’oiseau longeait sa chevelure crépue sur le côté droit, trouvant alors sa source auprès d’un étrange chapeau moulé dans une forme pour le moins inhabituelle d’où une belle plume de faisan pointait en direction du soleil. Il s’arrêta, chancelant et haletant, laissant apercevoir une petite dent sortante entre ses lèvres. Son masque facial trahissait quant à lui une révérence à la peur et à la folie… Qui était-il et que faisait-il ici? Fallait-il le craindre ?

 

-    « Radagast ! scanda alors Gandalf le Gris. Radagast le Brun !

-    Gandalf ! couina le magicien d’une voix chevrotante. »

 

    « Merveilleux ! Ils se connaissent ! », cria Amerys qui en son fort intérieur conclut qu’ils n’avaient rien à craindre de ce Monsieur pour le moins étrange. Relâchant son épée qu’elle avait fermement tint à s’en faire blanchir les phalanges, elle lança à Fili un regard rassuré mais remarqua que le nain dans un sourire narquois se moquait d’elle et de la peur qu’elle avait ressentie.

 

-    « Mademoiselle a eu la frousse à ce que je vois, railla-t-il, suivi par le rire de son frère complice.

-    Pas du tout… J’étais prête à tâter de l’ennemi mais voyez-vous-même ce Radagast, il a l’air doux comme un agneau, se défendit maladroitement la jeune demi-naine.

-    Ou fou à lié comme un sanglier, répliqua Kili.

-    Je te prierai de ne pas te moquer garçon, gronda alors une voix roulée. »

 

    Amerys jeta un œil discret vers ce nouvel interlocuteur. Il était évident que c’était le colosse de la compagnie. Fort et musclé sous ses vêtements de nain il avait la stature d’un guerrier chevronné, un véritable dur à cuir. Sur son crâne chauve et tatoué de motifs à l’effigie de son peuple (Amerys décela que c’était des runes naines car son père en avait également porté avec fierté sur son bras droit) pendait une longue chevelure noire grisonnante sur sa nuque et tombant dans son large dos, n’ayant d’égale que sa barbe soit-dit en passant. Son air sévère et renfrogné était par ailleurs accentué par ses gros sourcils noirs et froncés qui lui donnaient un petit air sauvage.

 

-    « Dwalïn... minauda alors le plus jeune frère.

-    Cet homme est un grand magicien tel que Gandalf, tu devrais lui montrer un peu plus de respect, rouspéta-t-il d’un air maternel comme s’il avait été sa nourrice autrefois. »

 

    Il posa ensuite ses yeux sur la jeune femme, semblant l’analyser de plus près maintenant qu’elle se trouvait à quelques centimètres de lui. Voulant se confronter à ce guerrier nain elle y trouva néanmoins dans ses pupilles un humble respect et un calme à l’opposé de ce que sa carrure dégageait.

 

-    « Ne les laissez pas vous importuner. S’ils recommencent, dites-le moi et je leur ficherai un telle raclée qu’ils ne pourront plus s’asseoir sur leur postérieur pendant des jours… voir des lunes. »

    Amerys voulu rire aux éclats mais à voir la tête des jeunes frères, ce grand nain avait l’air très sérieux caché sous sa barbe et son épaisse cape au col à fourrure.

-    « Oh euh… non. Ils ne m’importunent pas Monsieur Dwalïn. Ils sont juste taquins, vous savez, les jeunes nains... Une raclée ne sera pas nécessaire mais merci quand même de votre attention envers mon bien-être.

 

-    Si vous le dites… Si jamais, vous savez où me trouver, conclut-il avec un regard menaçant sur les neveux de Thorïn. »

 

    Tandis qu’il s’éloignait tranquillement pour se poster aux côtés de son roi et que les deux magiciens forts heureux de se retrouver se mettaient à l’écart pour discuter, Amerys porta son regard sur les deux frères sermonnés. Ils pouffaient derrière leurs mains gantelées de cuir.

 

-    « Il n’a pas l’air commode ce Dwalïn, fit-elle remarquer dans un murmure pour que le colosse ne l’entende pas de là où il était.

-    Ne vous fiez pas à lui Amerys, il plaisantait, le rassura Fili. Il aime juste montrer qu’il est fort et menaçant mais en vérité lorsqu’il n’est pas en train de faire des sauvageries sur un champ de bataille c’est une vraie crème et un compagnon sage. Cela l’amuse de montrer son autorité et sa force, surtout en présence de jeunes nains turbulents comme nous et d’une jeune et jolie naine telle que vous. »

 

    Fili avait-il dit naine et jolie dans la même phrase… ? Ou bien avait-t-elle mal entendu ? Etait-il encore en train de se moquer d’elle par hasard ? Non… son petit regard innocent avait l’air honnête. Elle décida néanmoins de faire abstraction de ce qu’elle prit pour un compliment et fit comme si de rien n’était.

 

    Quelques instants plus tard, alors que ses yeux parcouraient la verte et paisible forêt, elle scruta le hobbit. Calmement assis sur un rocher plat, il dévisageait une belle épée courte aux formes arrondies. Tout en affichant un air satisfait il sembla également penché dans des réflexions philosophiques. Ses mimiques faciales étaient toutes aussi surprenantes et il était aisé de lire les émotions qui se cumulaient sur son visage. Bilbon dû sur ce fait se sentir observé et relevant sa figure encrassée il comprit que la jeune femme l’examinait au loin. Il lui renvoya un sourire gêné et complaisant suivi d’un petit signe de main amical. Elle en fit de même spontanément. Elle détourna peu après les yeux avec un sourire et son regard se posa en chaîne sur Thorïn Ecu-de-Chêne. Tapis près de ses plus fidèles compagnons, il la regardait avec une insistance dérangeante, ses iris de glace semblant lire à travers elle comme un livre ouvert. Peut-être était-il mécontent de l’entente cordiale qu’elle entretenait avec ses neveux et qu’il s’amusait donc à la surveiller de près, elle et ses moindres faits et gestes. Il était possible que le roi ne veuille pas que ses protégés fréquentent une demi-naine et avait réellement l’air réticent à sa présence au sein de sa compagnie.  Amerys avait alors plus qu’à espérer qu’il changerait d’avis et qu’à force de temps il l’accepterait et la respecterait comme tout autre nain ou naine. Pour le moment tous étaient d’une gentillesse avenante avec elle et ce n’était pas pour lui déplaire. Même si la voyageuse n’était pas encore entrée en contact avec tout le monde.

 

    Alors qu’elle se portait à ces réflexions, Kili qui avait semble-t-il lu dans ses pensées, décida de présenter de loin tous les nains de la bande, profitant de ce petit moment de répit, le temps que les deux istaris s’entretiennent de choses et d’autres comme de vieux amis.

 

    Au-delà de lui-même, Fili, Thorïn, Balïn et Dwalïn, à qui elle avait eu à faire - Il précisa même que Dwalïn était le frère cadet de Balïn - il passa en revue chaque nain présent ici-même.

 

    Il y avait d’abord Bombur. Le nain protubérant guirlandé d’un beau collier de barbe rousse était un être silencieux mais non moins attentif à ce qui l’entourait et son habit vert allait à la perfection avec la couleur de sa pilosité. Bofur était quant à lui son frère. Bien plus mince que ce dernier, il arborait un chapeau cocasse retroussé de chaque côté de ses oreilles, laissant dépasser des tresses brunes partant à la rebique. Sur son visage fin serpentait une longue moustache tombante, de la même couleur que ses yeux marron et rieurs. Il était réputé pour être un joyeux et bon musicien grâce sa petite flûte qu’il n’hésitait pas à dégainer histoire de souffler des mélodies bien de chez lui. A ses côtés se trouvait Bifur, qui était leur cousin. Dessous sa masse de cheveux et de barbe noire dépassait une lame de hache plantée dans son crâne, ce qui surprit la jeune demi-naine. « Comment pouvait-il encore vivre ? » Kili accorda qu’il avait eu de la chance mais que cela avait néanmoins altéré son cerveau tandis que son langage était devenu totalement incompréhensible. Le jeune nain ajouta également que ces derniers étaient les seuls de la compagnie à ne pas être des descendants de Durïn.

 

    Kili enchaina ensuite sur d’autres de ses amis, détaillant alors Dori, Nori et Ori. Les liens qui les unissaient étaient fraternels. Le premier se détachait par sa barbe blanche très élaborée, entremêlée de tresses. Il était petit et sa mâchoire  en saillie et son gros nez lui donnait un air grincheux. Mais il n’en était rien car Dori était d’une gentillesse et d’une politesse sans égales. Son frère Nori était plus jeune et arborait une coiffure et une barbe  tressée d’une couleur châtaigne qui formaient ensembles une étoile de mer. C’était relativement excentrique pour un nain et il avait fière allure. Quant au dernier, qui était aussi jeune que Fili et Kili. Il avait cet air un peu maladroit et naïf, discret mais non moins intelligent. Ses cheveux formaient un dôme sur son crâne dans une coupe au bol et il portait un fin collier de barbe. A l’opposé de certains nains il ne ressemblait pas à un guerrier, au contraire, on aurait dit qu’il venait de quitter récemment son doux foyer. Pris d’une passion pour les arts, il se complaisait dans l’écriture et transportait toujours avec lui sa plume et du papier pour coucher ses idées.

 

    Enfin, virent les derniers de cette joyeuse bande. Gloïn et Oïn, de même que les autres, étaient frères. Oïn l’aîné, semblait d’une simplicité enfantine dans son accoutrement. Sa longue barbe grisonnante était séparée en deux grosses tresses et le nain un peu sourd transportait continuellement un cornet  acoustique qu’il posait à son oreille pour mieux entendre. Son cadet était donc Gloïn, un nain de belle allure avec sa grande barbe cuivrée perlée d’un rideau de mèches tressées, tandis que ses cheveux épais étaient rabattus en arrière. Ses vêtements  bordeaux et bruns de belle qualité lui sciaient à merveille. Kili lui précisa que Gloïn était tout comme son frère, spécialiste en matière de feu, fierté de la famille affirmaient ces derniers. De même il était le seul nain marié et il avait en somme un petit garçon nommé Gimli.

 

-    « Est-ce vrai qu’on dit qu’il manque cruellement de femmes naines ? demanda curieuse la jeune femme après la présentation de Gloïn.

-    C’est assez vrai, affirma kili. Il y a une distorsion dans les proportions nains/naines. Gloïn a eu de la chance de rencontrer son épouse, il en a fait des jaloux... D’ailleurs, son fils souhaitait se joindre à notre compagnie mais son cher papa s’y est refusé prétextant qu’il était trop jeune. »

 

 

    C’est sur cette note légère que pris fin cette conversation car Gandalf réapparu avec son ami magicien Radagast, l’air néanmoins quelque peu troublé. Le vieillard gris semblait sérieusement préoccupé depuis son entretien. Que pouvait lui avoir dit son compère brun ?

 

    Mais alors que la compagnie allait repartir, laissant Radagast avec son traineau et ses lapins, un hurlement résonna dans les bois. Un frisson parcouru le corps d’Amerys, ses poils se hérissèrent car pour elle ce bruit ne signifiait rien de bon…

 

-    « Etait-ce un loup ? Il y a-t-il des loups dans ces bois ? demanda en toute alerte Bilbon.

-    Non ce n’est pas un loup,  affirma Bofur tandis que son œil aux aguets scrutait partout autour d’eux. »

 

    Amerys, dont le cœur commençait à s’emballer aussi vite qu’un cheval au galop, l’imita et regarda elle aussi l’endroit d’où pouvait provenir ce cri perturbateur. Mais tandis que ses pupilles scrutaient à travers les arbres et les fourrés, la jeune femme fut brutalement mise à terre par Fili qui l’ensevelît dessous son poids et ses vêtements chauds. Fort heureusement le tapis de feuilles mortes s’accumulant depuis des années l’accueillit moelleusement dans sa chute.  Sous la masse du nain, elle vit une ombre passer au-dessus de leurs personnes, rapide dans un bondissement fugace. Cependant, la bête vile et ombrageuse trouva vite la mort sous l’épée de Thorïn. Celle-ci tomba à terre dans un dernier gémissement tandis qu’une deuxième percutée par une flèche tirée par Kili tombait tête la première sur le sol, avant de succomber à la lourde hache de Dwalin.

 

-    « Des éclaireurs wargs ! cracha Thorïn en retirant son épée de la bête gisante à terre. »

 

    Fili la couvrait toujours de ses bras, quelques mèches blondes tombantes chatouillaient même le visage d’Amerys. Se rendant alors compte de la situation le jeune nain se releva précipitamment tant bien que mal et ceci de manière maladroite et même presque embarrassée. Elle saisit la main tendue de son compagnon de voyage et fut relevée instantanément. Elle avait compris que si Fili ne l’avait pas écartée, le warg l’aurait déchiquetée en pièces. Il venait encore une fois de lui sauver la vie, cela faisait beaucoup en une journée…

 

-    « Merci, souffla-t-elle pendant qu’elle reprenait sa respiration. »

 

    Mais ce dernier ne répondit pas, même ne l’entendit pas, trop attentif à ce qu’il venait de se passer. La jeune femme jeta alors un œil rapide sur les créatures mortes encerclées par de fins filets de liquide rouge rubis qui souillaient le sol. Rassemblant malgré tout à des loups elles étaient toutefois bien plus grosses que les canidés vivant dans les bois. Leur pelage était plus dru et plus foncé. Leur tête était plus fuselée et aplatie, leur museau allongé leur donnait par ailleurs un air vicieux et dangereux, ceci accentué par des yeux jaunes vifs et redoutables. De même, leurs griffes acérées semblaient pouvoir déchiqueter la peau en un seul coup. Elle n’aurait pas aimée finir en charpie par un de ces monstres…

 

-    « Nous sommes suivis par une bande d’orques ! lança un Thorïn effaré.

-    Une bande d’orques ? répéta Bilbon, voulant s’assurer de ce qu’il avait entendu.

-    A qui avez-vous parlé de votre quête ? demanda de manière insistante Gandalf. »

 

    Une quête ? se demande Amerys. Depuis quand la compagnie voyageait pour une quête ? On ne le lui en avait pas parlé… il aurait été bon de le lui en aviser plus tôt vu qu’apparemment leur vie était mise en péril à chaque instant, et la sienne avec…

 

-    « A personne, affirma le chef des nains.

-    A qui en avez-vous parlé ?! réitéra le magicien quelque peu agressif.

-    A personne je le jure ! répéta le roi. Par Durïn, Gandalf que se passe-t-il ?

-    Nous sommes pourchassés…

-    Nous devons nous en aller ! ordonna Dwalin.

-    Impossible ! scanda un Ori essoufflé. Nous n’avons plus de poneys, ils se sont enfuis.

-    Et ma jument ?! demanda Amerys soudain paniquée par l’éventuelle perte de sa précieuse monture.

-    Je suis désolé, elle s’est enfuie avec eux. »

 

    Non, pas Plumerette… Pas sa chère jument. Elle devait la retrouver immédiatement, partir à sa recherche car même si elle avait gardé son épée et sa cape avec elle, sa sacoche médicinale en ce qui la concernait était restée accrochée à la selle… De même elle ne pouvait pas laisser la jument errer seule dans les bois !

 

-    « Non Amerys… souffla Fili qui avait deviné ses intentions. C’est trop tard, nous n’avons plus le temps mais je vous promets que tout ira bien pour elle. Les wargs et les orques en ont après nous, ils ne s’attaqueront ni à Plumerette ni à nos poneys. N’ayez crainte.

-    Mais… Je… réussit-elle à articuler tandis que les larmes lui montaient aux yeux.

-    Faites-moi confiance… insista Fili semble-t-il un peu peiné par la tristesse de la jeune naine. »

 

    Elle acquiesça, résignée et abattue par la perte de son amie de longue date tandis que les compagnons ressemblaient en vitesse leurs affaires, nullement chagrinés par l’abandon de leurs chevaux. Peut-être que les nains pure souches étaient-ils moins sentimentaux ou était-ce elle qui, de par son côté féminin était plus sensible…

 

-    « Je vais les lancer à mes trousses ! tonitrua alors un Radagast tout excité.

 

-    Ce sont des wargs de Gundabad, ils vous rattraperont, contesta Gandalf défaitiste.

-    Ce sont des lapins de Rhosgobel ! Qu’ils essaient pour voir… »

 

    Ni une ni deux, le magicien brun, les yeux pétillants d’adrénaline et d’optimisme, sauta tel un faon sur son traineau, prêt à en découdre avec les orques. Amerys admira le courage de ce vieil homme monté sur son transport de bois tiré par des lapins, il était si excentrique qu’elle crut rêver. Elle espéra sincèrement qu’il ne lui arriverait rien et qu’il réussirait avec succès à attirer l’ennemi au loin. Après tout c’était un magicien, il devait probablement bien savoir se défendre avec des tours de magie.

 

-    « Quand je serai sorti du bosquet, courrez, cachez-vous le mieux possible ! Je vais essayer de les enfoncer le plus loin possible dans les plaines.

-    Faites attention à vous mon ami… et restez vivant, conseilla Gandalf d’un ton empreint de sagesse. »

 

    Ainsi Radagast lança ses rapides et talentueux lagomorphes au galop et déboucha, visible telle une proie sur la plaine où attendaient des chasseurs orques.

 

       Amerys, le cœur tambour battant, suivit la compagnie en trottinant, restant aussi bien qu’elle le put aux cotés de Fili auprès de qui elle se sentait naturellement en sécurité.  « Il pourrait bien me sauver la vie une troisième fois » se dit-elle à elle-même dans un rire jaune.

 

    Le paysage qui s’offrait à elle était grandiose même si la jeune demi-naine ne pouvait en profiter comme elle l’aurait souhaité au vu de sa course. Les plaines joliment vallonnées étaient dénuées d’arbres et de verdure. A la place on y trouvait une herbe rase au sol et jaunie par le soleil qui se reflétait tel un tapis doré sous l’astre brillant. Le contraste avec la roche noire et grise qui s’élevait ici et là ainsi que le ciel bleu azur était fulgurant.  Le temps devait être sec dans cet endroit sauvage et la vie semblait s’être arrêtée, comme si rien ne pouvait permettre l’installation de l’homme et que tout en cet endroit devait rester sauvage, immaculé. Les plaines semblaient de plus s’étendre au loin jusqu’à l’infini, sans jamais cesser d’étaler sa poussière d’or ainsi que ses pierres sombres. Alors qu’elle profitait de cette beauté elle fut arrachée de son admiration par les vociférations des orques au loin, accompagnés par les aboiements et hurlements de leurs wargs.

 

-    « Restez près de moi, ordonna Fili à la jeune voyageuse qui acquiesça et ne se fit pas prier pour tenter de rester près de ce guerrier sûr de lui. »

 

 

    Elle jeta un regard en arrière et vit Bilbon courir sur ses grands pieds velus, tout petit qu’il était, son ombre galopait aussi rapidement que les nains. Sa courte épée se balançait fièrement au gré de ses bondissements et il semblait tout aussi apeuré qu’elle. Cela la rassurait de ne pas être la seule ignare du groupe au combat et à la bataille, quoique Bilbon pourrait peut-être s’avérer habile au maniement des armes. C’est là où nous les attendions le moins, que les gens nous surprenaient le plus. Seulement, ce ne devait pas être dans sa nature de « gentilhobbit », non comme les nains qui avaient l’art et la manière de se battre malgré leur calibre moyen. Leur hargne et leur technicité au combat rapproché étaient reconnues. De même que leur fierté et leur loyauté. Des valeurs qu’elle appréciait au plus haut point et que son père avait essayé de lui transmettre tant bien que mal dans un village peuplé d’hommes mortels aux valeurs différentes. Ceci dit elle en avait apprécié certaines, mais d’autres moins. Les deux cultures de ses parents l’avaient probablement aidée à être plus ouverte d’esprit mais une seule journée avait suffi à la jeune demi-naine pour comprendre que finalement elle ne connaissait rien de ce monde et de la communauté naine. Elle prétendait appartenir de droit à ce peuple mais que savait-elle d’eux en définitive ? Hormis sa prétention et ce que lui contait son père dans ses rêveries et son passé de jeune nain, peut-être bien même en occultant quantité de choses. Résultat, elle ignorait tout de la vie en Terre du Milieu, c’est le constat qui s’imposa à elle en seulement une nuit et une journée. Elle avait rencontré plus de gens et d’exotisme en un seul jour que toute une vie et se demandait ce qui l’avait retenue depuis tout ce temps…

 

       Ils trottèrent un moment, entendant de près le passage des wargs et de Radagast qui riait aux éclats tel un fou furieux possédé par le démon. « Etait-il réellement en train de s’amuser ? » s’interloqua la jeune femme. Alors qu’ils s’approchaient d’une grosse roche pour se dissimuler elle aperçut furtivement au loin plusieurs orques juchés sur leur warg, cabrioler en direction de l’habile et rapide magicien et se rapprochant également dangereusement de leur groupe.

 

    La course se poursuivait toujours quand ils rencontrèrent le danger de près. Blottis contre la roche encore une fois, ils essayaient de rester invisibles à un orque monté sur la pierre avec sa bête. Perché au-dessus d’eux, la jeune femme l’entendit les flairer comme de vulgaires proies. Elle espérait qu’il ne le verrait pas… C’est alors que sous l’ordre silencieux de Thorïn, Kili décocha une flèche qui alla se planter dans la fourrure du warg qui tomba à la renverse par-dessus eux avec son cavalier. Tandis que la bête resta à terre l’orque quant à lui, épée levée se précipita sur eux avec un cri guttural. C’était la première fois qu’elle voyait cette espèce réputée cruelle et dotée d’intentions malsaines. Preuve en était là… Elle ne fut pas déçue, celui-ci était effrayant. Aussi hideux qu’impressionnant dans sa cuirasse de cuir et d’acier, son visage était en tout point disgracieux et sombre, comme touché par quelques ténèbres en ce monde.

 

    Ni une ni moins, apparu un Dwalin qui lui assena un douloureux coup de hache, suivi de près par Bifur et Thorïn qui l’imitèrent. L’orque dans sa mort laissa résonner une complainte irritante, alertant probablement au passage ses acolytes du mal. Il ne fallut que peu de temps pour soudain entendre l’affolement et les vociférations de l’ennemi qui au loin paraissait avoir changé de direction et maintenant cavalait en furie vers leur groupe.

 

-    « Courrez ! Scanda un Gandalf pressé. »

 

    Ce qu’ils firent de ce pas sans attendre leur reste, continuant de d’essouffler pour sauver leur âme. Amerys remarqua alors que le paysage changea un peu. Toujours aussi vallonné il était néanmoins maintenant parsemé de conifères d’un vert profond comme s’ils retrouvaient une terre de vie, un espoir, et quittaient ces plaines sauvages.

 

-    « Par ici ! cria Gandalf sûr de lui. »

 

    La jeune femme n’avait plus de force pour avancer, elle poussait son corps dans ses derniers retranchements et n’avait que pour seules ailes sa volonté de vivre. Elle entendait la présence des orcs tout près et se demanda s’ils arriveraient à en échapper dans ces terres perdues. C’est alors qu’ils apparurent soudain en chair et en os, leur faisant face de tous les côtés avec des rictus aussi horribles que leur compagnon décédé plus tôt.

 

 

    Thorïn en vrai chef de troupe scanda des ordres à ses neveux mais la jeune femme n’entendait rien car elle était tétanisée par ces êtres et tout autour lui devint flou. Toujours aux côtés de son protecteur la jeune femme recula toute tremblante face à l’ennemi. Elle percuta une pierre et trébucha maladroitement en arrière. Son dos percuta de plein fouet le sol dur et elle en eu le souffle coupé.

 

-    « Amerys ! s’exclama Fili décontenancé. »

 

    Il se précipita pour la relever mais Amerys dut attendre quelques secondes pour respirer de nouveau. Une fois que son souffle revint, elle se força à se remettre debout en poussant sur ses jambes frêles, tandis que Fili lui servait d’appui. Voyant les nains sauter entre la pierre et disparaitre comme par magie, la jeune femme crut avoir des hallucinations dues au choc mais lorsqu’elle et le jeune guerrier arrivèrent à leur tour, c’est ensemble qu’ils sautèrent à corps perdus dans une crevasse lisse et pentue. Glissant grossièrement sur le toboggan de pierre ils touchèrent le fond aux pieds des autres nains qui étaient debout et totalement indemnes.

 

    A bout de souffle et souffrant d’une douleur immense elle resta allongée et totalement inerte lorsqu’un cor retentit dans une mélodie d’espoir. Elle entendit des chevaux galopant et des bruits d’affrontement. Les serviteurs du mal au loin paraissaient fuir une soudaine attaque d’un nouvel ennemi fraichement arrivé, jusqu’à ce que l’un d’eux, touché par une flèche tombe dans leur refuge de pierre, juste face à elle. Amerys effrayée eut un mouvement de recul mais Dwalin dans toute sa force la souleva pour la remettre sur pieds, fort heureusement l’orque était bien mort et le silence s’incrusta de nouveau. La horde était partie et les plaines retrouvèrent leur calme habituel.

 

 -    « Les elfes ! cracha alors Thorïn qui avait arraché la flèche de la dépouille en examinant la pointe.

-    Je ne vois pas où mène ce passage, devons-nous le suivre ! lança un Dwalin plein d’énergie qui s’était avancé plus loin dans le couloir de roche.

-    Bien sûr que nous le suivons ! acquiesça Bofur qui lui emboîta le pas d’un air déterminé. »

 

    C’est sur cette note énergique que la compagnie suivi Dwalin à travers les couloirs étroits et sombres de la crevasse, tandis qu’Amerys restée en arrière du groupe se massait pour atténuer ses douleurs dorsales.

 

-    « Ca va aller pour vous ? demanda alors un Balïn attentif en posant une main réconfortante sur son épaule.

-    Oui Balïn, je vous remercie, j’ai juste fait une mauvaise chute. Mon corps en ressent encore le choc mais ça va passer.

-    Je n’en doute pas, faites plus attention à vous la prochaine fois Amerys. Je ne voudrais pas à creuser une tombe pour vous.

-    Cela va de soi… murmura la jeune demi-naine soudain consciente de ce qui aurait pu lui arriver. »

 

    Amerys sourit néanmoins pour rassurer le sage nain, il agrippa alors son bras de manière amicale et c’est ensemble qu’ils fermèrent la marche et avancèrent à tatillon entre le chemin de pierres sinueuses.

 

    Après un long cheminement, le passage s’élargit petit à petit et ils débouchèrent avec un soulagement non dissimulé dans une vallée où Amerys vit la plus belle chose qui lui ait été donné de voir dans toute sa pauvre vie...

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