Please notice me, Dedenne-sempaï!

Chapitre 10 : Chapitre 10 ou comment quelques individus peuvent te dégouter de l'espèce.

6137 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:28

« Cher Dedenne tout-puissant ;

Définitivement, même si certains humains sortent du lot par la pureté de leurs sentiments, je les déteste. Ce sont des créatures insupportables, bien inférieures au plus faible des pokémons. J'ai du mal à comprendre pourquoi ils dominent cette terre.

Gamine, je priais pour être comme eux, quelle ironie. »

 

Mon réveil n'a pas sonné. J'ai couru dans les escaliers du centre Pokemon, ais glissé sur le parquet qui venait d'être ciré, insulté tous les gamins qui se foutaient de ma gueule, fis un doigt à l'infirmière qui s'inquiétait de savoir comment j'allais. Mais avant de partir, je saluais respectueusement le Grodoudou qui balayait l'entrée.

« Passez une bonne journée. »

Il me rendit mon salut.

Pour changer, il faisait moche. Mais j'étais déjà trop à la ramasse pour me plaindre, j'ai vissé ma casquette sur ma tête, et c'était parti pour la cinquième arène.

Évidemment, j'avais une heure de retard par rapport au rendez-vous que j'avais fixé avec le champion, et une horde de gamins mêlés à des touristes massés autour de l'entrée.

Ok, Dedenne, j'ai compris.

« Permettez, j'ai rendez-vous avec le champion. » déclarais-je en toute modestie, la paire de lunettes de soleil sur le nez.

« OMG c'est Joël ! Le gars de la télé !

-Eh m'sieur je peux avoir un autographe ? »

La foule s'écarta en deux, et je pu traverser la horde sans répondre aux demandes du petit peuple. Je frissonnais de passer au milieu de ces effluves de transpiration et ne cessais de me répéter : Plus jamais, plus jamais, plus jamais je ne sors en ville après 9 heures du matin. JAMAIS.

 

* * *

 

L'arène en elle-même était loin d'être la plus impressionnante qu'il m'a été donner de voir. Par contre, son système de sélection m'irrita très rapidement. La foule compacte de l'entrée se retrouvait à chaque étage, j'ai plusieurs fois hésité à rebrousser chemin. Et si ce n'était que ça.

Trop facile de faire des combats avec une dizaine d'apprentis, pas assez Lumosien, fallait avoir sa touche d'extravagance et de ridicule. Un quiz. Retransmis à la télé. AVEC DU PUBLIC.

Et évidemment ma participation n'est pas passée inaperçu. Bah oui, le beau et terrible Joël avait fait la une la veille, et tout le monde avait déjà oublié que je faisais scandale il y a peut-être… Une semaine ? À peine ? Je voyais partout des écrans retransmettant ma face de beau gosse… Dans laquelle je ne me reconnaissais même pas. J'avais des cernes, les traits plus rude, la voix plus grave à force de jouer les gros durs, une coupe de cheveux bordéliques que je ne cachais même plus sous une casquette ou un bonnet, des vêtements crades. La jeune et jolie infirmière se prenant pour une magical girl, ayant pour grande fierté ses longs cheveux soyeux, n'était plus. Je ne savais pas vraiment qu’en penser.

À chaque étage, j'avais donc à répondre à une question théorique sur les pokémons. Les réponses étaient inscrites sur le prompteur face à moi, j'étais tenté de dire n'importe quoi pour les embêter, mais je voulais surtout en finir le plus rapidement possible. Et avant de vérifier ma réponse, un combat contre des personnalités locales (inconnues au bataillon). C'était horrible. Je me suis forcé à sourire tout du long, et dès que je me retrouvais seul dans l’ascenseur, je grognais le plus fort possible contre le champion qui m'obligeait à vivre ça.

Je me suis lâché quand il fut enfin face à moi. C'est le duo d’Alexandra et Abel qui s'en chargèrent. Ils eurent un peu de mal à comprendre ce que je voulais, je devais mimer des ordres pour la caméra, alors qu'ils avaient l'habitude de combattre en autonomie. C'était pas facile, la différence de niveau était à nouveau limite, et j'ai vraiment cru qu’Alexandra ne s'en sortirait pas. Puis elle sortit un objet d'une sorte de poche. Je n'en revenais pas, elle m'avait piqué des biscuits et s'en servait pour reprendre des forces pendant le combat. Et mine de rien, sa puissance en a été décuplée. Je dû me retenir de rire pendant le combat, mais rien ne put m'empêcher de me jeter dans ses bras à la fin du combat. Nous avions obtenu le badge Tension.

Dehors, j'ai couru pour m'esquiver de la foule, avec l'aide d’ Abel et Alexandra qui effrayèrent les gens. Dans l'euphorie, je ne voulais même pas les rentrer dans leur pokéball. Maintenant que j'étais une star, j'avais mes deux pokémons géants pour me servir de gardes du corps, et c'était vachement plus marrant comme ça.

Mais à Kalos, il faut croire que personne ne sait profiter des bons moments, ou que tout le monde s'est ligué pour que je n'apprenne pas à apprécier la pluie. Le holokit me rappelle à l'ordre : C'est Platane qui demande des nouvelles. J'ai poussé un cri d'exaspération, prête à jeter l'appareil dans une flaque avant de me rappeler que c'était déjà mon deuxième.

« Bonjour Platane.

Quel nom, quand on y pense. Salut Platane moi c'est Palmier, ça te branche une promenade à la forêt de Jade ?

- Joël, tu réponds enfin ! Rejoins-moi au café de Lysandre, il aimerait te voir. » Dit-il avant de raccrocher. Je risque d'avoir du mal à apprendre la politesse si personne ne dis bonjour dans ce foutu pays. Les rumeurs disaient vrai : Kalosiens, te traite comme un Ponchien.

J'ai eu encore plus envie de lui poser un lapin, j'ai pris la direction du coiffeur avant de réaliser à mi-chemin que Platane était en tête-à-tête avec un homme influent qui pourrait sûrement m'aider dans mon aventure, et qu'il connaît mon identité. En plus, je suis censé travailler sur son pokédex, et quelque chose me dit que ce n'est pas en limitant mes captures de pokémons à six à la fois n'est pas la meilleure manière de le remplir. Si ça se trouve, il en a peut-être parlé à machine l'actrice, et lui as demander de me mettre la pression l'autre jour.

 

Quoi qu'il en fût, je ne pouvais plus me défiler, et me rendais sans discuter dans le café, avec Millie sur l'épaule. Une nana en uniforme de la team Flare me bouscula à l'entrée sans s'excuser. Qu'est-ce qu'elle pouvait foutre en service, dans un café de la capitale ?

 

À peine arrivais-je que j'entendais des cris de l'intérieur. C'était une voix féminine, familière, mais que je n'avais pas entendu depuis longtemps. Quand j'ai vu la jeune brune à la queue-de-cheval, l'appareil photo au cou, je me souvins immédiatement d’Alexia. Elle était en train de péter un plomb à l'encontre du professeur, pour une affaire qui avait l'air personnel. Lysandre, accoudé à la table de café, semblait savourer la scène.

« J'en peux plus ! C'est pas possible ! Ça fait des semaines, DES SEMAINES que tu ne me parles QUE de ça ! Et puis tes potes merde, tu l'as bien regardé ?! Monsieur traîne avec de grands scientifiques, oh monsieur est un grand professeur qui sait y faire avec les jeunes ! T'en es content de ton petit Joël à la con ! Tu diras bravo à ton héros, moi, je me casse. »

 

Elle sortit, très énervée et ne me vit même pas en sortant. Le professeur n'avait pas l'air plus perturbé que cela. Il soupira et en me voyant, me dit un signe.

 

« Joël ! Entres, entres, je t'en prie ! »

 

J'ai hésité un instant, mais je savais qu’Alexia était tarée, il n'y avait sûrement pas à s'en soucier.

Le café est assez différent des autres que j'avais pu voir en ville. Tout le mobilier était rouge, les fenêtres absentes, c'était très étrange. Je ne me sentais pas très à l'aise, et Millie non plus. Le grand homme roux assit en face de Platane en imposait, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Il me pria de m'asseoir face à lui.

« Bonjour Joël, je suis très heureux de pouvoir avoir de tes nouvelles. Comment avancent tes recherches sur les méga-évolutions ? Le professeur m'a dit que tu as pu obtenir le méga-bracelet de Yantreizh, quel honneur !

 

-Euh… Oui, oui, bien sûr.

 

-Pourrais-tu me le montrer ? Je ne pensais pas sincèrement que ce vieillard de Cornélius le donnerait à quelqu'un d'autres que sa petite fille, ou un autre de ses disciples. C'est une véritable antiquité, des milliers d'années paraît-il. Une vraie secte ces gens-là, je vous jure. »

 

Platane me souriait, curieux de voir le bracelet, lui aussi. Je lui avais dit que je ne maîtrisais pas les méga-évolution, pas que j'avais refusé la relique. Je commençais à sentir des sueurs froides. C'était une faute grave, moi ou un de mes compères devaient le prendre pour les recherches que nous sommes censés mener, et je suis le seul à avoir battu Cornélia.

 

« Eh bien, ahah, vous allez rire… J'ai laissé mes affaires au centre pokémon, je pensais passer le week-end en ville... »

Il y eut un silence. Lysandre me lança un regard circonspect, visiblement peu convaincu par mon mensonge. Le centre pokémon était à une rue de là, je pourrais aisément aller le chercher s’il insistait…« Au fait, Platane, tu as vu le reportage l'autre soir, à propos de la Team Flare... »

 

Je soupirais de soulagement. J'avais bien un dieu au ciel.

 

Lysandre finit par partir après une bonne heure, il avait à faire. J'ai tout de même pu en apprendre un peu sur cet homme étrange à l'apparence de leader dont je ne savais pas trop s'il était ingénieur ou barman, pour avoir autant de popularité et un café à son nom. Il serait de lignée royale. Je ne savais même pas qu'il y avait eu une monarchie à Kalos, encore moins que l'aristocratie gardait une importance aujourd'hui. Et il semblait avoir des idées politiques assez extrêmes, mais j'ai arrêté de suivre à ce moment-là. Platane, faut croire que ça le faisait marrer, parce qu'il a passé les cinq minutes suivants son départ à commenter à quel point il aimait la fougue, la passion de cet homme. Taré, mais c'est pas nouveau.

 

« Bon et bien merci d'être venue, Joëlle, ma mignonne. 

-Quoi ?! Mais m'appelez pas comme ça !!

-Roh c'est bon, on est entre nous. »

 

T'es sérieux professeur à la con. Déjà que tu menaces mon aventure en déclarant ça comme ça au milieu d'un café, et tu en rajoutes avec une belle couche de sexisme. Et t'es censé t'occuper de gosses ? Tu dirais un truc aussi infantilisant et rabaissant à un mec ??

 

« Bonne chance pour la suite, et prends du bon temps avec tes pokémons !

-C'est ça. »

 

Et à jamais, Platane de mes deux. Non mais sérieux.

 

* * *

 

Je suis ressorti du café très remonté, mon holokit sonnait encore, et j'ai hurlé en décrochant :

 

« QUOI ?!

-Ah ! Pardon Joël ! Je ne voulais pas te déranger ! Je suis sincèrement désolé ! »

 

Je regardais l'écran. C'était Trovato. Je me suis calmé immédiatement. Je ne voulais pas m'énerver contre lui, il avait eu un comportement exemplaire depuis le début du voyage. Il n'a pas l'air de m'admirer à outrance, ni de me détester, il fait ses affaires et je faisais les miennes. Si bien que je n'avais jamais pensé que cette distance me faisait ressentir un certain respect pour ce personnage. Et s’il m'appelait ça devait être pour quelque chose d'important.

 

« Oh, pardon Trovato. C'est moi qui m'excuse, je ne me suis pas levé du bon pied. Tu voulais me dire quelque chose ?

- Ah, ce n'est rien. Oui, on va se retrouver tous ensembles à la sortie de la route 14, je ne voulais pas que tu te retrouves seul.

- D'accord, merci.

- Tu viendras ?

- Je ne sais pas, mais c'est sympa de m'avoir prévenu. »

 

Je m'apprêtais à raccrocher, mais il s'était tu. Trovato boudait.

 

« Trovato ?

- Je ne penses pas que tu devrais t'isoler. Certains d’entre nous t'aimons beaucoup.

-Et d'autres me détestent. »

 

Il y eu un nouveau silence.

« Je ne penses pas » répondit-il. « Crois-moi, tu devrais venir. S'il-te-plaît. »

 

Et un nouveau silence. Il n'était pas du genre à raccrocher pour avoir le dernier mot.

« Bon. » dis-je avant de raccrocher.

Pour lui, je veux bien essayer.

 

* * *

 

Je me rendais au point de rendez-vous, arborant une nouvelle coupe de cheveux branché, rasée sur un côté. J'aimais bien le fait que ça me donne un air un peu plus féminin. Maintenant que tout le monde me connaissait au masculin, quoi que je fasses, personnes ne douteras plus de mon identité. Du moins tant qu'on ne les met pas sur la piste. Et que les travestis sont aussi connus chez eux que chez moi : des caricatures qu'on voit à la télé et qu'on n’imagines pas rencontrer en vrai.

 

Trovato était avec Serena. Elle avait coupé ses cheveux, elle aussi, très court par rapport à avant. Ça m'a un peu choqué de la voir arriver avec un carré, je savais à quel point ça pouvait être une victoire pour une fille, de longs cheveux dorés. Elle comparait son pokédex avec Trovato, qui semblait tout heureux d'être de loin en avance sur nous tous.

« Oh Joël ! Viens, viens, on va comparer nos pokédexs !

-Oh non, je ne suis pas très doué avec ça…

-Tu rigoles, tu es le plus fort d’entre nous ! » s'enthousiasmait-il. « Montre ! Montre ! »

 

Devant tant de joie inhabituelles venant de lui, je lui tendais mon pokédex, qui arborais le chiffre ridicule de 13. Ça m'a fait un pincement au cœur de revoir ceux qui étaient partis parmi les autres : Dedenne, Aspicot, Cheniselle, Flébébé, Carapuce, Fouinette, Couafarel, Ronflex, Sepiatop, Dragmara, Cryptero, Hariyama, Lokhlass. Trovato était très surpris.

 

« Mais comment est-ce possible… Ils ne sont même pas rares pour la plupart. 

-Disons que je suis trop mauvais dresseur pour en capturer beaucoup plus.

-Tu choisis seulement les meilleurs ?

-Même pas. »

 

Il était perplexe. Je me souvenais qu'il avait assisté à la mort de Fabulette, et que je n'avais jamais expliqué à lui, ou Tierno, ma réaction.

 

« C'est une longue histoire. Mais si tu y tiens... »

 

Je me suis confié à Trovato, tout en sachant que Serena écoutait silencieusement, tendant l'oreille depuis la balançoire. Il était très surpris de ce que je lui racontais. Lui qui avait eu des explications précises sur le fonctionnement des pokéball durant sa scolarité de dresseur n'avait jamais entendu parler d'une chose pareille, et voulait que j'aille en parler à Platane ou n'importe quel autre scientifique. J'ai refusé, prétextant quelques manques de temps ou que sais-je d'autres. Dans les faits, j'étais persuadé que c'était le fait de Dedenne le grand. Il essayait de me faire adopter certaines attitudes envers les pokémons, et je commençais à comprendre la démarche. Maintenant que je sais que mes pokémons peuvent mourir à tous moment, je ne peux pas les faire cruellement combattre jusqu'à la mort, sous prétexte que je peux les maintenir en vie et les ressusciter ensuite. Aussi, je ne sélectionne pas mes créatures, ce serait absurde. Toutes, quasiment, sont venues à moi. Je me souvenais encore de Quetzalcoatl qui me suivait jusqu'à ce que je l'accepte, Charlotte qui est tombée sur ma tête, et ce Lucario que j'ai refusé, mais qui voulait me suivre. La protection du dieu pokémon, ou le fait que je sois une infirmière Joëlle, une espèce plus proche de la leur, les fait venir à moi. Et je sais qu'ils comprennent les risques. Ils m'ont choisie. Au final, ça donne une drôle d'équipe. Des grands, des petits, et franchement pas les plus mignons de la région. La plupart sont même carrément moches, et gauches. Et pourtant qui serais-je pour juger ceux qui ont choisis de risquer leur vie au service de ma quête ?

 

Serena s'est relevée de sa balançoire, s'est avancée rapidement vers moi.

 

« Serena, je ne veux pas te combattre aujourd'hui. »

 

Elle s'est figée.

 

« Comment ça ?

-Ça ne servira à rien. Et tu le sais. Tu ne pourras pas me battre tant que tu gardes cette mentalité. Quoi que tu essaies de prouver en coupant tes cheveux.

-Joël, je me suis entraînée tu ne peux pas…

-Si, je peux. » Affirmais-je.

 

Je jetais un œil à ses pieds. Un pokémon était caché derrière elle. C'était un Mistigrix, il était mignon comme tout, mais très affaibli. Je voyais qu'il avait des sortes de spasmes. Je connaissais ce genre de symptômes, quand j'avais étudié les effets de l'utilisation abusive d'objets dresseurs sur les pokémons.

 

« Serena, regarde-le. Tu penses que c'est un pokémon en état de combattre ? »

Elle regarda son pokémon. Lui aussi, se redressa du mieux qu'il pouvait, essayais de contenir ses tremblements pour lui faire face. Prise d'un doute, elle jeta un œil à son pokédex.

« Oui, ses points de vie sont au maximum.

-Les points de vie affichés sur le pokédex ne sont pas une source fiable sur son état de santé, tu devrais le savoir. S’il est blessé, les objets dresseurs que tu trouves en boutique lui feront oublier la douleur et lui permettra de continuer à combattre, mais ce n'est pas guéri pour autant. Il n'y a qu'en allant au centre pokémon régulièrement ou en utilisant des herbes médicales en magasin spécialisés que tu pourras préserver la santé de tes pokémons. »

 

Pour une fois que ces cours servent à quelque chose.

 

Serena me fusilla du regard et rentra son pokémon dans sa pokéball, sans lui adresser un mot. Visiblement, elle avait honte de lui.

 

De la ville arrivèrent Tierno et Sannah. Si cette dernière était ravie de me voir, je faisais en sorte d'éviter de croiser le regard du jeune homme et laissais la jeune fille toute guillerette me prendre dans ses bras. Je regardais Serena. À l'arrivée de Tierno, elle a pâli, et s'est dirigée vers la ville, bredouillant qu'elle allait faire soigner son pokémon. Ce qui était une bonne chose, mais je me doutais que ce n'était pas ça qui l'avait fait partir.

 

Le tableau était assez singulier. Sannah était toute contente que l'on soit tous réunis, voulait aller à une maison hantée, énième lieu touristique du coin, alors que Tierno tirait la tronche, je faisais de même et Trovato avait l'air de s'en foutre royalement, calculant des trucs sur la calculatrice de son holokit.

On s'est mis en route malgré tout. J'avais un peu de mal à comprendre les humains, mais il semblait que tout le monde appréciait Sannah à sa manière et voulait lui faire plaisir, même si ça ne se reflétait pas vraiment sur leurs visages.La forêt commençait à s'assombrir, les chemins étaient étroits et boueux, nous avons dû faire deux petits groupes. Sannah accrochée à mon bras et le duo des garçon en face de nous.

 

« Joël, ça va ?

-Oui oui, ça va. »

 

Je devais faire une tête bizarre. Ce n'était pas digne d'un gentleman voyons, surtout avec une jolie fille dans ses bras. Surtout pas d'un gentleman… Gay, si on s'en réfère aux clichés. Je reportais mon attention sur la petite à mes côtés. Elle était toute mimi, et était, elle aussi, passée chez le coiffeur se faire quelques tresses.

« Et toi, Sannah, ça va ? Comment avance ton aventure ? »

 

Elle semblait surprise que je m'intéresse à elle. Son pas ralentit, et elle baissa les yeux pour me répondre :

« Mon aventure ? Pas des masses. Je ne suis même pas sûre d'avoir un réel objectif en voyageant avec vous...

-Tu ne pars pas à la chasse aux badges ? Ou aux pokémons rares ?

-Oh non, je suis bien trop nulle pour faire tout ça. Tu sais, j'ai redoublé à l'école des dresseurs, plusieurs fois. J'étais tellement nulle qu'à ma cinquième année on ne m'avait toujours pas confié un pokémon ahahah... 

-Attends, les professeurs ne te donnaient pas de pokémons ? »

 

J'étais sidérée. Déjà que je trouvais ma mère nulle en tant que prof, il y avait donc pire. Mais c'est quoi le système d'éducation de Kalos ? Elle me regarda avec étonnement.

« Ben non, je n'aurais pas su m'en occuper, je n'y connais rien aux types et…

-C'est tes profs qui t'ont dit ça ?

-Ben non… Enfin… Si, un peu…

-Sannah, montres-moi tes pokémons. »

 

Sans trop comprendre, elle sortit de leur pokéball ses deux pokémons, un Blindépique, évolution du Marisson qu'elle avait obtenue au départ, et un ravissant Delcatty, que Millie se fit une joie de saluer. Ils se mirent à jouer gentiment tous les trois ensembles, poussant de joyeux glapissements.

« Et bien ? Ils sont en parfaite santé tes pokémons, et semblent heureux ! Je ne vois pas en quoi tu ferais une mauvaise dresseuse.

-Oui mais c'est parce qu'ils sont particulièrement faciles à vivre et ils ne sont que deux et…

-Mais Sannah, ils ont évolués tout les deux ! Ça atteste bien du travail que tu as apporté à leur entraînement, et peu de dresseurs sont capables de rendre leurs pokémons vraiment heureux ! Mais regarde-les ! »

 

Sannah était très surprise parce que je lui disais, regardais tour à tour moi et ses pokémons, circonspecte. Je n'en revenais pas. Elle avait tellement eu l'habitude d'être rabaissée qu'elle a totalement intériorisé les reproches qu'on lui faisait. Pas étonnant qu'elle manque de confiance en elle et qu'elle cherche à se raccrocher à des garçons.

 

« Je… J'imagine que tu as raison. »

 

* * *

 

On est arrivé à la maison hantée à la nuit tombée, et nous étions les seuls touristes présents. J’espérais que ce soit fermé, mais non, je dus attendre les trois gusses dehors en attendant qu'ils finissent. Quelques dresseurs sont venus me défier après m'avoir reconnu, certains contre d'assez hautes sommes d'argent. Ça m'embêtait que mon nom soit connu de tous mais ça avait au moins l'avantage de m'éviter de courir partout pour entraîner ma bande. Le pokédex a sonner après le premier combat, Millie avait atteint le niveau 50. Et je me doutais que certains comme Quetzalcoatl (qui étrangement évolue bien plus vite que les autres) n'allaient pas tarder à la rattraper, mais pas sûr que ce chiffre informatique ait grande importance.

Finalement, je n'eus pas à attendre trop longtemps. Au bout de quelque vingt minutes, la porte claqua et je vis Tierno s'enfuir à toute jambe dans la forêt, sans comprendre. Il était suivi de Sannah et Trovato. Ce dernier était paniqué, et pas vraiment par le spectacle qu'ils venaient de voir.

 

« Tierno a peur du noir, il va se perdre ! Ou pire, tomber dans un marais ! Joël, je t'en prie, rattrape-le !

-Oh non les gars, pas moi… » Sannah insista, elle aussi avait peur pour son ami.

« Joël, tu es le seul à pouvoir nous ramener Titi ! »

 

Titi ?

 

Je soupirais, et partais en courant sans un mot. Si il est peureux, quelle idée de s'enfoncer dans la forêt, en pleine nuit, tout ça à cause d'un animateur a la con qui as dû jouer aux zombies dans un attrape-touriste.

J'ai couru comme je le pouvais, aider par Louane dans les passages trop boueux, mais la forêt était bien plus profonde que je ne le pensais. J'ai bien cru que je ne retrouverais plus… Titi. Qu'il avait fini par trouver la sortie et que je m'étais perdu pour rien.

J'ai senti quelque chose de très lourd et volumineux s'accrocher à moi. J'ai poussé un petit cri aigu, et la chose tomba au sol, pétrifiée. Millie sur mon épaule lança un flash, pour que je puisse voir ce qu'il se passait. C'était Tierno qui était tombé à genoux, terrifié par mon cri.

 

« Eh mec, calme-toi, c'est moi. Je suis venu te chercher. »

 

Il n'a rien répondu, m'a regarder dans le blanc des yeux, réellement effrayé. Je n'aurais pas cru ça de lui.

Au bout de quelques minutes, je soupirais. Je n'arriverais pas à le faire bouger dans l'immédiat. L'endroit était à peu près sec pour faire un campement. J'ai sorti Alexandra de sa pokéball pour qu'elle aille chercher du bois, que Millie enflama en un éclair. On y voyait déjà mieux. Je sortis également Abel, qui dormais déjà. Son ventre faisait un oreiller assez moelleux auquel je m'adossais, en profitant du feu. Je lançais un regard à Tierno, qui regardait Alexandra, assez fasciné.

 

« Bah alors. Assieds-toi. »

 

Il n'a pas répondu, s'est assis à côté de moi. Il semblait satisfait du confort. Je souriais. C'était la deuxième fois que je campais avec mes pokémons, et c'était loin d'être désagréable. Et puis, même s’il me détestait, j'étais avec Tierno.

J'ai sortis de mon sac trois paquets de lavacookie, un pour Abel, un pour Alexandra, et un pour Tierno, Millie et moi. Je riais en voyant Millie en prendre un faisant quasiment sa taille, le ranger dans ses énormes bajoues, et partir le manger plus loin.

 

« C'est vrai que tu ne nous aimes pas ? »

 

Mon cœur rata un battement. Je me tournais vers Tierno qui m'adressait un regard dur. Je ne vois même plus de quoi il parle précisément, j'ai du dire souvent du mal de mes compères, mais jamais de lui. Quelque peu acerbe, je lui demandais à mon tour :

 

« Et toi, t'as volé la pierre du vieux Cornélius pour me l'offrir ? T'as pas honte ?

-Je l'ai trouvé par terre, et elle m'a fait penser à tes yeux. »

 

Je me tus instantanément. Après tout, il semblait carrément sénile le vieux, il avait tout à fait pu se tromper ou perdre sa pierre à la con sans faire exprès. J'ai détourné les yeux de Tierno, vexé. Millie est revenue vers moi, curieuse de savoir pourquoi j'étais toute rouge. Je ne voulais pas bouger, pour lui montrer que j'étais fâchée, mais la petite Dedenne grimpa jusqu'à mon épaule pour tapoter ma joue. Je ne fis toujours rien, alors elle sortit de sa bouche un bout de gâteau pour me le tendre, en signe d'affection. Dégueu.

 

« Millie, casse-toi. »

 

Vexée, la petite me donna une châtaigne en frottant sa joue contre mon genou en descendant.

Petite peste.

 

Je savais plus quoi dire.

« T'es fâché avec Serena ? » lui demandais-je sans me retourner. Je l'entendis me répondre :

« Elle dit constamment du mal de toi. Ça ne me plaît pas. 

-Tu sais que tu n'as pas besoin de me défendre ou de me vénérer ? Je suis une… Un gars comme les autres.

-Je sais. »

 

Je le regardais dans les yeux. J'ai failli me trahir, l'aurait-il remarqué ?

Je pourrais lui en parler. À lui, rien qu'à lui. C'est dur de garder tout secret comme ça. C'est dur pour moi, j'ai le droit d'avoir un soutien, un allié. Je devrais lui dire. Je devrais lui dire, même si ça menace ma promesse au grand Dedenne. Même si une infirmière Joëlle ne peut pas prétendre à des droits humains.

 

« Tierno, pourquoi tu fais ça pour moi ? Qu'est-ce que j'ai de particulier ?

-Parce que je te comprends. Et je veux que tu saches que je suis là pour toi. »

 

Non, Tierno, tu ne peux pas comprendre. Tu ne sais pas la chance que tu as d'être humain. Et d'être un homme.

 

J'ai souris, j'ai rougis et j'ai même ri un peu, timidement, sans le lâcher des yeux. Le feu brûlait devant nous, mais il aurait pu brûler en moi que ça n'aurait pas changer grand-chose.

J'ai sorti de la poche avant de mon sac la pierre qu'il m'avait donner à Yantreizh, seul objet que j'avais garder de cette ville. Je fis un montage sophistiqué avec une ficelle, et arrivais enfin à l'attacher autour de mon cou, en collier.

 

« Merci Titi, j'y penserais. »

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