Sous l'océan
Disclaimer : L'histoire et les personnages de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada.
Auteur : Iris-Ardell
Sous l'océan
Chapitre quatre : Cœur de glace
Lorsque j'étais enfant, je croyais dur comme fer que devenir Chevalier d'Athéna ferait de moi une personne invincible, tant capable de châtier les criminels que de protéger ceux qui ne pouvaient pas se défendre. En cela, la légende du Kraken répondait parfaitement à mes attentes. Ce monstre marin coulait les navires qui transportaient la lie de l'humanité, et seulement eux. Ceux qui conduisaient les innocents n'avaient rien à craindre.
Tout naturellement, le Kraken devint mon animal fétiche, j'aurais tellement aimé le voir en vrai ! Ce fut pour me montrer digne de cet animal fabuleux que je m'entraînais sans relâche dans le froid glacial de Sibérie, auprès de mon maître, Camus. Jusqu'à ce qu'un nouveau disciple vienne nous rejoindre. Il s'appelait Hyôga. Contrairement à ceux qui l'avaient précédé, il ne s'enfuit pas au bout de quelques jours, ou mois. Au contraire, tout comme moi, il se donnait à cœur perdu dans l'entraînement. Avec lui j'avais un rival pour l'obtention de la Cloth de Bronze du Cygne.
Cloth que je ne devais jamais porter.
Il y eut cette querelle entre nous. Ah !... Hyôga, Hyôga... comment pouvais-tu prononcer de telles absurdités ? Vouloir devenir Saint uniquement pour pouvoir aller voir ta mère au fond des abysses ! Ton désir de progresser était donc esclave de tes sentiments, sentiments qui n'avaient rien à faire chez un chevalier, un combattant !
Plus tard, alors que Hyôga avait enfin réussi à retrouver sa mère et que je l'avais suivi pour lui prêter assistance — les courants marins étaient traîtres à cet endroit, nous fûmes emportés par le mouvement puissant de la mer. Blessé à l'œil par un pic de glace, je réussis néanmoins à projeter Hyôga à la surface... avant d'être entraîné vers le fond.
Était-ce une hallucination due au manque d'oxygène ? Toujours est-il que je le vis, lui, le monstre magnifique de ma légende favorite. Le grand et puissant Kraken. Il était là pour moi, pour m'aider, pour me sauver... Et tout devint noir.
Je me réveillais quelques minutes ou heures plus tard, dans un environnement à couper le souffle. Au-dessus de moi, un ciel étrange, scintillant d'or par endroits et mouvant comme... comme la surface de la mer ! Des formes passaient dans ce ciel et je reconnus des raies mantas ainsi qu'un requin...
Cet endroit, c'était donc... le fond de l'océan ! J'ignorais qu'un tel lieu pouvait exister.
Un gigantesque temple se dressait non loin et j'y entrai. À l'intérieur, je découvris une salle où étaient installés des totems, sept en tout. Je m'approchais de l'un d'eux, tendis la main lorsque...
— Ainsi, tu as été épargné par Sa Majesté Poséidon...
Je me retournai : un homme habillé d'une protection dorée se tenait en face de moi. Il se présenta comme étant le Dragon des Mers, gardien de l'Océan Atlantique Nord. L'assurance qu'il affichait était comme une carte de visite sur laquelle aurait été écrit "je suis le seigneur de ces lieux". Il m'expliqua que les totem étaient en fait des Scales, les protections des Marinas, lesquels étaient au service de Poséidon.
Poséidon... L'ennemi d'Athéna...
En même temps qu'avait-elle fait pour moi, cette déesse ? Et qui m'avait sauvé de la noyade ? Le Kraken, bien sûr, cependant c'était grâce à l'empereur des mers que j'avais été autorisé à me réveiller ici. Lorsque j'appris au Dragon des Mers que j'étais un apprenti Chevalier, il eut un étrange sourire et déclara : « Ici, tu es sur le territoire du dieu des mers. Il permet ta présence ici alors, je serais toi, je réfléchirai à mon allégeance... ». Puis il disparut.
Plus tard, je fis la connaissance de Thétis, laquelle était chargée de renseigner le Dragon des Mers de ce qui se passait à la surface.
N'ayant aucun moyen de retourner là d'où je venais, je pris mon mal en patience et demeurais sur place. Si j'avais trouvé cet endroit magnifique à mon arrivée, plus le temps passait et plus j'en venais à l'apprécier. Bien sûr, je continuais à m'entraîner. Jusqu'au jour où...
Jusqu'au jour où Thétis nous apprit la guerre fratricide qui venait d'avoir lieu au Sanctuaire d'Athéna. Ainsi, le camp de ma déesse était gangrené par la traîtrise et par les luttes intestines... Et elle, que faisait-elle pour y remédier ? Peut-être Athéna n'était-elle pas la déesse que je désirais servir... Il me fallait un dieu fort, qui sache prendre les décisions, qui ne s'embarrassait pas de sentiments. Les Saints ! Un beau ramassis de bras-cassés, tout juste bons à se battre entre eux !
J'avais un choix à faire. Quoique... peut-être était-il fait depuis longtemps ?
Je retournai dans la salle aux Scales. J'avais remarqué l'une d'elles la première fois, celle du Kraken. Kraken ! Oh comme cela me parlait ! Ce totem, il m'appelait, j'avais l'impression de l'entendre crier mon nom. Mon sang se mit à bouillir dans mes veines, j'avais chaud, comme pris de fièvre. Je posai la main sur la Scale et aussitôt l'évidence se fit jour en moi. Le Kraken, c'était moi. Terminé l'apprenti Chevalier ! Athéna n'existait plus. Désormais seul comptait l'empereur des mers.
Une fois revêtu de ma protection, je croisai le Dragon des Mers, lequel eut à nouveau cet étrange sourire.
— Je savais que, si Poséidon t'avait sauvé, ce n'était pas pour rien, dit-il. A présent, tu fais partie des sept Généraux des Mers, chargés de la protection du dieu des océans. Ton rôle principal sera de protéger un des sept piliers qui soutiennent les sept mers.
La protection d'un pilier, hein ? Mais lequel ? L'évidence se fit jour ; celui de l'Arctique bien sûr ! Quoi de plus naturel après mon entraînement dans le froid polaire de Sibérie ?
Le Dragon des Mers m'apprit à ce moment-là que les autres Généraux arriveraient bientôt ; certainement leur destin les appellerait, les poussant à nous rejoindre. Poséidon était en effet prêt à se réveiller et donc à commencer la conquête du monde.
Lorsqu'il déclara que l'humanité devait périr pour mieux renaître, je fus d'abord choqué. Comment pouvait-on envisager la mort de millions de gens ? Puis je pensais à la guerre fratricide qui avait frappé la chevalerie d'Athéna. Si un lieu saint comme le Sanctuaire s'était révélé gâté de l'intérieur, comment espérer qu'il en aille différemment ailleurs, chez les humains ordinaires ? Les Saints étaient des modèles, du moins ils étaient censés en être. S'ils étaient pourris, que dire alors des autres, qui n'avaient pas à observer le même code de conduite ? Si l'élite partait en déliquescence...
Qu'aurait fait le Kraken ? Il aurait épargné les navires transportant des innocents. Mais qui était innocent parmi les hommes ? Il fallait se rendre à l'évidence, le monde d'aujourd'hui était rongé par le mal. Il fallait agir, vite. Poséidon allait agir. De toute façon, si innocents il y avait, les dieux les protégeraient, n'est-ce pas ? Comme le disait le Dragon des Mers, nous allions détruire la terre dans le but de la faire renaître. Et elle renaîtrait de ses cendres, encore plus belle ! Ce serait un monde nouveau !
Minute... ce Dragon des Mers, il était là bien avant moi, or il venait de me dire que les Généraux se réveilleraient bientôt. Moi-même, je venais à peine de prendre conscience de ma nouvelle identité. Pourquoi aurait-il été appelé avant nous ? À ma question, il répondit simplement qu'il fallait bien quelqu'un pour garder le royaume sous-marin. Tiens, j'aurais cru qu'il s'agissait là de l'un des rôles de Thétis... Mais surtout, pourquoi le Dragon des Mers comme gardien ? Pourquoi pas... le Cheval des Mers, ou encore Scylla ?
Et puis ce Dragon des Mers, cette façon qu'il avait de tout diriger... L'impression que j'avais eue en le voyant pour la première fois se vérifiait : cet homme était un leader. Cela signifiait-il qu'il faille lui obéir ? Mais désormais, moi je n'obéissais qu'à Poséidon !
Les autres Marinas arrivèrent, l'un après l'autre. Chacun prit position auprès de son pilier. Nous n'attendions plus que nos adversaires.
Quant à moi, je ne parvenait pas à m'ôter de la tête toutes ces interrogations concernant celui qui se conduisait comme notre chef. Alors que je me trouvais au palais de Poséidon, j'entendis un rire. Aussitôt je me cachai et écoutai...
— … et ainsi ce sera bien un Gémeau qui réussira là où tu as échoué, Sa...
Gémeau ? J'en étais sûr ! Ce Dragon des Mers était donc en fait un ancien Chevalier !
Je me montrai, l'œil sévère. Interrompu, l'homme se reprit très vite. Je remarquai que, juste avant mon arrivée, il se tenait face à un miroir.
— Il n'y a que les Saints d'Athéna pour se désigner ainsi par leur signe astrologique, attaquai-je.
— Et alors, répliqua-t-il avec un sourire sarcastique. Toi-même tu as suivi un entraînement de Chevalier, et tu es ici et maintenant, avec une Scale sur le dos ! Écoute, toi et moi, nous ne serons jamais des Saints, nous avons choisi notre destin. Toi en tant que Général du Kraken, moi en tant que Dragon des Mers. L'important c'est notre mission, servir notre empereur et protéger nos océans respectifs.
Il n'avait pas tort, comment pouvais-je le blâmer et le traiter de traître alors que j'avais suivi la même voie ? Cependant...
— Poséidon n'est pas encore éveillé. Et tu prépares la guerre, avant d'en avoir reçu l'ordre ? Comment notre dieu pourrait-il décider quelque chose avant son réveil ?
Cette fois, il serra le poing droit, signe que je l'avais contrarié.
— L'important n'est-il pas ce projet que nous avons ? argumenta-t-il. Pense à toutes les turpitudes dont les hommes se rendent coupables, leur façon de polluer les mers et la terre ! Pense au Kraken, Isaak. Lui il n'aurait pas hésité à faire ce qui doit être fait.
Là, il n'avait pas tort... Et il continua :
— Lorsque nous aurons vaincu les Chevaliers d'Athéna, il sera toujours temps de laisser Poséidon diriger le monde... quand il sera enfin éveillé. Tout cela, nous le faisons pour lui. Pour lui assurer un plus grand empire ! Alors, quelle importance que je prenne la tête des opérations sans être un Marina pure souche ? Bat-toi à mes... à nos côtés, Isaak !
En clair, monsieur s'apprêtait à manipuler notre dieu... D'un autre côté, si c'était pour assurer un monde nouveau à Poséidon où il pourrait régner, quelle importance que le début de la bataille soit organisée par l'un de ses Généraux ? Le résultat final serait le même.
— Soit... mais j'espère pour toi que l'empereur des mers sera au final le seul maître ! En attendant, j'irai au combat que tu vas déclencher, parce que je crois en un monde nouveau et débarrassé de sa gangrène !
Je le quittai alors, pour aller prendre ma place auprès du pilier de l'Arctique.
Lorsque j'appris qui participait aussi au combat, un peu plus tard, je cachai ma surprise.
Hyôga !
Voyons voir ce que tu avais appris. J'étais décidé à ne te faire aucun cadeau sous prétexte que nous nous étions entraînés ensemble jadis.
J'avais choisi mon camp. Et je me battrai jusqu'au bout pour mes nouveaux idéaux.