The runabout intruder

Chapitre 4 : De la validité du Test

2149 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/07/2019 17:07

Avant d'avoir eu le temps de dire ouf, il se retrouva allongé au sol, elle pressant de tout son poids sur ses poumons avec un de ses genoux pointus et décidément redoutables, et bloquant ses épaules à deux mains pour l'empêcher de se redresser avec une surprenante efficacité.

— Que. Voulez-vous. LIEUTENANT ?! redemanda-t-elle d'un ton cette fois nettement plus autoritaire, et menaçant.

Il haleta un peu sous la douleur et se maudit encore d'hésiter à frapper une femme aussi fallacieusement petite et délicate.

— Une cage thoracique en état de marche à la sortie… C'est encore possible ?

Son visage était à quelques centimètres du sien, si proches qu'ils respiraient quasiment le même air glacial qui condensait une légère buée… Si proches qu'il commençait à en être troublé, alors que c'était tout sauf le bon moment pour ça... Que quelqu'un ait pitié de lui !

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Même après qu'elle se soit relevée d'un mouvement plein de grâce féline pour s'adosser au mur près du poste de pilotage, le jeune homme resta un instant allongé par terre, les bras en croix, à respirer amplement en essayant de se remettre de cet assaut. Elle allait se dire qu'il en rajoutait un peu et qu'il était certainement trop douillet quand elle l'entendit déclarer d'un ton où pointait la bouderie :

— Il faut vraiment que vous arrêtiez de me coller votre genou partout où ça fait mal, vous savez…

Il tentant de se rasseoir en se tâtant prudemment les côtes pour voir si le compte y était.

— Je ne suis pas votre ennemi ! Et si je voulais que vous me parliez de ce qui est arrivé aux Étoiles Binaires, ce n'est pas pour vous faire revivre de mauvais souvenirs. C'est tout autre chose, c'est parce que je veux devenir... capitaine.

Il avait lâché le mot, conscient de l'arrogance sous-jacente à son propos. Enfant, il trouvait naturel de le dire, comme on veut être le héros d'une série d'aventures. Il n'y avait rien de mal à avoir des modèles inspirants et prestigieux comme Jonathan Archer...

Comme elle était intimidante, et qu'il n'avait pas de chance avec elle, il mit un temps à lever les yeux mais constata alors qu'elle regardait ailleurs. Pourtant le mot avait fait naître un léger rictus.

— ...et parce que, contrairement à ce que la légende raconte, je crois en la validité du test du Kobayashi Maru.

Cette fois, il eut toute son attention. Elle cessa de l'ignorer et tourna alors lentement la tête vers lui en étrécissant ses belles paupières oblongues.

— Pourquoi parlez-vous de cela ?

— Ce qui est arrivé là-bas, c'était le vôtre, grandeur nature, vous ne croyez pas ?...

Il ne finit pas sa phrase car elle le dévisageait à distance avec une expression de surprise très différente de tous les regards hautains ou ennuyés qu'elle avait daignés lui accorder jusque-là. Cela prouvait qu'elle l'écoutait. Il se remit debout, campé sur une jambe en n'osant plus la défier davantage, attendant qu'elle comprenne, qu'elle devine pourquoi c'était si important pour lui.

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MICHAEL

Elle avait servi sur le Shenzhou depuis un grand nombre d'années mais il y avait tout de même une histoire embarrassante qui n'avait pu être complètement occultée par Starfleet en suscitant maints débats et commérages par la suite… Celle d'un cadet inconscient de l'objectif de cet exercice qui avait réussi à tricher au test pour « gagner »...

— Est-ce que c'était vous ? demanda-t-elle sans trop y croire.

— Je le crains, confirma-t-il en rougissant cette fois de plaisir.

— Et vous en êtes fier ?

La question était de pure forme, car sa réponse physique était une indication assez claire… Il était déjà assez extraordinaire qu'on l'ait autorisé à repasser le test plusieurs fois. Une seule, rarement deux, était là règle. En tous cas, bien des cadets s'en tenaient là et la sélection naturelle se faisait parmi ceux qui avaient su réagir le moins mal face à une situation sans issue. Il était souvent difficile pour l'ego d'un jeune ambitieux (ou d'une jeune ambitieuse) d'endurer ce qu'on percevait comme un échec forcé et peu redemandaient d'eux-mêmes à subir une nouvelle humiliante déculottée publique…

Mais lui ? Comment pouvait-il avoir été puéril au point de vouloir seulement « réussir » ? Elle le lui dit comme elle le pensait, puisqu'elle était dans une période de sa vie où elle se demandait si les règlements de Starfleet devraient encore régir sa vie, maintenant qu'elle en avait été exclue.

Elle fut surprise de lire l'admiration dans ses yeux se ternir un peu quand il lui demanda :

— Vous ne savez donc pas reconnaître un travail de propagande ? Vous plus que toute autre… ? Je n'ai pas triché parce que j'étais trop bête pour comprendre que c'était une partie perdue d'avance. J'ai reprogrammé la simulation pour montrer qu'il fallait penser à la situation sous des angles inédits pour se donner une chance de sauver des vies, pour sauver son équipage, et alors même que tous pensent que c'est foutu d'avance !…

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Elle pencha la tête en avant, évitant toujours de le regarder. De la paume de sa main gantée, il avait enveloppé son avant-bras, un geste dont elle n'aurait su dire s'il était trop intime ou totalement insignifiant. Elle l'aurait bien taclé sur cette façon qu'il avait de toucher les gens au mépris de toute réglementation déontologique. Si elle avait été en état, elle se serait probablement laissée aller à quelques spéculations d'ordre psychologique à ce sujet. Mais le hic c'est qu'elle ne sentait presque plus son bras comme lui appartenant encore.

— Si un jour vous êtes capitaine, vous perdrez des hommes, parfois des amis, pour de vrai, et vous verrez que cela change tout ce que vous aviez cru jusqu'alors.

Quand je serai capitaine et… je sais, acquiesça-t-il en augmentant légèrement la pression de ses doigts. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a peut-être un moyen de réfléchir aussi à votre situation actuelle sans cette chape de désespoir…

— On ne peut pas réécrire l'Histoire, lieutenant.

— Mais chaque chapitre de la vôtre, si vous le voulez encore… Promettez-moi d'y réfléchir quand le cargo pénitentiaire vous emmènera...

Elle ferma les yeux un bref instant et puis à son grand dépit, rompit le charme et leur contact, pour se reculer loin de lui.

— A quoi bon ? Qui voudrait de quelqu'un comme moi avec mon casier ?

Par jeu, il se rapprocha à nouveau insensiblement, comme s'il avait compris d'instinct que son corps, son phrasé, sa voix lui conféraient un indéniable atout de persuasion auxquels elle s'avérait sensible, finalement. De toute évidence, elle ne restait pas à distance parce qu'elle craignait de ne pas pouvoir se défendre face à lui, elle avait assez prouvé aussi qu'elle aimait bien user diverses menaces physiques. Puisque les rôles étaient inversés, il ne voyait pas pourquoi il aurait dû renoncer à l'espoir de pouvoir l'amadouer, physiquement lui aussi, et en balançant tout ce qu'il avait...

— Ça dépend, murmura-t-il d'un ton amusé. Vous voulez une réponse honnête ?

Il ne sut pas pourquoi elle avait l'air aussi surprise, voire vexée, ou en tous cas largement mécontente parce qu'elle se contenta d'une réaction épidermique légèrement outragée :

— Arrêtez d'empiéter sur mon espace !

Il éclata d'un petit rire irrépressible et heureux, qui lui sembla juste… puéril. Quel âge avait-il donc ? Elle décida qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, mais ce sourire lumineux lui aurait presque fait changer d'avis. Une région plus analytique d'elle-même concevait qu'un certain degré de charisme était nécessaire pour assumer les fonctions cohésives de capitaine. S'il voulait éviter les mutineries, le capitaine devait remporter l'adhésion de son équipage. Elle se demandait si un jour ce gamin serait capable de faire en sorte que des gens sains d'esprit le suivent jusqu'au bout de l'inconnu. Peut-être qu'il pourrait y arriver. Peut-être qu'il fallait ajouter le charme en plus de la télépathie à la série d'avantages tactiques enviables qui seraient toujours hors d'atteinte pour elle. Il poursuivait de ce léger ton de reproche paternaliste et suave tout en fixant ses lèvres avec un peu trop d'insistance.

— Allons donc, l'Espace ne serait pas assez grand pour nous deux que vous l'ayez déjà préempté tout entier ?

Ce n'était qu'une boutade, mais ce petit effronté lisait. Elle en était sûre maintenant. Et pas des textes tout récents !

— Vous savez ce que je veux dire, lieutenant. Et la réponse honnête à ma question de tout à l'heure est : personne.

Courtoisement, il choisit de céder du terrain en lui laissant du champ, une distance plus réglementaire entre eux, tandis qu'il considérait, songeur les vastes étendues colorées par la baie.

— Je dirais plutôt… quelqu'un qui n'a rien à perdre. En tous cas, soyez sûr que je regrette déjà de ne pas être le plus jeune capitaine de la flotte. J'aurais signé une demande de transfert à mon bord immédiatement.

— Une décision irréfléchie et impulsive. Demandez à mon ancien capitaine… commenta-t-elle avec un sourire acide.

Comme il était du genre tenace et taquin, il fit écho à ses paroles, sans cacher qu'il aimait ce genre de joute :

— Vous savez ce que je veux dire, lieutenant… Je pense pourtant que je me serais fait à votre façon de m'asséner des trucs sans ménagement, au propre comme au figuré… J'aime improviser mais ça ne veut pas dire que je n'écoute pas les avis de ceux que je respecte. Et il est presque sûr que vous auriez fait un excellent officier de sécurité, ou en tous cas un garde du corps efficace. Quelle était votre spécialité ?

— Les sciences, souffla-t-elle avec un regret perceptible.

Les yeux du jeune homme se mirent à briller un peu plus et elle le détesta pour ça, mais c'était avant d'entendre la suite :

— Si vous êtes capable de m'aligner des calculs de distorsion à trois décimales après la virgule, je crois que vais passer directement à la demande en mariage…

Elle haussa les épaules avec la même moue fatiguée qu'aurait eue une mère pour son enfant indiscipliné à l'imagination débordante. Son attention se détournait déjà en pensée parce qu'elle entendait une alerte de proximité sonner dans l'habitacle d'à côté, ce qui le fit soupirer à fendre l'âme.

— Avoir un officier scientifique tout pointu, sarcastique et un peu froid comme vous… rêva-t-il. Ce ne serait pas le pire qui pourrait m'arriver, non ?

Elle haussa un sourcil dubitatif tandis que la stridulation d'un communicateur retentissait et qu'il s'en saisissait machinalement pour répondre.

— Faites juste attention à ce que vous souhaitez, lieutenant…

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JIM

— Ici Kirk, dit-il en lui permettant enfin de connaître son nom.

"Lieutenant, ici le Farragut, quelle est votre situation ?"

— Excellente capitaine. Ma navette n'est pas endommagée mais le vaisseau où je me trouve si. J'ai fait en sorte de partager mes ressources car ils n'ont plus rien, la propulsion est HS… Si je m'en vais maintenant leur survie n'est pas garantie…

— Très bien, j'envoie une équipe pour voir si des réparations sommaires sont possibles mais nous devons repartir assez vite… Je vais contacter la navette pénitentiaire pour lui demander de se presser. Garrovick terminé.

— Avec des vivres et des vêtements plus chauds, on devrait bien tenir si vous nous prêtez un petit module de survie… souligna-t-elle avec détachement. Il n'y a aucune raison pour que vous restiez davantage...

— Ou c'est moi ou vous venez de me congédier comme un malpropre. Mais vous ne pouvez plus. Il faut au moins être commandeur pour ça.

Elle se croisa les mains dans le dos dans une posture assez raide mais avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres. Si jamais il devenait vraiment capitaine un jour, elle plaignait celui ou celle qui finirait Numéro Un...

— Lieutenant Kirk, dit-elle en le regardant droit dans les yeux. Starfleet ne retiendra pas mes états de services antérieurs. Seulement que je me suis mutinée pour prendre le commandement de mon vaisseau et que j'ai déclenché une guerre. Vous seriez un mauvais juge des caractères et donc un mauvais capitaine si vous pensiez que je ne serais pas prête à recommencer si je le devais.

Il se croisa les bras sur la poitrine.

— Je suis un très bon juge des caractères. Et je n'ai aucun doute que vous ayez pensé agir au mieux. Mais vous regrettez amèrement ce que vous avez fait.

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