Oblivion Corporation

Chapitre 2 : Hammerfell's Side Story

2100 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/03/2021 20:44


Onze heures plus tôt :


Hammerfell's Side était le plus miteux de New Tamriel. Il grouillait autrefois d'activité, dans les années 30 ou 40 lorsque les navires y débarquaient en masse gravier industriel, gaz, acier de construction et produits chimiques. Aujourd'hui l'activité portuaire se concentrait sur les nouveaux docks plus au sud mais Hammerfell's side avait gardé sa population prolétaire, les emplois en moins.


Quelques jeunes passèrent en voiture. Les pneus tressautèrent sur l'asphalte défoncé de Skaven street, l'une des innombrables rues cernées d'immeubles délabrés du quartiers. L'autoradio scandait au volume max un morceau de hip-hop criard dont l'un des jeunes à l'arrière répétait les paroles en bougeant en rythme la clope dans sa main.


La voiture délavée aux pares-chocs défoncés dépassa une voiture de police garée sur le trottoir. Puis une autre. Et encore une. Les flics s'activaient autour d'une ruelle étroite ceinturée de ruban jaunes. Les rares passant encore dehors n'y prêtaient guère attention. La vie du quartier les avaient habitué à la criminalité. Les fusillades nocturnes ne troublaient même plus leur sommeil. Seul un journaliste anxieux semblait se préoccuper de cette étrange activité. Il tâchait de s'en approcher le plus possible sans forcer le périmètre de sécurité.


Le jeune à la clope d'un doigt d'honneur le rassemblement de policiers qui, trop affairés, ne le remarquèrent pas. Leur voiture finit par disparaitre en tournant au croisement de la rue et leur musique s'estompa au loin. Les sirènes d'une ambulance prirent le relais dans l'atmosphère nocturne, au moment où un véhicule marqué de l'inscription "médecine légale " apparut en sens inverse. Il trouva une place où se garer côtés des voitures de police et une petite femme aux cheveux bruns taillés en carré en sortit, tout sourire . Elle claqua la porte de l'ambulance et se dirigea à petits pas pressés vers la ruelle, suivie des pans de sa longue blouse blanche qui volaient derrière elle.

" Salut Marsyas ! Alors, alors, c'est quoi cette fois? " elle demanda toute excitée au premier agent rencontré lorsqu'elle franchit le ruban jaune, sous le regard jaloux du journaliste.


" Règlement de compte, " expliqua le policier blasé pendant qu'il rallumait les cendres froides de sa cigarette roulée main. " Tabassé à coups de barre de fer. Vous ne devriez pas vous réjouir, docteur Auris. C'est un meurtre. Un du genre sale. "


" La barbe ! " répliqua le médecin légiste, vexée par la remarque du policier. " Un mort est un mort. Sale ou pas, il le restera... Moi j'ai hâte de voir ce qu'on va découvrir en l'examinant... C'est tellement grisant de revivre sa mort rien qu'en lisant dans la bidoche mutilée ! Roh, Marsyas... pas la peine de faire cette tête. Montre-le moi plutôt, que je puisse commencer à découper. "

Marsyas soupira. Il aspira une dernière bouffée de tabac avant de guider Ondine Auris le long de la ruelle poisseuse.


" Eh, mais c'est le commissaire Kilhrog ! " s'exclama la légiste en remarquant la silhouette immense et le crane rasé du chef du New Tamriel Police Department. " Qu'est ce qu'il fait là ? "


" On vous l'a pas dit ? Le type descendu... c'est un flic. Il était de la maison. "


Le docteur Auris ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois consécutivement sans parvenir à prononcer un mot, rougit brutalement


" Ah...euh... oh... Je...je savais pas... Nom d'un petit bonhomme ! Euh... désolée ! "


" Ce n'est pas grave, " répondit d'un ton las le policier qui la guidait. Il écrasa son mégot contre un mur. " Z'êtes une bizarre, vous... "


Auris s'approcha du corps qui gisait contre le mur, entre deux poubelles renversées. La victime était en civil, mais il s'agissait bien d'un flic. On avait confirmé son identité. Son arme de service avait valdingué plus loin. Du sang maculait la poignée et le sol autour de lui. Un meurtre bien sale, effectivement. Deux agent en uniforme s'appliquaient à mettre des petits panneaux à proximité de chaque éclaboussure. Un autre photographiait douilles et impacts des balles que la victime avait eu le temps de tirer avant de succomber.

La médecin légiste se fraya un chemin à travers les hommes en uniforme et s'agenouilla auprès du corps. Elle fouilla longuement la poche de sa blouse et dut la vider de son portefeuille, d'un mouchoir, d'un vieux manche de scalpel et d'un prospectus froissé de pizzeria avant de parvenir à en retirer le dictaphone qu'elle cherchait.


" Meurtre du 25 mars 1994, Skaven Street dans le quartier d'Hammerfell side. " dit-elle après l'avoir allumé et s'être éclairci la gorge. " La victime est un homme de type caucasien, 30 ans environ..."


Auris coupa le dictaphone :


"C'est qui exactement, au fait ?"


" Voilà ses papiers d'identité : " répondit Marsyas en tendant un sac plastique à la légiste. " Officier Calah, 32 ans pour 7 ans de service au NTPD. Son équipier a été prévenu, il ne devrait pas tarder à arriver sur les lieux. "


Auris ralluma le dictaphone :


" La victime est un homme de type caucasien, policier de profession âgé de 32 ans. Il souffre de multiples fractures et traumatismes porté par un objet contondant. La forme des blessures évoque une barre métallique, peut-être un tuyau ou un genre de barre-à-mine ... La blessure fatale a été portée sur le crâne, il s'agit d'une fracture de 18 cm de long ayant causé un traumatisme cérébral située entre la tempe gauche et l'arcade sourcilière gauche. On peut noter la présence de blessure défensives sur les poignets et les bras de la victime. Traces de poudre sur les doigts et le visage. D'après la rigidité cadavérique et la coagulation sanguine, je dirais que la mort remonte à une heure et demi environ..."


" C'est juste, ça correspond à l'alerte qu'on a reçu."


" YESSS!!!! TROP FORTE !!! Euh... Pardon. Sinon l'assassin devait être très grand, rapport à l'angle des blessures et aussi très costaud, vu leur profondeur. "


Le commissaire Johannes Kilhrog s'était approché pour écouter le compte rendu d'Auris. Sa silhouette massive aux muscles noueux dominait toute la scène de crime. Il avait plus l'allure d'un boxeur que d'un gratte-papier et son crâne brisé jadis lors d'une rixe présentait une horrible déformation, mais ses yeux luisaient d'une intelligence rare.


" Merci, docteur ."


" Vous avez des pistes ? "


" Personne n'a aperçu de suspect. Ne rien voir, ne rien entendre. C'est la politique du quartier, on a l'habitude. Mais on va les interroger de nouveau avec votre description, on ne sait jamais. Calah n'était pas de service lorsqu'il s'est fait attaquer : sa tante habite le coin, dans une maison de retraite bon marché à 500 m d'ici. C'était dans ses habitudes de passer par là pour lui rendre... "

Le tumulte d'un homme se frayant un chemin à travers les officiers de police sans se déranger pour les bousculer interrompit le commissaire. Un homme maigre au visage émacié tendu par la haine se planta devant le cadavre.


" Ah, Van Helsing... Vous voilà. " le salua Kilhrog. " Je suis désolé... "


Van Helsing tachait de conserver une expression impassible sans cesser de fixer le corps de son équipier.


" Que s'est-il passé ?" demanda-t-il d'une voix glaciale.


Le commissaire lui raconta tout ce que les enquêteurs savaient dans l'état actuel des choses.


" Avez vous la moindre piste? " ajouta le colosse à la fin de ses explications. " Sur quoi travailliez vous tout deux ? Ça pourrait être en rapport avec le boulot ? Des ennemis qu'il avait ? "


" J'ai bien ma petite idée... " siffla Van Helsing entre ses dents.


" Mehrunes Dagon... Van Helsing, par pitié ! Cela fait combien de temps que vous ressortez la même histoire, inspecteur ? C'est une obsession ! Des années sur son dos, vous n'avez jamais rien pu trouver contre lui et Oblivion Corporation ! Pas une infraction ! Je ne dit pas que ce type n'a jamais payé un pot-de-vin ou deux de sa vie, mais ça ne fait pas de lui le grand méchant de l'histoire ! Juste un chef d'entreprise comme cette foutu ville en est remplie !"


" J'avais des preuves ! Il a payé le tribunal pour les refuser !"


" Vous les aviez obtenues ILLÉGALEMENT ! N'importe quel tribunal sensé les aurait refusées ! Vous avez eu de la chance de garder votre emploi à cette époque, et c'était grâce à moi. Rendez-moi la pareille aujourd'hui et concentrez votre énergie sur autre chose que de harceler Mehrunes Dagon. Oblivion Corporation est une firme aussi acceptablement sale que les autres, pas un repaire de super-méchants.


" Vous m'avez demandé mon avis sur l'affaire, commissaire : le voici. Dagon est allé trop loin cette fois, il est temps de faire payer ce salaud. "


" Pas si vite, Van Helsing ! Vous êtes toujours flic à ce que je sache, et on fait les choses dans l'ordre. Si des indices indiquent l'implication de Dagon d'une manière ou d'une autre, ok : vous serez autorisé à lui rendre visite. On le collera même au trou si vous prouvez sa culpabilité. Pas avant. "


Van Helsing se retira sans ajouter un mot. Quelques-uns de ses collègues tentèrent de lui glisser un mot de réconfort, de compassion. Ils les ignora tous, en bouscula un ou deux sans ménagement.


Le docteur Auris tira Kilhrog de ses pensées. Elle désignait du pouce le cadavre par dessus son épaule :


" C'est bon, chef ? Je peux l'embarquer au labo ? "


" Vous avez fini avec lui ? Oui, alors. "


" Attendez ! " intervint un homme également en blouse qu'il portait décontractée par dessus un polo de marque, un pantalon beige et des mocassins de luxe. Son visage fin aux hautes pommettes portait un regard fier et dégageait dans son sillage une odeur pénétrante d'after shave. Les yeux du docteur Auris se changèrent instantanément en deux braises ardentes.


" Ah, docteur Vandoren . Bonsoir, " le salua le commissaire. " Vous êtes en retard, nous allions évacuer la victime. "

Le nouveau venu jeta un regard ostentatoire à la Rolex qui ornait son poignet :


" Veuillez m'excuser. Il y avait beaucoup de travail à terminer à l'hôpital. Bonsoir, commissaire. Auris... " Il prononça ce dernier nom avec un mépris si épais qu'on aurait pu le couper à la scie à os.


" Vandoren... " siffla la légiste sur le même ton.


" Voulez-vous examiner également le corps dans son environnement avant de l'envoyer au labo ? " suggéra Kilhrog.


" De toute évidence. Je pense qu'un examen plus approfondi est nécessaire pour compléter celui fort superficiel effectué par Auris... Avez vous recherché la présence de débris et de corps étrangers dans les blessures ? "


Auris répondit d'une voix acide :


" Je comptais le faire au labo... Vandoren. Là où la lumière est le matériel est plus adapté à la recherches d'éventuels fragments microscopiques. "


" N'importe quel médecin-légiste ayant un minimum de compétence sait qu'il est préférable d'effectuer cet examen sur place... Auris. Bouger le corps risque de déplacer les débris, voir de les éjecter hors de la blessure. Au risque de perdre de précieux indices... "


" Mais quel crétin ! Je suis capable, MOI, de déplacer un cadavre précautionneusement. Je ne suis pas un... un bœuf qui a hérité de mon diplôme de médecine en même temps que la maison de mes parents ! "


" S'il vous plait," s'aventura Kilhrog pour calmer les deux médecins alors que la situation dégénérait. En vain. Les insultes s'intensifièrent. Le commissaire regretta aussitôt d'avoir appelé Ondine Auris alors qu'Alastar Vandoren tardait. Il avait maqué à la première règle concernant ces deux là, la plus importante : toujours éviter de les faire se rencontrer... Deux policiers durent intervenir pour les empêcher d'en venir au mains.


Le commissaire s'écarta du tumulte, il avait la tête bien trop pleine de pensées pour se soucier de cette querelle ridicule. En fait, il pensait surtout à Van Helsing... et aux choses stupides qu'il serait prêt à faire pour venger son équipier. Fallait-il lui confier l'affaire et compter sur sa détermination à la résoudre, ou la lui retirer du fait de son instabilité ? Peut-être qu'un examen psychologique s'imposerait dans les prochains jours.


Le commissaire Kilhrog soupira, gratta le sommet irrégulier de son crâne chauve... Avant toute chose, il fallait d'abord lui trouver un nouvel équipier. Ça serait meilleur moyen de lui servir de garde-fou, qu'il ne fasse rien de stupide...



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