Les enfants de Bordeciel

Chapitre 3 : Rivebois

2514 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/04/2023 23:27

Chapitre 3 - Rivebois


Le soleil, qui avait atteint son zénith lorsque Hunfen s'était mis en route avec Ralof et Hadvar, avait maintenant presque disparu derrière les montagnes environnantes. C'était sans aucun doute la marche la plus éprouvante que le jeune garçon avait jamais entreprise, d'autant plus qu'elle avait été ponctuée d'une attaque de bêtes sauvages. Hunfen avait tenté d'utiliser à nouveau son sort de flammes, mais sa concentration n'était pas encore suffisamment rapide et les deux adultes avaient rapidement éliminé la menace avant qu'il ne puisse libérer sa magie. Ses jambes douloureuses et son ventre criant famine, le jeune nordique vit avec soulagement Rivebois se profiler enfin à quelques centaines de mètres, promettant repos et réconfort après cette longue journée.

Le village, niché dans une charmante clairière au bord de la rivière, entouré de sapins majestueux qui poussaient généreusement dans la région montagneuse, dégageait une atmosphère paisible. À cette heure-là, les villageois étaient toujours affairés à leurs tâches quotidiennes, si bien que Hunfen pouvait entendre le rythme régulier des coups de marteau du forgeron et les grincements harmonieux des lames de la scierie, accompagnés du clapotis de l'eau s'écoulant sur la roue du moulin ingénieusement construit sur la rivière. Apparemment, le dragon n'avait pas survolé ces lieux, ou n'avait pas trouvé d’intérêt à attaquer.

Tandis que le trio franchissait les portes de Rivebois, une femme blonde à l'allure robuste se précipita en leur direction depuis la scierie. « Ralof ! » s'exclama-t-elle en l'enlaçant chaleureusement. « Qu’est-ce que tu fais ici, frangin ? Tu n’étais pas aux côtés d'Ulfric ? Hod ! Viens voir qui est là !» lança-t-elle en direction de la scierie, d’où un homme blond et trapu sortit à son tour. Elle se figea un instant en remarquant le légionnaire. « Bonjour, Hadvar, » le salua-t-elle d'une manière plus distante. L'intéressé lui rendit son salut sur le même ton.

Le forgeron, un homme à la carrure imposante, arborant une barbe et des cheveux blond cendré parsemés de quelques marques de brûlures, ainsi qu'un tablier marqué par de longues journées de travail, s'approcha à son tour. « Quelle surprise ! » s'exclama-t-il après les avoir salués. « Hadvar, l'as-tu fait prisonnier ? » demanda-t-il, curieux, en désignant Ralof.

Le sombrage éclata de rire. « Je l'étais, Alvor, mais je ne le suis plus !

— C'est une longue histoire, mon oncle, » éluda Hadvar.

Gerdur les observa un instant. « Mais qu'est-ce qui vous est arrivé ? Par les Neuf, on dirait que vous avez été au feu ! Et qui est cet enfant ? »

Hadvar et Ralof échangèrent un regard avant de se tourner vers Hunfen. « Voici Hunfen, présenta Ralof. Nous l'avons rencontré à Helgen...

— Helgen ?! s’exclama Gerdur. Mais la ville est pleine d’impériaux ! Qu’est-il arrivé là bas ?

— Un dragon, Gerdur, annonça son frère, le visage grave. Un dragon a détruit Helgen, et nous l'avons vu se diriger par ici. »

Les yeux de Gerdur et d'Alvor s'écarquillèrent. « Un dragon ? répéta Alvor, incrédule. Cela fait des millénaires qu'on n'a pas vu de dragon en Bordeciel ! Et encore, ces légendes ne sont-elles pas juste des histoires ? »

Gerdur hocha la tête, tout aussi étonnée. « Les légendes peuvent être vraies, Alvor. Et s'ils disent vrai, alors nous devons prendre cette menace au sérieux. Mais d'abord, vous avez tous besoin de vous reposer et de manger quelque chose. » Elle s’accroupit à hauteur de Hunfen, ses yeux empreints de compassion. « Tu as dû être terrifié, petit ! dit-elle doucement. Viens, nous allons t'offrir un endroit pour te reposer et te remettre de tout ça. »

Alvor hocha la tête en accord. « Oui, venez chez moi. Il y a assez de place pour nous tous ! »

Alors qu'ils se préparaient à suivre Alvor, une vieille femme apparut un peu plus loin, les cheveux en bataille et le regard exalté. Elle criait d'une voix tremblante : « Un grand dragon noir ! Je l'ai vu, il a survolé le village ! »

Un jeune homme aux cheveux blonds se précipita vers elle, l'air embarrassé et inquiet. « Mère, calme-toi, s'il te plaît. Tu sais bien que les dragons n'existent plus que dans les légendes. Rentre à la maison et repose-toi. »

Hunfen observa la scène avec curiosité, tout en ressentant une pointe de tristesse. Il pouvait sentir la détresse chez certains des adultes présents, sans en comprendre la raison. Gerdur et Alvor échangèrent un regard lourd de sens, tandis que Ralof et Hadvar restaient silencieux.

Le jeune homme jeta un regard contrit en direction du groupe, comme pour s'excuser du spectacle offert par sa mère. Il la prit délicatement par le bras et l'entraîna à l'écart, la vieille femme continuant de marmonner à propos du dragon noir.

Alvor finit par briser le silence. « Bon, ne nous attardons pas ici. Venez chez moi, nous pourrons discuter de tout cela autour d'un bon feu et d'une soupe chaude. »


oOo


Alors qu'ils entraient dans la maison d'Alvor, Hunfen sentait l'inquiétude qui pesait sur les adultes présents. Ils s'installèrent autour de la table, et Alvor prit la parole, s'adressant à Ralof et Hadvar. « Dites-nous, à quoi ressemblait ce dragon à Helgen ? »

Les deux soldats échangèrent un regard avant de répondre. « C'était une créature immense, avec des écailles sombres, presque noires, et des yeux rougeoyants, » déclara Hadvar d'une voix grave.

Ralof hocha la tête en signe d'acquiescement. « Oui, et il était extrêmement puissant. Il a détruit Helgen en un rien de temps. »

Alvor fronça les sourcils, visiblement préoccupé. « Ce que Hilde a dit tout à l'heure... Son "grand dragon noir", cela correspond à votre description, et à une légende que mon grand-père me racontait quand j'étais enfant. Une prophétie des Parchemins des Anciens, parlant du retour d'Alduin. »

Sigrid, l’épouse d’Alvor, hocha la tête, les traits tirés par l'inquiétude. « Moi aussi, j'en ai entendu parler. La prophétie disait quelque chose comme : "Des ailes noires dans le froid, quand une guerre fratricide sera déclarée. Alduin, fléau des rois, ancienne ombre libérée, de sa faim, le monde, il avalera." »

Hadvar avala sa salive avant de poursuivre. « Les prophéties des Parchemins des Anciens sont toujours bien mystérieuses, mais cette fois, c’est troublant. Vraiment, un héraut de la fin des temps ? »

Hunfen écoutait attentivement, cherchant à saisir les implications de cette prophétie. Les adultes autour de la table semblaient de plus en plus nerveux. À la simple mention du nom "Alduin", un frisson parcourut l'échine du jeune garçon. Instinctivement, ce nom lui évoquait des images de destruction, de dévoration et de domination implacable. Cela lui donnait un sentiment de terreur et d'impuissance. Peut-être, se dit-il, était-ce un contrecoup de toute cette peur accumulée lors de l'attaque d’Helgen ? Mais cela n’expliquait que partiellement cette sensation profonde, instinctive, comme si la peur du dragon était ancrée dans ses os.

Gerdur prit la parole, se tournant vers Ralof.

« Pourquoi étais-tu Helgen en premier lieu ? Tu étais censé être auprès d'Ulfric, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle, inquiète pour son frère.

Ralof baissa les yeux, hésitant un instant avant de répondre. « Nous sommes tombés dans une embuscade tendue par les Impériaux. La bataille a été brève et nous avons été capturés. Ils nous ont enmenés directement à Helgen pour y être exécutés, sans procès.

— C'est exact, confirma Hadvar. Le général Tullius lui-même a orchestré l'opération. J'ai participé à l'affrontement ; ma capitaine dirigeait les opérations sur le terrain. »

Gerdur acquiesça, inquiète pour la sécurité de son frère. Hunfen repensa alors à sa rencontre avec la capitaine, qui avait tenté de le tuer durant leur fuite. Il y a encore quelques heures, il n'aurait jamais imaginé craindre davantage une créature que cette femme officier, avant qu'un véritable dragon n'apparaisse. Il décida de partager son histoire.

« La capitaine... elle voulait me tuer, même après que le général Tullius a dit de m’enfermer. Elle a essayé de me poignarder. Et quand on fuyait le dragon avec Ralof, elle m’a donné un grand coup d’épée, mais Ralof l'a repoussée juste à temps. J'ai eu si peur que... j'ai lancé un sort de flammes sur elle, sans le vouloir. »

La tension était palpable, et les visages des adultes se durcirent en écoutant le récit d'Hunfen. Gerdur et Hod échangèrent un regard inquiet, tandis qu'Alvor et Sigrid ne pouvaient cacher leur consternation face aux agissements de la supérieure d'Hadvar.

Ralof posa une main réconfortante sur l'épaule d'Hunfen, et termina l’histoire : « Ça m'a laissé une ouverture, et j’ai pu la blesser. Ensuite, l'entrée du fort s'est effondrée. On a échappé de justesse. Elle n'a pas survécu. »

Hadvar sembla mal à l'aise en évoquant l'incident. « Je n'éprouvais aucune fierté à servir sous ses ordres, avoua-t-il. Un bruit courait, disant que sa famille avait été tuée par des Sombrages. Sa soif de vengeance avait pris le pas sur son commandement. »

Il poussa un soupir avant de poursuivre : « Quant au général Tullius, je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. Il dirigeait la défense contre Alduin. J'espère sincèrement qu'il a survécu. »

Ralof hocha la tête en signe d'acquiescement. « Je n'ai pas non plus revu Ulfric. Mais je suis persuadé qu'il a réussi à s'échapper. »

Hunfen partageait l'espoir des deux hommes, se disant que des chefs de guerre tels qu'eux parvenaient toujours à survivre, même face à des situations aussi périlleuses.


oOo


Le lendemain matin, Hunfen se réveilla très tôt, trop excité pour dormir davantage. Les événements de la veille tournaient encore dans sa tête. Sortant de la maison, il vit Alvor, occupé à son établi. S’approchant pour observer l’homme à l’ouvrage, il s’aperçut que la pièce qu’il travaillait était sa propre armure.

« Bonjour, jeune homme ! On dirait que tu es tombé du lit, » plaisanta Alvor en apercevant l'enfant. Il tendit le vêtement de cuir à Hunfen en ajoutant : « Tiens, essaie-la. Je l'ai ajustée pour qu'elle te convienne mieux. »

Hunfen enfila la protection, qui lui allait désormais parfaitement. Il sourit, reconnaissant. « Merci, Alvor. »

Ils furent rejoints par les autres tandis qu'Alvor effectuait les dernières retouches. Gerdur les salua et dit : « Il faut que quelqu'un aille informer le jarl Balgruuf de l'attaque du dragon. Qu'il s'agisse d'Alduin ou non, nous aurons besoin de renforts !

— Blancherive est toujours neutre dans la guerre, répondit Hadvar, une expression de regret sur le visage. Ni Ralof, ni moi ne serons autorisés à entrer. »

Alvor hocha la tête. « Delphine, la tenancière de l'auberge du Géant Endormi, doit se rendre à Blancherive ce matin. Nous pourrions saisir cette opportunité. Hunfen, tu as été témoin de l'attaque. Accepterais-tu d'accompagner Delphine et d'aller prévenir le jarl ? »

Hunfen hésita un instant, surpris qu'on lui confie une telle tâche. Il était désireux d’aider les vollageois, mais un grand nombre de questions assaillaient son esprit. Il finit par répondre : « Oui, d’accord ! Mais comment est-ce qu’on le rencontre ? Il faut demander à qui ? Et qu’est-ce que je dois lui dire exactement ?

— Ne t'inquiète pas, Hunfen, répondit Gerdur d’une voix douce et rassurante. Delphine te guidera à Blancherive et t'aidera à demander audience au jarl. Raconte-lui simplement ce que tu as vu à Helgen, et que tu as vu le dragon se diriger par ici. »

Rassuré par les explications, Hunfen acquiesça, prêt à relever le défi.

« Je suis sûre que tu sauras te montrer à la hauteur de cette mission, Hunfen. Nous comptons sur toi. » dit-elle d'un ton confiant et chaleureux.

Le groupe se rendit à l’auberge, qui se trouvait non loin. C’était une longère de bois semblable aux autres bâtiments du village. Seule l’enseigne, accrochée devant la porte, la distinguait. À coté de l’entrée se trouvait un cheval attelé à une charrette. Ils entrèrent et trouvèrent Delphine en train de préparer ses affaires pour le voyage. Cette Brétonne d'un certain âge avait un visage dur et des cheveux blonds noués en queue de cheval, lui conférant un air sévère.

« Delphine, dit Gerdur, voici Hunfen. Il doit se rendre à Blancherive pour parler au jarl Balgruuf. Nous pensions qu'il pourrait t'accompagner. »

Delphine regarda Hunfen et hocha la tête. « Bien sûr, je suis prête à partir. Nous ferons route ensemble. »

Hunfen ressentit un mélange d'excitation et d'appréhension à l'idée de se rendre à Blancherive pratiquement seul. Mais il savait que c'était important et qu'il devait le faire. Il serra les dents et se prépara à partir pour la ville.

Hadvar et Ralof se tenaient côte à côte, leurs visages sérieux reflétant la gravité de la situation. Le légionnaire prit la parole en premier, ses yeux se posant sur Hunfen avec une pointe de tristesse : « Je dois retourner à Solitude pour faire mon rapport au général Tullius. Nous avons besoin de renforts pour faire face à cette menace. »

Ralof hocha la tête, ajoutant d'un ton grave : "Et moi, je vais retourner à Vendeaume pour faire mon rapport à Ulfric Sombrage. La situation est plus critique que jamais."

Les deux hommes se regardèrent un instant, leurs yeux exprimant une profonde compréhension mutuelle. « J'espère qu'on ne se croisera pas sur le champ de bataille, l'ami », dit Ralof avec un léger sourire amer.

Hadvar esquissa un sourire triste. « Moi aussi, Ralof. Prends soin de toi. »

Les adieux étaient empreints d'émotion alors que chacun se préparait à partir pour ses destinations respectives. Hadvar et Ralof adressèrent à Hunfen quelques mots d'encouragement.

« N'oublie pas de continuer à t'entraîner avec ton sort de flammes, Hunfen. lui dit Hadvar avec un sourire. Mais fais attention à ne pas faire brûler la forêt !

— Oui, nous avons assez de problèmes comme ça ! ajouta Ralof en riant. Prends soin de toi, petit ! »

Alvor s'approcha d'Hunfen et lui tendit une dague bien aiguisée. « Tiens, je te donne ceci. On ne sait jamais ce que tu pourrais rencontrer sur ton chemin. Prends soin de cette arme, elle te le rendra ! »

Hunfen prit la dague avec gratitude, les yeux brillants. « Merci, Alvor. Je ferai attention. »

Ils se dirent tous au revoir et se séparèrent, chacun partant dans des directions différentes. Hunfen, avec sa dague et son armure ajustée, se sentait prêt à affronter les défis qui l'attendaient. Delphine empoigna la longe du cheval et ensemble, ils se mirent en route vers Blancherive.

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