Les enfants de Bordeciel
Chapitre 39 - La cuvée de la honte
Le chariot cahotait sur la vieille route blanchie par le givre, grinçant à chaque ornière comme pour se plaindre lui aussi d’être dehors par ce temps. Un vent vif, charriant une neige fine et sèche, giflait les joues des voyageurs. François et Hroar, recroquevillés sous une couverture élimée, se tassaient sur le banc arrière, les yeux plissés contre les rafales. Devant eux, Brynjolf tenait les rênes d’un air imperturbable, le visage à moitié dissimulé sous sa capuche de cuir.
Cela faisait déjà bien longtemps qu’ils avaient quitté Faillaise. Le paysage de départ, la grande forêt de bouleaux bordant le lac Honrich au centre duquel émergeait l’île carbonisée qui avait autrefois été la fierté apicole de toute la Brèche, avait cédé la place à une succession monotone de champs givrés et de fermes s’étendant sur un relief plat. Les sabots du cheval heurtaient le sol durci en un rythme régulier, ponctué de temps à autre par le claquement sec d’une branche cassée sous les roues. Au loin, sur la gauche du chariot, la silhouette sombre de la Gorge du Monde se détachait comme une esquisse sur le ciel gris, désormais assez en retrait pour rappeler qu’ils avaient quitté depuis longtemps la Brèche et roulaient désormais en terres de Blancherive.
« Et donc, résuma François d’une voix traînante, on fait tout ce chemin pour… tuer des rats.
— Des ragnards, précisa Brynjolf sans tourner la tête. Pas la même chose.
— Ouais, enfin… ça reste des rats, marmonna Hroar. Juste plus gros, plus moches, et qui sentent plus mauvais. »
Brynjolf se contenta d’un léger reniflement, à mi-chemin entre le rire et le soupir.
« Et c’est précisément pour ça que Sabjorn ne veut pas mettre ses précieux ouvriers dans la cave, répondit-il. C’est un boulot pour… comment dire… des gars polyvalents.
— “Polyvalents”… ou que ça dérangera pas si on se fait bouffer », rectifia François.
Le voleur lança un coup d’œil rapide par-dessus son épaule, un sourire ironique au coin des lèvres.
« Vous vous plaignez, mais vous devriez déjà être contents que je sois là pour vous chaperonner.
— Oh oui, super, fit François en haussant les sourcils. Comme ça, on sert de repas, et en plus tu vas te payer nos têtes toutes les deux minutes.
— Et ça nous rapporte combien, déjà ? renchérit Hroar, l’air fermé.
— Pas un septim, rétorqua Brynjolf sans même prendre le temps d’enrober ses mots. Vous payez encore votre dette pour le Lumidor. Notre estimé bienfaiteur veut un service, vous rendez service. Point. »
François grimaça. Le Lumidor. Le souvenir brûlant du bois en flammes, du crépitement des ruches et de l’odeur sucrée et âcre mêlée à la fumée revenait toujours plus vite qu’il ne l’aurait voulu. Et avec lui, le goût amer de l’échec : il avait voulu frapper Maven dans ses affaires, la priver de miel… et avaient fini encore une fois à son service. Depuis ce soir-là, lui et Hroar avaient convenu qu’il faudrait trouver des façons plus subtiles d’agir — des coups discrets, indétectables, que Maven ne pourrait jamais leur faire payer. Mais aujourd’hui, ils n’avaient pas le choix.
« Franchement, grommela Hroar, c’est juste pour nous humilier. Pour qu’on se mette à quatre pattes dans la crasse pour ses beaux yeux.
— Je me fiche de savoir pourquoi, trancha Brynjolf. Si vous foirez ce coup-là, c’est ma tête qui va tomber avec les vôtres. Donc vous vous contentez de faire ce qu’on vous demandera. Mallus vous montrera le nid, vous le nettoyez, et vous aidez pour… autre chose. C’est tout ce que vous avez besoin de savoir pour l’instant.
— Mallus ?
— Un employé de l’hydromellerie, expliqua Brynjolf. Disons qu’on a… des amis en commun. »
Le vent forcit, rabattant la neige sur leurs visages comme une poignée de sel jetée en travers. François resserra la couverture autour de ses épaules et lança à Hroar un regard qui voulait dire : on va encore se faire avoir. Celui-ci, le menton enfoncé dans son col, ne répondit pas, mais ses yeux parlaient pour lui.
« Et “l’autre chose” ? demanda François au bout d’un moment. C’est censé être une surprise ?
Brynjolf haussa à peine les épaules.
— Mallus vous expliquera. Vous n’aurez qu’à suivre les instructions. »
Ce ton sec, tranché, sonnait comme une porte close. François sentit la frustration lui mordre l’estomac. Depuis le fiasco du Lumidor, chaque mission avait ce parfum amer : celle d’un service rendu de force à Maven, avec Brynjolf en faux grand frère, sourire en coin et œil aux aguets.
Le chariot fit enfin halte devant la silhouette trapue d’un bâtiment en bois sombre flanqué de deux cheminées fumantes. Une enseigne à demi couverte de givre pendait au-dessus de la porte, ornée d’une chope dorée entourée d’abeilles sous laquelle était inscrite le nom Hydronning. Autour, quelques granges basses, un hangar à charrettes, et des piles de tonneaux soigneusement cerclés attendaient sous un abri. En mettant pied à terre, François observa brièvement les environs. La route continuait bien au-delà de leur destination. Elle se poursuivait jusqu’au loin, vers la silhouette grise de Fort-Dragon qui dominait l’horizon, haut et fier au-dessus de la plaine.
Les portes de l’hydromellerie s’ouvrirent brusquement, laissant passer un homme à la carrure solide, vêtu d’un manteau brun élimé qui laissait voir une tunique tachée de miel. Ses cheveux d’un brun sombre ne formaient plus qu’une couronne laissant son crâne à l’air libre, et une barbe de deux jours assombrissait ses traits marqués. Ses yeux gris clair, froids comme la neige qui tourbillonnait autour de lui, jaugeaient le trio avec impatience.
« C’est vous, les dératiseurs ? lança-t-il sans préambule. Pas trop tôt ! »
Il ne tendit pas la main, ne sourit pas. Juste un mouvement de tête en direction du bâtiment principal, comme pour leur ordonner d’avancer.
« Sabjorn, propriétaire des lieux, précisa-t-il comme pour justifier son ton. Ce soir j’ai une dégustation importante, et je veux que cet endroit soit impeccable avant que le client ne mette un pied ici. Alors vous nettoyez tout, vous bouchez ce satané trou à ragnards, et vous vous débarrassez de la puanteur. Compris ? »
Il ne leur laissa pas le temps de répondre. Déjà, il leur faisait signe de le suivre, traversant la cour vers une porte latérale. L’odeur chaude et sucrée de l’hydromel leur frappa le visage à l’ouverture : miel chauffé, bois humide, levures. Un mélange presque agréable, si ce n’était la note aigre qui traînait dans l’air, trahissant la présence de bêtes et de recoins oubliés. Ils cheminèrent jusqu’à un couloir étroit aux murs tachés par les années d’humidité et de fumée. Les bruits du brassage résonnaient au-dessus d’eux : coups sourds, éclats de voix, tintements de métal.
Devant une porte massive renforcée de fer, il s’arrêta et croisa les bras.
« Mallus ! aboya-t-il. Les spécialistes sont là. Fais-les bosser, et qu’ils ne traînent pas ! »
La porte s’ouvrit sur un homme grand et mince, aux traits tirés, vêtu d’une chemise grise et d’un tablier de cuir. Ses cheveux noirs filasse, ramenés en arrière à la va-vite, encadraient un visage où se mêlaient fatigue et ironie. Il adressa à Sabjorn un sourire de pure façade, celui qu’on réserve à un supérieur qu’on supporte seulement par nécessité.
« Ça sera fait, patron », dit-il avec une docilité si forcée qu’elle en devenait presque une insulte.
Sabjorn grommela quelque chose d’inaudible et tourna les talons, disparaissant dans le couloir d’un pas sec.
Le silence retomba aussitôt. Mallus resta immobile un instant, les mains dans les poches, puis poussa un soupir sonore.
« Quel charmant personnage, hein ? grogna-t-il, le ton dégoulinant de sarcasme. Vous avez vu ça ? Même pas un “bonjour”, même pas un “merci d’être venus sauver ma fichue cave”… Non, non, Sabjorn préfère aboyer. »
Il se tourna vers Brynjolf, échangeant avec lui un hochement bref, presque complice, avant de détailler les deux garçons de la tête aux pieds.
« Alors… c’est vous les “bras polyvalents” ? Vous avez pas l’air bien costauds, mais vous avez la taille qu’il faut. »
Il plissa légèrement les yeux, comme s’il jaugeait plus que leur physique.
« Ils sont fiables ? »
Brynjolf eut un mince sourire sans joie.
« Disons qu’après leurs derniers exploits, ils ont tout intérêt à ne pas se rater. Mercer a une manière très… définitive de régler les échecs. »
François sentit ses mâchoires se crisper, mais se contenta de hausser un sourcil. Hroar, lui, croisa les bras avec un air fermé. Mallus eut un bref rictus, mi-amusé, mi-satisfait.
« Dans ce cas, je suppose que je peux exposer le plan. Bon, y’a un trou derrière les vieilles caisses au fond de la cave. Ça donne sur un vrai palais à ragnards, que j’ai entretenu avec amour ces derniers mois. Au début, je voulais qu’un jour Sabjorn en ait jusque-là de vivre au milieu des rats et qu’il ferme la boutique. Mais… disons que les choses ont un peu changé. Un généreux mécène aimerait reprendre l’affaire pour me laisser la gérer honnêtement, donc plus question que son nouvel investissement soit infesté. Alors on remet tout en état, et on s’arrange pour que le proprio actuel dégage avec un scandale aux fesses. »
Il jeta un coup d’œil autour de lui, comme pour s’assurer qu’ils étaient bien seuls dans la pièce, et expliqua d’un ton plus bas :
« Le plan est simple : d’abord, vous versez le gros de la mort-aux rats dans le nid, puis vous le scellez, ça c’est la partie facile. Ensuite, vous nettoyez la pièce de fond en comble, que ça ressemble à nouveau à un honnête établissement, ça c’est la partie pénible. Enfin, la partie délicate, ça sera de ne pas vous faire remarquer quand vous verserez aussi de la mort-aux-rats dans la cuve de brassage marquée “Cuvée spéciale”. C’est celle que Sabjorn veut faire déguster ce soir, au capitaine de la garde de Blancherive en personne. Si ça marche, il se fera taxer d’empoisonneur et jeter dans les cachots de Fort-Dragon. Et votre serviteur se chargera de l’intérim pour le compte de son généreux bienfaiteur. »
Les deux garçons échangèrent un regard bref, mais lourd de malaise.
« Attendez… vous voulez mettre du poison dans ce que des gens vont boire ? » lâcha François, la voix plus affolée qu’il ne l’aurait voulu.
« Eh, on veut tuer personne, nous ! » renchérit Hroar à peine plus calmement.
Mallus secoua la main, comme pour balayer la remarque.
« ’Vous en faites pas. Ce truc-là est prévu pour tuer un ragnard de dix kilos qui s’en gave, mais sur un grand gaillard qui en fait quatre-vingt-cinq et qui va en prendre juste une gorgée, ça n’aura pas d’effet. Par contre, ça suffira pour rendre le goût atroce, du genre qui lui fera asperger le malheureux qui se trouve en face au moment où il va goûter, et envoyer Sabjorn expliquer ça aux geôles de Fort-Dragon. »
François déglutit, mais le nœud dans son ventre ne se défit pas. Ce n’était peut-être pas “mortel”, mais c’était sale. Et, surtout, c’était encore pour Maven.
Ils hochèrent la tête sans un mot, acceptant le plan à contrecoeur. Brynjolf, lui, ne voyait qu’un boulot à faire. Mallus leur fit signe de le suivre vers un escalier étroit qui descendait dans la pénombre, l’odeur devenant plus insupportable à chaque marche.
François tira ses manches sur ses mains et soupira.
« Bon… on s’y met. »
Les bottes crissèrent sur la sciure humide. Derrière eux, Mallus claqua la porte. Le travail pouvait commencer.
oOo
La cave s’ouvrait devant eux dans un souffle d’air froid. François s’attendait vaguement à un endroit rangé, propre, qui sentirait le miel et le bois, qui donne envie de goûter ce que l’on y fabriquait à boire. Mais ici, l’odeur était lourde et aigre, saturée d’humidité, de levure et de crasse. Quatre immenses cuves de fermentation occupaient le centre de la pièce : de grands tonneaux de chêne cerclés de métal, chacun coiffé d’un lourd couvercle rond muni de charnières, comme une écoutille qu’on pouvait ouvrir pour surveiller le brassin. La sciure détrempée collait au sol, les cerclages rouillés grinçaient, et des traînées sombres descendaient le long des parois. Entre les tonneaux mal empilés, des mouvements furtifs se devinaient : des ragnards, énormes, le museau bas, qui se faufilaient dans la pénombre. Certains se contentaient de fuir en couinant, d’autres restaient immobiles, la tête relevée, les yeux jaunes fixés sur les intrus à une distance prudente. Le gamin sentit son estomac se nouer. Rien, dans cet endroit, ne donnait envie de boire une seule goutte de ce qui y était brassé.
François inspira par le nez et le regretta aussitôt. L’air de la cave avait un goût âcre qui piquait la gorge, une lourdeur de moisissure, de graisse et de paille pourrie.
« Eeeeh !, protesta-t-il. On se croirait dans l’estomac d’un géant qui a bouffé trop de chèvres. »
Hroar, à côté, n’était guère plus enthousiaste. Brynjolf, lui, s’adossa tranquillement à une poutre vermoulue, les bras croisés, et les observa descendre de l’escalier.
« Allez, les gars. C’est pas en restant plantés comme des piquets que les ragnards vont déguerpir. »
Hroar serra les dents, mais ne répliqua pas. Son regard était déjà happé par une ombre mouvante derrière une pile de caisses. Là, un ragnard s’était redressé, presque à hauteur de son torse, dévoilant deux incisives longues comme des couteaux à beurre. L’animal poussa un cri rauque qui résonna dans la cave, aussitôt suivi de plusieurs couinements.
François eut un haut-le-cœur.
« Par les Divins… c’est pas des rats, c’est des chiens enragés, ces trucs… »
Brynjolf ricana derrière eux, dégainant sa dague.
« Eh bien, va falloir apprendre à faire la différence entre un vrai boulot et un conte pour enfants. Ces bestioles-là, elles mordent, elles grincent, elles grouillent. Et vous deux, vous êtes là pour enfoncer le nid, alors… au boulot. Moi je vous couvre. »
« Tu pourrais peut-être, je sais pas… en écraser un ou deux, non ? » grommela François.
Le roublard croisa les bras et leur renvoya un sourire moqueur.
« J’ai dit que je vous couvrais, pas que je faisais tout le sale travail à votre place. J’interviens juste si ça tourne mal. Faut pas perdre des apprentis prometteurs avant l’heure. »
Le ragnard dressé bondit soudain, griffes en avant. Hroar eut juste le temps de lever le manche de la pelle qu’il avait prise pour dégager la sciure : la masse du rongeur heurta l’outil avec un choc sourd, les dents claquant à quelques centimètres de son poignet. François cria un juron et abattit un bâton sur le flanc de la bête. L’animal hurla, retomba lourdement au sol et détala vers l’ombre des cuves, une traînée sombre marquant son passage.
« Et ça, c’était le petit comité d’accueil », lâcha Brynjolf d’un ton calme, comme s’il commentait une partie de cartes.
Et déjà d’autres surgissaient. Trois silhouettes basses, le poil hérissé, déboulèrent du coin obscur derrière les caisses. Leurs yeux jaunes luisaient comme des braises dans la lueur des torches. Leurs couinements graves se répondaient, de plus en plus proches.
François leva son tisonnier, le cœur battant à tout rompre.
« Ils viennent pour nous bouffer vivants, j’te dis ! »
« Tiens bon », répondit Hroar, les mains crispées sur son manche de pelle.
Le premier ragnard bondit sur lui. Il para l’assaut, mais l’animal accrocha son avant-bras nu d’un coup de griffe. La douleur éclata en une brûlure nette. Hroar jura, mais tint bon, repoussant la bête d’un coup de pied. François, voyant le sang couler déjà sur la manche de son ami, sentit une rage soudaine lui traverser le ventre. Il se jeta sur un deuxième ragnard et l’asséna à la tempe d’un coup sec. L’animal chancela, mais tenta encore de mordre. François hurla et frappa encore, de toutes ses forces, jusqu’à ce que la bête s’effondre enfin.
« Ça suffit, vous deux ! » La voix de Brynjolf claqua comme un fouet. Le voleur venait d’envoyer sa dague voleter dans l’air : la lame alla se planter dans l’œil du troisième ragnard qui poussa un couinement atroce avant de s’écraser au sol.
« Pas mal, les gamins. Vous êtes encore debout, c’est déjà ça. »
François serra le bâton entre ses doigts moites. « Tu pouvais pas intervenir un peu plus tôt, espèce de… »
Brynjolf haussa un sourcil amusé. « Et vous priver de cette belle leçon ? Vous vous en êtes sortis. Avec en prime un peu de cicatrices pour faire viril. »
Hroar inspecta son bras. La griffure était profonde, mais pas assez pour l’empêcher de bouger. Cependant, le sang continuait de perler, coulant le long de son poignet. François pâlit.
« C’est… c’est quand même profond, non ?
— Ça ira », répondit Hroar les mâchoires serrées, mais d’une voix qui tint bon. Brynjolf lui lança un chiffon en lin.
« Compresse avec ça. Et continuez. Les bestioles vont pas attendre qu’on prenne le thé. »
Ils reprirent leur progression vers le fond de la cave. Là, derrière les vieilles caisses, se découvrait le cœur du problème : un trou béant au bas du mur, large comme une barrique. L’odeur qui en montait était différente, plus sèche, musquée, saturée d’une âcre senteur animale. À l’intérieur, des dizaines de petits yeux brillaient fugacement dans l’ombre, dansant dans une agitation nerveuse. Les ragnards poussaient de petits cris furieux, une masse grouillante prête à bondir.
Brynjolf désigna un seau posé à l’écart, plein de petites graines noires.
« Allez, videz-moi ça dans le trou avant qu’ils reviennent. Et dépêchez-vous, l’odeur de votre sang va les exciter. »
Les garçons prirent le seau à deux, et en versèrent le contenu d’un coup, en un grand bruit de pluie sèche, les graines crépitant sur les pierres à mesure qu’elles tombaient plus profondément. Les ragnards, tapis dans l’ombre, se jetèrent dessus en couinant, ignorant tout du poison qu’elles contenaient. Hroar frissonna. Ce mélange d’empressement et d’avidité avait quelque chose d’inquiétant, presque humain.
« Bon appétit, saloperies », lâcha-t-il entre ses dents.
François détourna le regard, nauséeux.
« On rebouche maintenant, vite. »
Ils arrachèrent des planches pourries d’une vieille caisse, les calèrent avec des pierres et les scellèrent à coups de marteau. Chaque coup résonnait comme un glas. Derrière, les ragnards s’agitaient encore, puis le tumulte retomba peu à peu, remplacé par un grignotement régulier. L’odeur musquée suintait à travers les interstices, mêlée désormais à un relent métallique plus écœurant encore.
Quand tout fut clos, Sabjorn descendit, le pas lourd et l’air contrarié. Son regard passa sur les planches scellées, sur les outils jetés en tas, sur la sueur qui trempait les chemises des garçons.
« Hmm. Pas mal. Ça tiendra… » Il renifla, fronça les sourcils. « Mais y a intérêt à ce que ça brille d’ici ce soir. Continuez à frotter, et pas de fainéantise. »
Il repartit sans un merci, claquant la porte derrière lui.
François cracha par terre.
« J’espère bien qu’il s’étouffera avec sa fichue cuvée, celui-là ! »
Hroar, lui, n’avait pas décroché un mot. Il s’était laissé tomber sur une caisse vide, le chiffon noué autour de son avant-bras déjà imbibé de rouge. Son regard était fixé sur les quatre cuves, massives dans la pénombre, d’où on entendait l’hydromel gargouiller faiblement derrière les lourds couvercles de bois, comme une bête endormie. Il fronça un instant les sourcils avant de tourner la tête vers son ami.
« François, appela-t-il d’une voix basse, ça peut pas marcher !
— Quoi ?, grommela l’autre en récurant une tache sombre sur le sol avec une brosse usée.
— Si on balance le poison dans une de ces cuves, tu sais ce qui va se passer ? »
François haussa les épaules, un pli nerveux au coin de la bouche. « Ben, ce qui est prévu, non ? Le capitaine goûte, il crache ses poumons, Sabjorn part au cachot, et Mallus trinque. Fin de l’histoire. »
Hroar secoua la tête. « Non. Réfléchis. Qui c’est qu’on va accuser en premier ? Les gars qui étaient dans la cave toute la journée avec un sac de poison. C’est nous, François ! Nous ! Sabjorn passera pour un empoisonneur, mais nous, on aura l’air des complices. Tu crois qu’un capitaine de la garde va passer à côté de ça ? »
François s’immobilisa, la brosse suspendue au-dessus du sol. Il ouvrit la bouche pour protester, puis la referma.
Brynjolf, qui observait en silence depuis un coin, esquissa un sourire mince. « Alors, petit malin ? Tu proposes quoi ? »
Hroar hésita, le chiffon crissant sous ses doigts. Il balaya la pièce du regard, comme si une solution allait surgir d’un coin. Soudain, son visage s’éclaira.
« Je sais ! Sabjorn, on veut que les gens croient qu’il ne sait pas tenir une hydromellerie, non ? On n’a qu’à faire croire que les ragnards avaient tout envahi ! On en met un dans la cuve, avec un peu des saletés qu’ils ont faites un peu partout ! Le goût sera infect, et si le capitaine inspecte, il croira que Sabjorn a tout laissé pourrir ! »
Un silence suivit. Puis Brynjolf éclata d’un rire bref.
« Oh, mais il a de la cervelle, ce gamin ! Sale, mais futé. Exactement ce qu’il faut pour survivre chez nous. »
François fit une grimace. « Il va falloir en porter un jusque là-haut ? Parce qu’ils sont pas exactement frais, les ragnards. »
Hroar désigna du menton une des carcasses les plus anciennes. Elle gisait près d’une caisse, déjà gonflée. L’odeur qui s’en dégageait n’avait rien d’une invitation.
« Justement, celui-là fera l’affaire. »
oOo
Le plan avait l’air simple, mais sa réalisation tenait de l’acrobatie. Sabjorn descendait régulièrement pour vérifier qu’ils « ne lambinaient pas ». Il arrivait en outre à certains ouvriers de passer dans la pièce. Chaque apparition les obligeait à repousser leur tentative. François et Hroar avaient attendu que la cave retombe dans le silence, entre deux rondes. Le cœur battant, ils avaient traîné la carcasse jusqu’au pied de la cuve marquée « Cuvée spéciale ». La bête pesait son poids, elle était encore plus lourde que les sacs de pommes de terre qu’ils transportaient depuis le marché vers l’orphelinat. Et les tubercules n’avaient rien à voir avec la chair raide et puante.
« Beurk… gémit François en se pinçant le nez. J’te jure, si j’attrape la gale avec ça…
— Tais-toi et pousse », répondit Hroar qui en tirant la tête de la charogne vers la plateforme qui surplombait les cuves. Au bout de quelques minutes, ils parvinrent à hisser le ragnard au sommet de la Cuvée Spéciale. D’un commun effort, ils soulevèrent le lourd couvercle circulaire. Une bouffée les envahit, un mélange suffocant d’odeurs sucrées et alcoolisées. Le monde vacilla aussitôt autour de François qui chancela, les yeux brouillés.
« Ça… ça tourne… »
Ses genoux cédèrent, il ne voyait plus que la surface du liquide ambré qui semblait vouloir le happer. Hroar, vacillant lui aussi, parvint à agripper son ami à temps pour le retenir. Un pas de plus, et il aurait basculé dans la cuve. Le couvercle retomba lourdement, et tous deux s’écrasèrent sur la plateforme, accrochés l’un à l’autre, les poumons en feu.
« Recule… Respire par la bouche… vite ! » haleta Hroar, suffoquant, les yeux larmoyants. Ils s’accordèrent quelques secondes de répit. Le cœur battant, luttant pour reprendre de l’air et incapable de retrouver son équilibre, François posa son front sur le bois tiède.
« On a failli… tomber dedans, murmura-t-il entre deux quintes de toux. On serait morts, Hroar. Morts ! »
Mais il n’y avait pas de temps à perdre. D’une grimace, Hroar fit signe de recommencer. Bloquant leurs respirations, ils soulevèrent le couvercle juste assez pour basculer la carcasse. La masse gonflée roula, glissa, et tomba dans l’hydromel avec un bruit spongieux. Une vague de liquide fermenté éclaboussa le rebord.
« c’est fait. Referme, referme ! »
Le couvercle retomba d’un coup sec, étouffant la puanteur. Les deux garçons s’effondrèrent contre la cuve, haletants, les bras tremblants. Ils restèrent ainsi quelques instants, à reprendre des forces tandis que leur parvenait le bruit épais du brassin qui engloutissait son macabre fardeau.
Puis des pas résonnèrent dans l’escalier. Sabjorn, sans doute, qui descendait inspecter.
François et Hroar échangèrent un regard, encore blêmes. Pas un mot. Ils se jetèrent à bas la cuve et prirent balais et brosses, frottant le sol et la sciure comme si leur vie en dépendait. Leurs mouvements étaient encore un peu désordonnés, et leurs crânes leur semblaient à la merci d’un forgeron particulièrement motivé, mais il n’y avait plus trace de leur forfait.
Quand la porte s’ouvrit, ils n’étaient plus que deux gamins courbés sur leur tâche, suants et sales, mais obéissants. Dans leur poitrine, pourtant, les cœurs battaient à tout rompre : ils savaient qu’ils venaient de frôler la mort, et que personne n’en saurait jamais rien.
oOo
La grande salle de l’hydromellerie sentait la cire et la fumée de pin. Les tables avaient été dégagées, polies à la hâte. Des chandelles neuves brûlaient dans des bougeoirs cabossés, et un petit tonneau cerclé de fer trônait fièrement sur une estrade improvisée, comme une pièce rare qu’on allait présenter à une cour royale.
François et Hroar restaient en retrait, près d’une poutre, fixant la scène avec une appréhension à peine voilée. Brynjolf, debout derrière eux, avait croisé les bras et montrait quand à lui une patience carnassière. Ses yeux suivaient chaque geste, mais son corps restait immobile, comme s’il n’avait jamais de doute sur l’issue.
Sabjorn entra, raide et sûr de lui, tenant un petit tonneau cerclé de cuivre comme si c’était un trésor. Son manteau taché avait été remplacé par une tunique presque propre, et il affichait un sourire crispé qui suintait l’impatience. Devant lui, un homme en armure de la garde de Blancherive l’attendait, massif, large d’épaules, le casque posé sur la table pour laisser voir un visage marqué de rides d’expression sévères : le capitaine de la garde.
« Commandant Caius, déclara Sabjorn avec emphase, j’ai l’immense honneur de vous présenter ma meilleure cuvée. Une réserve préparée avec soin, vieillie dans les conditions les plus… les plus raffinées. Vous n’avez jamais goûté d’hydromel pareil, je vous le garantis. »
Caius plissa les paupières, l’air de quelqu’un qu’on dérange avec trop de grands mots.
« Allons, Sabjorn, épargnez-nous vos envollées. Ce n’est que de l’hydromel. Pas un grand vin colovien qu’on déguste dans les palais impériaux en soulevant le petit doigt. Servez. »
Sabjorn, un peu déstabilisé, emplit une coupe de métal. Le liquide ambré brilla à la lueur des chandelles. Hroar retint son souffle.
Caius porta le gobelet à ses lèvres, avala une gorgée… et le recracha aussitôt avec un bruit atroce. Le jet sombre éclaboussa la table. Le commandant toussa, ses yeux roulant de dégoût.
« Par les Huit… mais qu’est-ce que c’est que ça ?! »
Le silence tomba dans la salle. François sentit son cœur remonter jusque dans sa gorge.
Sabjorn devint livide. « Je… je ne comprends pas, commandant… C’est… c’est ma meilleure réserve… »
« Silence, imbécile ! » rugit Caius en balançant la coupe sur la table. Le métal résonna comme une cloche. « Vous m’avez assuré que cet endroit était propre ! Que les problèmes de vermine avaient été réglés ! Et voilà ce que vous osez me faire boire ?! »
Il se leva d’un bond, repoussant la chaise, et fit signe à deux gardes de s’approcher.
« Inspection complète. Je veux voir chaque recoin de ce bouge. Maintenant ! »
Sabjorn, suant à grosses gouttes, bredouilla encore quelques protestations, mais le commandant marchait déjà vers l’escalier menant à la cave. Les gardes emboîtèrent le pas. François et Hroar se retrouvèrent happés dans le cortège, Brynjolf derrière eux, l’air tranquille de celui qui n’a rien à se reprocher. Les marches grincèrent sous leurs pas. L’air devint plus lourd, plus humide. François se sentait déjà coupable rien qu’à respirer.
Dans la cave, les torches allumées par la garde éclairèrent les cuves et le sol propre que les garçons avaient frotté jusqu’à s’en arracher la peau des mains. L’endroit brillait presque.
Caius inspira bruyamment, hocha la tête. « Hm. C’est net. Inspectez ces cuves. »
Un garde grimpa sur la plateforme, saisit le lourd couvercle marqué « Cuvée spéciale » et le souleva. L’odeur fétide jaillit aussitôt, une vague chaude de miel rance et de charogne. Le garde recula en jurant, plaquant un bras devant son visage. Caius s’approcha, jeta un œil dans l’ouverture… et pâlit.
« Par les Huit… » Il tituba, se retourna et faillit vomir sur la sciure. « Un ragnard ?! Dans la cuve ?! »
François et Hroar échangèrent un regard rapide : c’était le moment.
« Sabjorn !! hurla Caius, sa voix emplissant la cave. Vous m’avez servi ça ?! De l’hydromel à la charogne ?! »
Il fixait son interlocuteur avec des yeux ronds, le visage crispé, la main sur son arme, luttant visiblement contre l’envie de l’occire sur place. Le propriétaire bredouilla, blême :
« Mais je… je ne comprends pas, je… ce n’est pas possible ! »
Caius se tourna brusquement Brynjolf et les enfants.
« Vous trois, les dératiseurs. Vous étiez dans cette cave aujourd’hui, n’est-ce pas ? »
François sentit sa gorge se nouer. Brynjolf répondit le premier, le ton mesuré :
« On nous a appelés pour un problème de vermine. On a fait le travail demandé. »
Mais Caius fondit sur eux, sa silhouette surplombant les deux garçons sur lesquels il braquait un regard torve.
« Vous deux, dites-moi la vérité. Était-ce déjà comme ça ? Ou avez-vous nettoyé en vitesse pour cacher le désastre ? »
François ouvrit la bouche. Aucun son n’en sortit. Puis, comme si les mots jaillissaient d’eux-mêmes, il parla trop vite :
« M’sieur le commandant, on… on a fait tout ce qu’on a pu. C’était vraiment très sale. Y avait des ragnards partout, des dizaines. On a tout nettoyé bien comme il faut ! On y a passé toute la journée, je vous jure ! »
À côté, Hroar releva son bras encore bandé, la morsure visible à travers le chiffon taché.
« Les ragnards, ils attaquaient, il y en a un qui m’a mordu ! On a failli pas en sortir. On a fait le ménage… mais on a pas pu tout finir, et puis… Monsieur Sabjorn a dit qu’il fallait pas toucher aux cuves. On est désolés… »
Ses yeux s’étaient embués malgré lui. François sentit les siens piquer aussi. Qu’il nous croie, qu’il nous croie, pitié.
Caius les fixa longuement, la mâchoire serrée. Puis il lâcha un grognement de dédain.
« Hm. Des gamins envoyés nettoyer un cloaque pareil… quelle mascarade. »
Il claqua des doigts vers ses hommes.
« Inspection complète des autres cuves. Et celle-ci, vous me la sortez et vous la brûlez ! Pas question d’empoisonner la moitie de la châtellerie ! »
Il se tourna vers Mallus, resté prudemment en retrait.
« Vous. Vous reprenez l’intérim. Mettez cet endroit en ordre, et vite. Et surtout, plus une goutte de cette saleté ne sort d’ici tant que je n’ai pas approuvé. »
Mallus inclina la tête avec une servilité exagérée.
« Bien sûr, commandant. Tout sera fait selon vos ordres. »
Caius jeta un dernier regard furieux à Sabjorn, qui tremblait comme une feuille.
« Toi, en revanche, tu vas m’accompagner. Tu expliqueras au jarl ce que tu servais à tes clients. Le cachot de Fort-Dragon a une belle cellule qui t’attend. »
Il fit signe aux gardes, qui se saisirent du malheureux propriétaire, et le traînèrent hors de la cave. Sabjorn protestait encore, pleurnichait, mais sa voix se perdit dans l’écho des couloirs.
Le silence retomba.
François inspira enfin. Ses jambes tremblaient. Il sentit la sueur froide dans son dos. Brynjolf posa une main ferme sur son épaule, un sourire bref au coin des lèvres.
« Mission accomplie. Vous avez bien joué votre rôle. »
Hroar souffla, encore crispé. Mallus, lui, ricana en observant la cuve condamnée.
« Un ragnard crevé dans le brassin… fallait y penser. Jolie touche. Le plan n’a jamais été aussi beau. »
François détourna les yeux. Il n’avait aucune envie de rire. Tout ce qu’il sentait encore, c’était la puanteur du rongeur pourri, et le goût amer d’avoir servi, une fois de plus, les affaires de Maven.
oOo
Le bureau de Sabjorn sentait le parchemin humide et la cire froide. Les deux enfants y pénétrèrent à la suite de Brynjolf et Mallus, qui leur avait ouvert. Ce dernier leur adressa un sourire carnassier.
« Voilà, faites-vous plaisir, leur dit-il en se dirigeant vers la sortie. Mais ne videz pas complètement les coffres, je vais avoir besoin de fonds pour remettre l’affaire en route. »
Brynjolf s’installa devant le coffre-fort, l’œil brillant d’une gourmandise sans vergogne, mais qui n’avait rien d’enfantin.
« Occupez-vous du secrétaire, vous deux, lança-t-il à Hroar et François. Fouillez, mais ne glissez rien dans vos poches. Ici, tout retourne à la Guilde. Cherchez dans les papiers. Certaines informations valent plus que de l’or. »
Le meuble grinçait sous leurs doigts. Hroar tira un tiroir après l’autre, découvrant des plumes rongées, des fioles d’encre séchées, quelques carnets de comptes à la couverture tachée. Rien que des chiffres serrés et des dettes accumulées. François, déjà las, referma un casier d’un coup sec.
« Des comptes et des comptes… soupira-t-il. Y a pas un seul bijou, même pas une bague. »
Hroar, lui, continuait. Le dernier tiroir résistait, gonflé de paperasses. Il força un peu et en sortit une liasse ficelée, dissimulée derrière une pile de quittances. En dessous se cachait une lettre, soigneusement pliée, sur un papier de meilleure facture.
Il l’ouvrit et s’approcha de la bougie pour la lire.
« Sabjorn,
Tu trouveras dans le paquet joint le paiement final. Comme convenu, l’Hydronning doit désormais fonctionner à pleine production. Concernant tes inquiétudes vis-à-vis d’une éventuelle ingérence de Maven Roncenoir, je t’assure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour tenir ses biens et ses larbins à distance. Ce n’est que le début d’un long et fructueux avenir pour nous deux. »
En bas de page, seul un signe faisait office de signature : un cercle noir, traversé d’une dague stylisée.
Hroar fronça les sourcils. Il connaissait cette marque ; il l’avait déjà vue, furtivement, sur un autre document, dans le coffre d’Aringoth… Elle avait été apposée au bas d’une promesse d’achat concernant le domaine du Lumidor.
Une sueur froide lui coula le long de la nuque. « Brynjolf… » murmura-t-il, la gorge sèche.
Le roux leva la tête du coffre, agacé d’être dérangé. Hroar lui tendit la lettre. Brynjolf l’attrapa d’un geste vif, parcourut les lignes, puis plia le parchemin avec une lenteur calculée.
« Oh, ça gamin, ce sont des affaires d’adultes, dit-il en glissant la feuille sous sa veste. Vous n’avez pas besoin d’en savoir plus. »
François haussa un sourcil, mais ne protesta pas. Hroar, lui, sentit une brûlure d’impuissance. Ce signe… Il semblait les précéder. Comme si quelqu’un d’autre se dressait contre Maven Roncenoir. Quelqu’un d’assez puissant pour acheter le Lumidor, corrompre Aringoth et financer Sabjorn.
Ils quittèrent l’hydromellerie à la nuit tombée, les vapeurs sucrées de miel encore collées à leurs vêtements. François maugréait, Brynjolf sifflotait, satisfait. Hroar, lui, marchait en silence, le symbole gravé dans sa mémoire.
Il ne savait pas encore qui se cachait derrière ce cercle noir et cette lame, mais une chose était certaine : c’était un ennemi de Maven. Et il devait découvrir de qui il s’agissait. Peut-être pourraient-ils joindre leurs forces, et finalement porter des coups bien plus importants qu’ils ne l’avaient espéré.