Honneur et Amertume

Chapitre 6 : Les Sans-Tresses I : Pour Quelques Paroles de Mépris

3887 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/02/2021 23:31

Shaiélaè remua sur la selle de son cheval qui commençait sérieusement à l'inconforter . Heureusement, ils arrivaient à destination. Plusieurs hectares de tentes se profilait devant elle, derrière ses enfilades de palissades, de fossés et du mur de pierre sèche qui ceinturait le camps fortifié. L'escouade des forces spéciales au sein de laquelle servait la petite elfe rentrait à la maison. Ils chevauchaient depuis des heures déjà, après plusieurs jours de voyages depuis le désert où vivaient les tribus reculées de Alik'r. 

Shaiélaè avait vécu parmi eux avec son escouade. Une unité spéciale commandée par une agent des Lames en mission secrète, chargée d'unir et de coordonner les nomades rougegardes autour de la bannière de l'Empire et de la haine du Thalmor. La mission les avait épuisés, à force de réunions diplomatiques et assemblées de chefs. Ils avaient multipliés les présents, les promesses. Ils s'étaient battu, aussi pour prouver leur force. Et tester celle des nomades. Même s'ils s'y aventuraient avec réticence, le désert n'était pas pour autant vide d'elfes...


L'escouade pouvait à présent apporter la tête haute à l'état major un rapport encourageant sur l'implication des nomades ali'kr dans l'effort de guerre et les précieuses actions de guérilla qu'ils pourraient accomplir derrière les lignes aldmers. Leur ténacité avait porté ses fruits, tous pouvaient être fière des progrès accomplis.


Shaiélaè ne l'était pas moins. Elle n'avait qu'un rôle d'éclaireuse et se bornait à guider l'escouade à travers des terrains qu'elle connaissait du temps passé dans le bataillon de reconnaissance. On lui avait dit qu'elle pourrait servir d'interprète s'ils venaient à rencontrer des elfes, voir se faire passer elle-même pour une soldat du Thalmor si cela était nécessaire, mais la bosmer doutait qu'une telle occasion ne se présente un jour. Cette humble participation l'avait enchantée. Elle s'était prise d'affection pour la culture Rougegarde dans laquelle elle avait baigné toute ces longues semaines. Une culture pure, fascinante que les nomades alik'r vivaient avec dévouement. Bien plus que les rougegardes des villes, plus ouverts et cosmopolites. La petite elfe éprouvait une certaine nostalgie a devoir quitter le calme du désert. Ell songeait déjà à la prochaine mission qui l'y ferait y retourner, si le commandant acceptait toujours ses services...


Shaiélaè jeta un œil au chef de l'escouade, sur le dos de sa jument grise à côté d'elle. Nora Loune était une agent des Lames. On racontait que ses guerriers d'élites au service direct de l'Empereur portaient au combat une armure d'or et d'ébonite, forgée dans le style exotique des Tsaesci, du lointain et mystérieux continent d'Akavir. Si cela était vrais; Nora ne portait rien de tel qui pourrait laisser présager ainsi de son véritable rang au sein de l'armée impériale. La guerrière ne portait qu'une chemise légère aux manches retroussées. Son visage halé dépassait du col. Bien qu'elle n'aie pas plus de trente ans, ses cheveux courts et noirs arboraient déjà quelques mèches blanches. Des bottes et une culotte de cavalier complétaient sa panoplie rudimentaire. Une écharpe lui protégeait les hanches de sa ceinture à laquelle une épée courte et un banal poignard étaient sanglée. Lorsque Nora avait recruté l'éclaireuse pour la faire entrer dans les forces spéciales. Au lieu de l'épée et du poignard quelconque qu'elle portait aujourd'hui, sa hanche était ce jour là ornée du magnifique katana akaviroi emblème de l'Ordre des Lames et d'un tanto assorti. Elle les avait vu de ses propres yeux. Encore une fois, c'était par souci de discrétion que les précieuses armes n'avaient pas quitté pour cette mission la malle de l'agent.


Le groupe de cavalier s'approcha des portes du camps, où un poste de contrôle les attendait. Nora donna au garde leurs laisser-passer, attendit que le soldats ne les examinent. Les autres compagnons de Shaiélaè commençaient à s'impatienter. Le camps si proche leur évoquait les distractions que celui-ci promettait pour leur permission à venir. Ils discutaient entre eux de futurs bains glacés, bière fraiche, tournois de dès... Skaven n'était pas loin, juste à une cinquantaine de lieues au nord. Peut-être pourraient-ils y faire un tour, y profiter des thermes, des tavernes, des femmes, de la musique...


Shaiélaè n'aspirait elle qu'à retourner dans le désert. La musique mélancolie des flutes et des cithares ali'kr, lui manquaient, le soir au coin du feu. Jamais elle n'avait vu de ciel plus étoilé que là-bas. Les vêtements, les couleurs, les enfants si jeunes mais déjà si mature.... Les alik'r étaient des hommes rudes vivant dans un milieu hostile, mais c'est là qu'ils puisaient leur force et leur fierté. Elles lui rappelaient son peuple, les bosmer. Eux aussi ne faisaient qu'un avec l’environnement difficile où ils avaient élu domicile. Même s'il s'agissait d'un désert pour l'un et de jungles pour l'autre. Les histoires qu'ils contaient de leur voix chantante étaient si belles, si tristes, pourtant pleine d'espoir. Chaque mot portait le souvenir de leur continent perdu, qu'on racontait engloutis sous les flots. Shaiélaè l'avait devant ses yeux lorsqu'ils le décrivaient, aussi réelle que si elle le voyait.


La perspective de retrouver Ioreck remontait un peu le moral à la petite elfe. La dernière fois qu'elle l'avait vu, le nordique rongeait son frein au camps et s'ennuyait à en mourir. Le Thalmor avait rencontré de grandes victoires en Cyrodiil cette année. Ici, on tenait bon. Une partie de l'armée progressait le long de la côte pour reprendre les territoires perdu. Le reste campait devant devant Skaven, cité clé pour contrôler le désert. Decianus entendait la garder. Il consolidait ses positions défensives dans la région. Aussi cela faisait-il bien longtemps que Ioreck n'avait pas eu la moindre bataille à se mettre sous la dent. Même pas la plus petite escarmouche. Il commençait à devenir insupportable au moment où Shaiélaè avait enfin pu s'en éloigner grâce à la mission de Nora.

La veille, sur le chemin du retour, ils avaient croisé une patrouille de reconnaissance qui leur avaient raconté que le Domaine avait lancé une petite offensive pour tester les défenses de l'Empire dans la région. La IXème légion l'avait aussitôt repousser. Si Ioreck y avait prit part, le moral du nordique se porterait sans doute mieux après cette bataille.


A l'intérieur du camps, l'ordonnance du général Decianus vint accueillir l'escouade. Une réunion d'état-major retenait l'attention du général, dit-il. Il écouterait le rapport de Nora lorsque celle-ci sera achevée, dans deux heures tout au plus. L'agent des Lames promit d'attendre le temps qu'il faudra. Quand aux membres de son escouade, elle les libéra de leurs obligations pour le reste de la journée. Elle les ferait prévenir à la fin de son entrevue si elle avait quoi que ce soit à leur faire savoir.


Les soldats se dispersèrent, pressés de reposer leur arrière-train endolori d'une chevauchée éprouvante, d'enfiler des vêtements propres et de paresser à l'ombre jusqu'à la tombée de la nuit.

Shaiélaè dirigea les pas de son cheval vers les quartiers de la XIème cohorte d'infanterie de choc. Elle entendit un petit trot la rejoindre et Nora se plaça à sa hauteur en souriant.


" Tu as l'air épuisée, Shiala. Un gobelet de bière à la popote ça te tente ? "


Les alik'r éprouvaient quelques difficultés à prononcer " Shaiélaè " correctement. Lassés de bredouiller et de forcer à chaque fois la petite elfe à les corriger, ils simplifièrent et finirent par la nommer "Shiala", un nom féminin commun dans leur tradition. Ce surnom amusa beaucoup les compagnons de Shaiélaè qui l'appelèrent ainsi à leur tour. Jusqu'à ce qu'il lui colle à la peau. Mais elle s'y était habituée.


Shaiélaè déclina l'invitation.


" Merci, plus tard peut-être. J'aimerais voir un ami d'abord. "


" C'est ce nordique dont tu avais parlé ? Ioreck, je crois ? "


Nora Loune était une femme sympathique. Elle et Shaiélaè avaient toute deux tissés des liens d'amitiés au fil de leurs aventures dans le désert. En fait, tout les membres de l'escouade spéciale qu'ils formaient étaient des types formidables. La petite elfe se sentait particulièrement à au sein de l'ambiance fraternelle de leur petit groupe.

Tant pis pour le verre, mais Nora l'accompagna tout de même. Elles discutèrent en chemin, du nordique et d'autres choses. Jusqu'à ce que Shaiélaè, n'en pouvant plus finisse par l’interroger :


" Chef, la plupart des tribus alik'r ont promis d'aider l'Empire, alors..."


Nora la rappela à l'ordre sur un ton de reproche :


" On ne parle pas de ça ici, Shiala. C'est confidentiel, " . Shaiélaè rougit. Elle avait tendance à oublier qu'elle travaillait à présent avec les services secrets. Ils n'avaient pas pour habitude de converser sur la nature de leur mission. Encore mois en plein cœur du plus vaste camps militaire de la région, où abondent les oreilles...


" Désolée..." bredouilla la petite elfe, consciente de sa bourde. Le visage ne Nora se radouci. L'incident était clos.


" Je voulais dire," repris Shaiélaè en s'efforçant de trouver des mots neutres, " nous sommes en contact avec des gens qui connaissent mieux le pays que moi, maintenant. Et puis... euh... si on a réussi, est-ce qu'il y aura une suite à la mission ? "


" Tu as remplis ton rôle de guide pour notre escouade, ça ne veut pas dire que tu n'est plus utile. Tu es trempée jusqu'au cou dans les secrets de la mission. Tu as accumulé des compétences, des connaissances. Tu reviens plus expérimenté que tu ne l'es partie. Et tu es une membre de mon escouade, dont je ne souhaite pas briser la cohérence. Personne ne te mettra au placard. Quand à notre mission, si le plus dur est fait, elle ne fait en réalité que commencer. A condition que Decianus entende de la même oreille que moi ce que j'ai à lui dire. Crois moi, nous avons encore du travail...


Un sourire effleura les lèvres de Shaiélaè, rassurée. Les deux femmes arrivèrent au camps de la XIème cohorte. La petite elfe reconnu de plus en plus de visages familiers à mesures qu'elles approchaient du carré où se dressaient les tentes du bataillon de Ioreck. Les troupes ne chocs ne brillaient pas aujourd'hui par leur activités, à ce qu'elle voyait. Les hommes paressaient à l'ombre ou s'affairaient aux corvées quotidiennes. Quelques bataillons aux officiers plus sévères manœuvraient sur le terrain d'entrainement, en sueur sous le soleil de l'après-midi.


Shaiélaé remarqua Suzanna et quelques autres, devant leur tente. Son cœur se réchauffa à la vue des rudes guerriers. Les frères et sœurs de Ioreck étaient aussi les siens. Elle mit pied à terre, ôta le keffieh de laine qui voilait sa tête et s'approcha.

La petite elfe trouva Ioreck un peu plus loin. Appuyé contre une planche posée sur deux tonneaux, il discutait avec une jeune femme au visage timide, rougis de coups de soleil sous une tignasse blonde usée, desséchée par la poussière. Elle tombait en mèche courte et inégales sur son front et sa nuque, tailladés à hâte au poignard pour en limiter l'entretient en temps de guerre. Elle portait un surcot de cuir bouilli marqué sur le torse du dragon impérial, un pantalon court de toile brunatre et informe et des sandales rapiécées , lacées jusqu'à la moitié de ses tibias couvert de plaies crouteuse de piqûres d'insectes. Une lourde sacoche en bandoulière la faisait ployer sous son poid, lui donnant une silhouette gauche et tordue. Brodé sur le sac s'affichait le même symbole dessiné peint au brassard de son bras droit. Un symbole que Shaiélaè connaissait bien : le lys des cimes bleu des services de santé de la Légion Impériale.


" Tu l'as déjà changé ce matin, je n'ai pas besoin de toi pour me servir de nourrice !" se plaignait Ioreck, visiblement agacé par la présence de la guérisseuse.


" C'était ce matin, et tu as bougé et sali le pansement depuis. Il doit être changé où ça s'infectera. Je viens m'assurer que ça soit bien fait, c'est tout..."


Les paupières de la guérisseuse papillonnaient lorsqu'elle parlait à Ioreck. La petite elfe méfiante resta à distance pour observer. Elle la soupçonnait de plus en plus de n'être pas que rouge à cause de la chaleur...


La guérisseuse attrapa le bras de Ioreck sans lui demander son avis. Il le portait en écharpe, serré d'une épaisse couche de bandages. Shaiélaè grimaça en découvrant son ami blessé. Ce n'était pas la première fois, mais toujours elle ressentait la douleur qu'il devait éprouvait. Et la peur qu'un jour, une lame ne lui prenne plus que quelques gouttes de sang. La blessure semblait bénigne cette fois, le nordique ne montrait aucun signe de douleur en bougeant le bras Les cicatrices qui zébraient son torse et ses épaules témoignaient des précédente. Le guerrier s'était mis torse nu pour mieux supporter la chaleur. D'ailleurs, Shaiélaè voyait bien que la guérisseuse ne pouvait s'empêcher de loucher sur les pectoraux de Ioreck. Le soleil de Martelfell en avait fait fondre la graisse. Les muscles saillaient sous sa peau luisante de sueur fraiche.


La blondinette posa sa main sur le torse de Ioreck pour l'obliger à s'asseoir sur la table derrière lui, encombrée d'un hache ou deux et de reliefs de repas. Le nordique ronchonna, mais obtempéra. Son infirmière détacha les bandages. Une plaie peu profonde courait près de l'aisselle du guerrier. Shaiélaè se rassura sur l'état de santé de son ami, mais pas sur les intentions de la jeune femme qui s'en occupait. Ses doigts vifs caressaient les muscles de Ioreck pour y appliquer un onguent. Elle baissait la tête pour lui cacher le sourire béat qui illuminait son visage, mais de toute manière, le nordique regardait ailleurs.

Il ne restait plus qu'à refaire le pansement neuf. La guérisseuse fouilla sa sacoche pour en tirer du drap propre et en deux temps trois mouvement, la chose fût faite.


" Voilà ! " roucoula-t-elle fièrement lorsqu'elle eut apporté la touche final au nœud qui tenait le tout. Ioreck soupira d'aise et se leva rejoindre ses compagnons pour une partie de dès. La guérisseuse le retint encore un instant


" Dis..." se força-telle à demander timidement, toute trémoussante de nervosité. " Ca ne te dirais pas de sortir avec moi ce soir ? On pourrait se balader, boire un truc... La IIIème cohorte organise parfois des soirées avec de la musique, on pourrait danser..."


Ioreck promena de grands yeux ronds la jeune femme. Il contempla son visage brulé, ses jambes crouteuses, ses vêtements difformes, sa dégaine torse, s'attarda sur ses cheveux saccagés.


" Écoute, Elena... Je suis désolé, mais non. Tu sais, tu n'es pas vraiment une femme... Tu es une légionnaire. Une petite sœur. On traverse la guerre ensemble. Tu es sympa, mais je ne te vois pas comme ce genre de fille... J'ai du mal à m'imaginer avec une fille soldat. "

La guérisseuse fixa la bouche de Ioreck sans en comprendre les paroles. Et après un moment, elle baissa la tête. Elle tourna les talons, honteuse, et parti sans rien dire. La méfiance de Shaiélaè à la voir tourner autour de Ioreck se changea immédiatement en compassion. Comment pouvait-il l'humilier ainsi après ce qu'elle avait fait ? Le comportement sans vergogne du nordique la mettait en colère.


" Qu'est ce que c'est que ces bêtises que tu raconte? " demanda brusquement Shaiélaè en se plantant devant Ioreck, sans plus de d'affabilité pour leurs retrouvailles après des semaines d'éloignement.


" Oh, tu es rentrée ?" s'étonna Ioreck, surpris de revoir son amie. " Comment était ta mission? Ça va ? "


" Oui, je suis rentrée. Mais pourquoi est-ce que tu lui a dis ça ? Tu n'étais pas obligé de la rejeter, pas comme ça ! Tu aurais pu aller te promener avec elle. Ca ne t'engageais à rien ! "


Nora avait assisté à la scène avec Shaiélaè. La petite elfe remontait les bretelles du nordique, elle intercepta la guérisseuse qui pleurait de grosses larmes silencieuses. L'agent des Lames s'efforçait de la réconforter. La jeune femme sanglota fiévreusement contre l'épaule de cette inconnue qui la serrait dans ses bras.


" Tu sais très bien pourquoi elle voulait se promener et danser avec moi. Mais cette fille n'est pas mon genre, je n'aurait pas pu être amoureux d'elle. A un moment ou un autre, la vérité l'aurait déçue."


" Ce n'est pas ton genre parce que c'est une légionnaire ? "


" Oui. C'est mon choix, tu ne vas pas me dire qui je dois aimer ou pas. Les filles soldats, vous n'êtes pas féminine. La guerre vous enlaidie. Je préfère les filles dans de jolies robes, avec de longs cheveux ornés de tresses. Des filles innocentes. Qui ne se battent pas dans un désert, les deux pieds enfoncés dans les entrailles d'un mort."


Suzanna aussi était témoin de l'altercation. D'abord sans s'en mêler, puis la guerrière approcha en voyant la dispute entre Ioreck et Shaiélaè. Comme elle, elle tenait pour affront personnel les paroles du nordique.


" Si je te demandai de danser avec moi, " disais la petite elfe, " tu me rejetterais parce que j'ai coupé mes cheveux pour faire la guerre, que je porte une armure, que je suis sale et que mes mains tuent ? "


" Bien sûr que noon ! Je danserais avec toi, parce que tu es mon amie. Il n'y aura pas d'arrière pensée amoureuse derrière cette danse. La danse que voulait Elena, si. Je vous apprécie toute les deux en amitié. Vous êtes des sœurs d'arme. Pas des fiancées."


Les phalanges de Suzanna claquèrent d'un bruit sec lorsqu'elle craqua ses jointures pour faire remarquer à Ioreck sa présence menaçante.


" Ecoute, Ioreck : Moi, je m'en fiche . J'ai choisis quand j'étais adolescente de vivre de mon épée. J'ai choisie d'être mercenaire, de porter une armure, de tuer, d'avoir des cicatrices. J'avais 14 ans la dernière fois que j'ai porté une robe. J'étais déjà laide avant de couper mes tresses parce que dans le désert, ça n'est pas pratique. De toute façon je m'en fous de ton opinion sur moi. Je suis une garce et si tu essayais de me draguer, tu finirais avec mon poing dans tes dents. Mais cette pauvre fille, elle, elle n'a pas choisi d'être comme ça. Avant la guerre elle ressemblait comme toute les fille avec lesquelles tu aime sortir. Elle avait une jolie robe, un visage mignon, des fleurs attachées à ses longs cheveux dorés. Sauf que le Domaine Aldmeri a envahi son pays. Elle a voulu se rendre utile pour éviter un sort horrible à ceux qu'elle aime. Maintenant elle passe ses journées à recoudre et panser des blessures, elle est aussi courageuse que toi et moi. Ça fait deux ans que la guerre dure. Personne ne sait combien elle durera encore. Et rien ne garanti qu'elle survive pour en voir la fin. Quel âge a-t-elle ? 18, 20 ans au maximum ? Sa jeunesse, les plus belles années de sa vie, elle les gâche dans ce désert moisi à retaper des types comme nous. Que crois-tu, à ton avis ? Qu'elle préfère recoudre le bide d'un type étripé par une lance, ou tournoyer lors d'un bal au bras d'un gars mignon ? Elle a l'air gentille, cette fille. Elle est mignonne, si tu es capable de voir la femme cachée derrière les vêtements d'hommes et les cheveux cisaillés. Elle est folle amoureuse de toi, ça se voit. Ou l'était, avant que tu ne la rejette comme une souillon. Alors tu vas aller la voir. Tu vas t'excuser. Et tu vas l'emmener avec toi se promener et danser. "


La guerrière balança son épée sur son épaule. Son air peu commode laissait entendre qu'elle pourrait s'en servir si elle le voulait. Pourtant Ioreck se drapa de fierté :


" Tu ne peux pas me forcer à tomber amoureux de qui je ne veux pas. Je te proposerais une soirée, tu me mettrais mis un râteau, personne ne t'obligerais à sortir avec moi par charité. Je n'ai pas de sentiments pour Elena, je ne la trouve pas à mon goût pour les raisons dont j'ai parlé. Tu ne peux pas m'y forcer. "


" T'es parfois vraiment con, Ioreck" , souffla Shaiélaè pleine de déception pour son ami.


"Laisse-le, oublions. Viens . " Suzanna tira la petite elfe par le bras, le visage tordu de dégout. Toute deux plantèrent-là le nordique et allèrent retrouver Nora qui peinait à remonter le moral d'Elena.


" Il payera un jour ou l'autre, ne t'inquiète pas.... " siffla Suzanna pour la rassurer. Nora acquiesça. Les larmes d'Elena imbibaient sa chemise.


" Je suis d'accord. On trouvera quelque chose, je le promet. Pour elle, et pour toute les femmes soldat que compte cette armée. "


Elles raccompagnèrent toute trois Elena à l’hôpital du camps . Là bas ses amies les relayèrent pour la consoler. Shaiélaè la laissa entre de bonne mains quand elle alla se reposer de la longue chevauchée de la journée. Cet épisode avait sapé son moral. Seule la perspective de revoir Ioreck rattrapait la tristesse qu'elle éprouvait de devoir de quitter la vie des nomades ali'kr. Et elle venait de perdre ce réconfort. Hors de question de faire comme s'il n'avait rien fait à Elena. Elle se sentait aussi visée qu'elle par les paroles méchantes du nordique. Il suffisait pour elle de se regarder ! La petite elfe se contempla en passant son reflet dans le métal poli d'un bouclier posé le long d'un râtelier. Elle y vit une une gamine crasseuse, vêtue d'une armure usée et poussiéreuse. La tignasse raide tombant jadis sous ses épaules, elles l'avait elle-même amputée sommairement peu après la bataille de la Marche de la Soif. Cette guerre dévorait les belles années de sa vie, le seul homme qu'elle eut aimé d'amour gisait dans une tombe anonyme sous les sables du désert. Entre elle et Elena, quelle différence ? L'une pansait des blessures, l'autre partait reconnaissances, voilà tout. Elle n'adresserait plus la parole à Ioreck, tant qu'il n'aurait pas présenté d'excuses pour sa désobligeance.



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