Honneur et Amertume

Chapitre 8 : Les Sans-Tresses III : Vengeance pour Elena

4535 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/01/2021 23:53

Le ventre gargouillant de Ioreck rapella au nordique que l'heure du repas approchait. Encore une journée peu productive... Il détestait cette inactivité, cette stratégie défensive adoptée par les gros bonnets de l'état-major qui refusait de chercher la bataille avec les elfes. Le dernier combat remontait à quoi, deux mois ? Sans compter cette escarmouche, juste avant que Shaiélaè ne revienne de sa satanée mission-secrète dont elle refusait de lui piper mot. Tout ce qu'elle pouvait lui dire, c'est qu'elle repartirait bientôt, dans quelques semaines tout au plus... Ioreck feignait l'inintérêt à ce sujet lors de ses discussions avec la petite elfe. Tout juste osait-il quelques questions à mot voilé, mais son amie ne saisissait jamais la perche de ses allusion. Il craignait qu'elle ne le juge jaloux d'être membre d'une escouade d'élite détachée en mission occulte. Comme s'il pouvait l'être ! Bon, en vérité il l'était. Un peu. Mais surtout atrocement curieux. La mission de Shaiélaè la conduisait dans le désert, les preuves l'attestaient. Mais que pouvait-elle donc y faire qui nécessite la supervision d'une agent des Lames ? Raaah... l'idée qu'il ne connaitrait sans doute jamais la réponse à cette question lui filait des démangeaisons... Peut-être qu'après la guerre, Shaiélaè accepterait de lever le voile recouvrant cette question...

Ca le démangeait, ca le démangeait, Shaiélaè se plaisait dans sa nouvelle unité. Il ne l'avait plus vue aussi épanouie depuis la mort de Saïd... Le nordique voyait des étoiles briller dans les yeux de son amie avec un éclat qu'il avait cru éteint depuis bien longtemps. Finalement, c'est ce qui comptait, non ? Qu'elles soit heureuse, qu'il profite au mieux du temps qui leur était impartis ensemble avant son prochain départ. Lui n'était par contre pas prêt de bouger du camps, au train où les choses allaient. Les troupes de choc ne brillaient pas particulièrement pour leur discipline et la longue inactivité n'arrangeait pas les choses. Les officiers se voyaient chaque jour qui passait contraint de redoubler d'imagination pour occuper les muscles et l'esprit de leurs soldats . Ils se sentaient dans la peau de chiens affamés tirant sur leur laisse de toute leur force pour attraper un morceau de viande tout juste hors de porté, alors que leur maître s'épuise un peu plus chaque jour à réfréner leur effort.

Le moral s'en ressentait et les tensions se multipliaient au sein de bataillon. Suzanna, par exemple. La guerrière boudait Ioreck. Elle ne lui avait plus adressé la parole depuis ce bête incident avec la gamine qui soignait sa blessure reçue lors de la dernière escarmouche. Elle lui fit des avances que Ioreck écarta. Une gentille fille, mais plutôt laide. Dans le genre garçon manqué. Ca aurait pu s'arrêter là, mais Suzanna s'en mêla elle aussi. Pour une raison ou une autre, elle prit le refus comme un affront personnel. Elle essaya de l'intimider, avec ses airs de molosse et dès lors lui fit la tête en l'ignorant dès que le nordique tenait de lui parler. Ah, les femmes... Qu'est ce que ca pouvait lui fiche, par Talos, qu'il sorte avec telle ou telle fille et rejette celle là ? Shaiélaè aussi, tiens, avait semblé trouver ça révoltant. Comme à son habitude, elle ne lui fit la tête qu'un jour ou d'eux avant de revenir comme si rien ne s'était passer et d'oublier entièrement cet incident sans jamais en reparler. Il n'aimait pas les filles soldats, il faisait ce qu'il voulait, non ? Il passait ses journées dans un camps militaire, il avait bien le droit de rêver des filles étrangères à ce monde là. Il ne voyait pas de réconfort dans les mains caleuses d'une garçonne manipulant chaque jours la mort, mais dans celle d'une femme pure qui parviendrait à lui faire oublier ce qu'est la guerre. Elena ne pouvait être son amoureuse elle était déjà sa sœur. Le lien puissant forgé par la guerre et les épreuves les unissait l'un à l'autre, autant qu'il liait Ioreck à chaque homme et chaque femme de cette armée. Ioreck accepterait sans une hésitation de mourir pour Elena mais s'imaginer l'embrasser laissait dans sa bouche comme relent d'inceste.

Suzanna, quelle peau de vache... Se mettre en rogne et bouder pour de telles bêtises... Ioreck la laissait mariner un peu. Il ne lui donnerait pas le plaisir de penser que son comportement pouvait lui faire lâcher des excuses. Lui aussi pouvait se montrer têtu, elle allait voir...

Le coup de totoche tant attendu sonna enfin l'heure du repas. Le temps pour Ioreck d'aller chercher sa gamelle et sa cuillère dans sa tente, une file déjà longue patientait en ligne devant les feux de camps garnis de lourdes marmites exhalant une forte odeur de choux et de lentilles. Une cantinière debout derrière sa popote servait de grosses louches gluantes du brouets aux soldats défilant à la chaine devant elle. 

Ioreck s'inséra dans la file et attendit son tour. Suzanna arriva juste après et se plaça juste derrière lui. Le regard froid et sans dire mot. Le nordique roula des yeux blasés en constatant que son attitude de changeait toujours pas, puis l'ignora à son tour.

La file avançait vite. Une fois servis, les soldats se dispersés à l'ombre, sous leur ou des auvents. Même faiblissant le crépuscule approchant, le soleil du pays conservait jusqu'à la disparition de son ultime rayon la capacité de cuire tout ce sur quoi se posaient ses doigts brûlants... pour ne céder jusqu'à l'aube qu'à une nuit glaciale, vidée de la chaleur de la journée. Putain de pays de merde...

Le tour de Ioreck arriva enfin. Il donna sa gamelle à la cantinière. La serveuse plongea sa louche dans la marmite, versa le contenu et la secoua deux-trois fois, pour faire tomber ce qui y restait collé. Derrière lui, Suzanna poussa un juron. Ioreck tourna la tête pour l'apercevoir du coin de l'oeil tenter en vain de rattraper sa cuillère qui s'échappait de ses mains, rebondir plusieurs fois sur les doigts de la guerrière et s'écraser au sol, entre les pieds du nordique. Suzanna se pencha pour la ramasser. Ioreck fut plus rapide et la tendis à son amie avec un sourire bienveillant. Suzanna la lui arracha des mains, mais consentit tout de même à lâcher un "merci" sec et sans conviction. Ioreck soupira, décidément lassé. Il se tourna de nouveau pour rependre sa gamelle pleine toujours entre les mains de la cantinière, qui attendait le bras tendu que celui-ci la récupère.

Dîner monotone de choux et lentilles bouillies, agrémenté symboliquement de quelques miettes d'une viande non-identifiée. Le désert ne facilitait pas le ravitaillement. L'invasion elfe et la révolte des Crevassais qui profitaient de l'inattention de l'Empire pour revendiquer la région frontalière de Hauteroche et Skyrim isolaient l'armée de Martelfell. Elle dépendait prioritairement pour nourrir ses soldats de la production agricole de Skaven. Voilà pourquoi protéger la plaine fertile entourant l'oasis au bord duquel la cité se dressait se révélait être un objectif primordial pour l'état-major.

Il y avait là de quoi vous foutre en l'air le moral, songea Ioreck en touillant la masse spongieuse remplissant sa gamelle. Passé l'effet de surprise de l'invasion, l'Empire remporta pratiquement toute ses batailles en Martelfell. Des succès militaire au coût humain exorbitant, qui empêchaient à chaque fois de transformer en victoire stratégique des victoires tactiques...Si la situation s'empirait, quelle humiliation ce serait que de perdre la campagne par manque de provision...

Ioreck se surprenait souvent à ressasser ces idées noires. Surtout si le dîner s'avérait être aussi morne que celui d'aujourd'hui. Mais merde aussi ! Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que l'on ne consente à leur servir de l'action ?

De nouvelles recrues de son bataillon l'invitèrent pour une partie de dès. Il finit son plat en vitesse et s'en alla les rejoindre. L'apparence de la tambouille s'avérait pire que le goût, finalement. Au moins dans cette provinces, les épices de manquaient pas. Les cuistot l'assaisonnèrent ce soir plus qu'à l'habitude. Non sans raison, de toute évidence : le goût puissant du poivre, de la girofle et des piments masquaient favorablement l'amertume fade du choux bouilli.

Les parties s'enchainèrent sans que Ioreck ne remporte la moindre d'entre elles. Les bougres jouaient bien... De nouvelles recrues, mais pas des blanc-bec. Comme lui, des reîtres et des spadassins partant pour un brin d'aventure dans une campagne militaire. Le profil recherché pour les troupes de chocs. Déjà durs, sans pourtant passer leur baptême du feu sous l'étendard de la Légion. Ioreck les soupçonnait d'être de longue date habitués aux tripots où les dès sont si populaires. Ce qui expliquerait leur habileté... ou leur faculté à tricher sans éveiller les soupçons.

La solde hebdomadaire de Ioreck changea de mains sur un brelan de cinq. Il décida là d'arrêter les frais en quittant la partie. Un orque lui proposa tendit une bouteille pour le consoler, de la gnôle artisanale fabriquée par les auxiliaires en distillant des quartiers de cactus. Ioreck déclina. Il se sentait mal. Sa tête tournait lorsqu'il se leva, il regagna gauchement sa tente avec sa vision obscurcie par des points noirs.

Le nordique s'assit sur son lit de camps, enfouit sa tête dans ses mains. C'était sans doute passager. Il attendit donc là un moment, immobile en fermant les yeux.

Ugor entra dans la tente s'enquit de son état.

" Ca va... " répondit Ioreck qui répugnait à ce que les autres s'occupent de ça. " C'est rien, je suis un peu crevé. "

Ugor haussa les épaules et ramassa son barda qu'il était venu cherché.

"Tu vas où ? " s'étonna Ioreck en voyant son voisin de lit lever ainsi le camps.

" J'échange ma place avec Elga. Elle voudrait être à côté Jan pour cette nuit. "

Ioreck ne prêta pas plus attention au remue-ménage d'Ugor. la nausée commençait à lui retourner les entrailles. Elga ou une autre, peu importe qui dormirait à côté de lui, il ne se sentait pas d'humeur à sociabiliser. Il s'allongea, position moins pénible qu'assise. Le mal-être s'atténua un peu. Ça passera... Ses paupières s'alourdissaient. Il les ferma. Les autres s'étonnerait sûrement de le voir dormir si tôt lorsqu'ils iraient se coucher à leur tour. Lui seul occupait la tente à cette heure où les soldats profitaient de la fraicheur de la soirée, pour ceux que le service ne retenait pas. A gauche du nordique, la paillasse d'Ugor n'attendait plus qu'Elga. A sa droite, les affaires de Suzanna soigneusement alignées sur son lit de camps marquaient de territoire de la guerrière. Sa dispute avec Ioreck n'était de toute évidence pas assez conséquente pour qu'elle daigne changer sa couche de place pour s'en éloigner...

Le sommeil emporta finalement Ioreck, plongeant son esprit dans des rêves fantasmagoriques de formes géométriques et dansantes.

Quelque chose le remuait. Le corpsde Ioreck refusa d'abord de réagir, persuadés que cette sensation appartenait aux domaines des songes dans lequel son esprit nageait. Le contacts, les chocs sur sa peau se faisant de plus en plus fréquent, il lui fallut bientôt se rendre à l'évidence qu'il s'agissait de stimuli externes. La conscience de Ioreck emergea à moitié. Il venait de s'assoupir voilà quelques instant, pourquoi se lever maintenant ?

Une douleur sourde tirailla son bras. Elle sonna comme un signal d'alarme pour Ioreck qui s'éveilla d'un coup. Un brusque sursaut de conscience trop brutal, qui lui donna le vertige. Un essaim de point noir moucheta son champs de vision Quelque chose entravait ses mouvement. Il tirait sur ses liens mais ses muscles engourdis refusaient d'affirmer toute la puissance de leur capacité. L'esprit de Ioreck ballotait encore du sommeil brusquement interrompu. La même gueule de bois qui l'incommodait la veille embrumait ses sens, lui donnait la nausée.

On s'activait au dessus de lui, quelque chose de bizarre se passait. Il sentait des liens se refermer sur ses jambes qu'une paire de mains gardait serrée. Il les secoua faiblement dans l'espoir de se défendre. L'intrus qui le ligotait n'eut pas à fournir de grand efforts pour contrer ceux de Ioreck. Chaque tentative de mouvement se révelait d'une pénibilité extrême, comme si l'on avait noyé son corps dans des sables mouvants.

" Qu'... qu'est ce que... c'est quoi qui... qui... ?"

Sa langue pâteuse bredouilla des mots que son esprit peinait à assemblait.

" Il se réveille, bâillonne-le, vite ! " chuchota une voix au dessus de lui. Il la reconnu, c'était celle de Suzanna. Presque aussitôt, on lui ouvrit la bouche de force pour y fourrer une boule de chiffons. Il tenta de la cracher, de crier. Une poigne implacable maintenait sa mâchoire le temps qu'on lui enfile une corde entre les dents pour maintenir le bâillon en place. Qu'est ce qu'il se passair putain ?

Deux silhouettes l'encerclaient, s'activaient autour de lui. Il ait déjà reconnu Suzanna. Ses yeux peinèrent à identifier l'autre. Elga. Elga ? Qu'est ce qu'elle fichaient ? Et les autres ? Ils dormaient dans leur lit, inconscient de l'agression que subissait Ioreck. Seule Suzanna et Elga s'étaient levé du leur, de part du sien pour le réduire à l'impuissance.

Ioreck cria à travers le bâillon.

" Ta gueule !" chuchota Suzanna en plaquant sa main sur son visage. Elle lui pointa son poignard sous le nez. "Tu vois ça ? Encore un cris et je t'égorge comme un porc, compris ? "

MERDE !! Il se passait quoi, à la fin ?!

Elles avaient finies de le ligoter. Suzanna attrapa les bras de Ioreck, Elga les jambes et elles le soulevèrent pour le transportait hors de la tente. Ioreck pesait son poids, mais les deux guerrières étaient vigoureuses et leur fardeau incapable de résister même s'il le voulait.

Elga poussa un juron tout bas, en pestant contre la masse de leur victime. Suzanna l'enjoint au silences et elles quittèrent ainsi la tente, en prenant bien garde de ne réveiller personne.

D'autres individus attendaient dehors. Ils se précipitèrent aider Elga et Suzanna à transporter leur fardeau. Tout allait trop vite pour lui, il n'avait pas le temps de les reconnaitre lorsqu'ils passaient devant son champs de vision. Six paires de bras le transportaient, les autres escortaient cet insolite convois. Encerclé d'une muraille humain, Ioreck aurait été incapable de dire où on l'emmenait. Ce n'est qu'en tournant la tête qu'il pouvait apercevoir un bout du camps entre les jambe de l'un de ses ravisseurs. Ils s'approchaient de la place d'arme, où la IXème légion au complet pouvait se réunir pour des allocutions ou à l'occasion de revues générales. Le convois franchit un cordon de sentinelles sans que celles-ci ne réagissent à l'enlèvement, ou que la troupe le transportant ne fasse mine de l'éviter.

C'est un Ioreck apathique, ayant cessé l'idée de se défendre que Suzanna et les autres jetèrent finalement au sol sans plus de considération que pour un sac de pommes. Ils étaient au pied du grand mât au sommet duquel flottait, levé chaque matin, l'étendard de l'Empire et l'emblème de la IXème légion. Une armée de bras s'activa pour l'y ligoter.

" Vous avez l'antidote ? On va le lui administrer ? "

" Gaffe, Ioreck. Un cris et je te saigne. "

Quelqu'un lui ôta le baillon, fourra une fiole dans sa bouche. Un liquide acre dégoulina au fond de sa gorge, le fit tousser. Ioreck ne cria pas. On remis le bâillon aussitôt.

" Cinq minutes pour que sa fasse effet."

Ses ravisseurs allumèrent deux flambeaux. Les torches jetaient une lueur rougeoyante sur la scène. Ioreck cligna des yeux, encore étourdi par les événements. La lumière confirma ce qui soupçonnait depuis un moment : tout ses ravisseurs étaient des femmes. Une vingtaine l'entouraient. Il connaissait bien Suzanna et Elga, d'autres seulement de vue. Beaucoup de parfaites inconnues complétaient l'ensemble. Des filles de cohorte, mais d'autres bataillons. Les minutes passaient, son esprit gagnait en clarté. Les muscles du nordiques répondaient lentement à ses ordres, sortaient douloureusement de leur ankylose. Celle qui surveillait une clepsydre, il l'avait déjà vue avec Shaiélaè. C'était son officier, une agent des lames. Il ne se rappelait plus de son nom. Et derrière, Jeyne. La cuistot qui lui avait servi son repas voilà quelques heures...

Putain, c'est quoi ce bordel ?

Ioreck tira de toute ses forces retrouvées sur les liens qui l'enserraient. Les bougresses connaissaient leur affaire, les cordes ne bougèrent pas d'un pouce.

" Je vois que le poison commence à cesser de faire effet. Bien. On voudrait que tu sois pleinement conscient de ce qui va suivre. "

L'officier de Shaiélaè rangea sa clepsydre désormais innutile et s'approcha du nordique. Nora. Elle s'appelait Nora, si ca mémoire ne le trompait pas. Une bretonne dont le sommet du crane n'atteignait pas la poitrine de Ioreck, mais saucissonné comme il l'était, il ne l'impressionnait guère. 

" Ioreck Halfurson," dit-elle solennellement. " Voilà deux semaines, Elena Dyre, du Ier bataillon sanitaire de IXème légion t'as proposé de sortir avec elle. Elena s'est montré courageuse en osant formuler cette demande à l'homme qu'elle aimait. Tout comme elle s'est montré courageuse en se portant volontaire pour servir dans la Légion. Pourtant, Ioreck, tu l'as repoussée. Parce qu'elle n'était pas assez belle et féminine. Pour défendre son pays, elle osait mettre le pied dans un univers masculin où tu ne voulais pas la voir. Tu voyais cette acte comme une honte, plutôt que comme un sacrifice consentit pour l'Empire. Comment ose tu glorifier les morts au combat, mais rejeter dans le déshonneur celles qui ont sacrifié leur jeunesse, leur beauté, leurs cheveux, leur féminité pour défendre ce qui leur est cher ? "

Une femme mâture intervint à son tour. Tout comme ceux envoyé au lendemain d'une bataille soigner leur blessures à l'hôpital, Ioreck connaissait Soeur Ulrika. La prêtresse commandait le bataillon sanitaire de la IXème légion.

" Regarde-donc qui tu as repoussé. "

Elle fit un signe, le cercle de femme s'écarta. Elles laissaient la place pour permettre à Elena de se glisser devant Ioreck. Le nordique, tout d'abord, ne la reconnu pas. Transfigurée, la fille-soldat lui apparut dans une légère robe de soie écarlate. Des franges dorées pendaient au décolleté et au bas de la robe, qui lui descendait aux genoux. Disparues ses sandales poussiéreuses et rapiécées, une paire de mules joliment décorées de petites perles de verres chaussait ses pieds. Une écharpe brodée d'arabesque ceignait sa taille, mettait ses hanches en valeur par une asymétrie savamment orchestrée. Le visage discrètement maquillé d'Elena exprimait l'incertitude, une légère crainte peut être. Ses bijoux scintillaient à la lueur des torches. Des anneaux de bronze, qu'elle portait à sess bras et ses chevilles, un collier de pâte de verre autour de son cou.

Il devait VRAIMENT avoir vexé Suzanna pour qu'elle organise tout ça. Quelle garce... Voilà donc la raison de tout ça, de cet enlèvement. Non contente de bouder, il fallait qu'elle rameute la moitié des commères du camps pour sa vengeance puérile ? Et où est-ce qu'elles avaient trouvé cette robe pour Elena, d'ailleurs ? Elle était ravissante dedans. Une gêne palpable troublait rendait gauche ses mouvement, semblable à quand elle s'essayait à le séduire. Mais c'est une autre Elena qui se tenait là sous ses yeux. Même ses cheveux, si horriblement mal coupés s'arrangeait en une coiffure courte élégante. Ils ne pouvaient repousser, au moins les avait-on arrangé en les retaillant proprement le carnage qu'il était jadis. Les mèches ne dépassaient plus de manière anarchique, ils étaient propre, soigneusement brossés et coiffés. Une couronne de primevères et de jasmin les ceignait, assortis à la couleur de la robe. Ioreck se serait sans doute montré plus sensible aux charmes déployés si l'humiliation qu'il subissait ne faisait pas monter sa rage.

" Tu nous trouves plus jolies peut être, maintenant ? "

Shaiélaè s'avança. Ioreck n'aurait cru jamais la voir ainsi. L'elfe aussi s'était métamorphosées pour l'occasion. Un fin cache-cœur décoré de fleurs peintes enserrait sa poitrine et laissait nus son ventre, complété d'une longue jupe volant au gré de ses mouvements. Les médaillons de bronze qui pendaient au franges du vêtement et de la ceinture teintaient à chacun de ses mouvements. Un voile translucide de tulle brodée couvrait sa tête, attaché à ses cheveux lavés et coiffés par une diadème de pendeloques. Un sourire espiègle éclairait le visage de la petite elfe visiblement très amusée du sort réservé à son ami.

Très drôle, vraiment très drôle. Vraiment.

Elle tourna sur elle même pour faire admirer à Ioreck tout les angles de sa nouvelle tenue. Son numéro s'acheva sur un baiser moqueur qu'elle lança à l'adresse du prisonnier. Elle imitait des mouvements sensuels de danseuse, mais sa raideur trahissait son inexpérience en la matière. Ioreck la connaissant la soupçonnait d'être intérieurement morte de honte. Il aurait juré voir son bras trembler nerveusement quand elle le tendis brièvement vers lui. Ca ne ressemblait pas à Shaiélaè que de s'habiller en robe, elle, la chasseresse bosmer. Elle qui aimait tant la discrétion, vivre sans se faire remarquer. Une sacré motivation devait la pousser à surmonter son angoisse pour narguer Ioreck. D'autres femmes soldat vinrent rejoindre Elena et Shaiélaè, toute vêtues de robes plus attirantes les unes que les autres. Des bijoux scintillants, des couleurs éclatantes, des fleurs et des arabesques recouvraient ce bataillon de femmes en tout points semblables aux mystiques courtisanes que l'on ne manquaient pas d'apercevoir dans les villes rougegardes.

Ioreck refoula sa fureur qu'il ne pouvait de toute manière exprimer. Blasé, il cessa de se débattre et pris son mal en patience. Les filles dansaient entre elles autour de lui, le provoquaient avec des sourires charmeurs. Elles riaient, riaient aux éclats.

" Tu ne veux pas danser avec nous, Ioreck ? "

" Bien sur que non il ne veut pas, on est pas assez belles pour lui ! "

Une main lui caressa le visage sensuellement. Il secoua vaguement la tête, énervé par ce contact. Intérieurement en état de mort cérébrale, ses yeux fixaient sans vraiment voir les tourbillon de soies et de peaux nues de ce bal improvisé. Un "chuuut... " inquiet émergeait de temps à autre des danseuses quand un rire d'adolescente plus fort que les autre se mettait à menacer le silence de la légion. Elena dansait aux bras d'une mage de guerre de la VIIème. Un sourire éclatant illuminait son visage duquel toute trace de l'incertitude de faire à nouveau face à Ioreck. Envolées ses angoisses, dans le rythmes des pas de ses soeurs d'armes. Ravie d'être à nouveau femme, elle tournait, tournait dans sa jolie robe. Son regard croisa par accident celui du nordique. Brièvement, elle lui sourit avec compassion avant que les mouvements de la danse ne l'emporte au loin. Ioreck grogna dans son baillon gêné et impuissant. Puis une autre fille passa en coup de vent déposer en riant un baiser sur son nez et deux bras glissèrent lui placer sur la tête une couronne de fleur. Il secoua la tête pour s'en débarrasser, ne réussissant qu'à la faire tomber sur ses yeux.

Une rouquine lui jeta quelque chose au visage. Le projectile s'écrasa mollement à ses pieds. Une poignée de filasse de chanvre soigneusement tressée, fixée au bout par le nœud d'un ruban blanc.

" C'est nos cheveux que tu voulais ? Les voilà ! "

Les autres suivirent son geste. Toute les filles, en robe ou en armure, défilèrent devant le nordique en le bombardant de tresse de chanvre. Ioreck impassible ne réagissait pas. Il volait au dessus de tout ça en refusant de laisser sa dignité de se faire atteindre. Ce serait bientôt terminé, se disait-il. Elles se lasseraient et il pourrait retourner se coucher. Il tuerait Suzanna demain...

" Je me rappelle avoir pleuré le jour ou je me suis résolue à raccourcir mes cheveux. " confessa une cavalière en lui jetant sa mèche de cheveux factice d'un geste nonchalant de la main. " Mon chef de bataillon disait qu'en ça augmentait les chances d'être soignée en cas de blessure à la tête. J'avais de longs cheveux, ils étaient beaux. "

Un épais tapis de chanvre jonchait maintenant le sol autour de Ioreck. Des dizaines de tresses pour des dizaines de têtes aux cheveux courts. L'expression fière et pleine de défi abandonna le visage stoïque du nordique. Ioreck détourna ses yeux du regard sincère de la cavalière. Il ne pouvait le soutenir. Pour la première fois depuis le début de la soirée, Ioreck éprouva du remord. Il comprenait la raison de cette ligue contre lui, comment ses paroles maladroites à l'encontre d'Elena avaient pu les toucher personnellement. Jamais il n'avait remis en cause le courage de ses sœur-d'arme. Il ne voulait pas la vexer. Il avait juste oublié qu'il avait des femmes cachées derrière la façade de soldat.

Shaiélaè le tira de ses pensée en se glissant près de lui. La petite elfe lui susurra à l'oreille :

" Tu as aimé nos robes, alors ? "

Ioreck hocha la tête machinalement, pour que cette traitresse lui fiche la paix au plus vite. Shaièlaè voulait répondre quelque chose, mais elle n'y parvint pas. Le rire lui montait à la gorge, elle essayait de le retenir. Elle repris son souffle une ou deux secondes avant de réussir à se lancer, tout en sortant de derrière son dos ce qu'elle gardait caché à la vue de son ami.

" Si tu les as trouvées jolies, attend un peu de voir la tienne... "

Le visage hilare de la petite elfe dépassait de derrière la nuisette de satin rose qu'elle tenait par les bretelles sous les yeux de Ioreck. Deux silhouettes sinistres émargèrent de l'ombre et s'approchèrent lentement, inexorablement de Ioreck. Un sourire sadique tordaient leur lèvres et leur portaient comme des offrandes, du maquillage et de la cire à épiler...

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