Honneur et Amertume

Chapitre 9 : Les Sans-Tresses IV : Honneur Retrouvé

1933 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/01/2021 23:55

" Il se repose pour le moment. Là bas, à l'autre bout de la tente, " indiqua soeur Ulrika à Shaiélaè lorsqu'elle lui demanda où se trouvait Ioreck. La petite elfe traversa la tente d'infirmerie encombrée. Une odeur lourde flottait dans l'atmosphère poisseuse de sangs et de gémissements. La douce lumière émise par les sorts de guérison se reflétaient sur les visages et les tentures comme les premières lueurs d'une aube paisible. Les pas de la petite elfe ne chancelaient plus lorsqu'elle marchait entre les rangées de couches interminables encombrées de blessés et de mourant. Elle s'y était habituée...

La tente n'était ce jour là pas aussi débordante que ce qu'elle avait déjà pu voir par le passé. Aucun blessés ne jonchait le sol au pied des lits, plusieurs étaient vide. Derrière un paravent dépassaient les pieds des derniers morts de la journée, recouvert d'un drap. Les pieds de Ioreck dépassaient aussi, de la couche sur laquelle il somnolait. C'est ainsi que Shaiélaè le reconnut. Elle s'approcha de lui. le nordique ne dormait pas vraiment. Il tourna vers elle son visage tuméfié en l'entendant approcher et entrouvrit un œil sous ses paupières gonflées.

Shaiélaè hésita. C'était de sa faute s'il était dans cet état. Elle s'en voulait tellement. la petite elfe bredouilla légèrement avant de parvenir à prononcer ce qu'elle était venue dire à son ami.

" Salut. Je pars demain pour ma mission... Cette nuit. On profite de la nouvelle lune. Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, je passe en coup de vent . J'espère que tu va mieux, que tu t'en remettra. Je ne sais pas quand on reviendra."

La bouche de Ioreck émis un gargouillis incompréhensible. Parler lui était douloureux et son visage tuméfié ressemblait à une patate sanguinolente. Mais quad elle le visitait, Shaiélaè ne pouvait s'empêcher d'interpréter ses borborygmes et son regard comme de la rancoeur et des accusation...

" Excuse-moi..." murmura-t-elle.

Voilà trois jours que son amis gisait dans cet état à l'infirmerie. Le nez, la mâchoire brisé et les multiples contusions n'étaient en somme que le moindre de ses maux. Ses côtes et sa colonne vertébrales étaient en miette . Ulrika, Jeannine et Elena avaient fait de leur mieux pour sauver ses jambes. A forces de potions et de séances intensives de magie de guérison, il marcherait à nouveau sans séquelle, lui avaient-elles assurées. Elles aussi se sentaient responsable... Mais quel idiot aussi, ce Ioreck !

Trois semaines s'étaient écoulées depuis l'enlèvement du nordique par les sans-tresses et la fameuse nuit où elles lui aient fait payé pour son insolence et Elena. Elles étaient partie se coucher en laissant Ioreck ligoté au mât de la IXème légion. La légion le découvrit ainsi le lendemain matin pour la levée de l'étendard de l'Empire. Vêtu d'une nuisette rose le visage outrancièrement poudré, recouvert de fard à paupière et d'une couche épaisse de rouge à lèvres. Le décolleté découvrait pectoraux auxquels collaient une bande cire. Les sans-tresses prévoyaient d'épiler le nordique s'il opposait de la résistance pour enfiler la robe. La simple application sur le torse de la bande de cire suffit à garantir sa tranquillité. Elles n'osèrent pas ensuite l'enlever et la laissèrent comme tel. A ses pieds gisaient le tas de tresse de chanvre, symbole énigmatique pour ceux n'ayant pas connaissance de la conspiration.

Mais la rumeur se répandit vite dans le camps après que la moitié de la IXème légion ai assisté en riant aux éclats à la libération de Ioreck de son poteau de torture.

L'incident eu des conséquences, une poignée de sans-tresse furent mise aux arrêts pour désobéissance. Suzanna, Elga, elle-même et quelques autres passèrent au trou la nuit suivante. Nora usa de ses privilèges de Lame pour les faire libérer et le général Decianus accepta finalement de passer l'éponge. Des problèmes plus urgents que cette brimade retenaient son attention.

L'existence des sans-tresses rendu publique, les filles soldats se mirent à porter fièrement l'emblème de leur solidarité. Les mèches factices de cheveux tressés se mirent à fleurir dans le camps. Les filles les attachaient à leur barda, aux sangles de leur armure, au pommeau de leur arme, voir même à leur cheveux. Elles n'avaient plus honte de ce qu'elles étaient. Les hommes étaient prévenu, pour avoir vu ou entendu parlé réservé à Ioreck, de ce qu'ils risquaient s'ils remettaient en cause la féminité de leurs sœurs d'arme.

Quand à Ioreck, il vécu assez mal son humiliation. Une fois délaissée la nuisette au profit de sa bonne vieille armure, les quolibets ne cessèrent pas. Les soldats l'appelèrent à présent "petite sœur". Ils ne manquaient pas une occasion de lui rappeler cet épisode en trouvant de nouvelles blagues qui remette en cause sa virilité.

Ioreck se montra d'abord maussade et n'adressa à personne la parole pendant deux jours. Puis il se rapprocha à nouveau et Shaiélaè et sembla pardonner à la petite elfe. Il pardonna aussi à Elena et tout deux eurent une discussion en tête à tête. Ni l'un ni l'autre n'en révélèrent le contenu. Ils se quittèrent seulement en meilleur terme que la dernière fois... après qu'il lui ai accordé une danse. Pourtant son humeur retombait souvent lorsque de quelqu'un d'autre venait une énième humiliation en référence à cette nuit là. Elle s'efforçait alors de le réconforter. Pourtant le nordique tenait son honneur en trop haute estime pour simplement attendre que les moqueries cessent avec le temps...

Ioreck parti au combat deux semaine plus tard Les éclaireurs avaient repéré un avant-poste tenu par le Domaine dans les ruines d'une ancienne cité dwemer ensevelie sous les sables. Après que les elfes retranchés aient repoussé les premières tentatives de la cavalerie de les repousser de la place et que toute tentative de siège prolongé fut mise en échec par un réseau de tunnels assurant l'approvisionnement de la garnison, l'état-major organisa un assaut plus massif sur la forteresse.

Un tira de son repos la XIème cohorte auxiliaire d'infanterie de choc pour prendre part à la première vague d'assaut qui investirait les ruines. Shaiéla ignorait quand exactement le plan avait germé dans la tête atrophiée de ce grand imbécile de Ioreck, mais le nordique était bien décidé à profiter de l'occasion pour reconquérir son brisé. Il ne devait pas seulement se montrer brave. Il devait marquer les esprits au moins d'effacer de l'esprit de tous la souillure qui l'entachait.

Les engins de sièges démantelèrent toute la nuit les fortification élevées par les elfes pour renforcer les ruines. Le soleil leva les yeux sur l'armée qui bientôt se jetterait à travers les brèches ouvertes. Ioreck rejoignit ce matin là les rangs de son bataillon aussi naturellement que s'il ne s'agissait que de n'importe quelle manœuvre d'exercice. Pourtant son arrivée ne manqua pas de faire tourner les yeux de tous. Plutôt que son armure, il avait revêtu la délicate robe de satin dont les sans-tresses l'avaient affublé par dérision.

Suzanna avait raconté à Shaiéalè ce qui s'était passé ensuite : Ioreck s'engueula avec son chef de bataillon qui lui ordonna de se protéger convenablement. Il refusa, l'officier menaça de le coffrer. L'heure de l'attaque approchait, le temps pressait. L'officier ordonna finalement qu'on le mette aux arrêts. Des soldats tentèrent d'écharper Ioreck, qui se libéra de leur emprise et fonça droit sur les elfes.

Sans doute la garnison prévoyait-elle d'abandonner la la forteresse en la sachant indéfendable face au surnombre de l'Empire. Ou bien la vision d'une montagne barbue de deux cent livres de muscle chargeant en hurlant dans une nuisette trop petite framboise de satin framboise et de dentelle , estramaçon au poing, les effraya-t-elle. En tout cas, ils se replièrent dans les tunnels s'enfonçant sous les ruines. Ioreck y entra le premier, suivi du reste de la vague d'assaut qui n'avais pas attendu pour l'imiter.

" On n'allait pas se montrer moins brave qu'un mec en robe, non ? " expliqua Suzanna.

Quand la IXème cohorte pénétra dans l'immense hall de pierre et d'airain de l'antique cité au nom imprononçable, Ioreck poursuivait les fuyards dans le sombre dédale de corridor. Un tremblement de terre secoua les ruines. Quand les soldats s'enfoncèrent à leur tour dans les tunnels, ils les trouvèrent comblé de rocs, complétement éboulés.

" Je suis sûre que ces salauds prévoyaient de nous y attirer dans leur fuite pour les écrouler derrière eux et tous nous ensevelir. Sauf que Ioreck les talonnait, égorgeait quiconque tentait de le retenir. Ils n'ont pas eu le temps de nous attendre, l'ont éboulé trop tôt.

Ils trouvèrent le corps de Ioreck brisé par les tonnes de pierres qui tombèrent sur son dos. Ses compagnons le dégagèrent des décombres. Il respirait encore... faiblement. La jolie robe rose n'était sur son corps déchiré plus que lambeaux déchirés, chiffon de sang et de poussière.

Shaiélaè ne savait que dire de plus à son ami blessé. En colère, elle l'avait longuement engueulé. Non mais quelle idiotie de partir ce suicider pour son honneur stupide... Coupable, elle pourrait jamais lui exprimer à quel point elle était désolé que tout ça soit parti si loin... Dans leur plan si bien rodé, nulle d'entre n'anticipa que l'humiliation offensante continuerais une fois la blague terminée... Une boule lui bloquait l'estomac de la petite elfe alors qu'elle imaginait la haine que devait ressentir contre elles Ioreck à cet instant. Amère et affligée, elle craignait plus que tout pour la vie de son ami. Le premier de tous, l'un des dernier qu'il lui restait. Et maintenant, si Ulrika se trompait ? S'il perdait l'usage de ses jambes ? Retourner chez les alik'r la réjouissait tellement... Maintenant, l'imminence du départ laissait dans sa bouche un goût de cendre s'il lui fallait abandonner Ioreck.

" Désolée... " murmura-t-elle encore, au risque de se répéter.

La main du nordique se leva faiblement. Ses doigts palpèrent le vide pour attraper ceux de Shaiélaè. Elle compris son intention et glissa sa main dans la sienne. Aussitôt, Ioreck tira pour l'attirer à elle. La petite elfe ne s'y attendais pas et se retrouva avant de le comprendre réellement contre le torse de son ami qui la serra dans ses bras. Pour un blessé grave, le bougre avait encore de la force... Elle resta là un instant, inconfortable mais heureuse. Elle prenait bien garde à ne pas trop presser la cage thoracique fracturée. Elle sourit, rassurée sans trop y croire.

" Alors tu m'en veux pas ? "

Ioreck serra plus fort pour seule réponse.

" Va pas re-péter tes côtes , crétin ! " l'engueula-t-elle les larmes aux yeux.

Nora l'attendait à la sortie de l'hospice, en selle et équipée. Le reste de l'escouade chargeait les derniers bagages sur leurs montures. Shaiélaè attrapa à deux mains les bords de son keffieh et s'en coiffa la tête.

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