Battlespire

Chapitre 5 : La Reconquête de Mortecime

5769 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:39

— Seize Princes, un autre mortel, soupira lassement le drémora d'une voix métallique.

La légionnaire se tétanisa, stupéfaite. Non seulement la créature l'avait aisément repérée dans son dos, mais en plus elle ne semblait ni surprise, ni agressive. Agnès avait presque atteint l'aile de l'armurerie quand elle fit cette rencontre.  Cela faisait bien une heure qu'elle depuis sa découverte du squelette de Papre dans le hangar. L'ingénieuse idée lui était venue d'invoquer un atronach de foudre envoyé ensuite faire du boucan de l'autre côté, dans les zones d'entraînement. Cette diversion c'était révélé efficace puisqu'aucun ennemi ne s'était montré depuis lors. Jusqu'à maintenant.

Le daedra s'approcha de la légionnaire qui serra la main sur son épée, sans oser la lever. Il se campa face à elle. La créature renifla sur le visage de la Bretonne le sang qui suintait de ses plaies. Il la dominait de toute sa hauteur. Agnès vit ses crocs, sa langue rouge remuant derrière ses lèvres noires tatouées de bleu. Deux cornes de bouc dépassaient de son crâne, cerclées d'un diadème de fer retenant ses longs cheveux huilés et tressés.

— L'autre n'avait pas sur lui l'odeur de la peur.

Ses yeux défiaient le démon, bien trop vacillants et équarquillés pour laisser le moindre doute sur son état d'esprit actuel. Agnès s'efforça de ne pas regarder en direction de son arme, à moins de quelques centimètres du ventre du drémora. Un geste rapide, et il est mort. Elle resta tout de même suffisement lucide pour ne pas faire le geste.

— L'autre ?

— La vermine impériale. De la petite race des Bretons, comme vous. Il m'a trahi.

— Vraiment?

— Vraiment. Il a promi de me servir. Je lui ai accordé ma confiance. Je lui ai confié un objet en gage de notre accord, et il s'en est servi contre moi. Je suis sûr qu'il est allé le donner à ce maudit lord Jabran quand il m'a trahi!

Attends, quoi? Agnès n'était pas certaine de tout saisir. Josian a pactisé avec un daedra?  Il semble sincèrement choqué de sa trahison. Le drémora ne devait sûrement pas être le plus violent de l'armée d'invasion, mais il n'était certainement pas non plus le plus futé. Josian a dû se servir de lui d'une manière ou d'une autre. Il faudrais que je fasse pareil pour avoir plus d'information.

— Le mortel dont vous parlez est mon frère de sang.

Le drémora renifla, et fit apparaitre une boule de feu dans sa main.

— Votre mort sera un dédommagement pour le tort qu'il m'a causé.

Merde...

— Non ! Je me porte garante de lui. Je tiendrais la promesse qu'il ne vous a pas tenu.

— Vous acceptez de servir sous mes ordres? D'être mon clan?

Il fait référence à des coutumes de drémora. Si l'un d'entre eux veut monter dans la caste, il lui faut prouver sa valeur en possédant un clan prêt à se battre pour lui. Le cours d'ethnologie daedrique avait toujours été grandement ennuyeux, mais Agnès se félicita d'y avoir été attentive toutes ses années.

— Oui. Je me battrais pour vous. Je serais votre clan, confirma-t- elle en gagnant de l'assurance.

— Vous êtes maintenant sous le servage de Mehtat, de la caste des Caitiff. Je n'ai plus rien à vous offrir en gage de ce serment. A l'exception de ceci.

Il appliqua les mains sur les blessures d'Agnès, et murmura une incantation presque inaudible. Sa magie de guérison ne tirait pas sa source de la lumière d'Aetherius. C'était quelque chose de plus sombre, d'inconnu des mortels sauf des plus secrets nécromanciens. La Bretonne fit l'impasse dessus, préférant ne pas en savoir plus et apprécier simplement le résultat. Toute trace de souffrance avait totalement disparu de sa joue et de son oreille. Elle se sentait propre, en forme. La mutilation était toujours là, bien sûr. Agnès pouvait sentir l'effrayante absence de chair quand elle passait ses doigts dessus.

— A toi de prouver que tu est digne d'appartenir à mon clan.

Agnès s'agenouilla devant le daedra, feignant la servilité. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une forme de reconnaissance pour les soins qu'il lui avait apportés. Tu parles... j'ai à ses yeux autant de valeur qu'un outil.

— Que dois-je faire pour prouver ma valeur, seigneur?

— Le mortel qui m’a trahi. Je veux sa tête. Amène-la moi, et je te reconnaitrait comme l'une des miens.

Ensemble, nous irons défier lord Jabran et le forcerons à m'accepter comme son égal. Nous mettrons fin à son règne de tyran.

Tiens donc? Je ne suis pas sûr de t'aimer au point de tuer Josian.

— Il sera fait selon vos ordres, seigneur.

L'ambition puérile du drémora devenait agaçante. Agnès décida de le pressurer jusqu'à ce qu'il devienne entièrement inutile. Il pouvait encore fournir de précieuses informations. Ensuite, finie la comédie.

— Le mortel est sûrement allé se cacher dans les jupes de Lord Jabran après sa félonie. Il supervise le pillage de l'armurerie, plus bas dans la citadelle. Grâce à l'objet que lui a livré le mortel, il devrait réussir sans peine à y pénétrer.  Il est accompagné de ses séides Churls. Méfie-toi sur le chemin des troupes de cette garce de Wonshala Keriayn. Elle est aussi vicieuse que lord Jarban.

Son intuition lui soufflait qu'il était dangereux d'aborder un tel sujet, mais la Bretonne ne put résister :

— Seigneur, glissa-t- elle prudemment, quel est donc cet objet que le traître vous a dérobé?

— Ramène-moi sa tête ! explosa Mehtat. Je ne veux plus en entendre parler.

Agnès inclina la tête et s'esquiva rapidement. Elle avait eu une chance incroyable de tomber sur un tel phénomène. Pour la première fois depuis son arrivée ici, la fortune lui souriait. Ce débile avait en sa possession un moyen d'entrer dans l'armurerie, et il l'a confié à Josian. Je ne pense pas me tromper en supposant qu'il ne l'a pas remis à ce lord Jabran, mais qu'il le garde précieusement en sa possession.

Oh, j'allais oublier. La légionnaire stoppa brutalement sa course et fit demi-tour. Mehtat était toujours solitaire dans la salle où elle l'avait trouvé, à broyer du noir en marchand de long en large dans la pénombre. Il se retourna en entendant approcher les pas de son esclave. Agnès s'agenouilla humblement devant lui, lui planta son glaive dans l'aine, se releva et repartie comme elle était venue, laissant le daedra agoniser dans une mare de sang.

— Faire profil-bas, ce n'est pas votre truc.

Bordel de... Agnès sursauta, et laissa tomber son épée en entendant cette voix suave parler dans son dos. Une boule de feu apparu par réflexe entre ses deux mains tandis qu'elle se retournait, visant la femme qui venait de parler.

Grande, belle et arrogante, elle se tenait nonchalamment appuyée dans l'angle du mur, seulement vêtue d'une jupe fendue tissée d'eau pure mettant admirablement en valeur ses jambes et ses pieds nus. Sa main droite tenait une arme étrange, et  Agnès remarqua que la gauche était couverte d'écailles et terminée par des griffes acérées. Et de son dos ressortait de longues ailes de chauve-souris à moitié repliées, encadrant sa masse de cheveux blonds qui descendait presque jusqu'au sol.

Une fois la surprise passée, et l'examen de l'intruse terminé, la Bretonne ressentit enfin la vexation d'avoir été prise ainsi au dépourvu.

—  Par Akatosh,  que voulez-vous? bafouilla-t- elle.

— M'amuser, répondis la daedra en se dirigeant vers Mehtat, qui remuais toujours pathétiquement sur la pierre froide. Elle marcha entre les flaques de sang en faisant glisser sur le sol la pointe de son arme, qu'Agnès pu observer plus attentivement. L'un des Croissants daedrique dont a parlé Josian dans son message. " Ne les laisse surtout pas te toucher avec ", se rapella-t- elle.

Effectivement, l'arme prenait la forme d'une double lame recourbée affectant la forme d'un croissant, au milieu desquelles se trouvait une poigné assez large pour deux mains. Des runes brillantes couraient à la surface des lames, tâches blanches dans l'obscurité. Agnès suivait, obnibulée, le fin sillon que laissait la pointe dans le dallage.

— Mehtat était un idiot égocentrique. Je suis heureuse que sa stupide jalousie se soit retournée contre lui, déclara la créature en se penchant en dessus du mourrant. Mehtat leva vers elle un bras implorant. La daedra se contenta de sourire, révélant une bouche garnie de crocs pointus. D'un ample mouvement du bras, le Croissant tournoya et mit un terme à l'agonie du drémora en envoyant voler sa tête. Elle se délecta un instant du spectacle avant de se préoccuper de nouveau de la légionnaire, qui se déplaça imperceptiblement afin de conserver un écart entre elles.

— Vous êtes amusante, mortelle. Sumeer Jabran pense plaire à notre Seigneur en exterminant la vermine impériale de cette forteresse, mais je trouve qu'il est bien plus distrayant de les voir se débattre dans notre toile une fois que la victoire nous est acquise. Votre combat au pied du squelette du grand dovhak était des plus divertissants.

— Comment...

— Mes enfants vous surveillent depuis votre arrivée en ces lieux. Vous êtes en vie par ma volonté et pour ma volonté uniquement, mortelle.

Sur son ordre, des formes sombres descendirent du plafond, encerclant la légionnaire. L'horreur submergea Agnès lorsqu'elle se retrouva entourée d'araignées géantes dotées d'une tête, d'un torse et de bras humains. Ces créatures contre-nature descendaient des murs au sommet desquelles elles se dissimulaient,  toisant la petite mortelle avec un rictus méprisant. La daedra nonchalante savourait la vision du malaise que la Bretonne ne pouvait contenir. Elle siffla, et les arachnides retournèrent dans les ombres d'où ils étaient venus.

— Châtiment... murmura la daedra. Elle est à porté de main, et pourtant insaisissable. S'il la ramène à Dagon, Jabran prendra pour tout le crédit de la victoire. Alors que c'est moi, MOI, qui ai porté le premier coup et détruit les défenses des impériaux. Ce bon-à- rien n'a fait que lâcher ses larbins une fois les risques écartés pour achever les mourrants. C'est moi, MOI, que Dagon devrais féliciter. Châtiment... il me la faut.

Elle s'adressa ensuite à Agnès, qui la regarder délirer. Elle avait toujours du mal à respirer, et encore plus à penser. La pauvre légionnaire se contentait d'être là. Impuissante.

—  Il y a dans cette citadelle un objet que je désire par-dessus tout. Châtiment, le marteau à Daedra. La masse bénie de Malacath. Cette vermine de Mehtat avait en sa possession l'unique d'y accéder, le sceau de l'armurerie de la Battlespire. L'idiot inconscient.  Il l'a offert à ce vulgaire mortel en gage de confiance. La clé de l'armurerie! Mes enfants m'ont rapportés qu'elle n'est pas resté longtemps dans les mains de l'humain. Les drémoras de lord Jabran on fini par s'en emparer, ce qui est finalement pire que si ce mortel l'avait gardée. La femme s'emporta dans une longue tirade en langue daedrique, dans laquelle elle vouait son rival aux pires malédictions.

— Même mort, Mehtat peut encore servir. Mes enfants ne peuvent approcher lord Jabran. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Mais vous, vous pouvez prétexter apporter le défi voulu par cet imbécile. Ne prononcez pas mon nom. N'évoquez pas mon existence. Il ne doit pas savoir que c'est en fait moi qui vous envoit. Reprenez le sceau de l'armurerie et amenez-moi Châtiment. Tuez Sumeer Jabran. Seul l'un d'entre nous peut recevoir les honneurs de Dagon. Et ce sera moi.

La daedra repéra le coup d'œil furtif que jeta Agnès au cadavre de Mehtat.

— Mes enfants vous surveillent, très chère. Ils garantiront votre fidélité.

Agnès avait conscience de n'être qu'un jouet entre les mains de ces daedras. Et c'était encore pire que d'errer seule sur la Battlespire. Elle avançait comme un automate vers le territoire de lord Jabran, jetant régulièrement des regards angoissés vers le plafond où son esprit distinguait la masse grouillante des arachnides. C'est incroyable qu'ils aient résisté à mes auras de détection de vie. Ils doivent avoir un bouclier de magie extrêmement puissant, ou quelque chose comme ça. Ce n'est pas un phénomène connu par la Légion, en tout cas. Il faudra leur faire un rapport à ce sujet.

La Bretonne réfléchissait à toute vitesse. Elle avait vu le croissant daedrique de ses yeux, bien qu'elle ne sache pas à quoi cela correspondait. Si Josian a raison sur les pouvoir de ces armes, il faut neutraliser leurs porteurs et les ramener sur Tamriel pour expertise. Et il y avait ce conflit qui déchirait les daedras entre eux.

Josian en a parlé également. S'ils étaient divisés, il devait être aisé de tirer parti de leur faiblesse. J'ai l'impression que c'est ce qu'il a fait jusqu'à présent. Mais il a perdu le sceau de l'armurerie... qu'est-ce que cela signifie? Est-ce qu'ils l'ont capturé? Où pire?

Et il y avait cette histoire de masse, Châtiment. Le nom évoquait vaguement quelque-chose à Agnès, mais elle était incapable de se souvenir de quoi il s'agissait exactement. Peut-être qu'une fable ou une légende en faisait allusion. Peut importe quels sont les pouvoirs de cette arme, les daedras ne doivent évidemment pas s'en emparer.

Plus elle s'approchait de l'armurerie, plus les traces de combat étaient visibles. L'Empire avait dû livrer là un dernier baroud d'honneur, et de nombreux cadavres de légionnaires se trouvaient encore à leur poste. Plus nombreux encore étaient les corps de daedras. Drémoras et arachnides gisaient ensemble après s'être entretués. La rivalité entre leurs généraux était bien plus grave que ne l'avait imaginé Agnès. Elle traversa une mezzanine et aperçu les deux camps se livrer bataille dans une salle en contrebas. La violence de l'affrontement était cauchemardesque. Les drémoras, bien que plus nombreux et mieux armés, devaient se mettre à cinq pour espérer abattre un seul arachnide, au prix de pertes immenses. Elle s'attarda un instant devant le spectacle des daedras auto-destructeurs, remplissant ses oreilles des cris de rage et du râle des mourants avant de reprendre sa route.

Le couloir faisant office de frontière entre le no man's land et le territoire des drémoras était jonché de restes d'arachnides vaguement carbonisés. Agnès ne s'attendait pas à ce que les daedras la laisse passer aussi facilement. Elle devait trouver un moyen d'aborder avec eux cette histoire de défi. En effet, à peine les sentinelles drémoras l'eurent-elles repérée que les cris de guerres répandirent l'alarme. Les sortilèges se mirent à pleuvoir. La Bretonne déploya devant elle une barrière magique sur laquelle ils vinrent exploser.

— Stop ! Amie ! hurla-t- elle en rassemblant ses quelques notions basiques de daedrique glanés dans les manuels, avant de reprendre en tamrielien. Je viens pour défier Jabran !

Merde... c'est quoi le mot pour " défi " ?

— Mehtat, combat, Jabran !

Elle répéta cette phrase jusqu'à ce que les sorts cesse et qu'un Caitiff approche, entouré de deux guerriers patibulaires. Il s'arrêta à distance respectable, son bâton magique pointé vers la poitrine de la légionnaire qui leva les bras pour lui présenter son arme en signe de bonne foi. La voix métallique du drémora articula un mauvais tamrielien:

— Nous détruisons les mortels depuis notre arrivée, mais vous êtes différents. Vous vous rendez sans combattre. Croyez-vous que cela nous rendra plus clément? Nous haïssons la faiblesse. Nous haïssons les adversaires faibles.

— Je suis porteuse d'un message du chef de clan Mehtat à l'intention de lord Jabran. Je désire que l'on me conduise à lui.

— Mehtat n'est pas chef de clan, souligna le chef des sentinelles avec circonspection.

— Je suis son clan. Je viens apporter la demande de défi de mon maître à lord Jabran.

Le caitiff s'adressa brièvement à ses gardes, et tous se mirent à rire.

— Mehtat a donc fini par trahir. On savais tous que ça arriverait. Je doute que notre seigneur prenne au sérieux les demandes de ce paria, mais je vais tout de même vous faire conduire à lui. Si besoin est, c'est lui qui décidera de la meilleure façon de vous mettre à mort.

Lord Jabran trônait au milieu de ses sbires au centre d'un amphithéâtre qui faisait jadis office de salle de briefing. Autour de lui était amassé toute sorte de butin pillés aux quatre coins de Mortecime : armes, armures, crânes de légionnaires, livres et parchemins et gemmes spirituelles... Les drémoras regardèrent Agnès entrer, encadrée de gardes solidement armés. Elle n'avait pas encore réfléchit à comment récupérer le sceau de l'armurerie, et commençait à regretter son improvisation en voyant le nombre hallucinant de drémoras présents. Bien trop nombreux pour espérer les combattre. Au moins m'ont-ils laissé mon épée.

Les drémoras ne la considéraient pas comme une prisonnière mais comme l'émissaire d'un rival, et à ce titre digne d'honneur. Comme l'une des leurs... La réalité de cette situation lui échappait encore.

La légionnaire s'arrêta devant le trône. Lord Jabran était immense, plus que n'importe quel autre drémora qu'elle avait put voire jusqu'à présent. Il ne portait qu'un simple pantalon de cuir ceint sur ses hanches par une ceinture d'or et de bronze. Son torse nu laissait libre son imposant musculature lézardée de cicatrices.

Il parla.

— Ce traître de Mehtat est tombé bien bas pour accepter dans son clan la pourriture impériale que nous avons juré de combattre. J'accepte votre présence par respect pour nos traditions, mortelle, et sachez que vous trouverez une mort lente et douloureuse à l'instant où nos coutumes cesseront de vous protéger. Parlez, et vite.

Les méninges d'Agnès fonctionnèrent à toute vitesse à la recherche d'un plan. Elle n'en trouva qu'un. Les daedras sont divisés, tâchons de maintenir cet état. Voir de l'aggraver. Elle tenta son coup de bluff, la gorge nouée.

— Mehtat est un danger plus grand que vous ne l'imaginez, seigneur. Il négocie une alliance avec les arachnides. Leur maitresse et eux ont juré votre perte.

— Cette garce de Wonshala était déjà une menace avant cela. C'est par sa faute que nous n'avons toujours pas réussit à forcer l'armurerie, et son empressement à s'emparer de la forteresse nous a beaucoup coûté. Elle a toujours refusée d'obéir à mes ordres. Maintenant, elle veux me voler la victoire et s'allie avec ce bon à rien! Le seigneur Dagon n'aurait jamais dût l'engager, elle et ses arachnides. Ce ne sont que des mercenaires, ils ne sont pas fiables. Vous êtes le champion que Mehtat a envoyé pour me défier? J'accepte son combat, à la condition qu'il endure quarante siècle de torture et d'esclavage si l'issue m'est favorable.

— Mehtat m'a en effet envoyé pour vous défier. Il souhaite en cas de victoire récupérer un objet qu'il dit être en votre possession.

— Tiens donc?

— Il s'agit d'un sceau qu'un mortel vous aurais remis...

Le seigneur drémora esquissa une grimace.

— Nous a remis? Ce sceau a coûté la vie à trois de mes meilleurs Kynval, et cette vermine a quand même réussit à s'enfuir.

Jabran fit apparaitre dans ses mains un symbole brillant en forme de losange.

— Mehtat aussi veux entrer le premier dans l'armurerie, reprit-il. Ça m'écorcherais qu'un être aussi vil reçoivent les honneurs du seigneur Dagon. Même s'il gagne le sceau, il devra nous passer sur le corps pour accéder à l'armurerie.  Mais soit, j'accepte votre défi. Mehtat aura le sceau s'il gagne. Dans le cas contraire, je me fairait un plaisir de lui inventer des tourments distrayants.

Agnès accepta les conditions du défi. Négocier avec des daedras, fait. Il ne reste plus qu'à vaincre le champion de lord Jabran. La partie facile, quoi, ironisa-t- elle non sans fierté de s'être bien débrouillée jusqu'à présent.  Elle était tout de même anxieuse. Si Josian a perdu le sceau, il doit être aussi en train de chercher un moyen de le retrouver. Si seulement je pouvais compter sur son aide...

La rencontre eu lieu au pied du trône de lord Jabran, au centre de l'amphitéatre aux gradins garnis de drémoras impatients de se délecter du massacre de la petite humaine. Lord Jabran l'autorisa à piocher dans son butin pour remplacer les pièces manquantes et abimées de son armure usée. C'est finalement dans un uniforme complet et flambant neuf de légat qu'elle fit face au champion du seigneur drémora. C'était un Kynval gigantesque, le corps entièrement bardé de plates d'armure daedrique, et son visage dissimulé sous un lourd heaume à cornes ne laissait dépasser que ses yeux flamboyants. Il maniait une lourde claymore noire aussi grande que la Bretonne. Un cœur gorgé de de sang palpitait, incrusté dans la lame qui irradiait comme un tisonnier ardent.

Merde... La légionnaire inspecta rapidement son adversaire, mais ne décela aucune faille potentielle dans son armure. Je n'en ai jamais vu de semblable. Elle est totalement hermétique. Elle se sentait nue, en comparaison. A côté, la sienne laissait nus le haut de ses genoux, les mollets, les aisselles, la gorge, les coudes et les mains. Et encore, je suis sûr qu'il peut percer mon acier comme du beurre. La stratégie s'imposa d'elle-même. Il ne faut pas qu'il me touche. Agnès adressa une prière rapide à l'intention des Divins Talos et Kynareth, coiffa un heaume à cimier de crin noir et entra dans l'arène. Au moins, ses blessures ne la gênerait pas pour le combat. Les soins de Mehtat pour son visage fonctionnaient à merveille. Quand à son ventre, elle avait renouvellée une séance de magie de guérison en plus de changer le pansement avant d'enfiler son armure.

— POUR URIEL SEPTIM ET POUR LES DIVINS ! hurla-t- elle en chargeant.

Elle feinta son adversaire et se glissa pour esquiver le coup qu'il lui porta en poussant un grognement métallique. Sa flamberge s'écrasa sur le sol, résonnant dans toute la salle. Agnès profita du temps qu'il la lève de nouveau pour le frapper de son glaive à l'épaule. Sans grande surprise, l'armure massive du daedra dévia le coup sans aucune difficulté. Elle recula quand il fit tournoyer son arme, avant de l'abattre de nouveau. Cette fois-ci, la légionnaire tint bon et fit apparaitre au-dessus de sa tête une barrière qui la sauva de l'attaque. Elle attaqua derechef tant que la protection demeurait active, sans produire plus d'effet que quelques égratignures sur la surface de l'armure du drémora. La barrière faiblit, et Agnès se remis à danser autour de son adversaire en esquivant ses coups.

Son plan initial était de le fatiguer, mais elle se rendit bien vite compte de l'inneficacité de cette stratégie. Tout les mouvement du guerrier étaient mesurés pour économiser son énergie. Son armure le suivait avec fluidité dans le moindre de ses geste, et il n'en faisait aucun de plus que nécessaire. Cela lui donnait une étrange allure d'automate. A côté, Agnès s'échinait à rester en vie, sanglée dans une armure de production en série infiniment inférieure à celle du drémora. Elle se fatiguait plus rapidement, innexorablement.

Si les attaques physiques sont inefficaces, essayons la magie.

Elle feinta une nouvelle fois pour se retrouver dans le dos de son adversaire, d'où la Bretonne eut le champs libre pour l'arroser de diverses combinaisons de sorts de foudre, de givre, de flammes, de ponctions de vie... Passée la surprise initiale de ce changement de stratégie, le drémora s'adapta en s'entourant d'un bouclier absorbant toute nouvelle attaque magique. Agnès stoppa ses sortilèges en le voyant s'épaissir et se renforcer à chaque sort qui le frappait.

Merde... s'il est capable d'incanter un bouclier d'absorption de magie de cette puissance, il est plus puissant que je ne le pensait

La panique commençait à gagner la légionnaire. L'inutile utilisation de sa magie l'avait épuisée outre- mesure, et ses gestes devenaient plus lents, plus gauches. Le daedra remarqua ce changement et redoubla ses coups qu'elle n'esquivait plus avec autant d'aisance qu'avant. Agnès se sentait impuissante face à cette masse impénétrable de métal envellopée de la lueur rouge et brillante du bouclier, duquel ne dépassait que la longue lame de sa flamberge.

L'épée ! Le bouclier d'absorption n'enveloppe pas l'épée ! C'est elle, le point faible. Elle n'avait jeté que des sorts de destruction, car cela lui avait paru le plus adéquat dans une situation de combat. Elle entrevoyait maintenant une issue. Si la force ne marche pas, rusons. La magie d'altération pouvait alourdir un objet. La Légion utilisait ce sort pour neutraliser un adversaire de manière non-létale en rendant insoutenable le poids de son arme.

Agnès n'hésita pas une seconde de plus et prononça l'incantation en dirigeant sa main vers la gigantesque claymore du drémora. Aussitôt, l'arme lui échappa des mains en fendant le sol à l'impact. Avant que le daedra n'est pu réagir, la légionnaire plongea son glaive dans le cœur incrusté sur la lame, qui se fendit en faisant jaillir des gerbes de sang noir. L'épée frémit. Elle se débatit sur le sol et hurla un cris strident, avant d'exploser en un millier d'échardes qui volèrent en tout sens.

Se voyant désarmé, le drémora poussa un cris de rage incompréhensible et se jeta à mains nues sur Agnès. Ses gestes étaient devenus maladroits, comme si la perte de son épée l'avait diminué d'une partie de lui- même. Dans un combat rapproché, son poids devenait un inconvénient dont tira parti la légionnaire qui l'envoya à terre en utilisant son propre élan contre lui. Une prise basique de l'art martial enseigné dans la Légion.

Agnès immobilisa son adversaire en s'asseyant sur son torse et en bloquant ses bras avec ses jambes. Il se débattait, essayant par tout les moyens de se débarrasait de la mortelle qui le dominait. Elle s'empara de son glaive des deux mains et l'enfonça dans la fente ouverte pour les yeux dans le casque de la créature, en appuyant dessus de tout son poids. La lame se brisa en même temps que le drémora cessa de remuer. Satisfaite, Agnès se tourna vers Lord Jabran.

Conformément au strict code d'honneur des drémoras, Agnès fût autorisée à quitter son hôte en vie, munie du précieux sceau que sa victoire venait de lui rapporter. Pourtant, à voir la tête de lord Jabran quand son champion succomba, la Bretonne n'était pas certaine de quitter l'amphiétatre tout en continuant de respirer.

— Sortez de mon territoire, avait-il dit. Que Mehtat fasse ce que bon lui semble de son colifichet et de cette maudite armurerie. Mais jamais je ne le considérerait en égal sans en avoir reçu l'ordre de la bouche de Dagon. Que je vous revoit, lui, vous ou Wonshala et je vous jure que cela s'achèvera dans un bain de sang.

Quand elle les quitta, l'assemblée de drémora était en ébullition, s'invectivant violement dans leur langues maternelle. Agnès se détendit enfin lorsqu'on la laissa seule au milieu d'un corridor, entourée par le silence.

J'ai réussie, Josian.

 

 

 

 

 

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