Assassin de l'Aube, symbole du Couchant

Après notre rencontre, nous ne nous quittons plus. Nous vivons sur les routes, nous arrêtant dans les villes le temps de vendre ou d'acheter du matériel ou encore le temps de fêter une victoire dans une taverne. La jeune femme se révèle certes froide et méfiante en apparence, mais au fil du temps, je découvre son véritable visage: celui d'une femme adorable qui sait plaisanter autant que manier l'épée. Et je dois dire que quelque chose m'attire chez elle. Je ne saurais pas décrire ce sentiment merveilleux qui prend possession de moi chaque fois qu'elle me parle ou me regarde, mais je sais qu'il est là et que je tiens beaucoup à Tilda. Mais je dois toujours obéir à Azura, ce qui rend la jeune femme perplexe lorsque je disparais quelques jours sans lui dire où je vais. La déesse me donne cependant moins de quêtes depuis ma rencontre avec Tilda. Un jour, en rêve, elle est venue me voir. Elle n'apprécie pas vraiment ma compagne de route, mais m'avait accordé sa présence tant que je ne lui révélais rien. Cela devenait très compliqué pour moi, car Tilda me demandait sans cesse ce que je faisais quand je m'absentais. Elle était très curieuse, à mon grand désespoir. 

Mais elle aussi me cache quelque chose. Je sais qu'il s'agit de ses pouvoirs magiques surpuissants. Elle m'avait révélé sa position au sein de l'Académie des Mages de Fordhiver, mais jamais elle ne m'a dit d'où provenaient ses pouvoirs. Mais les questions doivent attendre. Si elle refuse de me le dire maintenant, c'est qu'elle a ses raison. Je compte bien lui demander jusqu'à ce qu'elle me réponde. 

Un jour, cependant, la vérité éclate, autant pour elle que pour moi. Ce jour-là, nous sommes dans une plaine près de Blancherive, aux alentours de la tour de guet Ouest. Nous revenions d'un camp de géants qui menaçaient les voyageurs passant sur la route. Soudain, le ciel s'assombrit un instant et un cri retentit au loin. Je lève les yeux en cherchant la source du bruit. Tilda s'arrête net. Je me tourne vers elle.

- Qu'est-ce que tu as? je lui demande, soudain inquiet.

- Rien... me répond-elle en posant la main sur son épée et en scrutant le ciel chargé de nuages. 

- Tu sais ce que s'était? 

- Aucune idée, dit-elle après avoir hésité. On y va? Je compte bien boire un bon verre d'hydromel avant la nuit!

Nous repartons. Cepandant, je sens la tension de Tilda. Elle jette des regards inquiets et furtifs autour d'elle, la main sur son épée.

- Tu es nerveuse, je remarque. 

- J'ai entendu dire qu'il y avait des parjures par ici.

- Aussi loin de la Crevasse? je réplique. Tu me mens, là. Et depuis quand as-tu peur des parjures? A nous deux, nous nous en débarassons rapidement! Sérieusement, tu peux m'expliquer? je réponds en me plantant devant elle. 

Elle tente de m'esquiver.

- Ca ne te...

Un cri rauque couvre sa voix. Une ombre immense nous cache le soleil un instant. Je lève la tête pour voir de quoi il s'agit et ne peux retenir un cri de terreur en voyant la créature immense se poser près de nous, ailes déployées, gueule ouverte... Tilda me pousse sur le côté au moment où le monstre lâche un jet de flammes sur nous. Elle dégaine son épée et lance trois mots dans une langue que je ne comprends pas. Une vague de puissance s'échappe d'elle et le dragon semble cloué au sol par la magie. Il dit quelque chose dans cette langue incompréhensible et Tilda lui répond par trois nouveaux mots, formant un jet de flammes sortant de sa bouche, qui brûle la créature. Cette dernière hurle et tente de mordre mon amie, qui esquive les crocs du monstre de justesse. Je dégaine mon arc, inquiet pour la guerrière. Elle se retourne pour frapper la chose de son épée, mais cette dernière ricoche sur l'épaisse armure d'écailles. C'est quand il déploie ses ailes et s'envole que je comprends de quoi il s'agit. Tilda lui hurle quelque chose dans cette étrange langue rauque et incompréhensible, et le dragon lui répond en plongeant en piqué sur elle pour l'attaquer avec ses puissantes griffes. Je hurle quand je comprends que la guerrière n'a pas le temps de fuir. Sans réfléchir, je décoche une flèche qui va se planter directement dans l'oeil du dragon. Ce dernier change de trajectoire brusquement, laissant Tilda de justesse, et fonce sur moi. Il lâche un jet de flammes dans ma direction. Je roule derrière un rocher bordant la route, terrorisé par la puissance du monstre, puis j'entends la voix de Tilda retentir. Le dragon hurle en s'écrasant au sol, créant un sillon profond dans la terre sous l'effet de sa vitesse et de son poids évident. Tilda apparaît près de moi, entourée de son aura de flammes, son épée à la main. Elle a les yeux rivés sur le dragon, qui se relève avec difficulté et tente de s'envoler. Sans que je comprenne comment, elle se retrouve en une seconde sur son dos, à lui lacérer les ailes de son épée. Le dragon hurle plus fort et tente de se débarasser de la guerrière. Cette dernière tombe au sol suite à une embardée du dragon. Je hurle quand la créature l'attrape entre ses crocs. D'un geste vif, je tire une nouvelle flèche qui se fiche dans le second oeil du démon. Ce dernier, totalement aveuglé, lâche Tilda qui tombe au sol mollement et tente de prendre son envol. Je dégaine mon épée et cours vers le monstre. D'un geste puissant, je termine ce que Tilda avait commencé et réduis son aile droite à l'état de lambeau sanguinolent. Des morceaux de peau tombent au sol et je me retrouve aspergé du sang de la bête. Il tente de me mordre, sans succès. Mais j'avais oublié son ouïe surdéveloppée. Il me suit facilement à cause du bruit de mon armure et finit par me clouer au sol entre ses griffes énormes. Je sens la mort approcher. Mais au moment où il ouvre la gueule pour m'arracher la tête, une épée apparaît dans mon champ de vision et se plante profondément dans son palais. Au bout de l'épée se trouve Tilda, son armure très amochée, une plaque métallique lui rentrant dans la jambe gauche, du sang dégoulinant le long de son corps, mais elle est bien vivante. Elle prononce trois mots, le dragon lâche un long hurlement d'agonie, puis s'effondre, me bloquant sous son poids. Mais une seconde à peine après, son cadavre commence à brûler et se décompose rapidement. Je reste ébahi en voyant les os apparaître sous la peau, cette dernière disparaître, puis je vois Tilda, entourée d'une tornade lumineuse, magnifique et plus puissante que jamais. Puis la tornade s'estompe et la guerrière reprend une apparence normale et salement amochée. Je réussis à me dégager des os du squelette et m'approche de la jeune femme. Je suis moi aussi mal en point: mon bras droit semble déboîté, je suis couvert de sang et ma lame s'est brisée sous le poids du dragon. A peine ai-je rejoint Tilda que cette dernière me souffle d'une voix tremblante:

- Tuomas... je... je suis désolée... 

Elle tombe dans mes bras. Je lui retire doucement son casque. Sa peau a pris un teint très pâle, ses yeux se voilent lentement et je vois ses lèvres trembler. Je l'allonge au sol et, sans me soucier de mes propres blessures, referme magiquement ses plaies les plus atroces. Quand je suis certain qu'elle ne risque rien dans l'immédiat, je la prends dans mes bras et reprends la direction de la ville. Elle s'endort en chemin. Quand j'arrive enfin à Blancherive, je l'emmène directement au temple de Kynareth, où les prêtresses s'empressent de nous soigner. 

En attendant le réveil de Tilda, je songe en silence à ce qui s'est passé. Je revois la jeune femme entourée de cette étrange lumière, alors que le dragon se décomposait. J'entends ces mots étranges qu'elle prononçait sans aucun souci apparent, visiblement très puissants pour elle, mais absolument incompréhensibles pour moi. Je revois la réaction du dragon qui s'acharnait à tenter de la tuer, et elle qui lui tenait tête si facilement... puis je comprends. Ma chère Tilda, cette jeune femme extraordinaire aux pouvoirs surdéveloppés... je comprends pourquoi elle me cachait l'origine de ses pouvoirs. Je sais maintenant ce qu'elle me cachait. C'est elle que les Grises Barbes ont appelée. C'est elle qui nous a sauvé d'Alduin, il n'y a pas si longtemps. C'est elle... 

Je m'endors en songeant à tout ça. Cette nuit-là, Azura reste silencieuse dans mon esprit.