ENTRE TENDRESSE ET TOURMENTE

Chapitre 2 : Une rencontre inquiétante

2038 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/08/2025 15:55

"Bonjour maman."


Je viens embrasser ma mère sur la joue, elle me serre contre son cœur en faisant un baiser sur ma tempe.


"Bonjour ma chérie, tu as passé une bonne nuit ?"


"Oui maman, attends, je vais te donner la théophylline."


Maman me retient d'une légère pression sur ma main.


"J'ai déjà pris le médicament, ma chérie. Ton père y a déjà pensé pour moi, tu le connais. Et toi, tu as pris ton petit-déjeuner avec ton frère avant qu'il aille pour sa sortie ?"


"Gustave oui, mais pas moi. J'ai fait remarquer à papa qu'il n'y avait plus de pain, alors il m'à donné quelques pièces pour que je puisse aller à la boulangerie."


"Ah mais le pain qui nous restait, tu t'en ai servi pour faire les dernières tartines pour ton frère et moi ? Ooooh... Si j'avais su."


"Non... Ne t'inquiète pas maman, tu avais besoin de manger. Par contre, est-ce que je peux te laisser seule un moment le temps que j'aille acheter du pain à la boulangerie ?"


"Oui chérie, vas y, je peux patienter jusqu'à ton retour. En plus, si je reprends des forces, je pourrais me lever et te tenir compagnie pendant que tu prendras ton petit déjeuner."


"J'en serais ravie maman."


Après un dernier câlin, je quitte à regret les bras de maman. Depuis qu'elle est alitée et que papa m'a chargé de m'occuper de maman, je suis toujours inquiète de la laisser seule, même pour quelques minutes. J'enfile mes chaussures à la hâte, je mets mon petit sac en toile que papa m'a offert pour mes douze ans en bandoulière, y dépose les pièces à l'intérieur et sors de la maison.


Ma demeure n'est pas loin du centre du village, n'y parviens en peu de temps. Mais alors que mes pas me guident jusqu'à la porte de la boulangerie, je m'interromps en apercevant une personne que je crois reconnaître sortir de l'arrière du magasin avec son vélo, équipé d'un sac accroché à son dos. Il s'agit d'Alexandre Morrel, j'imagine qu'il va faire sa livraison de pain à domicile. Nos regards se croisent aussitôt, il me fait un grand sourire et va à ma rencontre.


"Bonjour Madeleine, ça fait plaisir de te voir, comment tu vas ?"


"Bonjour Alexandre, je vais bien et à moi aussi, ça me fait plaisir de te voir. Comment tu vas de ton côté ?"


"Très bien, merci, en particulier quand je vois ton joli sourire. Heu... Madeleine, avant que je fasse ma livraison à domicile, j'aimerais te demander quelque chose d'important."


Alexandre semble hésitant à aller plus loin, alors je l'encourage à parler.


"Et bien, qu'est-ce que tu aimerais me demander d'important ?"


Il me regarde la mine béate, puis se reprend pour dire.


"Madeleine... Cela fait longtemps que nous nous connaissons, alors je me disais... Si tu es d'accord... Nous pourrions nous voir pour des sorties en dehors de mon travail, qu'est-ce que tu en dis ?"


L'enthousiasme d'Alexandre est tellement contagieux que j'ai du mal à le contredire ou à lui refuser quoique ce soit, seulement je ne suis pas décisionnaire. En plus, un détail me taraude, je le lui fais remarquer.


"Alexandre, tu sais que je n'ai que treize ans, mes parents auront leur mot à dire. Quel genre de relation tu aimerais construire avec moi ?"


"Je te rassure tout de suite, je ne ferai rien d'inapproprié, je suis conscient que les conséquences seraient désastreuses pour moi si je me comportais mal. Pour répondre à ta question, nous pourrions être amis, mais j'aimerais aussi te prouver que je peux être quelqu'un de bien pour toi."


"Ah je vois... Tu serais prêt à partager une amitié avec moi sous couvert d'une autre relation qui pourrait aller plus loin, c'est bien ça ?"


Vu son sourire en coin, je ne fais pas erreur visiblement, je soupire et lui dis encore.


"C'est très audacieux, il n'y a pas à dire."


"Oh... Je ne veux surtout pas te mettre la pression, je suis désolé si je t'ai donné ce sentiment là."


"Non, ne t'inquiète pas pour ça, il n'y a aucun souci. Seulement, il faudra que je parle de ta proposition à mes parents, ce seront eux qui décideront, enfin mon père surtout, en tant que chef de famille. Il peut être très strict, mais je vais commencer par préparer le terrain avec ma mère. Si je trouve les bons mots, elle pourra arrondir les angles avec mon père."


"Il m'a l'air d'être un père sévère, effectivement. Enfin, j'espère qu'il dira oui."


"Moi aussi, j'espère qu'il acceptera ta proposition. Cependant, il faut que tu comprennes ceci Alexandre, dans le cas où mon père trancherait d'un non définitif, je n'aurai d'autre choix que de m'y soumettre."


"Et tu fais toujours ce que ton père te commande, je suppose... C'est bien, bonne fille obéissante."


Il y a dans les paroles d'Alexandre, un peu de sarcasme, je trouve. Mais je préfère ne pas trop y prêter attention, je me suis trop attardée et maman m'attend. Cependant, je ne peux ignorer que quelque chose a changé dans son regard, cela me met presque mal à l'aise sans pouvoir me l'expliquer. Pour désamorcer la situation, je lui dis.


"Et toi Alexandre, tu n'obéirais pas à ton oncle même s'il te demandait de faire quelque chose qui ne te plairait pas ?"


Il hausse les épaules et me répond de manière énigmatique.


"Peut-être... À bientôt j'espère ma chère Madeleine."


Il ne me laisse pas le temps de répondre et enfourche son vélo pour aller s'engager dans une rue.


"À bientôt ou pas du tout." Me dis-je pour moi-même, n'étant plus sûre d'avoir envie de le revoir.


Mme Mercier m'accueille chaleureusement lorsque je rentre dans la boulangerie.


"Bonjour Mme Mercier, comment allez-vous ?"


"Bonjour Mlle Larcher, je vais bien, je vous remercie, vous aussi ? Qu'est-ce que je peux vous servir ?"


"Je vais bien, merci. Puis-je vous prendre deux gros pains de campagne, s'il vous plaît ?"


En regardant les pièces que papa m'a donné, j'ai cette possibilité d'être généreuse dans mon achat.


"Bien sûr Mlle Larcher, je vous sers cela tout de suite."


Dès qu'elle pose les deux gros pains sur le comptoir et m'indique le prix, je paye mon achat, les prends en main et salue Mme Mercier avant de sortir de la boulangerie. Sur le chemin du retour, je repense à ma brève entrevue avec Alexandre, elle a pourtant bien commencé et cela s'est terminé dans une ambiance un peu étrange. Je ressens encore des frissons dans mon dos au point que j'hésite à en parler à maman en fin de compte, est-ce que ce garçon en vaut vraiment la peine ? Je n'en suis plus sûre. Lorsque je franchis la porte de la maison, la voix de maman se fait entendre.


"Madeleine ? C'est toi ? Tu es rentrée ?"


"Oui maman, c'est moi ! Je range le pain au placard et je te rejoins !"


"D'accord ma chérie, je t'attends."


J'enroule les deux gros pains chacun dans un tissu que je range dans le placard, puis je me dépêche de retrouver maman. En me voyant, son sourire s'illumine aussitôt


"Ah ! Te voilà enfin... J'étais inquiète de ne pas te voir revenir plus tôt, est-ce qu'il y avait beaucoup de monde à la boulangerie ?"


"Je suis sincèrement désolée de t'avoir inquiété, maman. En fait, j'ai croisé une connaissance avec qui j'ai discuté pendant un moment, c'est pour cette raison que j'ai mis du temps à revenir, j'espère que tu ne m'en veux pas."


"Non ma chérie, je ne t'en veux pas, j'étais simplement soucieuse. Et dis-moi, qui était cette connaissance qui t'a autant accaparé ? Est-ce que je la connais moi aussi ?"


"Il s'agit d'Alexandre Morrel."


"Ah ? Tu ne m'avais jamais parlé de lui jusqu'à maintenant, pourquoi donc ? Et comment vous êtes-vous connus ?"


"Alexandre est un ancien camarade d'école, seulement comme les filles et les garçons étaient séparés pendant les heures de classe, je le voyais uniquement pendant les récréations, c'est comme ça que nous avons fait connaissance. Il n'a plus ses parents, mais il vit actuellement dans un appartement avec son oncle et un colocataire pas loin de la mairie."


"Vous êtes du même âge tous les deux ?""


"Il a seulement trois ans de plus que moi."


"C'est déjà un grand garçon de seize ans, en effet. Et de quoi avez-vous parlé ?"


C'est là que ça se corse, dois-je tout dire à maman ou pas ? Finalement, je me décide à tout lui raconter.


"Alexandre m'a fait une proposition et je lui ai dit qu'avant de lui donner une réponse définitive, j'en parlerai d'abord à mes parents car je ne pouvais pas décider toute seule."


"Tu peux être sûre que ton père aura forcément le dernier mot, j'espère que ce garçon ne t'a rien proposé d'inapproprié."


"Il m'a demandé s'il était possible que nous puissions nous voir en dehors de son travail à la boulangerie, je crois qu'il pensait à une fréquentation régulière."


Maman commence à paniquer.


"Une fréquentation régulière ? Il t'a vraiment dit ça ?"


"C'est ce que j'ai cru comprendre dans les grandes lignes, cependant je t'avoue que je ne suis plus tout à fait sûre d'avoir envie de le revoir."


"Pourquoi cela ? Il s'est mal comporté avec toi ? Dis-moi ma chérie."


"Je parlerais plutôt d'impression, lorsque je lui ai dit que c'est mon père qui trancherait, il n'a peut-être pas dû bien le prendre, j'ai dû le vexer sans m'en rendre compte."


"Il t'a dit quelque chose de déplaisant ?"


"Il m'a dit ceci : Et tu fais toujours ce que ton père te commande, je suppose. C'est bien, bonne fille obéissante."


Ma mère a les yeux ronds en m'écoutant parler.


"Enfin ! Comme s'il avait le droit de discuter ou de contester nos décisions dans la famille !"


"En réalité, ce n'est pas tant ce qu'il a dit qui m'a fait reculer, c'est plutôt sa façon de me regarder. Si au départ il m'a semblé chaleureux, en un instant, il est devenu... inquiétant; cela m'a presque glacé le sang, c'est comme si je m'étais trouvée face à un inconnu." Dis-je en frissonnant, maman me serre contre elle dans le but de me réconforter, ce qui me fait du bien.


"Ma pauvre chérie, j'espère qu'il ne t'a pas traumatisé."


"Non... ne t'inquiète pas maman, je vais bien. Je lui ai néanmoins promis de te parler de lui, c'est ce que j'ai fait. Mais après cela, je ne suis pas sûre d'en parler à papa, et ce ne sera pas à cause de sa réaction."


"C'est parce que tu n'es pas certaine d'avoir envie de le revoir, mais des garçons, tu auras tout le temps d'en rencontrer, tu es encore jeune." Me dit maman un peu inquiète.


"C'est vrai, mais je pensais surtout au fait qu'il serait inutile d'alerter papa au sujet d'Alexandre. J'ai pris ma décision maman, la prochaine fois que je le croiserai, je lui dirai qu'il n'y aura pas de fréquentations régulières entre nous."


"D'accord ma chérie, suis ton instinct, mais sois prudente si tu dois le revoir, je ne voudrais pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. Au fait, tu as pu quand même acheter du pain comme tu le souhaitais ?"


"Ah oui, j'ai pris deux gros pains de campagne, nous en avons pour quelques jours à tenir."


"C'est parfait, mais attends, je vais te tenir compagnie pendant que tu prends ton petit-déjeuner."


"Tu te sens suffisamment forte pour te lever maman ? Tu es sûre ?"


"Bientôt, c'est toi qui va devenir une mère poule pour moi." Me dit-elle en riant.


"Je prends simplement soin de toi maman."








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