A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 1 : Arrivée à la SDF

1917 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/08/2023 12:00

- Suivant !


Reiko s’avança vers le guichet. La secrétaire avait la cinquantaine bien tassée et portait un uniforme foncé. Elle était coiffée d'un chignon serré duquel aucune mèche ne s’échappait, ce qui accentuait son côté sévère. Elle ne se donna pas la peine de lever les yeux de sa fiche d’appel lorsque Reiko se présenta face à elle. Cette dernière en profita pour loucher sur les noms qui défilaient sous le sien.


- Reiko Sakuramachi, 30 ans, planète Terre, Système solaire, Bras d’Orion – Galaxie de la voie lactée ?

- Oui, madame.


la secrétaire esquissa un sourire moqueur.


- Il reste des gens sur cette planète ?


Les mâchoires de Reiko se serrèrent.


- Il semblerait.

- J’avais entendu dire qu’il n’y avait plus qu’un peuple de miséreux sur Terre, lâcha-t-elle en fixant Reiko par-dessus ses lunettes ovales.

- Heureusement que tout le monde ne pense pas comme vous.


L’officier de la SDF ne releva pas l’insolence. La jeune femme s’obligea à prendre de profondes inspirations. Où qu’elle aille le peuple de la Terre serait la proie de discriminations. Mais, s’il y a bien quelque chose à savoir concernant Reiko, c’est qu’elle n’est plus la proie. Plus maintenant. Certaines personnes se souciaient encore des habitants de la Terre et de leur sort. C’était en partie pour cette raison qu’elle avait atterri ici.


- Passons à autre chose, reprit la secrétaire. Vous êtes affectée au Peloton Sirius.

- Celui de Schwanhelt Bulge ?, répondit-elle sidérée.


La quinquagénaire haussa un sourcil.


- Vous en avez entendu parler ?

- Oui, de nom, seulement, répliqua-t-elle du tac au tac.


Reiko ne pouvait croire aux coïncidences et elle était persuadée que cette affectation relevait du fait de Cette Personne. Elle veillait sur elle alors qu’elle se trouvait sûrement à des années lumières de Destiny. Un sourire flotta sur ses lèvres et elle tendit machinalement les mains lorsque la secrétaire lui remit son uniforme bleu marine.


- Vous êtes désormais une équipière de la Space Defence Force. Bienvenue à vous.

- Merci.

- Ne faites pas honte à votre peloton, crut-elle bon d’ajouter.

- J’y penserai.


L’officier se replongea dans sa liste, sans plus de cérémonie.


- Suivant !


Reiko s’éloigna et laissa sa place à la prochaine recrue. Elle se perdit quelques instants dans la contemplation de son nouvel habit. Elle n’aurait jamais cru, quelques années auparavant, que la gamine qu’elle était réussirait à faire quelque chose de sa vie. Elle ne pouvait détacher son regard du blason représentant le chien noir sur un fond rouge. C’était son étendard dorénavant. Et comme elle l’avait promis, elle ferait de son mieux pour lui faire honneur. 


- Sirius, marmonna-t-elle. Sirius.


L’étoile la plus brillante de l’univers.


- J’espère être à la hauteur.


Elle serra fort son poing alors qu’une voix résonnait dans les haut-parleurs. 

“Que chaque unité rejoigne la salle de briefing qui lui a été attribuée ! Orion, Andromède et Rigel, salle A. Altair, Achernar et Procyon, salle B. Sirius, Vega et Spica, salle C…”


- C’est parti, s’admonesta-t-elle en guise d’encouragement.


Elle frappa à la porte automatique qui s’ouvrit presque instantanément sur une grande pièce dans laquelle les tables avaient été disposées en forme de “u”. Face à elle, l’unité Sirius, reconnaissable à son uniforme bleu. De part et d’autre de celle-ci, un peloton entièrement masculin vêtu de vert et un peloton féminin, arborant un rouge criard.

La jeune femme s’inclina brusquement, les mains crispées autour du tissu qu’elle tenait serré contre sa poitrine. 


- Sakuramachi Reiko, enchantée de vous rencontrer. Je vous promets de faire de mon mieux.


Un silence pesant répondit à sa déclaration.

Elle releva la tête et croisa le regard de celui qu’elle devinait être son Commandant. Ce dernier l’invita à s’asseoir d’un geste de la main.

Sans se faire prier, elle se glissa entre un jeune homme aux cheveux bruns en bataille et un second à la mine taciturne et à la chevelure polaire. 


- Les Commandants Reinhart, de Spica, et Murase, de Vega, se joignent à moi pour te souhaiter la bienvenue, Reiko.


Il s’adressa ensuite à l’assemblée.


- Le pilote Sakuramachi rejoint notre unité en tant que pilote et soldat de terrain. Nos pelotons étant amenés à régulièrement collaborer, j’espère que vous lui réserverez un bon accueil.

- On réserve toujours un bon accueil aux jolies filles, lâcha grassement une armoire à glace au teint mat.

- Arrête Valdivia, tu vas lui faire peur, rétorqua l’un des militaires aux cheveux blonds, coiffés en brosse.

- Tss, tss Schneider, tu voulais dire “impressionner”, c’est ça ?


Les deux hommes éclatèrent de rire tandis que Reiko grimaçait.


- Ils aboient plus qu’il ne mordent, chuchota le jeune homme aux cheveux bruns et en bataille.

- Je vois.

- Je m’appelle Yuuki Manabu, bienvenue dans l’équipe.


Une fois le calme revenu, le Commandant Bulge toussota avant de reprendre la parole. 


- Bruce, en tant que pilote, artilleur et lieutenant le plus gradé à bord, tu seras son référent.

- Mais, protesta ce dernier avec virulence, vous m’avez déjà attribué la formation de Manabu ! David peut se charger d’elle !

- Bruce, grogna le Commandant, Manabu est maintenant ton équipier. Rien ne t’empêche donc de t’occuper de Reiko.

- Commandant !

- Exécution.


Reiko se renfrogna et jeta un regard de travers à son nouveau coéquipier.

Qu’avait-elle fait de mal pour qu’il refuse au vu et au su de tout le monde d’être son tuteur ? Paraissait-elle si incompétente à ses yeux ?


- Bruce, tu es complètement dingue de ne pas vouloir passer du temps avec une belle femme. On te remplace si tu veux, lança Valdivia.

- Ça suffit maintenant, siffla la Commandante de l’unité féminine.

- Oui, c’est assez. Fin de la réunion, décréta Bulge.


Tous se levèrent comme un seul homme et, alors que l’artilleur du peloton Sirius, s’apprêtait à s’échapper par la sortie la plus proche, Reiko l’attrapa par le bras.


- Hé toi, on peut parler ?

- Lâche-moi, la bleue.

- Hé, ce n’est pas juste, je…

- Qui a dit que la vie était juste ?


Bruce détacha son bras d’un coup sec et lui tourna le dos.


- Attends une petite minute !


Il ne l’écouta pas et s’engagea dans le corridor sans un regard en arrière.


- Mais, c’est quoi son problème ?

- Ne t’occupes pas de lui, l’apostropha une voix féminine.


Reiko se retourna et détailla la personne qui lui faisait face. Plutôt petite, des cheveux châtains et un brushing impeccable, elle affichait un grand sourire chaleureux.


- Louise Fort Drake. Analyste et officier radar à bord de Big1 et tu connais déjà Manabu.

- Artilleur et soldat terrain.

- Tu es l’équipier de Bruce. Le fameux Bruce qui ne veut pas entendre parler de moi ?, railla-t-elle. J’espère que tu as un bonus si tu dois travailler avec lui tous les jours.

- Je peux toujours demander au Commandant, répondit-il en riant.

- Il est pas méchant, juste un peu timide, expliqua un grand brun baraqué avec des dreadlocks. Je suis David Young, ingénieur, officier navigateur et beau gosse. Tu fais quelque chose ce soir ?

- David, le rabroua Louise, ne commence pas, veux-tu ?


Reiko soupira alors qu’elle remarqua une femme magnifique aux longs cheveux blonds.


- Qui est-ce ?

- Yûki, notre infirmière ! Elle a du travail avec celui-ci, déclara David en tapant dans le dos de Manabu.

- Aïe ! Tu exagères.

- Pas du tout.

- Tu viens d’où, Reiko ? demanda Louise.


La jeune femme hésita un instant avant de répondre.


- Je suis originaire de la Terre.

- La Terre ?, répéta David.


Les membres du peloton Sirius s’observèrent en silence, intrigués.


- Oui.

- Je croyais que la Terre était..

- Dévastée ? Ruinée ? Insalubre ? Oui, c’est le cas.


Embarrassé, l’ingénieur n’insista pas.


- Louise, Manabu, vous accompagnez Reiko à sa chambrée ?, demanda Bulge. Quartier Est, bâtiment C.

- C’est drôlement éloigné, siffla Louise.

- Il n’y avait rien d’autre de disponible.

- Ça ira très bien, s’empressa de répondre Reiko. 


Elle posa une main sur l’épaule de Louise.


- Je vais trouver, ne vous inquiétez pas.

- Tu es sûre ?

- Dans ce cas, voilà ta clef, répondit le Commandant Bulge. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je serai dans mon bureau. Sinon, on se voit demain matin pour ta première mission.

- Bien, Commandant.


Schwanhelt Bulge observa sa nouvelle recrue. La trentaine tout juste, des cheveux bruns et longs coupés de façon irrégulière, des yeux teintés d’ambre, la mine résolue…

Allait-elle réussir à s’intégrer dans son peloton ?

Une pilote qui lui avait été imposée par ses supérieurs alors qu’il n’en avait pas émis le souhait…

Le Haut Commandement n’avait pas souhaité lui communiquer davantage d’informations à son sujet, si ce n’est qu’elle avait été recommandée par quelqu’un d’important qui n’avait pas été nommé.

Il n’était pas friand du piston et de tout ce qui pouvait s’en rapprocher, mais la situation étant ce qu’elle était, il n’avait pas d’autres choix que de faire avec Reiko.

Il attendrait qu’elle fasse ses preuves et qu’elle mérite sa place, comme chacun de ses équipiers. Si elle n’était pas à la hauteur de ses exigences il n’aurait d’autres choix que de la renvoyer, peu importe l’identité de ce “parrain” secret.


- Rompez. À demain, mademoiselle Sakuramachi.


Cette dernière hocha la tête et s’éloigna, le pas vif.

Sur le chemin des Quartiers Est, elle ressassa cette étrange journée.

Le Commandant paraissait suspicieux et elle avait bien compris à son air fermé qu’il n’était pas enthousiaste à l’idée qu’elle rejoigne son unité. Si David, malgré ses allusions salaces, Manabu et Louise lui paraissaient amicaux, elle ne pouvait pas en dire autant de Bruce qui la considérait déjà comme un fardeau. Quant à la belle Yûki, la gentillesse se lisait sur son visage, donc elle n’avait pas à s’inquiéter de ce côté-là.

Le soleil se couchait sur Destiny et Reiko riva son regard vers le ciel qui se teintait d’une palette de couleurs orangées.

Elle inspira profondément l’air frais de la soirée et reprit sa marche, déterminée.


- S’inquiéter, c’est souffrir deux fois, dit-elle à haute voix. Je vais juste suivre les rails et ça ira. 


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