A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 34 : À coeur vaillant...

5027 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/12/2023 13:41

Chap 34 : À cœur vaillant…


- Dashi-kun.

- Hum ?

- Réquisitionne une escouade et prête main forte à la SDF. Et à ta sœur. Protège les trains. Ils sont sous-armés face à un adversaire de cette envergure. Et, de toute façon, les canons de nos jets sont inefficaces contre le système d’auto-régénération de Promethium.

- Otto-san.

- Oui ?

- Sommes-nous seuls dans cette bataille ? Je veux dire : il n’y a que nous et les composteurs de billets ?


Le hors-la-loi garda le silence, énigmatique.


- Harlock… C’est pas le moment de faire des mystères.

- “Qui vivra, verra !”. Vas-y, Tadashi. Ne perds pas une minute.

- À tes ordres, Captain.

- Et… 

- Ouais je veillerai à ce qu’il ne lui arrive rien.

- Je compte sur toi.

- Fais moi confiance. Vous autres ! Avec moi ! Allons dégommer des boîtes de conserve.


Le jeune homme parcourut le vaisseau au pas de course, enfila une combinaison et un casque et, à l’instar de Reiko, prit place dans un Space Wolf.


- Décollage immédiat !


La porte du hangar s’ouvrit et le chasseur fila dans le vide interstellaire.

Puis, la sphère surgit devant Tadashi.

Titanesque forteresse de métal et d’acier, dardée d’une multitude de cadrans rouges, elle paraissait indestructible.

Tel un trou noir, elle dévorait tout sur son passage.

Les humains comme les machines.


- Aaaaah, dire qu’on en est réduits à aider ces cheminots de l’espace. 


Il activa son émetteur et le régla sur le canal commun de la SDF.


- Koko, je suis là.

“- Aniki !”

- Je t’ai manqué ?

“-T’as pas idée.”


***


- Commandant, la pression de la chaudière interne est en baisse drastique.

- Je sais, David.

- Notre artillerie est diminuée à 60% de ses capacités.

- Je sais, Bruce.

- L’Arcadia est là, enchaîna Manabu. Ça devrait aller, maintenant !

- Espérons-le. Divisez l’énergie restante entre les canons et le bouclier.

- Compris !


La situation était des plus accablantes et Schwanhelt Bulge en avait conscience.

Big1 n’était pas au meilleur de sa forme et, malgré toutes les précautions prises par son unité pour éviter les dégâts, ceux-ci étaient considérables.


- Les foyers incendiaires sont contenus dans les voitures cinq, huit et neuf, les informa Louise.

- Le circuit principal a refroidi. Température acceptable.

- D’accord, Manabu. Continue de passer en revue nos avaries. Où en est le sauvetage du 748 ?

- Achevé à 95% par la section Cepheus, déclara l’Officière radar.

- On ne bouge pas tant que tous les passagers ne sont pas en sécurité dans l’Hiryu.

- Bien reçu.

- Harlock a ouvert le feu !


Le Commandant croisa les bras, dubitatif.

“Le pirate ne pourra pas en venir à bout seul. Nous sommes en infériorité numérique et notre armement est dérisoire comparé à celui de Râ-Metal.”


- Battons-nous de toutes nos forces, conclut-il en guise d’encouragement.


*** 


- Percez une brèche dans ce colosse de fer.

- Oui, Captain !

- Focalisez nos tirs sur un même point et arrosez le jusqu’à ce qu’on fragilise leur système d’auto-régénération.

- Et après ?

- On fait imploser cette monstruosité de l’intérieur. C’est notre unique chance.


Yattaran se frotta les mains, enjoué.


- C’est comme si c’était fait !

- Où en est la SDF ?

- Ils terminent de secourir les voyageurs à l’instant.

- Et Koko ?

- Elle maintient les robots occupés avec d’autres appareils alliés et le bataillon de Tadashi.

- Bien. Ils nous octroient un temps précieux, ne le gaspillons pas.

- Entendu !


Le Capitaine empoigna la barre, déterminé.


- Nous devons tenir.

- Tenir jusqu’à… Quand ?, demanda Kei.

- Jusqu’à ce qu’un miracle se produise.


*** 


Reiko effectua une vrille parfaite, effleurant la station avec ses ailes.

“Je vais leur donner le tournis à ces saletés de pantins.”

Elle mobilisa jusqu’à la plus petite parcelle de l’enseignement que lui avait inculqué Tadashi pour esquiver les traits de ses ennemis, tout en leur infligeant un maximum de dommages. Ceux-ci, bien que temporaires, avaient le mérite d’irriter les humanoïdes et de désorganiser leur attaque. 


- On est coriaces à la SDF, hein ?


Un sourire dur étira ses lèvres et elle actionna son communicateur, qu’elle calibra sur la fréquence des Space Wolf.


- Aniki.

“- Nee-san.”

- On remet ça ?

“- J’attendais que tu me le propose.”

- Je tiens les scores.

“- Pas de triche.”

- Récapitule les règles, alors !, s’exaspéra-t-elle en montant en chandelle.

“- Carlingue, un point. Tourelle, deux. Batterie de pulsars, trois. Navette, quatre. Chasseur, cinq. Aéronef, six. Croiseur, sept. Cuirassé, huit. Vaisseau amiral, neuf. Et dix si tu le descends en un seul tir bien placé.”

- Et celui qui abat la sphère ?

“- Il remporte le concours.”

- Vendu !

“- Les enfants”, les interrompit la voix d’Harlock avec lassitude, “Vous savez ce que je pense de cette compétition.”

- Cette fois-ci, je vais gagner, certifia Reiko.

“- Dans tes rêves, onee-san.”


Pour appuyer ses dires, elle détruisit une rangée de pulsars.


- Et de trois. Je me suis beaucoup entraînée.

“- Avec blondinet ?”

- Précisément.

“- Ça suffira pas.”, ricana-t-il.

- C’est ce qu’on verra !

“- Ne perdez pas de vue votre objectif.”, les morigéna le Capitaine de l’Arcadia.

- Support aérien de la SDF.

“- Empêcher la police ferroviaire de finir en pièces détachées.”

- Hé, aniki !

“- Bah, je me trompe ?”

- Bakana, grogna-t-elle. 


*** 


- Ils fabriquent quoi ces deux idiots ?, marmonna Bruce en observant les mouvements des jets de son épouse et de son frère. 

- Ils font diversion, non ?, répondit Manabu.

- Ils s’amusent, oui.

- Hein ?


Le sniper pianota sur sa console et explosa trois tourelles de la base râ-metalienne.


- Je commence à la connaître et je te garantis qu’ils jouent à un jeu malsain de pirates.

- Un jeu… malsain ?

- Ouais.

- Les gars, focus, les rappela à l’ordre Schwanhelt Bulge. Point de situation.

- Notre bouclier va lâcher, c’est une question de minutes, les renseigna l’ingénieur de Big1. Trois nouveaux départs de feu ont été étouffés dans les wagons de queue.

- Le cosmo-matrix ?

- Nous n’avons plus assez d’énergie en réserve.

- L’Arcadia est en difficulté.

- Et nous aussi ! Sans renfort, notre sort est scellé, lança David, morose, tandis qu’une violente secousse agitait le train, le faisant pencher sur le côté.

- Je fais confiance à Harlock.

- Qu’il y ait ou non des renforts, le peloton Sirius ne recule pas, mugit Manabu. 

- Il ne recule pas mais il n’est pas non plus suicidaire, signifia l’artilleur. Commandant, on doit battre en retraite, même si ce n’est que provisoire. Nous ne sommes pas en mesure de…

- Distorsion spatiale !


Bulge entailla l’accoudoir avec ses ongles.


- Un vaisseau s’extrait de la dimension warp !

- Ami ou ennemi ?, siffla Bruce entre ses dents.

- C’est là toute la question, entérina le Commandant.


*** 

 

Un sourire en coin, Harlock détaillait la dizaine d’aéronefs qui se joignait au combat engagé contre la station.


- Les voilà.

- Mieux vaut tard que jamais !, se réjouit Yattaran.

- En effet.

- Parce que ta technique, Captain, elle est loin d'être efficiente. On tenterait pas un harponnage en bonne et due forme avec le tranchoir de proue ?

- On serait pris à notre propre piège si la carlingue se refermait sur l’Arcadia. 

- Et c'est sans compter la SDF, qui n’est plus en capacité de résister. Leurs trains sont dans un sale état. Surtout le gros vert là, l’Iron machin.

- Je sais mais ils n’abandonneront pas. Et nous non plus, feu ! 


*** 


- Tokarga !, s’exclama Reiko, sidérée.

“- Ils avaient une dette envers nous”, lui expliqua Tadashi.”Ils ont donc décidé de l’honorer.”

- La nation souveraine tokargienne. Je n’en crois pas mes yeux.

“- Nee-san, ne te déconcentre pas.”

- Trente-huit à quarante-deux. Je vais te rattraper, Aniki.

“- Tu te voiles la face...”

- Tu es trop présomptueux.


*** 


- Que dit l’ordinateur ? A-t-on une correspondance dans nos données ?, demanda Schwanhelt Bulge.

- Il s’agirait de bâtiments de Tokarga, la quatrième planète du huitième système solaire.

- Les mystérieux alliés d’Harlock ?, interrogea David.

- Vraisemblablement. 

- Certes, ils tombent à point nommé, mais j’ai l’impression que leur armement est aussi inutile que le nôtre et qu’il ne rivalise pas avec la technologie auto-régénérante râ-metalienne, argua Bruce.


Cette arrivée providentielle accorda cependant un peu de répit à l’alliance des pirates et de la Space Defence Force car la bataille faisait toujours rage autour d’eux. 


- Surtout que notre bouclier est définitivement hors service, nous sommes totalement expo… aaaah !


Louise fut catapultée au sol par une brusque déflagration qui mit Big1 sens dessus dessous.


- Tu t’es fait mal ?, s’alarma Manabu.

- N-non, j’ai rien.

- Relève-toi.


Le jeune homme la soutint jusqu’à son siège où elle s’installa, étourdie.


- Rapport de dégâts !

- Le moteur est touché, grommela David. Nous sommes immobilisés. Les réparations requises sont trop importantes. Sans remorquage, on ne bougera pas d’ici. 


Un grésillement résonna alors dans la “control room”, suivi d’une voix affolée.


“- Big 1 ! Big 1 ! Tout va bien ? Vega a dû déserter le Berger ! Quel est le degré de gravité de vos dommages ?”

- C’est bon, chaton, l’une de nos unités va nous tirer de là. Qu’est-ce que…?


La base de Promethium s’ouvrit, dévoilant un gigantesque orifice noir.


- Putain, c’est quoi ça encore ?!, s’énerva Bruce en constatant que leur artillerie était inopérante.

- Louise, lance une communication à destination du Flame Swallow ! Exécution immédiate !


Le visage de Julia Reinhart se matérialisa au milieu de la voiture.


“- Nous allons vous sortir de la zone de combats. Le QG a envoyé d’autres sections pour prendre le relais.”

- Il va falloir accélérer car on est dans la ligne de mire de cet immense… Canon.”


Le peloton Sirius se retourna comme un seul homme vers l’écran que désignait l’Officière radar.


- Par tous les dieux, souffla le sniper.

- Julia !

“- Nous arriv…”

- Trop tard, les coupa Manabu avec anxiété. Un rayon laser en provenance de la sphère va nous percuter. Préparez-vous à l’impa...


Le faisceau d’énergie pure se déversa sur Big1.

Une brève lumière traversa les vitres des wagons.

Un silence.

Puis, une explosion.

Assourdissante.


***


- Non… N-non… Pas… Pas possible.


Le chasseur de Reiko effectua un tonneau acrobatique.


- Big1… BIG1 !, hurla-t-elle à s’en décoller les poumons.


Sa radio resta désespérément muette. 

Un voile rouge se déposa sur ses prunelles tandis qu’elle survolait le carnage.


- Bru… Bruce… Mana…Bu… Louise…


Horrifiée, la pilote se retrouva face à une scène qu’elle n’aurait jamais cru contempler de toute sa vie.

Les wagons du train de la SDF étaient éparpillés aux quatre coins du champ de bataille et sa locomotive fumait dangereusement.

La décharge énergétique du canon humanoïde avait transpercé Big1 au niveau des voitures centrales, en pulvérisant une bonne partie, dont les hangars des Space Eagles.

Complètement paniquée, elle enfonça le bouton de son émetteur.


- Otto-san ! OTTO-SAN ! Ils ne me répondent plus… Je t’en prie… Envoie… Des secours.

“- Zero est déjà à bord d’une navette. Poussin, je suis sûr qu’ils sont sains et saufs….”

- Non… C’est très peu… Probable, gémit-elle. Aniki… Aniki…. J’ai peur.

“- Garde ton calme, j’y vais.”

- Moi… Aussi.


Le cerveau de Reiko s’était mis en pause.

La vision de son train ravagé par les flammes était épouvantable, bien pire que tous ses cauchemars réunis. 

“Pourvu… Pourvu qu’ils soient indemnes…”

Des frissons irrépressibles parcouraient ses membres, compliquant drastiquement sa navigation.


“- Non, attends en vol stationnaire.”

- Mon mari est là-bas. Mes amis sont là-bas. Je ne reste pas en arrière.

“- Comme tu veux.”


Ce fut la militaire qui, la première, se positionna sur le toit du wagon de commandement. Fébrile, elle eut toutes les peines du monde à ôter sa ceinture de sécurité.


- Faites qu’ils soient en vie… Faites qu’ils soient en vie… Je donnerais n’importe quoi… N’importe quoi…


Terrorisée par la perspective de ce qu’elle allait trouver, imaginant des scénarios tous plus atroces les uns que les autres, elle déverrouilla son cockpit, sans remarquer qu’une distorsion apparaissait sur le flanc tribord de la station, qui s’était attelée à recharger son arme de destruction massive.

Le jet de Tadashi atterrit devant celui de sa sœur, qui était déjà occupée à défoncer la porte de la voiture avec de puissants coups de pieds. L’adrénaline décuplait ses forces et le métal ploya sous la férocité des impacts.


- Ouvre-toi ! Bordel… De merde !


Le battant se détacha alors brutalement, pour s’écraser sur la paroi opposée. Reiko se précipita à l’intérieur, s’accrochant à tout ce qu’elle pouvait attraper pour contrer la gravité spatiale.

Le pirate l’avait rejointe et ils s’acharnèrent ensemble sur le vantail coulissant menant à “la control room”.

Lorsqu’enfin il céda, elle se figea, terrassée par l’ampleur du désastre.


- Putain… Putain, s’agita Tadashi. Dépêche-toi.


Le sang-froid de la pilote n’était plus qu’un lointain souvenir et sa pression artérielle monta en flèche.

Sous le choc, elle hyperventilait.

Malgré tout, son inquiétude était telle, qu’elle obligea ses jambes à se mettre en mouvement.

“Pas réel. C’est pas réel.”


- Est-ce qu’ils… Est-ce qu’ils…

- Lui, il est juste dans les vapes, l’informa son frère en pointant Manabu. Il a peut-être un traumatisme crânien. 


Il marqua un silence avant de reprendre.


- Et celle-là, elle respire. Elle est blessée à la hanche. Je vais contenir l’hémorragie, décréta-t-il en allongeant Louise sur ses genoux et en comprimant sa plaie.


Reiko s’agenouilla quant à elle aux côtés de Bulge, qui était étendu face contre terre dans une mare d’hémoglobine.

Ses cheveux étaient imbibés du liquide chaud et poisseux.

Son teint, cadavérique

Ses lèvres, bleuies.

Tremblante, elle empoigna son bras. 


- Je ne sens plus… Son pouls…. Commandant… Commandant.. Vous m’entendez ?

- Nee-san… Il est… Je crois qu’il est…, commença Tadashi d’une voix blanche.

- Non… Non… Tu te trompes…


Nauséeuse, incapable de mettre de l’ordre dans ses pensées, elle se releva et se dirigea vers David et Bruce, tous deux inanimés.

La respiration de l’ingénieur était rassurante mais son humérus droit et son tibia gauche étaient tordus dans des angles anormaux. 

“Il s’en sortira...”

Elle reporta ensuite son attention sur l’homme qu’elle aimait et s’avança vers lui d’une démarche robotique.

L’équipe médicale de l’Arcadia fit irruption à l’instant où les bras de Reiko se refermaient autour du torse de son époux, dont l'uniforme était gorgé de sang.

En proie à une crise d’angoisse comme elle n’en avait jamais connue, elle apposa simultanément deux doigts sur la jugulaire de Bruce et une main contre son cœur.

Bien qu’irréguliers, elle les ressentit clairement.

Les battements. 

Un poids énorme quitta ses épaules.


- Faible… C’est faible mais je les perçois… , dit-elle en pleurant franchement cette fois-ci. 


Elle enfouit son nez dans le cou de son compagnon qui ne réagit pas.


- Mon amour… Mon amour…, balbutia-t-elle, confuse.


Derrière elle, le docteur Zero secoua la tête.


- On ne peut plus rien pour lui. Il est mort sur le coup. Qui était-ce ?

- Le Commandant Schwanhelt Bulge, répondit Tadashi.


La jeune femme redressa la tête avec une plainte rauque.


- Sauvez-le… Doc… Par pitié… Faites quelque chose… N’importe quoi…

- Je suis désolé, dit-il en s’approchant du sniper. Je ne suis pas en mesure de ramener les défunts.

- Non… Vérifiez encore…

- Koko… C’est trop tard pour ton Commandant, mais peut-être pas pour ton mari. Lâche-le et laisse-moi lui administrer des soins. Je vais faire de mon mieux mais je ne te promets rien. Allez, écarte-toi.


Elle obéit à regrets, prostrée sur la console de l’artilleur, observant les rebelles qui ceinturaient Bruce sur un brancard.


- L’hémorragie de la petite a été jugulée ?

- Oui, Doc.

- Lui, il a sûrement une commotion cérébrale légère, pas besoin de chirurgie, emportez-le en salle de soins numéro trois avec la fille, dit-il en désignant Manabu.

- Pour celui-ci, bloc numéro quatre. Il va falloir l’opérer pour éviter l’amputation.

- C’est David Young…, bégaya Reiko. Notre… Officier navigateur et… Ingénieur de bord.

- D’accord. Et pour Speed, bloc numéro deux. Le choc a été violent au niveau de son crâne et de ses cervicales. On va devoir évacuer un hématome et réduire la pression intra-crânienne. Je vois également un éclat métallique dans son abdomen, à retirer en urgence. Allez, au boulot ! Ne lambinez pas !


Tadashi saisit sa sœur par la manche de sa veste.


- Je t’emmène sur l’Arcadia. T’es plus en état de piloter.

- Yû… Yû…, ânonna-t-elle.

- Hein ?

- Yû..Ki. Notre.. Médecin… Elle était… Dans le wagon… Infirmier…


La mâchoire du pirate se crispa.


- Je vais la chercher. Rentre avec Zero.

- Et… Le… Commandant ? On ne va pas… On ne peut pas… L’abandonner ici…

- Non, bien sûr que non…

- Il est… Il est vraiment…

- Nee-san… Ne pleure pas… Ne pleure pas… Viens…


Plus portée que soutenue par son frère, Reiko titubait et manqua de s’écrouler alors qu’elle contournait le corps de Schwanhelt Bulge.


- Commandant… Commandant… Je n’ai pas su… Vous protéger… Pardon.. Pardon…

- T’es pas responsable, lui assura le jeune homme.

- La couverture aérienne… C’était moi… C’était ma mission…

- Tu pouvais rien faire face à une telle arme. Même si tes tirs avaient été précis, ils n’auraient jamais pu détruire ce canon.

- J’aurais dû essayer… J’aurais au moins dû faire ça….  


Elle sanglota, désorientée.


- Bruce… Bruce… Si je le perds… J’en mourrai… Je l’aime… Tu n’as pas idée… À quel point…

- Il vivra. C’est un roc ce type. Pour être avec toi, il serait capable de défier le roi des enfers et de revenir du monde des morts. Personne n’est assez fort pour l’empêcher de te rejoindre. Pas même La Faucheuse.

- Tu… Tu en es sûr ?

- Oui. Et c’est pas faute d’avoir tenté de le faire fuir. 

- Tu me le jures ?

- Oui.


Ils parvinrent devant la porte arrachée plus tôt par Reiko.

Un moment de flottement.

Puis, les yeux de Tadashi s’écarquillèrent.


- Bordel… Est-ce que c’est bien ce que je crois ?


*** 


- Y’a-t-il ne serait-ce qu’une chance… ?

- Pour qu’ils aient survécu ?


Yattaran tapota son menton.


- J’sais pas, Captain. Je l’espère sincérement.

- Si le sniper… Si par malheur, il était… 

- Ouais, Koko ne s’en remettra pas. 


Harlock faisait les cent pas sur le pont, préoccupé. 


- Bon dieu, ces saletés de machines… Quel merdier ! Continuez de tirer ! Anéantissez-moi ça !

- On fait tout notre possible mais notre puissance de feu est insuffisante.

- Une distorsion est détectée sur nos radars !, s’écria Kei.


Le pirate serra les dents.

“C’est maintenant ou jamais…”

Un vaisseau se dégagea alors de la dimension warp.

Majestueux, rouge et argenté, il était percé d’un immense canon à sa proue.


- Il est enfin là, soupira le Capitaine en s’affalant dans son siège, soulagé.

- Un cuirassé fantôme venu du fond des temps, s’émerveilla le Second de l’Arcadia.

- Un allié de taille qui fera toute la différence.

- Comment as-tu… ?

- Une rumeur. J’ai juste suivi la rumeur.

- Le Yamato… Je pensais qu’il avait été démantelé depuis près de deux-cents ans… Qui le commande ?

- Cette famille.

- Pas vrai.

- Ils l’ont préservé à travers les siècles, en sachant pertinemment qu’il devrait un jour reprendre les armes pour défendre la liberté.

- Technologie Iscandarienne, hein ?

- Nous allons tout de suite constater si elle est aussi extraordinaire que l’histoire le prétend. 

- Une communication sur le canal général !

- Accepte.


Des grésillements encombrèrent la ligne quelques instants avant qu’une voix grave ne retentisse.


“- Ici Mamoru Kodaï, le Commandant du Yamato. Nous nous apprêtons à faire feu avec notre canon à diffusion ondulatoire. Que les appareils tokargiens, l’Arcadia et les trains de la SDF s'éloignent.”

“ - Ici Julia Reinhart, de l’unité Spica. Nous avons calculé les coordonnées du point faible de la sphère. Nous vous les transférons.”

“- Merci de votre travail.”


Harlock bondit sur ses pieds, galvanisé par ce retournement de situation.


- Vous avez entendu ? Exécution ! Où est la navette de Zero ?

- Nous déverrouillons le sas trente-quatre. Ils sont rentrés.

- A-t-on des nouvelles ?


Le teint pâle de Yattaran fut une réponse suffisamment éloquente pour tuer dans l'œuf d’éventuelles questions.


- Préparez le tranchoire de proue, ordonna-t-il avec un ton aussi froid que la mort. Nous allons les exterminer jusqu’au dernier.

- Compris !


Kei matérialisa un hologramme de la bataille au centre de la passerelle.


- Le Yamato a tiré !


Un rayon cent fois plus intense que celui de la station râ-métalienne s’échappa et la perfora de part en part dans un éclair lumineux aveuglant, annihilant son bouclier auto-régénérant.


- Propulseurs à 95% ! On fonce dans le tas ! En avant toute ! Réduisons ce monstre en cendres !

- Avec plaisir, approuva Yattaran en enclenchant les manettes devant lui.

- Je descends à l’infirmerie. Je te laisse le commandement.

- Compte sur moi.

 

Le hors-la-loi quitta la pièce dans une envolée de cape tandis qu’une longue lame se déployait à la proue du navire.


- Assénons-leur le coup de grâce. Trajectoire en ligne droite. Harponnage dans trois, deux… Un… !


Tel un tsunami hautement destructeur, le vaisseau des rebelles pénétra à l’intérieur de la forteresse. Des fragments d’acier de la taille de Big1 furent arrachés et projetés dans l’espace. Les explosions se multipliaient, opacifiant les vitrages.


- Rapport d’avaries ?, interrogea Kei, alors que l'équipage était ballotté dans tous les sens.

- Aucune ! Comme un couteau dans du beurre.


Après avoir traversé la base de part en part, l’Arcadia ressortit de l’autre côté dans un nuage de fumée noir.

La station se comprima ensuite sur elle-même et implosa dans une fracassante détonation.


- C’est terminé.


Le Second fit pivoter son fauteuil, satisfait.


- La mythique Iscandar… Sa technique est bien supérieure à la nôtre et ce, malgré toutes ces années passées.


***


Harlock courut jusqu’aux blocs opératoires, anxieux.

Certes, il n’avait jamais apprécié l’époux de sa fille, mais il le respectait. Profondément.

Et il savait que Reiko l’aimait plus que sa propre vie. S’il était décédé au cours de ce combat, elle était sans nul doute dévastée.

Et, par-dessus tout, il craignait qu’elle décide de partir là où il ne pourrait pas la suivre.

Hors d’haleine, le pirate déboucha dans le couloir de l’aile hospitalière.

Recroquevillée, le nez dissimulé dans ses genoux, Reiko attendait, apathique.


- Poussin.


Elle leva la tête, le visage bouffi.


- Otto-san…


Il se laissa tomber au sol et enveloppa la jeune femme dans ses bras, la masquant sous sa cape.


- Le Commandant… Il est… Il est… Zero n’a pas pu…

- Bulge, souffla-t-il, choqué. Pas possible.


Des pleurs incontrôlables noyèrent les joues de la pilote.


- Manabu et Louise sont légèrement blessés… Yûki a disparu… Tadashi la recherche…

- Ça va aller… 

- David est sur la table d’opération. Bruce… Bruce…


Un cri s’étrangla dans sa gorge.


- Zero ne sait pas… Ne sait pas s’il réussira à…

- Il est doué. Ton mari est entre de bonnes mains. Il n'y a que le Karyû de Warrius qui puisse rivaliser avec nos installations médicales.

- J’ai peur…

- Je ne permettrai pas qu’il lui arrive quoi que ce soit sur mon vaisseau.


Une demi-sourire étira les lèvres de la militaire.


- Tu n’as pas autorité là-dessus, papa. 

- Détrompe-toi, usagi.


Ni l’un ni l’autre n’auraient su dire combien de temps ils demeurèrent enlacés, figés au milieu du corridor plongé dans l’obscurité.

Bercée par son père, Reiko somnolait entre deux crises de larmes.

La porte du bloc s’ouvrit enfin, dévoilant la silhouette du médecin.


- C’est fini.


***


Le battant du bureau du Docteur Zero se referma derrière Harlock.


- Vous l’avez placé dans un coma artificiel ?

- Nous n’avions pas le choix, ses blessures étaient trop sérieuses. 

- Il va survivre ?

- Je l’ignore. J’ai fait tout ce que j’ai pu.

- Patience, c’est ça ?

- Exactement.


Le Capitaine risqua un œil à travers la fenêtre rectangulaire, qui donnait sur la salle de soins adjacente.

Pelotonnée contre Bruce, la tête blottie au creux de son cou, Reiko lui murmurait des paroles apaisantes à l’oreille.


- Elle a catégoriquement refusé de quitter son chevet. 

- Elle m’a mordu, grogna le praticien.

- C’est bien ma fille, répondit Harlock. 

- Y’a pas de quoi être fier, marmonna Zero en désinfectant sa plaie. 

- Finalement, son influence est plutôt positive.

- À qui ? Bruce ? Tu plaisantes ?

- Hum. Je dois regagner la passerelle. Veillez sur ces deux-là et sur le reste de leur peloton.

- Manabu et Louise ont simplement besoin de repos. L’ingénieur est tiré d'affaires, même s’il n’est pas près de piloter de sitôt.

- Tadashi a retrouvé l’androïde ?

- Oui, elle est en mauvais état mais sa mémoire interne semble intacte. Comme je ne suis pas en mesure de la réparer, j’ai déconnecté ses circuits et je l’ai mise en latence.

- Nous nous dirigeons vers Destiny. Nous la confierons aux ingénieurs de la SDF quand nous débarquerons.

- Et Bulge… C’est vraiment malheureux… C’était un brave…


Le pirate posa ses doigts sur la poignée. 


- Oui, c’était un homme valeureux. Je regrette son sort.


Il toussota avant de changer de sujet.


- Si le Yamato a accepté de sortir de son trou, c’est pour une bonne raison.

- Le Galaxy Railways n’est que le premier obstacle sur la route de Promethium, c’est ça ?

- C’est ce que je crois. Et Mamoru Kodaï doit le pressentir également.

- Alors la véritable cible de la reine, c’est…


Harlock fronça les sourcils.


- L’Univers tout entier. 


*** 


- Tu te rappelles lorsque j’ai perdu ma main ?


Elle effleura la joue de son conjoint.


- Tu es resté à mes côtés à chaque minute de ma convalescence. Je ferai pareil, d’accord ? Pour une fois, c’est moi qui prendrai soin de toi. Je t’attendrai aussi longtemps qu’il le faudra.


Elle empoigna la couverture et la remonta jusqu’aux épaules de son époux. Puis, elle se glissa sous les draps. 


- Je t’aime. Reviens-vite, s’il-te-plaît.


Reiko enroula une mèche blonde autour de son index.


- Je ne veux pas d’une vie sans toi. 


La respiration de Bruce était régulière. Un masque à oxygène recouvrait sa bouche et son nez tandis que des perfusions alimentaient son corps par de nombreuses aiguilles et cathéters. 

Un moniteur bipait à intervalles fréquents, affichant les courbes de vie et le rythme cardiaque de l’artilleur.


- Tu ne m’abandonneras pas maintenant. Et considérez ça comme un ordre, lieutenant Speed.

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