L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 6 : Le Mentor

6416 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/04/2024 21:43

La salle d'entraînement suintait l'histoire et la sueur de générations d'Assassins avant eux. Les murs de pierre épaisse étaient un rappel de la Rome ancienne, tandis que les armes alignées le long d'étagères de bois étaient de conception plus moderne, un témoignage du progrès qui définissait cette ère de Renaissance. L'air était saturé de l'odeur du cuir des ceinturons, des fourreaux, et du métal aiguisé des lames. C'était une odeur qui, pour beaucoup, évoquait une sorte de sanctuaire.


Les apprentis étaient déjà arrivés, leurs yeux pleins d'anticipation. Certains ajustaient les sangles de leurs épaulières, d'autres frottaient leur dague sur un morceau de cuir pour la garder aiguisée. Des chuchotements filaient à travers la salle, tous focalisés sur la porte robuste à l'autre extrémité. "Ezio Auditore," les mots étaient prononcés avec une révérence à peine voilée. Leur éclat évoquait des histoires de bravoure, d'exploits presque mythiques. L'aura entourant le nom était électrique, faisant monter la tension dans la pièce comme une symphonie avant son crescendo.


La porte en chêne s'ouvrit enfin, lentement, révélant la silhouette d'Ezio. Il portait des vêtements simples, presque austères, contrastant avec l'image flamboyante que beaucoup avaient imaginée. Mais c'était un homme qui n'avait plus besoin de fanfaronner; sa réputation le précédait. Ses yeux balayèrent la salle et s'arrêtèrent brièvement sur deux visages. Isabella et Frédérico, les enfants qu'il avait rarement vus mais qu'il reconnaîtrait entre mille. Il devait cacher sa reconnaissance, sa fierté, et un éventail d'autres émotions qui menaçaient de bouillonner à la surface.


"Buongiorno," dit-il, sa voix était douce, mais elle portait une gravité qui emplissait chaque coin de la pièce. Elle n'était pas tonitruante, mais elle avait le pouvoir de faire taire les chuchotements, de concentrer chaque regard sur lui. "Nous avons beaucoup à couvrir aujourd'hui."


Les apprentis réagirent comme un seul homme, se positionnant en une ligne ordonnée. Le respect était manifeste, mais parmi eux, Isabella et Frédérico détonnaient. Isabella avait ses bras croisés, une attitude de défiance dissimulée sous une indifférence apparente. Ses yeux ne s'attardaient pas sur Ezio, comme si le regarder était accorder un pouvoir qu'elle refusait de lui donner. Frédérico, à l'opposé, était tout yeux. Son visage affichait un mélange complexe de sentiments—de l'excitation, de la curiosité, mais aussi une certaine prudence, comme s'il craignait que l'image de ce père longtemps absent ne s'effondre sous un examen trop approfondi.


Ces deux attitudes contrastées étaient le produit d'années d'éloignement, d'histoires entendues et de leçons apprises, mais aussi de leur propre compréhension naissante de ce que cet homme signifiait dans le tissu complexe de leur vie. Pour le moment, tous étaient suspendus dans une attente électrique, prêts à être façonnés par l'homme, le mythe, la légende : Ezio Auditore.


Dans un coin de la salle, alors qu'Ezio commença à étaler des parchemins et des cartes sur une grande table en bois, Isabella et Frédérico se retirèrent discrètement. Ils furent rejoints par Lucia et Marco, deux de leurs amis apprentis.


"Dieu soit loué, Ezio Auditore en chair et en os !" s'exclama Marco, les yeux brillants d'admiration. "Pensez-vous qu'il nous montrera comment utiliser la lame secrète ?"


Lucia ajouta, presque en extase : "J'ai entendu dire qu'il avait affronté Cesare Borgia lui-même. Imaginez les secrets qu'il pourrait nous apprendre !"


Frédérico sourit, partageant leur enthousiasme, ses yeux se tournèrent vers Ezio, un mélange d'excitation et de curiosité, mais aussi d'un certain sentiment de réservation.


Isabella, quant à elle, restait silencieuse, son visage impénétrable. "C'est un bon instructeur, sans aucun doute," dit-elle finalement, mesurant chaque mot. "Mais n'oublions pas que nous avons également beaucoup à apprendre de notre mère, Arianna."


Marco et Lucia acquiescèrent, mais leurs yeux brillaient toujours à la mention d'Ezio.


Frédérico fixa sa sœur. "Isa, je sais que tu soutiens maman, mais ne trouves-tu pas fascinant que l'un des plus grands Assassins de notre temps nous enseigne?"


Isabella le regarda fixement. "Bien sûr que c'est fascinant, Rico. Mais n'oublions pas qui nous sommes, et qui nous a élevés pendant toutes ces années."


Frédérico hocha la tête, ses yeux retournant à leur père, un homme qu'il avait à peine connu. Les mots d'Isabella étaient vrais, mais la question de leur père, de cet homme qui se tenait devant eux, éclipsait tout le reste. Il sentit le poids de leurs identités dissimulées, l'énorme secret qu'ils portaient en eux.


Tous deux se retournèrent pour rejoindre les autres apprentis, mais chacun sentit une tension inexprimée, comme une corde tirée trop fort et prête à rompre.


Ezio enchaîna en faisant venir deux apprentis à l'avant. "Observez. Une attaque directe peut être efficace, mais elle est aussi prévisible." Il se positionna en face d'un des apprentis, parant facilement son attaque frontale. "Mais si vous faites preuve de ruse et d'intelligence, votre ennemi ne saura jamais ce qui l'a frappé." Là, il esquiva une autre attaque, se glissant derrière son adversaire pour le désarmer.


La salle éclata en applaudissements. Marco lança un regard impressionné à Frédérico, comme pour dire, "As-tu vu ça ?" Mais Frédérico était concentré sur son père, analysant chaque mouvement, chaque parole. Il se demandait ce que sa mère penserait de tout cela.


Isabella, de son côté, ne pouvait s'empêcher de penser que la stratégie d'Ezio manquait d'un certain... humanisme. La méthode d'Arianna serait moins centrée sur la ruse et plus sur la compréhension, moins sur la défiance et plus sur la confiance mutuelle. Pour elle, la comparaison creusait encore plus le fossé entre les deux parents et les deux méthodes.


"Maintenant, je veux que chacun de vous pratique ces techniques avec un partenaire," dit Ezio, balayant du regard l'ensemble de ses apprentis. Ses yeux se posèrent un instant de plus sur Isabella et Frédérico, comme s'il hésitait à les appeler. Finalement, il détourna le regard, laissant une ambiance chargée flotter dans l'air.


Isabella et Frédérico se retrouvèrent partenaires par défaut, les autres apprentis étant trop intimidés pour s'approcher du duo. Ils échangèrent des coups, Isabella clairement retenue, ses mouvements reflétant l'enseignement de sa mère plutôt que ceux d'Ezio.


"Tu pourrais au moins essayer de suivre ses instructions," murmura Frédérico, frustré par son manque d'engagement.


"Je pourrais dire la même chose de toi concernant les enseignements de notre mère," rétorqua Isabella, ses yeux se verrouillant sur les siens.


Ezio, qui observait le duo avec une attention intense, sentit que le moment était venu d'intervenir. Il s'approcha d'eux, un sourire presque imperceptible aux lèvres.


"Peut-être pourrais-je montrer quelque chose de nouveau," dit-il, son regard alternant entre ses deux enfants. "Isabella, voulez-vous être mon adversaire?"


Les apprentis autour d'eux s'écartèrent pour former un cercle, créant un espace pour le duel imminent. Frédérico recula, ses yeux fixés sur le visage de sa sœur, cherchant à y lire ses émotions. Isabella, quant à elle, hocha la tête, acceptant le défi sans un mot. Elle dégaina sa dague, ses yeux se verrouillant sur ceux d'Ezio.


Le combat commença lentement, chaque adversaire mesurant l'autre. Ezio attaqua le premier, un mouvement rapide mais prévisible. Isabella l'esquiva avec grâce, sa propre contre-attaque manquant de peu sa cible. Il était clair qu'elle avait été formée par un maître, et pour Ezio, chaque mouvement qu'elle faisait évoquait des souvenirs d'Arianna. La tension montait.


Finalement, Ezio vit une ouverture et prit sa chance, désarmant sa fille avec un mouvement fluide. "Vous voyez," dit-il, reprenant son souffle, "le but est de prendre votre adversaire au dépourvu, de trouver l'ouverture et de l'exploiter."


Isabella ramassa sa dague, son visage neutre mais ses yeux brûlant d'une émotion indéfinissable. "Je vois," répondit-elle, clairement déçue mais respectueuse.


Ezio posa son épée et s'adressa à l'ensemble de ses apprentis, mais ses mots étaient destinés à Isabella autant qu'à lui-même. "Le plus grand défi dans la vie n'est pas d'apprendre à combattre, mais d'apprendre de ceux qui combattent différemment de nous."


Il savait qu'il venait de gagner la bataille, mais la guerre pour le cœur de ses enfants était loin d'être terminée. Et dans ce moment d'ambiguïté, Ezio se sentit déchiré entre la fierté et la tristesse. Fière de la force et de la compétence de sa fille, mais triste du fossé qui les séparait encore.


Frédérico rejoignit sa sœur, posant une main sur son épaule, tandis qu'Ezio se retournait pour cacher son expression compliquée. Isabella était forte, tout comme sa mère, et cette réalisation ne faisait que rendre la distance entre eux plus difficile à supporter.


La session toucha à sa fin, et les apprentis se dispersèrent dans un bourdonnement d'excitation et de discussions animées. Pour beaucoup, l'expérience avait été enrichissante, voire transformatrice, et ils s'efforçaient déjà de mettre en pratique les enseignements d'Ezio. Frédérico s'approcha de son père, son visage reflétant une curiosité mêlée d'une révérence silencieuse. Il semblait sur le point de poser une multitude de questions, mais les mots demeurèrent suspendus dans l'air, retenus par une tension invisible.


Isabella, quant à elle, était déjà en train de ranger ses armes. Ses mouvements étaient rapides et précis, une manière d'éviter de croiser le regard d'Ezio. C'était comme si elle voulait s'échapper de cette salle, s'éloigner de cette situation complexe qu'elle n'avait pas choisi de créer mais dans laquelle elle était profondément impliquée.


Ses yeux se posèrent ensuite sur Frédérico, qui se tenait à une distance respectueuse, un miroir de la manière dont lui-même avait regardé son propre père des années auparavant. L'élan de prendre son fils dans ses bras était presque irrésistible, mais il résista, conscient du poids des non-dits qui flottait entre eux. Ses yeux étaient pleins de questions, et bien que les mots ne franchissaient pas ses lèvres, il était évident qu'il désirait une connexion plus profonde.


"Buona giornata, Frédérico," dit Ezio enfin, chaque mot pesé avec soin. "Je suis fier de toi."


Frédérico hocha la tête, un sourire timide apparaissant sur son visage. "Et moi de toi, Padre. Tu as été incroyable aujourd'hui."


Pendant ce temps, Isabella avait terminé de ranger ses affaires et se dirigeait vers la sortie. Ses mouvements étaient calculés, presque mécaniques, une manière d'éviter tout contact visuel supplémentaire avec le père qu'elle connaissait si peu.


Ezio la suivit du regard, une douleur sourde lui tordant le cœur. Il se tourna de nouveau vers Frédérico.


"Nous parlerons plus tard, Frédérico. Je le promets," déclara Ezio, le regard ancré dans celui de son fils.


Frédérico acquiesça, son visage reflétant à la fois de l'espoir et de la prudence. "Je t'attendrai, Padre."


Conscient que le chemin vers la réconciliation avec ses enfants serait long et semé d'embûches, Ezio se sentit néanmoins inspiré par la rencontre de cette journée. Il avait posé le premier pas sur ce chemin difficile, et il était résolu à le suivre, peu importe les virages qu'il prendrait à l'avenir.


-


Dans la demeure du comte Pâris, chaque détail, des tapisseries raffinées aux lustres en cristal, semblait conçu pour apaiser l'âme. Arianna s'était souvent perdue ici, trouvant un réconfort loin des complots et des luttes de pouvoir qui empoisonnaient Rome. Le comte, avec sa douceur constante et son amour infaillible, était devenu une ancre dans sa vie tourmentée.


"Vous semblez préoccupée, Arianna," remarqua le comte, brisant le silence confortable de la pièce. Sa voix, normalement un cantique rassurant, portait une pointe d'inquiétude.


Arianna regarda le vin rouge dans sa coupe, son reflet sombre semblant absorber la lumière ambiante. "Les soucis de la ville sont inévitables," répondit-elle, évitant soigneusement de croiser son regard. "Mais je suis ici, avec vous, et ça devrait me suffire pour me sentir en paix."


Le comte Pâris étudia son visage avec une attention intense, comme s'il pouvait déchiffrer le labyrinthe de ses émotions et de ses pensées. "Depuis qu'il est arrivé, vous n'avez pas été la même," dit-il doucement, ne mentionnant pas Ezio par son nom, mais laissant l'identité du 'il' non dite, palpable dans l'air.


C'était vrai. L'apparition d'Ezio avait ébranlé son monde bien ordonné, faisant résonner une corde de son passé qu'elle croyait avoir coupée. Le regard d'Ezio, ses gestes, sa ressemblance frappante avec leurs enfants ; tout cela avait injecté une dose d'incertitude dans sa vie.


"Nous avons tous des fardeaux, Arianna. Vous n'avez pas à les porter seule," continua le comte, se rapprochant d'elle, la chaleur de sa présence se mêlant à l'air de la pièce.


Ses mots étaient un baume, mais aussi un rappel de la duplicité de sa situation. Elle pouvait sentir la solidité du comte, sa stabilité inébranlable, et pourtant, elle savait qu'elle ne pouvait pas lui confier la totalité de son fardeau. "Je suis touchée par votre soutien, mon cher comte," dit-elle, sa voix étonnamment stable. "Il est vrai que je n'ai pas à naviguer ces eaux tumultueuses seule."


Le comte s'avança et l'enveloppa dans ses bras. C'était un geste familier, mais chaque étreinte ressentie depuis le retour d'Ezio était teintée d'une émotion complexe, presque amère.


"Vous êtes mon roc dans cette mer agitée," chuchota-t-elle, reposant sa tête contre l'épaule du comte, et pour un moment, elle laissa les complications de son monde s'évanouir dans la sécurité de son étreinte.


Mais même alors, son esprit errait. Elle pensait à Ezio, à la tension inexprimée entre eux, à leurs enfants qui étaient maintenant assez vieux pour être entraînés dans le même conflit qui les avait autrefois séparés. Elle était là physiquement avec le comte, mais une partie d'elle demeurait ailleurs, capturée dans un passé qu'elle ne pouvait ni oublier ni complètement accepter.


Et tandis qu'elle se tenait là, dans les bras du comte, une partie d'elle se demandait combien de temps elle pourrait encore maintenir cet équilibre précaire entre son passé et son présent, entre les exigences du cœur et les obligations du devoir.


Arianna posa sa coupe sur la table, un pincement de culpabilité l'envahissant. "Je sais que je peux toujours compter sur vous, et je vous en suis reconnaissante," répondit-elle, choisissant soigneusement ses mots. Les bras du comte s'enroulèrent davantage autour d'elle, lui offrant une étreinte protectrice que d'ordinaire elle aurait trouvée rassurante.


Ce soir, cependant, ce confort était terni par l'ombrage d'une vérité qu'elle ne pouvait pas partager. À l'instant même où elle posa de nouveau sa tête sur l'épaule robuste du comte, elle se trouva hantée par le regard d'Ezio. Ces yeux bruns qui avaient jadis détenu toute la promesse et tout le tourment du monde pour elle. Des yeux qui partageaient une couleur familière avec ceux de leurs enfants, Isabella et Frédérico.


Le contraste entre son présent avec le comte et son passé avec Ezio créait un fossé dans son esprit et dans son cœur. Un fossé qu'elle craignait de devoir franchir tôt ou tard. Ses enfants, déjà impliqués dans un conflit ancien, avaient également hérité d'un patrimoine familial divisé, et elle se demandait combien de temps il lui resterait avant que ce fragile équilibre ne s'effondre.


"Arianna, est-ce que tout va bien?" Les mots du comte rompirent la brume de ses pensées. Elle redressa la tête, rencontrant ses yeux, des yeux qui cherchaient toujours à comprendre, à offrir de l'aide, même quand elle le lui refusait.


"Oui, tout va bien," lui assura-t-elle, bien que ses mots sonnent creux à ses propres oreilles. "Je suis simplement fatiguée, c'est tout."


Le comte la regarda avec une acceptation silencieuse, ses yeux montrant à la fois sa volonté de croire en elle et son inquiétude persistante. "Si vous le dites, ma chère," répondit-il, desserrant doucement son étreinte mais gardant une main sur son bras comme pour lui offrir sa présence constante.


Alors qu'elle restait là, enlacée par le comte, Arianna ressentait non pas le poids de ses bras autour d'elle, mais le fardeau du secret qu'elle gardait caché, un fardeau qui s'alourdissait chaque jour, chaque heure, chaque battement de cœur. La réalité la frappait soudainement avec une clarté poignante: aussi aimant et réconfortant que puisse être le comte Pâris, il était un havre dans une tempête qu'il ne comprenait pas, et que, par amour pour lui, elle espérait qu'il n'aurait jamais à comprendre.


Chaque moment dans les bras du comte était doux-amer, car il servait de rappel à la double vie qu'elle menait. Une vie qu'elle savait ne pas pouvoir maintenir indéfiniment. Et tandis que le comte l'attirait plus près, tentant de l'ancrer dans le présent, une partie d'elle s'envolait déjà vers un futur incertain, remis en question par le passé qu'elle ne pouvait effacer.


-


Isabella et Frédérico se retrouvèrent dans la bibliothèque de leur demeure, un des rares espaces où ils pouvaient discuter en toute intimité. Les étagères étaient remplies de manuscrits et de cartes, témoignages silencieux des luttes qui les avaient formés.


"Isabella, tu ne trouves pas que la situation devient insoutenable ?" commença Frédérico, en fixant un parchemin devant lui comme pour éviter le regard de sa sœur.


Isabella leva les yeux des papiers qu'elle était en train d'examiner. "Tu parles d'Ezio ?"


"Oui, d'Ezio et de Mère. Tu as vu comment ils se comportent l'un envers l'autre. Et les efforts qu'il fait pour se rapprocher de nous. C'est comme s'il essayait de rattraper le temps perdu, mais Mère l'évite comme la peste."


Isabella fronça les sourcils, manifestement sur la défensive. "Et tu lui en veux ? Après tout ce qu'il a fait à notre famille, à notre mère en particulier, tu penses qu'elle devrait simplement l'accueillir à bras ouverts ?"


"Je ne dis pas ça," répondit Frédérico, avec un soupir. "Je dis seulement que les choses sont plus compliquées que ce que Mère nous a toujours laissé croire. Oui, il l'a abandonnée, mais il est aussi notre père. Ne mérite-t-il pas une chance de se racheter ?"


"Se racheter ?" répliqua Isabella, presque avec dédain. "Peut-on vraiment se racheter d'avoir abandonné son amour enceinte, d'avoir laissé ses enfants grandir sans père ?"


Frédérico pinça les lèvres, pesant ses mots. "Je ne sais pas, Isabella. Mais je vois de la douleur dans ses yeux quand il nous regarde, comme s'il réalisait tout ce qu'il avait manqué. Et en même temps, je vois la même douleur dans les yeux de Mère."


Isabella se leva, son expression s'adoucissant. "Je sais qu'il souffre, Frédérico. Mais la souffrance de Mère ne compte-t-elle pas tout autant ? Après tout, elle a été là pour nous, chaque jour de notre vie. Où était-il, lui ?"


"Je comprends, je le fais vraiment," dit Frédérico, en se levant également pour faire face à sa sœur. "Mais nous ne sommes plus des enfants, Isabella. Nous sommes des Assassins formés, pris dans une guerre qui est plus grande que nous. N'est-il pas temps d'arrêter de choisir des camps entre notre mère et notre père et de commencer à voir les choses dans toute leur complexité ?" proposa Frédérico, en levant les yeux vers sa sœur.


Isabella le fixa, ses yeux clairs presque de glace. "Frédérico, je comprends que tu veuilles voir les choses de manière plus nuancée. Mais certains choix, certaines actions, définissent qui nous sommes. Pour moi, la loyauté envers notre mère n'est pas négociable."


Frédérico hocha la tête, un mélange de respect et de légère déception traversant son visage. "Je comprends ton point de vue, Isabella. Et je le respecte. Mais pour ma part, je pense que j'ai besoin de connaître mon père, de comprendre qui il est aujourd'hui. Non pas pour lui pardonner, mais peut-être pour mieux comprendre cette partie de moi-même qui lui ressemble tant."


Isabella soupira, contrariée mais pas surprise. "Si c'est ce que tu ressens, je ne peux pas t'arrêter. Mais ne t'attends pas à ce que je t'accompagne dans cette démarche."


"Je ne le ferai pas," répondit Frédérico, "mais je pense qu'il est temps pour moi de prendre cette décision en tant qu'adulte. Et peut-être que, dans le processus, nous trouverons un moyen de réconcilier ces deux mondes qui nous ont formés."


Isabella se rapprocha, posant une main sur l'épaule de son frère. "Je te souhaite de trouver ce que tu cherches, Frédérico. Mais n'oublie jamais d'où tu viens, et ce que notre mère a sacrifié pour nous."


"Je n'oublierai pas," promit Frédérico, ému par le toucher de sa sœur. "Et qui sait, peut-être qu'un jour, tu changeras d'avis."


Isabella sourit, mais il y avait une pointe d'amertume dans son expression. "Peut-être. Mais ce jour n'est pas encore arrivé."


Chacun sentait que le fossé entre eux venait de s'élargir un peu plus, un écart créé par des choix individuels et des loyautés contestées. Pourtant, ils savaient tous deux qu'en dépit de ces divergences, leur amour fraternel resterait, une constante dans un monde rempli d'incertitudes.


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Dans le dédale de cavernes souterraines qui serpentent sous Rome, la lumière des torches accrochées aux murs jetait des ombres mouvantes, dessinant des visages et des formes fantomatiques sur les murs de pierre brute. Le plafond bas semblait presque peser sur l'assemblée, rendant l'atmosphère plus étouffante encore.


Autour d'une grande table en bois robuste, des parchemins déroulés, des cartes dessinées à la main et divers objets liés à l'Ordre des Assassins étaient éparpillés. La tension régnante semblait presque tangible, chaque visage exprimant une concentration intense, des yeux scrutant les documents devant eux ou fixant dans l'attente les personnes de part et d'autre de la table.


Réunis ici, dans ce sanctuaire secret de la résistance, se trouvaient certains des esprits les plus brillants et les plus dangereux de l'époque : Niccolò Machiavelli, le stratège et philosophe; Leonardo da Vinci, l'inventeur et polymathe; et plusieurs autres Assassins influents qui avaient dédié leur vie à la lutte contre les Templiers et les Borgia. Mais, bien sûr, tous les regards se tournaient également vers les deux figures centrales de la réunion : Arianna et Ezio Auditore.


Machiavel prit la parole, ses mots coupant le silence pesant comme une dague. "Mes frères et sœurs, nous sommes ici assemblés car l'Ordre des Assassins se trouve à un tournant décisif. L'adversité grandit chaque jour, et nos ennemis, les Templiers et la maison Borgia, ont consolidé leur pouvoir de manière effroyable. Ils sont plus forts et plus dangereux que jamais. Pour résister, pour survivre, il nous faut une direction unifiée."


Il tourna son regard vers Arianna, ses yeux pénétrants cherchant une réaction. "Arianna, vous avez guidé notre main et notre cœur pendant des années. Vous avez été le phare dans la tempête, notre boussole lorsque nous étions perdus. Nous avons été efficaces dans notre résistance, mais il est temps de nous unifier davantage. "


Chaque mot perçait le cœur d'Arianna comme une flèche. Elle avait passé la majeure partie de sa vie à construire et à diriger cette résistance. Ses réalisations étaient la toile de fond de cette réunion même. Toutefois, son visage resta aussi inexpressif qu'une statue de marbre, même si son cœur battait comme un tambour de guerre dans sa poitrine.


"La question est donc la suivante : qui est apte à nous guider à travers les défis auxquels nous sommes confrontés? Après délibération, le conseil propose que le rôle de Mentor soit attribué à Ezio Auditore da Firenze. Il a fait ses preuves sur le terrain à maintes reprises et sa stratégie et son leadership ont été inégalés. Avez-vous des objections à cette proposition ?"


Les regards se tournèrent instinctivement vers Arianna. Elle sentit les yeux posés sur elle, comme s'ils pouvaient voir le tourbillon d'émotions qui se battaient en elle. Après une pause qui sembla durer une éternité, elle hocha la tête. "Non, pas d'objections. Si le conseil pense que c'est le meilleur pour l'Ordre, alors soit."


Ezio, qui était resté silencieux jusque-là, répondit enfin, "J'accepte cette responsabilité. Non pour moi, mais pour l'Ordre et pour Rome." Ses yeux rencontrèrent ceux d'Arianna. "Je vous assure que le changement sera bénéfique pour nous tous."


"Très bien, Mentor," déclara Machiavel. Alors que lui et Leonardo se plongeaient dans les détails d'une nouvelle stratégie à déployer contre les Borgia, un silence tacite enveloppait Ezio et Arianna. Chacun mesurait, à sa manière, la gravité du changement qui venait de se produire.


Ezio sentit une montée de puissance, pas du genre qui venait d'un poignard ou d'une épée, mais celle plus subtile de l'autorité et du respect. Pour la première fois depuis qu'il était entré dans ce monde d'ombres et de complots, il avait une véritable influence institutionnelle. Il savait que ce nouveau titre de Mentor n'était pas simplement un honneur; c'était une responsabilité, une arme même, qu'il pourrait utiliser pour reformuler l'Ordre selon sa vision. Et cette autorité nouvelle, il se rendit compte, pourrait aussi lui donner l'opportunité de briser le mur d'émotions et de non-dits qui s'était érigé entre lui et Arianna. Leur relation, toujours dansante sur le fil de la complexité, venait de recevoir une nouvelle partition.


Quant à Arianna, elle se trouvait dans un tout autre état d'esprit. Pendant des années, elle avait été la force centripète qui tenait l'Ordre ensemble. Elle avait manœuvré à travers les labyrinthes du pouvoir, équilibrait les egos et maintenait un semblant d'ordre dans ce chaos. Maintenant, la chaise sur laquelle elle s'était assise avec tant d'assurance lui avait été retirée. Elle ressentit la perte comme un vide soudain, aspirant avec lui le contrôle méticuleusement gagné qu'elle avait exercé, non seulement sur la direction de l'Ordre mais aussi sur les termes de son existence. La déstabilisation était totale, et elle se demanda comment, ou même si, elle pourrait récupérer ce qui lui avait été si brusquement arraché.


Alors que la réunion se poursuivait, Ezio et Arianna, tout en contribuant à la conversation avec leur expertise respective, étaient tous deux pleinement conscients de cette tension électrique entre eux, un courant qui allait sans doute redéfinir leur relation et, par extension, l'avenir de l'Ordre des Assassins. Le poids du passé et les enjeux du présent se mêlaient en un tourbillon complexe, et tous deux savaient que les jours à venir seraient décisifs, pas seulement pour leur mission, mais pour eux-mêmes.


Après la réunion, Ezio s'approcha d'elle. "Arianna, puis-je te parler en privé?"


Ses yeux le sondèrent, puis elle acquiesça. "Très bien, mais sois bref. Nous avons tous deux des affaires pressantes."


Il la guida à l'écart du groupe, jusqu'à un recoin sombre et isolé. "Écoute, cette nouvelle dynamique ne peut pas être ignorée, Arianna. Je suis le Mentor maintenant. Les choses vont changer."


Arianna le fixa, ses yeux se brouillant d'inquiétude et de défiance. "Tu penses que ce nouveau titre te donne soudainement le droit de prendre le contrôle de tout ce que j'ai construit, de tout ce que j'ai sacrifié?"


Ezio planta son regard dans le sien. "Tu as fait des sacrifices, oui. Mais tu n'as pas été la seule à en faire. Il est temps que nous travaillions ensemble, et non l'un contre l'autre."


"Ensemble?" répliqua-t-elle, sa voix tranchante. "Tu as une étrange manière de montrer ce que 'ensemble' signifie. Tu as fui, Ezio, laissant tes enfants sans père."


Ezio sentit chaque mot comme une flèche, mais il ne se laissa pas démonter. "Je n'étais pas prêt, c'est vrai. Mais je suis prêt maintenant à être le Mentor que cet Ordre nécessite. Et ça inclut prendre des décisions que tu n'apprécieras peut-être pas."


Arianna détourna le regard, l'inquiétude évidente sur son visage. "Tu ne peux pas simplement revenir et tout chambouler, Ezio. Ce n'est pas seulement ta vie qui est en jeu."


"C'est précisément parce que ce n'est pas seulement ma vie en jeu que je prends cette position," dit Ezio, sa voix devenue soudainement douce. "Je ne compte pas dicter, mais diriger. Si tu ne peux pas accepter ça, alors nous avons vraiment des problèmes, toi et moi."


Sans attendre sa réponse, Ezio retourna vers le groupe, laissant Arianna seule avec ses pensées tourbillonnantes. Son monde venait de basculer, l'équilibre du pouvoir s'était déplacé. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait déstabilisée, craignant ce que l'avenir pourrait apporter.


-


À la fin de la journée, les membres de l'Ordre se réunirent autour d'une grande table dressée en l'honneur de la nomination d'Ezio. Le vin coulait, les plats étaient servis, et l'ambiance était à la célébration, mais aussi au sérieux; chacun sentait que cette soirée marquait un tournant décisif.


Après que les rires se furent un peu apaisés et que les verres eurent été levés en l'honneur du nouveau Mentor, Ezio se leva, un verre à la main, pour prendre la parole. "Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour l'honneur que vous m'avez fait," commença-t-il. "Je ne prends pas cette responsabilité à la légère. Mais avant de regarder vers l'avenir, il est important de clarifier le passé."


La salle s'emplit d'un murmure, comme le grondement lointain d'une tempête qui approche inexorablement. Les regards convergèrent tous vers Arianna, dont le visage demeura imperturbable, masquant difficilement le tumulte de ses émotions. Pour ceux qui la connaissaient bien, un léger tremblement presque imperceptible trahissait sa tension intérieure.


Ezio poursuivit, sa voix coupant court aux chuchotements naissants qui se propageaient dans la salle. "Ce soir, je vous révèle une vérité que nous avons gardée cachée, Arianna et moi. Nous ne sommes pas de simples collègues ou amis d'autrefois. Nous sommes mariés et ce depuis plus de vingt ans."


Le murmure s'intensifia, les regards se détournèrent de lui pour se poser sur Arianna, qui maintint son visage impassible malgré le trouble qui bouillonnait en elle. 


"Je partage cette vérité non pas pour semer la division, mais pour établir une transparence totale," continua Ezio, maintenant son regard intensément fixé sur Arianna. 


Le défi silencieux entre eux était évident. Il ne serait plus l'homme éclipsé par son passé, l'homme que des silences et des omissions avaient défini. Ce défi silencieux semblait dire que si Arianna avait érigé des murs pour se protéger pendant toutes ces années, il était maintenant prêt, plus que jamais, à les démanteler, brique par brique, pour découvrir ce qui se cachait derrière. La vérité nue et crue de l’existence de leurs liens de mariage était désormais exposée au grand jour, et rien ne serait plus pareil.


Les regards des Assassins étaient rivés sur Ezio et Arianna, comme si le temps lui-même s'était figé dans cette salle chargée d'émotions refoulées. Arianna, les yeux fixés sur Ezio, ressentait un tourbillon d'émotions contradictoires. La révélation qu'il venait de faire avait bouleversé l'ordre des choses qu'elle avait soigneusement établi pendant deux décennies. Elle avait construit un monde où elle pouvait élever ses enfants et mener la résistance romaine sans que le passé ne la hante. Mais maintenant, ce passé qu'elle avait enterré était exposé au grand jour, comme une blessure qui saignait à nouveau.


Ezio, de son côté, se sentait à la fois libéré et vulnérable. Il avait gardé le secret, un fardeau qu'il avait porté en silence. Mais maintenant, en révélant la vérité, il avait rompu les chaînes invisibles qui le liaient et il pouvait enfin être pleinement lui-même, Mentor, Assassin, père, mari. Pourtant, il était conscient que cela changeait tout. La dynamique de leur relation, qui avait été marquée par des non-dits et des détachements calculés, était désormais exposée, fragile comme du verre.


Leurs yeux, bruns contre bruns, étaient les seuls témoins silencieux de la tourmente émotionnelle qui les submergeait. Toutes les paroles et tous les gestes semblaient superflus dans cet instant de vérité crue. La salle était remplie du poids de l'histoire et de l'incertitude de l'avenir.


Ezio brisa enfin ce silence tendu en levant son verre, mais il n'y avait rien de léger ou de festif dans son geste. "À l'Ordre des Assassins," dit-il d'une voix empreinte d'une gravité solennelle.


L'assemblée répondit en chœur "Tous les jours sont permis," reprenant le célèbre credo de l'Ordre, mais il était évident que l'atmosphère avait changé. Même si ces mots étaient familiers, la tension qui flottait dans l'air laissait présager que les règles du jeu avaient été bousculées. Comme si les jours à venir, imprévisibles et incertains, pourraient très bien redéfinir ce qui était "permis" et ce qui ne l'était pas.


Tout le monde porta son verre à ses lèvres, mais les yeux d'Arianna et d'Ezio se croisèrent à nouveau au-dessus de l'éclat des coupes. Et bien que rien ne fût dit, tout était compris: l'instant marquait le début d'un nouveau chapitre, non seulement pour l'Ordre des Assassins, mais aussi pour les deux âmes intimement liées qui se tenaient là, chacune consciente des opportunités et des risques que l'avenir réservait.


Dans un coin discret de la pièce, Isabella et Frédérico étaient figés, leurs regards fixés sur la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Les expressions qui se lisaient sur leurs visages étaient profondément ancrées dans leurs émotions, mais chacun réagissait différemment à la révélation qui venait de bouleverser leur monde.


Isabella, l'aînée des deux, avait toujours été proche de sa mère Arianna. Le lien qui les unissait était fort et empreint de confiance. Isabella était une jeune femme têtue, héritant de la détermination de son père, Ezio, et de la force de caractère de sa mère. Elle avait été élevée dans l'ombre des secrets bien gardés, mais Arianna n'avait jamais rien caché à ses enfants. Cependant, la révélation faite par leur père, devant l'assemblée de l'Ordre des Assassins, provoqua en elle une rage sourde et déconcertante. Pour Isabella, sa mère était bien plus qu'une figure maternelle. Elle était la personne qui avait été là à chaque étape de sa vie, la confidente, la protectrice. La trahison qu'elle percevait dans le fait qu'Ezio ait choisi de révéler leur mariage maintenant, en public, la submergea de colère envers son père. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait pris cette décision, pourquoi il avait choisi de dévoiler un secret si longtemps caché, mettant ainsi en péril la position de sa mère.


Les sourcils d'Isabella se froncèrent profondément, et son poing se crispa involontairement autour du verre qu'elle tenait. Ses yeux étincelèrent d'une détermination implacable, mais aussi d'une profonde douleur. La vérité, aussi libératrice soit-elle, venait de jeter un voile sombre sur la relation entre Isabella et son père, augmentant la fracture entre eux.


De l'autre côté, Frédérico, le cadet, observait la scène avec une nuance de maturité et de compréhension. Il avait toujours été le plus réfléchi des deux enfants, capable de prendre du recul et de voir les nuances dans les relations complexes qui entouraient sa famille.. Il se demandait pourquoi son père avait choisi de révéler le secret si longtemps gardé et comment cette révélation allait affecter la dynamique de leur famille.


Les yeux de Frédérico étaient empreints d'une inquiétude teintée de curiosité. Il scrutait chaque détail de la scène, cherchant à comprendre ce que cette révélation signifiait pour sa famille, pour son propre héritage, mais aussi pour sa sœur, qu'il savait être en proie à une colère brûlante.


Isabella et Frédérico échangèrent un regard silencieux, un lien fraternel qui transcendait les mots. Ils étaient conscients que cette révélation allait changer leur perception de leur famille, de leur héritage, et des liens qui les unissaient tous. Les jours à venir s'annonçaient emplis d'incertitudes, de questions sans réponses, et de décisions difficiles à prendre. La vérité, bien qu'elle puisse être libératrice, pouvait aussi être déstabilisante, et c'était précisément ce que ressentaient Isabella et Frédérico à cet instant.

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