Majordome, laisse moi rêver

Chapitre 1 : Prologue

2030 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:44

« Je me souviens de ce mois de décembre glacial, de ce magnifique paysage enneigé qui avait embrumé mon esprit. Je me souviens de ces moments chaleureux où je me sentais bien, de ces moments où je pouvais sentir la vie à plein nez. Ces odeurs familières qui me faisaient vibrer le corps et battre le cœur. Cette région lointaine qui une fois l’hiver passé, devenait verdoyant et vivante. Mais le meilleur restait l’hiver, où une fois les flocons tombés, une immense couche blanche, épaisse dominait la nature. Des souvenirs sonnent en moi comme une douce mélodie, du piano... Un doux chant l'accompagne d'une voix si claire et ensorceleuse. Une vague de bien-être se déverse en repensant à ce bonheur, ce froid mordant qui malgré tout, faisait grandir la flamme qui semblait si petite au fond de moi.

 

Tout défile vivement, sauf la voix qui reste plus mélodieuse que n'importe quelle autre musique. Le temps qui passe malgré tout, consume ce petit plaisir qui en devient vite un désespoir. Une solitude qui tâche ce sol si blanc, un point noir qui grandit au fur et à mesure que le temps avance et engloutit tous ces beaux souvenirs qui ne deviennent désormais qu'une source d'espoir qu'un jour, tout redevienne comme avant. Mais ce qui est sûr, c'est qu'un beau sourire, on ne l'oublie jamais. Pas un sourire banal que l'on peut voir tous les jours, pas un sourire d'hypocrite, pas un sourire forcé ou nerveux. Non... Un magnifique sourire éclatant, qui reflète la joie, reflète toute la vérité qu'il devrait y avoir sur cette terre remplie d'injustice. Ce sourire était pour moi, un baume, un calmant... l'attente de toute une vie. 

Ce furent mes seuls beaux souvenirs. »

 

L'encre lui manquait. Ses doigts lâchant le stylo qui s'écrasait contre la feuille blanche, le jeune homme qui avait écrit ces derniers mots lâcha un soupir. Sa tête se tournait doucement vers la fenêtre en bordure de bois pour contempler l'extérieur couvert de cette même neige dont il avait parlé dans son journal de papier ancien. Ses doigts parcouraient le papier tandis que ses paupières se fermaient doucement. Il s'imaginait les beaux souvenirs qu'il essayait de décrire mais rien ne venait. Un long silence parcourait une nouvelle fois la salle, laissant uniquement le vent siffler à travers les parties non isolées de la pièce. Il frissonnait, ouvrant les yeux d'un air dépité, serrant lentement le bout de feuille de ses doigts à s'en blanchir les phalanges. Le paysage était triste, malgré la couche blanche qui ne faisait que purifier l'endroit. 

 

Il manquait quelque chose... Non, des choses. Les arbres avaient perdu leurs feuilles depuis bien longtemps, mais semblaient proches de leur fin, certains étaient même déjà morts. La grande bâtisse grisaillée faisait encore plus vieille avec la neige parcourant chaque petit recoin qu'elle pouvait occuper. Il n'y avait plus les chiens pour courir et jouer dans la cour qui était désormais vide tout autant que son cœur. Mais de mauvais frissons parcouraient son échine en écoutant toujours cette même brise fraîche qui ne faisait qu'éteindre le seul espoir qu'il avait pourtant vu grandir il y a cela bien longtemps. Fermant son journal en un soupir ennuyé, le jeune homme se levait doucement de sa chaise miteuse avant d'attraper sa veste d'un geste sec et de regarder la pendule qui marquait dix-huit heures. Il parcourait de ses yeux bleu ciel la pièce aussi triste que l'extérieur, avant de se diriger vers la porte qu'il ouvrait d'un geste lent. 

 

L'odeur habituelle de la vieille maison se faisant sentir, le brun en exprima un léger dégoût, soufflant longuement. Il devait s'y habituer, il aurait dû l'être depuis longtemps... Mais il savait au fond qu'il ne fallait plus s'attarder à s'attacher à cette demeure en ruine. Qu'est-ce qu'il l'en empêchait de partir d'ici ? Son maître. Maître qui l'attendait dans sa chambre. Les pas résonnaient dans les couloirs, les seuls pas qui étaient les siens. Quelques grattements venant de souris aventureuses se faisaient entendre, mais le jeune homme ne s'en soucia pas. Il se dirigea d'un pas assuré vers la cuisine dont la peinture de la porte semblait s'enlever. Il prit soin de doucement l'ouvrir et pénétrer dans la pièce semblant plus petite que les autres. Il était satisfait de cet endroit, car après tout, il était tout seul.

 

Les deux fenêtres de la pièce étaient comme d'habitude, fermées à double tour, on pouvait voir à travers, des barreaux plantés devant, comme pour protéger le jeune homme d'un quelconque danger. Mais lui-même savait qu'il ne risquait rien. La demeure était en pleine forêt, loin de tout... Et quasiment plus rien n'était en vie. Un léger sourire triste qui traversait son visage blême, le jeune homme retroussait ses manches, et sortait d'un placard des ingrédients pour une délicieuse soupe. C'est-à-dire, de bons légumes qu'il avait prit soin de garder pour son maître, les découpant soigneusement avec son couteau tranchant. Il minaudait une petite mélodie qui l'accompagna dans sa préparation. Il mit tous ses efforts pour écraser ensuite les légumes, les mettant dans un grand récipient afin d'en faire une bonne soupe qu'il mit ensuite dans une imposante casserole.

 

Il regardait une seconde fois l'heure, ne se dépêchant pas le moins du monde, il savait que le repas allait être servi à temps. Il versa la nourriture dans une assiette creuse une fois celle-ci assez chaude. Il devinait quel devait être la température exacte de cette soupe faite maison, préparant à côté de cette fameuse assiette posée dans un plateau, des bouts de pains et un verre d'eau. Le repas semblait maigre, mais le jeune homme savait encore une fois quoi faire... Cette fois, l’habitude l'avait pris de plein fouet, après tant d'années de service. Il sortait de la cuisine, d'un pas un peu plus rapide en se dirigeant vers le côté Est de la demeure. Il longeait ce même couloir amplis de tableau représentant un bon nombre de personnes appartenant à la famille à son maître. Des photos de minois semblant heureux, épanouis.

 

D'autres un peu plus désolants, poignant, qui ne plaisaient pas au brun qui d'ailleurs, détournait les yeux à chaque fois qu'il voyait ses peintures. Il s'approchait de la pièce principale, traversant alors un grand hall aussi vide que l’ambiance de cet endroit remplie pourtant de si bons souvenirs. Le plateau tenu d'une main, le brun se plaça devant les deux grandes portes dont l'une se faisait frapper délicatement par la main du jeune homme dont ses traits se tiraient doucement sous la pitié. Une voix fatiguée résonna de la pièce existant derrière ces fermetures. Le jeune homme faisait alors disparaître tout sentiment de son visage, entrant doucement dans la pièce en faisant attention au plateau qu'il tenait de son autre main.

 

L'endroit était une chambre, en son centre trônait une table en bois avec autour des chaises luxueuses qui semblaient prendre très vite la poussière. Sur le côté droit était une commode aussi vieille que le restant de la pièce. Le côté gauche régnait un grand lit à deux places où était un homme allongé, semblant vieux, fatigué et l'on pouvait lire sur ses traits tirés qu'il souffrait. Ce spectacle, le jeune homme n'aimait pas le voir, il détestait cet endroit, cette pièce. Son maître était là, se reposant tranquillement alors que son regard s'était tourné vers le brun qui restait positionner devant la porte ouverte. 

 « - Votre repas, monsieur. À l'heure comme d'habitude. Prononça clairement le brun.

- Mon repas... Qui êtes vous... Jeune homme ? Questionna le vieille homme en plissant les paupières. »

Ce fut la même chose que les jours précédents. Son maître n'avait plus toute sa tête depuis si longtemps, cela en devenait désolant. Mais le brun ne disait rien, cela ne servait à rien qu'il s’inquiète. C'était la fin, très bientôt. Il se contentait de doucement sourire, un sourire qu'il avait du mal à ne pas rendre désolant. Ça l'était, l’ambiance morose de l'endroit commençait à faire perdre la raison au vieil homme qui pourtant, était si gentil autrefois. Le brun l'adorait toujours autant, ses souvenirs d'enfance ne pouvaient qu'avoir raison de lui. Il s’avançait d'un pas avec le plateau dans la main, restant à quelques mètres du lit.

 

Son maître n’aimait pas être approché par des inconnus, inconnu qu'il n'était pas mais la maladie avait gagné le vieil homme qui devenait fou. Le jeune homme voulait rester jusqu'à la fin avec lui, qui l'avait logé, nourri et vêtu sans ronchonner une seule fois. Il l'avait aimé et respecter, alors pourquoi ne pas rendre la pareille même s'il aurait très bien pu en profiter ? Il n'en avait pas le courage, il le respectait lui-même trop pour ça... Un sourire désolé finissait par s'étirer sur ses lèvres, alors que ses pupille océanes s'étaient déposées sur l'homme aux airs horriblement fatigués.

 

 « - Ethan... Votre majordome... Monsieur. »

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