Retour d'outre tombe

Chapitre 6 : Calice

1745 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/11/2016 21:32

6 : Calice

Buffy rentra chez elle, sonnée. Elle prit le métro comme une automate, grimpa les escaliers menant à son appartement puis se coucha tout habillée. Elle s’endormit avec la pensée somme toute assez peu réconfortante qu’elle avait laissé leur destin entre les mains de Spike.  A son réveil, elle se leva fatiguée et démoralisée. Dawn lui préparait le petit déjeuner et elle sentait l’odeur du café fort et des pancakes. Avec sa sœur, la tueuse était condamnée à en manger chaque matin car Dawn adorait ça. Buffy pénétra dans le salon, saluant la jeune fille d’un baiser dans les cheveux et d’un :

— Quoi de neuf, toi ? Ta soirée s’est bien passée ?

— Très bien, Willow m’a montré plein de choses. Tu savais qu’on pouvait faire briller de l’argenterie avec des incantations ?

Buffy faillit s’étouffer de rire avec la tasse de café qu’elle venait de se servir. Elle imaginait Giles qui demandait à une sorcière surpuissante d’utiliser sa magie pour faire briller sa vaisselle. Il devait vraiment avoir peur des pouvoirs de Willow pour l’autoriser à les utiliser à des fins aussi superficielles. Décidément, sa petite sœur chérie parvenait toujours à la dérider. Elle l’aimait tellement !

— Et toi, la chasse au Spike s’est bien passée ? Je suppose que non puisqu’aucun vampire blond et sexy n’est enchaîné  dans la cave de Giles.

La tueuse avala à nouveau de travers.

— Dawn !

— Quoi, c’est vrai qu’il est sexy ! Je n’suis plus attirée par lui tu sais, il est fou de toi de toute manière mais il est beau, faut bien l’admettre !

Buffy finit son café sans ajouter quoi que ce soit pendant que sa charmante  sœur pérorait comme à son habitude, passant sans crier gare de ses goûts en matière de garçons à ses goûts en matière de décoration d’intérieur; arguant que le jaune de la cuisine était vraiment trop criard. Elles finissaient de débarrasser la table quand on sonna à la porte. Dawn cria : « J’ouvre ! » avant de laisser entrer un Giles au visage impénétrable. Qu’est-ce qu’il allait lui sortir encore comme sermon ?

— Bonjour Buffy, fit l’Observateur en déchaussant ses lunettes et en les astiquant amoureusement, je pourrais te parler quelques instants ?

— C’est que je vais être en retard en cours et comme je n’me suis pas pointée à l’université depuis quatre jours, j’ai plutôt intérêt à partir tout de suite.

— Je comprends oui, continua le britannique en remettant ses lunettes sur son nez, mais il faut que je t’entretienne d’un point important. Ce ne sera pas long.

Buffy souffla doucement. Pas moyen d’y échapper. Elle pressa sa sœur de partir sans elle puis se tourna vers son Observateur en fermant la porte.

— De quoi il s’agit ?

— Asseyons-nous quelques minutes. Tu aurais du thé ?

Très mauvais signe, songea-t-elle en faisant bouillir l’eau et en préparant deux tasses. Vraiment très mauvais. Elle servit le thé puis s’assit sur une chaise, attendant que l’homme daigne parler.

— Ces thés en sachet ne sont vraiment pas terribles, commença-t-il.

— Vous êtes venu chez moi pour écrire une critique sur le thé ?

Il commençait à l’agacer sérieusement avec ses mystères, elle n’avait pas que ça à faire !

— Je suis venu te parler de Spike.

Oh la grosse surprise ! Buffy mit ses coudes sur la table, posant son visage sur ses mains en coupe.

— Je vous écoute.

Elle sentait le malaise de Giles et cela ne lui disait rien qui vaille.

— Alex m’a dit que tu l’avais vu hier après-midi.

Il s’arrêta, prit une gorgée de thé, grimaça puis poursuivit :

— Tu avais des ecchymoses sur le cou.

Il jeta un œil sur la gorge de sa Tueuse mais celle-ci avait déjà cicatrisé et il put constater que la peau était lisse. Devant le silence de Buffy, il continua.

— Je dois te poser une question importante bien qu’un peu gênante. As-tu couché avec Spike ?

— En quoi ça vous regarde ? répondit-elle du tac au tac.

Giles la regarda droit dans les yeux pour la première fois depuis le début de leur conversation.

— Tu ne seras pas objective si tu as une relation… intime avec lui.

Il avait buté sur le mot « intime » mais il avait réussi à terminer sa phrase. Buffy soupira, elle avait déjà vécu cette situation.

— Ecoutez Giles, c’est différent cette fois. Non, ne m’interrompez pas s’il vous plaît . J’avoue que j’ai un peu perdu le contrôle au début mais je gère.

« Je gère, je gère », elle répétait ces mots en boucle depuis hier sans parvenir à se convaincre elle-même.  Elle continua malgré tout :

— Spike n’a plus d’âme, je le sais mais il est un tout petit peu moins dangereux que ce que vous pensez.

— Tu te trompes Buffy, c’est un tueur !

— Il a tué qui dernièrement ?

— Ce n’est pas parce qu’on n’a pas trouvé de cadavre qu’il n’a tué personne !

— Mais enfin, on n’peut pas l’accuser sans preuve !

— Ce n’est pas un humain, ce n’est pas un procès, il n’y a pas de présomption d’innocence là ! C’est un démon, ton devoir est de le tuer !

— Il n’a réussi à mordre personne pour l’instant !

Giles se figea, lui lançant un regard soupçonneux.

— Comment peux-tu savoir ça ?

Buffy décida d’assumer sa gaffe et de répondre franchement.

— Il me l’a dit hier soir.

— Donc tu l’as vu, soupira Giles, et tu ne l’as pas tué. Pire, vous vous êtes fait des confidences et tu le crois quand il dit ne plus mordre !

— Il m’a dit qu’il n’arrivait pas à mordre quelqu’un d’autre que moi et je le crois !

L’Observateur pâlit.

— Tu l’as laissé te mordre ? Mais enfin tu perds la raison ! C’est de la folie pure et simple !

Il continua à marmonner et Buffy entendit un « complètement cinglée » avant d’oser demander :

— Je n’comprends pas là, je couche avec lui et j’ai droit à un vague « tu n’es plus objective », je le laisse me mordre et là je suis cinglée ?

— La morsure d’un vampire, c’est très particulier. Tu sais que certains humains recherchent la compagnie des vampires pour le seul plaisir de se faire mordre.

Comme Riley, songea la chasseuse avec un petit nœud à l’estomac.

— Se faire mordre de son plein gré n’est pas anodin, tu crées un lien tacite avec le vampire, tu lui fais confiance. S’il ne se contrôle pas, tu peux mourir. Rares sont les vampires qui parviennent à s’arrêter avant que leur victime ne décède. De plus, tu es une Tueuse. Ton sang est particulier. Je pense que Spike est tout simplement accro à ton sang.

Buffy ne voyait pas vraiment le problème. Si la dépendance de Spike évitait qu’il morde n’importe qui, c’était plutôt positif. Non ? Visiblement, ce n’était pas l’avis de Giles qui semblait catastrophé et très las.

— Est-ce qu’il t’a fait boire son sang ?

Buffy hésita quelques instants avant de décider qu’il valait mieux être honnête.

— Oui.

— Tu risques vraiment d’avoir des problèmes. Tu vas devenir ce qu’on appelle un calice et c’est vraiment une très mauvaise idée.

— Quel est le vrai problème, Giles ?

Celui-ci retira ses lunettes et se frotta les yeux de son pouce et de son index en un geste familier.

— Quand un vampire se nourrit exclusivement d’une seule personne, a fortiori d’un humain qu’il aime (ce qui est très rare quand il n’a pas d’âme, tu t’en douteras), cette personne devient son calice. En lui faisant goûter son sang, le vampire crée une relation d’interdépendance entre les deux êtres. En bref, tu vas te retrouver à être de plus en plus dépendante de lui. Tu ne pourras plus te passer de lui.

— J’ai pourtant été mordue par Angel et par Dracula.

— Pas assez souvent. Une seule fois pour Angel qui, en plus, a failli te tuer et qui n’aurait jamais voulu faire de toi son calice. Pas plus de deux ou trois pour Dracula, sans parler du fait que tu ne couchais avec aucun des deux et que tu n’as jamais goûté leur sang. Combien de fois Spike t’a-t-il mordue ?

— Je ne sais même plus, avoua Buffy. Cinq ou six fois peut-être ?

A l’expression de l’Anglais, elle sut que c’était beaucoup trop. Ça expliquait aussi sa relative passivité dans cette relation qu’elle ne comprenait pas jusqu’ici. Elle se demandait pourquoi Spike n’avait pas tenté de la mordre avant. Il faut dire qu’elle ne se serait sans doute pas laissée faire. Giles réfléchissait à cette même question à voix haute.

— Jamais l’ancien Spike n’aurait fait ça et toi, tu ne l’aurais jamais autorisé. Cette dépendance d’un vampire pour une humaine est une folie. Si tu venais à mourir, il y passerait sans doute et vice versa. Vous vous laisseriez tout simplement mourir.

Spike, se laisser mourir ? pensait la tueuse. Ça paraissait tout simplement impossible : il était pire qu’un cancrelat ! Buffy sourit à cette comparaison.

— Vous ne pensez pas plutôt qu’il ignorait ce fait ? finit-elle par demander.

Giles sembla perplexe quelques instants avant d’admettre :

— C’est vrai que ce ne serait pas surprenant. Il n’est pas à proprement parler un érudit. De plus, il avait une relation exclusive avec Drusilla. Tu as raison, il ne doit même pas se douter de ce qui se passe ! C’est encore plus mauvais ! Buffy, conclut-il en la fixant gravement, tu ne dois plus te laisser mordre.

Plus facile à dire qu’à faire, pensa-t-elle.



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