Ramène-moi ! (version 2.0)

Chapitre 1 : Comment ça a pu arriver ?

3894 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/01/2024 10:59


Chapitre 1 : Comment ça a pu arriver ?


Comment ça a pu arriver ? se demanda une fois encore Kaori, assise sur la banquette de la Jeep, la tête de Ryo posée sur ses genoux, cette tête qui pesait si lourd sur ses jambes.

Si lourd. 

Trop lourd. 


Derrière le volant, Mick Angel conduisait pied au plancher, traversant la nuit tokyoïte à toute allure. Il avait beau faire de son mieux, il avait la désagréable impression qu'il n'allait jamais assez vite.


À l'arrière, Kaori, comme hypnotisée, n'arrivait pas à détacher son regard des yeux clos de son partenaire. On aurait pu penser que Ryo dormait, ainsi recroquevillé sur la banquette, la tête dodelinant doucement sur les cuisses de la jeune femme, dans une position presque romantique, si son visage n'était pas maculé de sang séché. Une entaille profonde à la tempe gauche et une autre à l'arrière du crâne laissaient encore échapper le précieux liquide rouge, chaud, visqueux qui se collait dans ses cheveux noirs et transperçait peu à peu le tissage du jean de Kaori. La jeune femme gardait une des mains de Ryo entre les siennes, cherchant à établir un contact physique, puisque que ses yeux demeuraient clos, ses doigts inertes. Mais, elle avait beau les serrer de toutes ses forces, Ryo restait immobile, rien ne se passait. Rien. Pas le moindre frémissement, pas de mouvement, pas de battement de cil. Rien. Il ne se passait rien. Rien, à part une respiration légère et irrégulière.


Comment ça a pu arriver ? 


Elle aurait aimé pleurer pour évacuer le nœud qui obstruait sa gorge mais n'y parvenait pas. Elle manquait de souffle, son cœur ne lui avait jamais semblé prendre autant de place dans sa poitrine, à tel point qu'elle avait l'impression qu’il comprimait ses poumons ou qu'il menaçait d'exploser. Et pourtant, elle restait aussi figée que Ryo, penchée vers son visage, ses mains protégeant la sienne. Elle osait à peine respirer, tendue sur le fil de l'espoir, alors même qu'une petite voix insidieuse lui murmurait à l'oreille qu'elle attendait en vain, faisant perler de minuscules larmes aux coins de ses yeux. 


Quelques heures auparavant, pourtant, tout allait parfaitement bien. Dans l'après-midi, ils avaient assisté au mariage de Miki et Falcon. Bon, la cérémonie ne s'était pas vraiment déroulée comme prévu, mais tout s'était bien terminé. Un ancien ennemi de City Hunter avait voulu se venger et Kaori avait de nouveau été enlevée. Ryo était de nouveau venu la libérer. Et de nouveau, il l'avait sauvée. Ce qui avait été différent cette fois, c'est qu'il lui avait ouvert son cœur. Il avait marmonné une déclaration façon-Ryo-Saeba mais une déclaration quand même : 

— Je ferai tout pour protéger la femme que j'aime. 


Et là, la femme en question, c'était celle qui était devant lui, Kaori. Aucun doute sur la signification de ses mots cette fois, elle en avait été certaine. Ensuite, quand leurs ennemis avaient été mis hors d'état de nuire, elle et Ryo s'étaient rapprochés. Kaori avait même osé le taquiner avant de se blottir dans ses bras. Ils étaient restés enlacés un petit moment sans en faire plus, profitant du bonheur d'un simple contact jusqu'à ce que Umibozu se racle bruyamment la gorge :

— Dites, les jeunes, c'est pas que je m'ennuie …


Ils avaient sursauté, rattrapés brusquement par la réalité du monde extérieur. Ryo avait posé ses mains sur les épaules de Kaori, l'avait regardée dans les yeux tout en répondant à Falcon : 

— On arrive, Tête de Poulpe, on arrive. Allons prendre des nouvelles de ta femme.

Il lui avait souri avant de retourner vers le géant en fanfaronnant : 

— Pfff... Ta Femme... Ta femme... TA Femme ! Mais comment c'est possible ? Comment peut-on rendre ce mot si moche rien qu'en y ajoutant un pronom possessif ? Une femme, c'est une femme, pas besoin d'y mettre un titre de propriété ! Et ça ne m'empêchera pas de...

— Hééé !!! l'avait interrompu Kaori, soudain horriblement fâchée contre son partenaire.


Il s'était tourné vers elle, souriant, espiègle et narquois avant de lui lancer un clin d'œil complice. Kaori n'avait pu se retenir de sourire et lui avait murmuré :

— T'en rates pas une, crétin ! Qu'est-ce que t'es nul, toi, alors !

— Je sais ! s'était exclamé Ryo.

Il avait ensuite allongé le pas pour rejoindre Falcon et lui taper vertement dans le dos  :

— Merci pour ton aide, Luciole des Mers.

— Arrête tes conneries, Saeba. Ça m'a fait plaisir de les exploser, ces guignols. S'en prendre à une femme le jour de son mariage et abîmer sa robe, ça s'fait pas, avait maugréé le géant tout en leur présentant son dos monumental pour repartir en direction de sa Jeep. 

— Kazue et le Doc étaient sur le point d'opérer Miki pour retirer la balle quand ces brutes ont surgi par la fenêtre. J'espère que tout le monde va bien, avait dit Kaori, terriblement inquiète. 

En effet, son amie Miki avait été la cible d'un tir de fusil longue portée au moment où elle avait lancé son bouquet de lys blancs sur les marches de la chapelle de campagne.

— Tous les hommes ont vidé les lieux dès qu'ils t'ont mis la main dessus, Kaori. Blesser Miki était une simple diversion pour nous attirer, Falcon et moi, loin de la chapelle et t'atteindre, toi, plus facilement. Je pense que tout le monde va bien, là-bas, avait précisé Ryo.

— Dépêchons-nous. J'ai hâte de m'en assurer, avait conclu la jeune femme. 


Ensuite, le trajet retour vers la Chapelle s'était fait dans le silence le plus complet, Falcon, fonçant à travers des sentiers forestiers remplis d'ornières, Ryo, bras croisés, assis côté passager et Kaori, cramponnée à la banquette arrière pour lutter contre les sursauts de la voiture. 


À destination, ils avaient été rassurés : Miki se réveillait doucement de son opération. Le Doc n'avait eu recours qu'à une sédation légère pour extraire la balle de son épaule. La blessure laisserait une cicatrice mais ce serait sans doute la seule séquelle. Ryo et Kaori étaient alors repartis dans leur voiture pour rentrer chez eux, sans oublier de promettre à une Miki encore un peu dans les vapes, de se tenir disponibles pour fêter son mariage d’ici quelques jours au Cat's Eye. 


Cette fois encore, le trajet s'était effectué en silence ; un silence un peu gêné, chacun évitant le regard de l'autre. Il fallait du temps pour s'habituer à cette nouvelle idée : ils tenaient l'un à l'autre. Ils s'aimaient ! Et ils se l'étaient avoué à leur manière. Kaori oscillait entre l'appréhension et l'euphorie. Elle tremblait à la pensée d'un énième retour en arrière alors qu'elle luttait en même temps contre son envie de hurler par la fenêtre ouverte : 

— Il m'aime ! On s'aime ! Il l'a dit ! Il l'a dit !

Ryo, quant à lui, ne savait pas quoi faire. Il conduisait sans s'en rendre vraiment compte, l'esprit préoccupé : 

— C'est bien joli d'ouvrir son cœur et d'avouer ses sentiments mais, c'est quoi la suite ? Je fais quoi, moi ? Je lui dis : Tiens, si on faisait un petit tour dans ma chambre ? Je me ferai étriper si je sors un truc pareil ! Je vais quand même pas lui demander direct de m'épouser ? Pfff, non, de toute façon, je l'ai déjà fait et je lui ai dit ensuite que j'pouvais pas me marier... Alors ? Je balance quoi, putain ? Tu veux sortir avec moi ? Non, c'est vraiment trop nul, on a pas quatorze ans ! Je suis vraiment trop nul ! Cette situation est nulle, vraiment nulle, archi nulle, archi méga nuuuuulle ! J'aurais peut-être mieux fait de me la fermer finalement.  Comment je m'en sors ? Je prétends que c'était un coup de mon instinct de survie ? Non, non, non je peux pas lui faire ça. Je peux pas NOUS faire ça. J'ai besoin d'elle. Je la veux à mes côtés, pour de vrai. J'en suis sûr !


Perdu dans ses pensées, il avait sursauté quand elle avait murmuré :

— Ryo ?

— Heuuu, oui ! Quoi ? 

— Tu as l'intention de dormir dans la voiture ou tu viens à la maison ?


Il avait regardé autour de lui et avait brusquement compris qu’il venait de se garer devant chez eux. Il avait même trouvé de la place juste devant la porte d'entrée. Ça tenait du miracle ... Pourtant, il aurait été totalement incapable de dire comment il était arrivé là. 


Il s'était secoué, riant de façon ridicule, se grattant le crâne. Fallait vraiment être complètement dans la lune pour se garer devant chez soi sans s'en rendre compte. Peut-être s'était-il grillé quelques neurones ? Mal à l'aise, il s'était extrait de la voiture, prenant le temps de la verrouiller soigneusement. Il revérifia trois fois que sa portière était fermée, histoire de reprendre contenance et il avait rejoint Kaori sur le trottoir, d'un pas soudainement mal assuré.


Se voulant encourageante, la jeune femme lui avait tendu son bras plié :

— Allez, viens. On a bien mérité un peu de repos ... Tu sais quoi, j'ai très très envie de me faire ... 

Soudain, devant l'attitude de Ryo, elle avait suspendu ses paroles : 

— Nan, mais ça va pas, Saeba, arrête tout de suite de faire cette tête de pervers baveux dégoûtant !... Qu'est-ce que ?... Tu crois quand même pas que j'ai envie de ... de ... de ... Rooo ! Je voulais dire : j'ai envie de faire un apéro, prendre une bière, quoi !!! Et avant toute chose, je veux me doucher et enlever cette satanée robe qui me sert de tr ... 


Genoux fléchis, les mains enfoncées dans les poches, le regard dans le vague, Ryo n'avait soudain plus été le même. 

— Héhéhé, c'est une merveilleuse idée, ça ! Oui, oui, oui ! Enlever - robe – d ooooouuuuuche ! Çaaa, je veux bien ! 


Et oui, c'en était un peu trop pour Ryo... qui avait alors reçu une belle grosse massue sur le crâne qui l’avait encastré dans le bitume. Kaori avait tourné les talons, furibarde : 

— T'es incroyable ! Tu ne penses donc qu'à ça, c'est pas possible !!! Espèce de dégénéré du slip ! 


Le « dégénéré du slip » en question n'avait pu s'empêcher de répliquer en zozotant : 

— Fé Fa, z'aurais mieux vait de me la vermer vinalement. Pour fe que fa fange…


Kaori avait fait demi-tour et s'était penchée vers lui, les mains sur les hanches, les yeux lui lançant des éclairs : 

— Alors c'est pour ça que tu m'as dit ce que tu m'as dit ? Pour ne plus recevoir de massues ? C'était juste pour ça ?

— Bien sûr que non. Tu le sais bien. Comment peux-tu penser une chose pareille ? avait répondu Ryo.

Il avait été très sérieux cette fois et soutenait son regard sans ciller. Kaori s'était un peu détendue mais n'avait pu réprimer une remarque acerbe : 

— Comment je peux penser une chose pareille ? Bah, tout simplement parce que tu as souvent l'habitude de te débiner, Ryo Saeba, quand il s'agit de moi. Et de nous.


Elle avait violemment rougi, surprise de son audace. Mais il lui avait dit qu'il l'aimait quelques heures auparavant et cette certitude lui avait donné des ailes ... un peu trop peut-être ? Pendant une fraction de seconde, son regard s'était voilé d'une ombre de doute mais elle avait été vite effacée quand Ryo avait levé les yeux vers elle :

— J'ai peut-être décidé de changer mes habitudes ... te concernant. Nous concernant.


Voilà, c'était dit. Ryo s'en était presque senti soulagé. En plus, à sa grande satisfaction, il avait vu sa partenaire rougir de plus belle quand il lui avait fait remarquer que, de là où il était, la vue sur son décolleté était assez époustouflante ... ou vertigineuse ... ou un truc dans le genre. Elle s'était alors redressée, avait resserré sa veste autour de sa poitrine pour la dissimuler, sans grand succès, ce qui avait beaucoup fait rire Ryo. 


Il s'était alors relevé, éminemment satisfait de découvrir la teinte des joues de Kaori. Comme si c'était possible ! Et pourtant... c'était tellement facile ! Et tellement délicieux, ce petit pouvoir qu'il avait sur elle, il fallait bien se l'avouer. Il lui avait tendu la main : 

— Bon, allez, je prépare les bières et les cacahuètes pendant que tu prends ta douche. Je te promets que tu la prendras seule ... Enfin ... juste pour aujourd'hui...

Elle avait détourné le regard, troublée et n'avait pas osé saisir la main tendue de Ryo. C'était encore trop tôt pour marcher ainsi ensemble comme des amoureux. Elle avait tourné les talons, mais l'avait cependant attendu jusqu’à ce qu'il parvienne à sa hauteur et qu'ils se dirigent ainsi, côte à côte, vers leur immeuble. L'épaule nue de Kaori avait timidement frôlé le bras de Ryo ; cela n'avait finalement duré que quelques secondes, mais cela avait suffi à faire battre le cœur de la jeune femme à la chamade ... et peut-être aussi un peu celui de son partenaire... qui sait ? Ils avaient gravi les cinq étages d'un même pas, Kaori rougissant, Ryo se moquant de sa gêne et peut-être aussi de la sienne ...


Comment ça a pu arriver ? 


Sa question restait imprimée dans son esprit mais ne franchissait pas la barrière de ses lèvres. Elle manquait de forces. Elle serra un peu plus les doigts de Ryo entre les siens, guettant un changement sur son visage, un froncement de ses sourcils noirs, un pincement de sa bouche, un souffle, un pli au coin de ses yeux qui se serait accentué ... en vain.


Après avoir passé la porte de leur appartement, Kaori avait filé dans la salle de bain. Elle avait besoin de remettre un peu d'ordre dans sa tête et aussi d'enfiler des vêtements propres et confortables, tout simplement. Ryo l'avait regardée monter les escaliers quatre à quatre, riant de son manque d'élégance tout en se demandant comment elle pouvait faire ça avec une robe aussi serrée.. une robe qui dessinait joliment la cambrure de son dos... qui galbait la rondeur parfaite de ses fesses... qui laissait deviner la douceur de sa poitrine... Il s'était repris brusquement, tapant des poings sur son crâne désobéissant :

— Argnark gnark gnark... Non, non, non, pas comme ça. Maîtrise-toi, c'est Kaori. C'est Elle. Elle quoi ? Genre, c'est Elle, Elle ? Je vais quand même pas me retenir parce que c'est Elle... Nan, mais je vais vraiment pas bien, moi…


Il avait ouvert le frigo, attrapé machinalement sa bière avant de l'avaler goulûment, directement à la canette. Il s'était ensuite dirigé vers le répondeur dont le voyant rouge clignotait …


Quand Kaori était revenue de la salle de bain, les cheveux encore mouillés, elle avait trouvé Ryo assis sur le canapé, occupé à nettoyer méticuleusement son arme, une bière posée sur la table basse. Ses gestes étaient assurés, précis, suivant un rituel immuable. Cependant, quelque chose dans son attitude, ses épaules plus tendues, son regard qu'elle n'avait pas réussi à accrocher, sa respiration... un petit quelque chose, un presque rien, lui avait fait comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un simple nettoyage après une fusillade.

— Qu'est-ce qui se passe ? avait-elle demandé d'une voix sobre, nette, professionnelle. 


Ryo quant à lui,  avait continué à passer un petit goupillon dans toutes les courbures de son arme :

— On a juste un petit souci à régler.

— Grave ?

— Trois messages sur le répondeur.

— Trois ? De qui ? Tout le monde était au mariage, c'est bizarre...

— On a du boulot.

— Quoi ? Maintenant ? Trois missions ?

— Non, une seule et ça devrait être vite réglé.

— Vas-y, raconte... grommela-t-elle, contrariée qu'un nouveau contrat arrive maintenant, à cet instant ... 

Pourquoi ? Alors que le tableau des messages de la gare était lamentablement vide depuis plus de cinq semaines et que leur téléphone restait d'ordinaire muet, là, ils avaient une demande pendant qu'ils étaient partis ? Pendant CET après-midi ? C'était d'une criante injustice ! Elle avait soupiré, évacuant sa déception et sa frustration en râlant, acerbe et sarcastique : 

— Je devrais jouer à la loterie, moi ...

— Pourquoi ?

— Parce que deux choses qui n'arrivent jamais, viennent de se produire la même journée... Je dois être en veine…


Ryo avait ignoré sa remarque, sachant bien que la bouderie de sa partenaire allait disparaître quand son professionnalisme reprendrait le dessus. Lui aussi, il avait été fortement contrarié. Et puis, il s'était fait une raison, se disant que c'était bien là les risques du métier de nettoyeur... Il y avait du nettoyage à faire à toute heure du jour et de la nuit.

— Tu te rappelles de Nayuka ? avait-il demandé.

— Mmmm ... Si je m'en rappelle ... Comment l'oublier ?

— Elle a laissé un des messages.

— C'est quoi l'urgence, elle a perdu un faux-cil ? Et toi qui disais que tu voulais changer ! avait grommelé Kaori.


Puis, elle s'était laissée tomber sur le canapé à côté de son partenaire, bras et jambes croisés, affichant ainsi pleinement sa contrariété. Voyant ça, Ryo avait préféré rester silencieux. L'orage finirait bien par passer. 


Il s'était concentré sur son arme et avait laissé bouder la jeune femme. Il avait également espéré autre chose pour ce soir... et que Kaori lui montre ouvertement qu'elle aussi, n'avait pas été pour lui déplaire. Sur le coup, il avait même été tenté de l'embrasser séance tenante ... 

Très tenté... 

Très, très, très tenté... 

Mais, non non, non, ce n'était pas du tout le bon moment. Vraiment pas. Il devait garder la tête froide. Ils devaient garder la tête froide tous les deux ! Et se bécoter sur le canapé n'était pas vraiment la meilleure façon d'y parvenir !

 

En plus, il savait depuis longtemps que Kaori n'avait jamais pu s'empêcher d'être jalouse de la très belle Nayuka, une prostituée du Kabuki-Cho, qui lui vendait régulièrement des informations. Kaori avait bien essayé plusieurs fois de savoir quelle était la nature exacte de leur relation même si ça la mettait mal à l'aise ; cependant, il était toujours resté évasif sur le sujet. Certaines choses n'étaient pas bonnes à dire.

— Elle a perdu quelque chose, mais pas un faux-cil. Elle a lancé un XYZ.

— Qu'est-ce que ... ?


Et voilà... En une fraction de seconde, Kaori avait senti tous ses espoirs éclater comme une bulle de savon. Elle, elle ne tiendrait jamais la concurrence face à la jolie Nayuka. Ryo allait voler au secours de cette fabuleuse femme, qui ne manquerait certainement pas de céder à ses avances pour le dédommager de s'être déplacé aussi vite, parce que les jolies femmes paient en nature et gna gna gna ... 

Désespérant ... 

Elle avait presque senti des larmes de rage lui monter aux yeux.


— Son fils a été enlevé.

La voix de Ryo avait résonné dans le salon. Plus sombre qu'à l'accoutumée, elle avait immédiatement refroidi la colère de Kaori. La jeune femme s'était figée, inquiète, le regard tourné vers Ryo qui remontait maintenant son arme : 

— Quoi ? Hiro ?


Nayuka avait un fils, un gamin gentil comme tout et elle s'en occupait aussi bien qu'elle le pouvait. Elle le protégeait de son monde autant que possible. De ce que Kaori savait, Nayuka avait même repris des cours du soir pour changer de job et pouvoir quitter Tokyo un jour.

— J'ai localisé son ravisseur.

— C... Comment ? Déjà ?

— Oh, t'inquiète, c'était pas bien compliqué. Je te le fais en accéléré : le type a laissé le deuxième message. Il a remarqué que Nayuka était une de mes ... que je suis un de ses... enfin, bref, quoi, il nous a vus de temps en temps ensemble... Du coup, il a kidnappé son gosse à la sortie de l'école cet après-midi.

— Hein ? Mais pourquoi ?

— Il devait se douter que sans ça, je ne bougerais pas le petit doigt pour aller l'affronter. Il le libérera en échange d'un duel avec moi.

— Quoi ?

— Moui... Cet idiot réclame le titre de Numéro Un... Il veut ma place. Ce héros se fait appeler Mad Dog.

— Sérieux ? Mad Dog ? Chien Fou ? avait soufflé Kaori, les yeux levés au ciel. Les tueurs n'ont vraiment  aucune imagination pour se trouver des pseudos effrayants. Le Renard Argenté, La Chauve-Souris Verte, Le Tigre, le Croco ... et maintenant, le Chien Fou ? Non, mais n'importe quoi ! Ils vont nous faire toute la ménagerie ?


Ryo n'avait pu se retenir de sourire à la boutade, tout en chargeant son Magnum avec des balles calibre 38 :

— C'était pas la Chauve-Souris, Kaori. C'était le Vampire ... 

— C'est pareil, avait-elle répliqué sèchement tout en chassant une mouche imaginaire de la main. Bref... et le troisième message ? C'était pour te donner le lieu du rendez-vous, je suppose ?

— Tout juste, Auguste !

— Laisse-moi deviner... Au zoo ?

— Ahhh, presque ! avait plaisanté Ryo. J'aurais bien aimé la visite, ça aurait changé un peu... Mais non, désolé, c'est sur les docks nord.

— Pfff ... Quelle originalité ! J'en ai marre des quais humides et glauques moi ! Ça pue le poisson et le mazout.


D'un coup sec, Ryo avait refermé son arme, maintenant chargée. Il avait fait tourner le barillet tout en ajoutant d'une voix parfaitement assurée :

— J'ai appelé Mick. Il était encore à la Clinique. Il nous rejoindra sur place avec la Jeep de Falcon qui lui, reste avec Miki cette fois. Je ne la jouerai pas réglo avec un type qui s'en prend à des gamins. Il est indigne d'un pro.


Kaori avait approuvé de la tête et ils s'étaient levés d'un même mouvement pour se mettre en route, sans un mot de plus. Ils s'étaient installés dans la voiture, résignés. En démarrant, le nettoyeur avait lancé un clin d’œil complice à sa partenaire : 

— Bon, on règle ça vite fait et on reprendra là où on était... Enfin, on reviendra pour l'apéro... Ou ... Bref, tu vois ce que je veux dire ?

— Oui, on règle ça vite fait bien fait et on rentre chez nous.

S'ils avaient su combien ils avaient eu tort tous les deux…


Comment ça a pu arriver ?


Elle posa sa main libre sur la joue blême de Ryo. Elle devenait de plus en plus froide, de plus en plus blême... Oh non ! Pas ça !



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