Juste trop tard

Chapitre 15 : Épilogue

Chapitre final

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:51

Groove Coverage – Moonlight shadow : http://www.youtube.com/watch?v=m0df2IDaJAM

 

Un vent frais se leva. Des nuages gris assombrissaient le ciel en ce milieu d'après-midi, aussi était-il utile de porter une veste afin de ne pas prendre froid. C'était un temps idéal pour des funérailles. Cela faisait presque une semaine depuis cet incident, et elles avaient enfin lieu. Ceux qui connaissaient la défunte auraient pu trouver cela étonnant qu'une personne prît cette responsabilité, étant donné qu'on ne lui connaissait aucun parent.

Depuis ces cinq jours, Teru avait beaucoup réfléchi. L'image de sa mère se faisant abattre sous ses yeux revenait sans cesse, la terrorisant la nuit. Kurosaki était le seul capable de la calmer dans ces moments-là, aussi habitait-elle temporairement chez lui, le temps de s'en remettre un tant soit peu. Néanmoins, tous étaient conscients que cet épisode resterait marqué à vie dans sa mémoire.

Ils n'avaient été que trois à cet enterrement. Riko, Kurosaki et elle. La première s'était éclipsée discrètement, laissant le couple seul et en silence devant cette scène mortuaire. Teru regardait le paysage des tombes sans dire mot. Tous étaient destinés à la quitter à un moment ou à un autre. Son père, son frère, et maintenant sa mère. Qui serait le prochain ?

Elle coula un regard vers Kurosaki habillé de façon étonnamment élégante avec chemise, cravate et toute la panoplie pour l'occasion. Il se plaignait en disant que ce genre d'accoutrement ne lui correspondait pas. C'était vrai, si on se fiait à son comportement de voyou, néanmoins elle devait dire qu'il était plutôt beau, habillé de cette manière. Pour une fois, il ne fumait pas et regardait la tombe de la défunte sans prononcer la moindre parole.

À cet instant précis, tout lui parut si calme... Un coup de vent fit voler ses cheveux bruns qu'elle n'avait pas entièrement attachés. C'était bien l'ambiance des cimetières. Elle les reconnaissait bien. Elle s'y rendait une fois par an pour son frère. Pourtant, elle ne s'était jamais rendue sur la tombe de son père ainsi que de sa « mère ». Elle ne savait même pas où elles se trouvaient, Sôichirô ne lui en avait jamais parlé.

Teru serra les poings. Nombreux étaient ceux qui avaient encore leurs deux parents ainsi que leurs frères et sœurs. Était-ce le cas de Kurosaki ? Il ne lui avait jamais vraiment parlé de sa famille. Un jour, elle lui demanderait. Elle aimerait en savoir plus sur lui, sur son passé, sa vie en tant que Daisy. Elle était prête à l'accepter tout entier, elle ne comptait pas le juger sur son passé. Car, elle savait que son Kurosaki de maintenant ne changerait pas.

Teru inspira profondément. Elle avait appris le nom de sa mère après sa mort. Riko le lui avait dit, et il était à présent écrit sur la tombe. Kaoru Takashi. Devrait-elle ajouter son nom de famille après Kurebayashi ? Elle ne savait même plus quoi penser. Au final, elle n'avait jamais écouté ses explications. Personne ne les avait jamais entendues. Nul ne connaissait la raison pour laquelle elle l'avait abandonnée à son père.

Cependant, on pouvait toujours essayer de deviner. Sa mère avait le même âge que Riko, c'est-à-dire trente-cinq ans. Cela signifiait qu'elle l'avait eue bien jeune, à dix-huit ans. Elle s'était enfuie de chez elle deux ans plus tôt. La vie n'avait pas dû être facile tous les jours, et avoir un bébé dans sa situation avait dû être plus que compliqué. Peut-être n'avait-elle pas eu le choix : soit elle la gardait et leur vie aurait été plutôt pauvre, ou bien elle la donnait à son père, par exemple, et elle continuait sa vie de son côté.

Malgré tout, Teru lui en voulait toujours de l'avoir totalement abandonnée, de n'avoir jamais cherché à garder un contact. Elle avait toujours cru être orpheline, et au moment où elle découvrait que ce n'était pas le cas, elle le devenait réellement. La vie pouvait être terriblement cruelle. Au final, elle ne connaîtrait jamais ses pensées. Elle n'aurait jamais aucune véritable conversation avec elle. C'était fini.

Finalement, vous vous êtes enfuie en choisissant la mort. Vous semez le chaos partout où vous passez. Mais, sans vous, ce serait moi dans ce cercueil. Merci.

Néanmoins, elle avait tenu à lui offrir des funérailles. Si elle n'était pas intervenue, la morgue aurait sans doute utilisé son corps dans un but scientifique. Elle estimait que c'était quand même son rôle de fille que d'offrir à son corps une cérémonie d'adieux. C'était le moins qu'elle pût faire. Cela restait tout de même modeste, elle s'était sentie mal d'emprunter de l'argent à des personnes qui n'étaient pas directement concernées.

L'image du coup de feu repassa dans son esprit, et elle ferma les yeux afin de l'effacer. La brune ne se laisserait pas abattre, car la vie continuait. Elle n'oublierait pas sa véritable mère, toutefois elle refusait de vivre dans un souvenir. Il lui fallait continuer à avancer. Kurosaki se tenait toujours là, immobile, sans dire le moindre mot.

Teru prit sa main, comme si elle craignait qu'il partît à son tour. Le blond tourna la tête, surpris. L'adolescente, de son côté, continuait de regarder la tombe. Si lui s'en allait à son tour, elle ne savait pas si elle s'en remettrait. Il n'avait plus de raison de s'exiler, la police s'était chargée de cette société, les procès étaient en cours et ils risquaient de nombreuses années de prison. C'était de ce côté-là une fin heureuse.

Kurosaki lui avait assuré que le programme serait bientôt fini, l'affaire devrait être bouclée d'ici la fin du mois, d'après ses prévisions. Il revendrait le logiciel et tous les dangers seraient écartés. Il n'aurait plus à s'exiler, nul ne le poursuivrait plus. Il pourrait vivre une vie normale. Il resterait à ses côtés. Elle en était sûre. Malgré tout, elle avait besoin de l'entendre de sa propre voix. Elle avait besoin de l'entendre dire qu'il ne partirait pas.

Sa main était chaude malgré la fraîcheur ambiante. Teru refusait de croire un seul instant que cela pouvait être leurs derniers instants ensemble. S'il se retrouvait à nouveau en danger, elle comptait bien l'aider, malgré ses protestations. Elle deviendrait forte pour lui. Il ne fallait surtout pas sous-estimer une Kurebayashi.

« Promets-moi que tu ne partiras pas. »

Tasuku la regarda plusieurs instants. Elle continuait de fixer imperceptiblement la tombe et ne croisait pas son regard. Il comprenait bien ce à quoi elle pouvait penser. Il savait ce que cela faisait que de perdre un proche, il avait déjà vécu ce genre de scène. Après l'avoir vue mourir sous ses yeux, elle était probablement effrayée qu'il s'en allât à son tour. Or, il n'avait aucune raison de réaliser sa plus grande crainte.

Il posa sa main sur sa tête puis la rapprocha de lui. Cette année avait été suffisamment éprouvante, il n'avait pas besoin ni envie de réitérer cette expérience. Il comptait bien rester ici, dans cette ville, à ses côtés. Il n'avait absolument pas l'intention de partir. Il ferait tout pour rester près d'elle, dorénavant.

« Idiote. Si je pars, qui sera mon larbin ? »

Teru, surprise par sa réponse, esquissa un sourire. Il ne changerait pas. Même s'il était incapable de dire ce qu'il pensait réellement, elle comprenait qu'il était parfaitement sincère et qu'il ne comptait pas disparaître de si tôt. Et elle avait bien l'intention de le croire. Car, il ne l'avait jamais trahie auparavant. Elle entoura sa taille de ses bras. Plus rien ne les séparerait jamais.

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