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Chapitre 2 : Chapitre II ~ Need not to know

4991 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:17

Need not to know ~ Terme utilisé par les forces de l’ordre pour désigner un événement ou un élément dans une affaire qui doit absolument demeurer inconnu pour diverses raisons.

 

Ran-neechan.

Oji-san.

Edogawa Conan.

Ran-neechan.

Oji-san.

Edogawa Conan.

 

Ran-neechan. La jeune femme.

Oji-san. Le père de la jeune femme. De son vrai nom, Mōri Kogorō.

Edogawa Conan. Son nom.

 

Comme s’il craignait de les oublier encore, il se les répétait mentalement durant tout le trajet, le regard perdu dans le vide. Il ne remarquait pas que la lycéenne n’avait cessé de le fixer du coin de l’œil avec inquiétude. Mais il s’en doutait.

 

« Est-ce que ça va, Conan-kun ? » finit-elle par demander au bout d’un temps.

 

Plongé dans ses réflexions, l’enfant parut n’avoir pas entendu. Puis, au bout de quelques secondes, il releva la tête en sursaut et la tourna vers elle, lui lançant un regard interrogateur.

 

« Oh, euh, d-désolé, je n’écoutais pas…

- Ce n’est pas grave, Conan-kun. Je te demandais juste comment tu te sentais… »

 

Il ne répondit pas, abaissant encore le regard un instant.

 

« Bien. »

 

Silence.

 

« Tu dis ça pour que je n’aie pas à m’inquiéter, c’est ça ?

- N-Non, pas du tout ! … J-Je vais bien. Je t’assure. »

 

Mais son ton embarrassé et perdu ne trompa personne. L’adolescente baissa le regard.

 

« Qu’est-ce qui s’était passé, déjà ?

- Une raquette de tennis. La raquette d’une joueuse lui a échappé et t’a frappé. Nous étions chez elle, tout à l’heure. »

 

Silence.

 

« C’est bête. »

 

Elle acquiesça d’un hochement de tête mécanique.

 

« Elle se sentait vraiment coupable, quand elle a su que ça t’a rendu amnésique.

- Mais ce n’était pas sa faute. C’était un accident. »

 

Silence.

 

« Pas faux. »

 

Mais elle avait hésité un peu trop longtemps pour que sa réponse parût réellement sincère.

 

Silence. Au bout de quelques secondes, il sentit soudainement une vibration dans la poche de son short, qui le fit soubresauter plus violemment ; il hésita, mais finalement il y plongea sa main et en sortit un petit téléphone portable.

 

Son téléphone portable, il devait supposer. Donc quelqu’un essayait de l’appeler. Quelqu’un voulait parler à Edogawa Conan.

Oui. Mais qu’allait-il dire ? Le nom que l’écran affichait lui était totalement inconnu, comme il s’y attendait. Et il trouvait plutôt déplacé de répondre pour aussitôt dire qu’il était amnésique et ne se souvenait donc pas de qui il s’agissait. Surtout s’il ne savait même pas à qui il allait s’adresser.

Totalement perdu, le garçon jugea bon d’aussitôt lancer un regard implorant à la jeune femme. Que devait-il faire ?

 

« Tu devrais répondre. Ce ne serait pas poli… Si tu veux, je prendrai le téléphone pour expliquer après, mais ce serait étrange que je réponde tout de suite à ta place. »

 

Ce n’était pas une mauvaise idée. Il décrocha aussitôt, approchant le petit engin de son oreille.

 

« Mo… Moshi-Moshi…?

- Hey, salut Kudō ! T’y as mis le temps pour répondre, quand même ! Je me disais juste que ça faisait un moment qu’on ne s’était pas donné de nouvelles… Alors, combien d’enquêtes as-tu résolues récemment ? »

 

Kudō. Kudō. Kudō…

 

Ran-neechan.

Oji-san. De son vrai nom Mōri Kogorō.

Edogawa Conan.

Il n’y avait nulle part “Kudō” dans cette liste. Encore moins dans son propre nom.

 

« Je… Désolé, je crois que vous avez composé un mauvais numéro… B-Bonne journée. »

 

Il raccrocha aussitôt, se sentant rougir. Il continua de fixer le petit engin qu’il tenait face à lui sans y toucher, extrêmement embarrassé et, en même temps, dubitatif.

 

“Oï, Kudō, qu’est-ce que tu— ?!”

 

Il l’avait bien entendu. Son interlocuteur semblait persuadé d’avoir parlé à la bonne personne. Sinon, il aurait compris rien qu’en entendant sa voix qu’en effet, ce n’était pas le cas. Il s’était trompé de numéro dans son répertoire — puisque son nom, “Hattori Heiji”, était dans le répertoire de son téléphone, il devait en conclure qu’il s’agissait d’un fait réciproque et qu’il le connaissait donc —, et il avait téléphoné à quelqu’un dont il était censé connaître la voix. Et pourtant il n’avait pas l’air de l’avoir remarqué.

 

Bah. Il avait dû confondre parce qu’il avait une voix similaire à ce “Kudō”, au moins à travers un appareil électronique tel qu’un téléphone.

 

Même si cela lui semblait peu probable.

 

Celui qui avait parlé avait une voix de lycéen. Il avait un accent bizarre. Et il avait parlé de “résoudre des enquêtes”… Donc il avait voulu parler à un détective, sûrement. Donc à un adulte, forcément. Mais quel adulte aurait une voix aussi enfantine que la sienne ?

 

Assurément, c’était étrange.

 

« Qui était-ce ? demanda alors la jeune femme.

- C’était marqué “Hattori Heiji”. Mais il a dû se tromper de numéro. Il voulait parler à quelqu’un qui s’appelle “Kudō”. »

 

Il ne voyait pas l’intérêt de le cacher. Cela n’était pas un secret, surtout si elle était aussi proche de lui.

En plus, elle pourrait certainement lui dire qui étaient ces deux personnes, désormais.

 

Pourtant, quand il la regarda, son regard s’était assombri. Comme si au moins une de ces deux personnes lui rappelait quelque chose. Mais il ne voyait pas du tout de quoi cela retournait.

 

Après tout, comment pouvait-il ? Il était amnésique. Fallait vraiment qu’il se souvînt au moins de ça.

 

« J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas, Ran… neechan ? »

 

Il avait du mal à l’appeler “grande-sœur”. Après tout, elle était désormais comme une inconnue, pour lui. Et pourtant, elle avait l’air de le connaître depuis tellement longtemps… et elle lui avait confirmé qu’avant, il l’avait toujours appelée comme ça. Ran-neechan. Jamais autrement.

D’un certain côté, il se sentait coupable de ne pas s’en souvenir.

 

Elle n’avait pas réagi. Donc elle n’avait pas entendu sa question.

À chacun son tour.

Il approcha sa main et voulut la poser sur son bras pour lui reposer la question plus doucement. Mais il hésita au dernier moment, et retira sa main aussitôt alors qu’elle était à quelques centimètres de la jeune femme.

Ce geste la tira de ses pensées, et elle le remarqua. Elle lui lança un regard indéchiffrable.

 

Conan-kun se faisait beaucoup plus distant et timide, depuis qu’il était devenu amnésique. Mais c’était compréhensible. Il ne savait plus comment aborder les gens de son entourage, puisqu’il avait l’impression de ne plus les connaître… ce malaise qu’il semblait ressentir en permanence devait vraiment être difficile à supporter.

 

« Ne… Ne t’en fais pas… Tu n’as pas à avoir peur comme ça, nous sommes avec toi… Hein, Conan-kun ? »

 

Silence. Il la regarda de loin, hésitant. Puis il baissa la tête et détourna le regard, se sentant légèrement rougir.

 

« D’accord. Ran-neechan. »

 

Il était difficile de savoir s’il se pliait simplement à sa volonté parce qu’il lui faisait confiance, ou s’il le pensait vraiment. En tous les cas, il était profondément troublant de voir ce petit gamin avec un air aussi perdu et timide, alors qu’il était d’ordinaire si lucide…

 

« Ne, Ran-neechan…

- Oui ?

- Tu n’es pas ma sœur, hein ?

- Non, non. Otō-san, toi et moi vivons ensemble à l’agence depuis un moment, parce que tes parents sont à l’étranger. »

 

Il lâcha une légère interjection montrant qu’il comprenait. Et qu’en même temps, il se demandait pourquoi il vivait aussi loin d’eux. Avaient-ils tant de travail qu’ils ne pouvaient s’occuper de lui et préféraient le laisser à la garde de quelqu’un d’autre ?

Il se demandait désormais le genre de sentiments qu’il avait pour eux auparavant. Se sentait-il abandonné ? perdu ? seul ? Avait-il de l’affection pour des parents qu’il ne voyait quasiment jamais, et avec qui il semblait correspondre si peu ?

Et d’ailleurs, que devaient ressentir ses propres parents pour lui, pour qu’ils fussent à l’étranger sans lui et l’abandonnassent à lui-même comme s’il était un adulte responsable et capable de se débrouiller seul ?

 

Soudainement, il ressentit le besoin de leur parler. Il voulait obtenir la réponse à toutes ces questions.

 

« Vous les avez prévenus que… je veux dire…

- Non… Nous n’avons jamais réussi à les contacter, en fait. J’ai demandé à Agasa Hakase de s’en occuper.

- Agasa Hakase ? répéta-t-il, curieux.

- Ton oncle. C’est un scientifique qui invente des gadgets un peu bizarres, mais il est très gentil. Tu viens souvent le voir après l’école. Vous vous entendez très bien.

- Ah. »

 

Silence.

 

« C’est noté. »

 

~ 身元 ~

[Mimoto] — Passé ; identité

 

« Voilà. C’est l’agence… Là où Otō-san travaille et trouve des enquêtes, et là où nous habitons, tous les trois… »

 

Silence. Le père ne s’attarda pas dans l’entrée et vint aussitôt s’enfermer dans sa chambre – du moins, juste après un passage rapide par la cuisine pour aller chercher une cannette de bière –, probablement pour boire tranquillement.

Conan fit quelques pas hasardeux à l’intérieur de l’appartement, tournant et retournant la tête en tous sens comme pour en sonder les moindres détails. Il devait s’agir de ce qu’il faisait, d’ailleurs.

 

« Ça ne te rappelle rien, hein… » marmonna-t-elle au bout de quelques instants, un sourire nerveux sur les lèvres.

 

Conan hocha négativement la tête, prenant un air désolé.

 

« Ce n’est pas grave… Ça te reviendra plus tard, petit à petit… Le docteur avait dit que ça ne devrait pas durer plus de quelques semaines, alors ce n’est pas si mal, hein…? »

 

Mais il voyait bien qu’elle n’était pas convaincue. Que le fait qu’il fût amnésique et ne se souvînt de rien à propos d’elle ou de n’importe qui d’autre l’affectait beaucoup plus qu’elle ne le laissait transparaître.

 

« Je suis ici depuis combien de temps ?

- Eh bien… nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois. », affirma Ran.

 

Donc ils ne se connaissaient que depuis quelques mois. Pourtant, elle lui semblait beaucoup plus proche de lui… Il lui avait semblé qu’elle le connaissait depuis une éternité. Mais cela devait être sa mémoire qui lui jouait un tour.

 

« Ce sont donc des souvenirs assez récents que j’ai partagés avec vous, répliqua-t-il comme pour confirmer ce qu’il avait en tête. Ne ?

- Oui… Je suppose.

- Généralement, ce sont surtout des souvenirs de longue date qui reviennent le plus facilement à l’esprit, ne ? Dans ce cas, il faudrait peut-être que je retourne là où j’ai vécu durant la plus grande partie de ma vie, puisque je risquerais de me souvenir de beaucoup plus de choses… »

 

Elle baissa le regard.

 

« Oui. Sûrement. Il faudra que je le dise à Hakase. Ça voudra dire que tu partiras probablement chez tes parents… »

 

Il acquiesça d’un mouvement de tête. D’un certain côté, cela ne le ravissait pas, lui non plus. Mais il ne parvenait pas à déceler exactement pourquoi.

Il devait ressentir qu’il tenait véritablement à quelque chose ou à quelqu’un qui se trouvait là, sous ses yeux, et qu’il s’en séparerait s’il venait à vivre chez ses parents. Mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

 

« Je reviendrai. Quand j’aurai retrouvé ma mémoire. »

 

Il avait voulu la rassurer. Mais d’un autre côté, il le ressentit comme si ses propres paroles visaient en réalité à l’en persuader lui-même.

 

« Ne, Ran-neechan. Tu connais bien mes parents ? Tu saurais me parler de choses qui pourraient m’aider à me souvenir de quelque chose ? »

 

L’adolescente parut réfléchir un moment. Puis elle parla :

 

« Je ne sais pas… Quand Otō-san a des enquêtes, tu es souvent là, et tu l’aides souvent en lui donnant des indices… Tu dis souvent que c’est Kudō Shinichi qui t’en a parlé, donc je pense que tu le connais plutôt bien… »

 

Silence.

 

« Kudō… C’est le même Kudō que tout-à-l’heure ?

- Oui. Kudō Shinichi. C’est un lycéen qui est dans ma classe. Il adore les enquêtes, un vrai maniaque… D’ailleurs, en ce moment, il est dans une affaire sur laquelle il bloque depuis des mois, à un point tel qu’il ne vient même plus en cours… »

 

Il acquiesça lentement. Cela semblait tout de même bizarre qu’un adolescent pût manquer ainsi les cours aussi facilement, même s’il s’agissait d’une enquête à mener… Quel genre d’affaire cela pouvait-il bien être ? Lorsqu’il lui posa la question, elle lui avoua avec déception qu’elle n’en avait pas la moindre idée, qu’il refusait de lui en parler.

Elle s’approcha alors d’une étagère qu’elle fouilla, finissant par en sortir un album rassemblant de vieilles photographies. Elle l’invita à s’assoir à ses côtés sur le canapé, posant le grand livre sur ses genoux afin d’être en mesure de le manipuler facilement.

Dès les premières images, l’enfant sursauta et pointa une personne en particulier du doigt. Cet enfant, qui avait le même âge que lui, lui ressemblait parfaitement, à cela près qu’il ne portait pas de lunettes. Et pourtant, au vu de l’âge des personnes environnantes qu’il put reconnaître – c’est-à-dire, en fin de compte, uniquement la jeune fille et son père –, il avait logiquement le même âge que cette dernière.

 

« C’est Shinichi, répondit-elle tout simplement. Nous nous connaissons depuis que nous sommes tout petits. »

 

C’était quand même incroyable à quel point il lui ressemblait. Quand il lui fit la remarque, elle se contenta de rire nerveusement, lâchant un “N’est-ce pas ?” à l’aspect anodin. Et pourtant, il lui sembla qu’elle lui cachait quelque chose.

Mais il devait se tromper. Elle ne lui cachait rien, n’est-ce pas ? Pourquoi lui aurait-elle caché quoi que ce fût ?

 

~ 疑問 ~

[gimon] — Doute, soupçon, interrogation

 

« Hakase ? C’est nous ! »

 

Ran-neechan referma la porte une fois qu’il l’eut suivie à l’intérieur ; puis elle ôta son manteau et ses chaussures, les rangeant dans l’entrée : il fit aussitôt de même.

 

Lorsqu’ils entrèrent dans la salle principale, ils remarquèrent un homme qui leur tournait le dos, affairé dans un coin de la salle à manipuler quelques pièces mécaniques avec de grandes précautions.

En effet, s’il n’était pas un inventeur, il y avait de quoi se demander comment il avait pu se procurer un matériel d’aussi bonne qualité.

 

Une jeune enfant métisse, aux cheveux roux et à la coupe en carré, était assise sur le canapé et lisait un magazine. Elle leva toutefois le regard pour le diriger vers les deux invités au bout de quelques secondes de silence, puis se leva et vint avertir l’adulte qu’ils étaient là, car apparemment il était trop concentré dans son travail pour remarquer leur présence.

 

Le professeur se retourna alors, et salua chaleureusement l’adolescente. Puis il se pencha vers lui et lui adressa un sourire. Mais quand il reprit son sérieux et lui demanda s’il se souvenait de quelque chose, il hocha négativement la tête, ce qui eut pour effet de le décevoir profondément.

 

Il se releva alors, et parla longuement avec la jeune femme. Elle lui demandait s’il avait contacté ses parents pour leur parler de son amnésie, et s’ils comptaient faire quelque chose de particulier. Il apprit alors en même temps qu’elle que sa mère était déjà dans un avion en provenance des États-Unis, et qu’elle venait le chercher pour le ramener avec elle pour quelque temps.

Une fois ceci fait, elle constata qu’il commençait à être tard, et qu’elle avait quelque chose à faire chez elle qui l’obligeait à rentrer. Toutefois, elle ne lui demanda pas de rentrer avec elle, lui proposant au contraire de rester s’il le désirait, parce qu’il pourrait peut-être se souvenir de quelque chose s’il restait là une ou deux heures supplémentaires à poser des questions à son oncle.

 

Pourtant, dès qu’elle fut partie, le silence retomba. Le professeur affirmait qu’il avait bientôt terminé sa nouvelle invention, qu’il avait juste besoin de quelques minutes de plus et qu’il allait devoir attendre un peu en attendant.

Il lui proposa de discuter un peu avec Ai-kun, qui devait donc logiquement être la jeune métisse, mais la manière avec laquelle elle poussa un grognement en réponse sembla montrer qu’elle n’était pas particulièrement intéressée par la discussion qu’elle mènerait avec un enfant amnésique.

 

Il se contenta donc sur le moment de s’adosser à un bureau contre un mur, près de l’entrée, qui lui offrait une vue assez générale de la salle. De là il pourrait voir si quelque chose pourrait éventuellement lui rappeler quelques bribes de sa mémoire… mais il ne voyait décidément rien de particulier.

 

« Conan-kun, est-ce que tu pourrais me donner mon tournevis ? Il doit être dans le tiroir du bureau juste à côté de toi. »

 

Il fit un hochement de tête tout en marmonnant un acquiescement, ouvrant aussitôt le tiroir dont il était question afin de le fouiller ; en effet, il trouva rapidement l’outil recherché, comme l’adulte le lui avait dit.

 

Il s’apprêtait à refermer le tiroir. Toutefois, son regard se porta rapidement sur une étrange petite boîte de plastique blanc qui se situait au côté droit. Il y avait marqué quelque chose qui laissait suggérer qu’il s’agissait de médicaments contre le rhume, et pourtant une étiquette était collée par-dessus. Et ce n’était pas l’œuvre d’un pharmacien : c’était quelqu’un résidant sur les lieux, propriétaire du bocal, qui l’avait étiqueté différemment.

 

“Prototype d’antidote à l’APTX 4869

“La prochaine fois Hakase, ne les confondez pas avec les médicaments contre le rhume. Si vous les cherchez, ils sont dans l’armoire à pharmacie de la salle de bains.”

 

Étrange. Qui pouvait bien avoir écrit cela ? Ce ne pouvait logiquement pas être le professeur lui-même, mais le ton utilisé était bien trop adulte pour être celui d’un enfant comme la jeune métisse qui vivait avec lui. Alors qui avait bien pu écrire ça ?

 

« N’y touche pas, espèce d’inconscient ! »

 

Il sursauta vivement, avant de se retourner vers l’origine de cette voix.

 

La jeune métisse.

 

Elle s’approcha de lui, profondément en colère et semblant même presque effarée, et lui prit violemment des mains la petite boîte.

Il entendit de nombreuses pilules sursauter, suivant le mouvement brusque de leur bocal.

 

« Ne touche pas à ça. Jamais. »

 

Elle avait bien appuyé sur chacune des syllabes qui constituaient le début de sa phrase, pour bien montrer que c’était très important.

Ne touche pas. Jamais. Ce n’était pas discutable.

Mais cela ne disait pas pourquoi il ne fallait pas toucher.

 

« Ne, tenta-t-il en hésitant légèrement. C’est quoi, de l’APTX 4869 ? »

 

Elle se stoppa net alors qu’elle s’éloignait de lui.

Elle se retourna.

Elle lui lança un regard foudroyant.

 

« Quelque chose qui n’aurait jamais dû exister. Tu n’as pas besoin d’en savoir plus pour le moment, alors oublie ce que tu viens de voir. »

 

Puis elle partit, le laissant seul. De son côté, l’adulte ôta enfin son masque de protection, la regardant sortir de la salle. Puis il se tourna vers lui pendant un instant avec un air désolé, poussa un soupir résigné, puis se retourna de nouveau vers son atelier de travail.

 

C’était désormais plus que certain.

On lui cachait quelque chose.

 

~ 疑念 ~

[ginen] — Doute, soupçon, méfiance

 

Rien.

 

Rien. Encore et toujours rien.

 

Depuis qu’il était rentré à l’agence, il avait monopolisé l’ordinateur et avait passé des heures entières à chercher la moindre information sur cette mystérieuse formule “APTX 4869”. Sans succès. Même en ne cherchant que la signification du sigle “APTX” en négligeant le nombre qui suivait, il ne trouvait absolument rien.

 

Donc le terme n’existait pas officiellement. Ou était en tout cas très peu utilisé.

 

Donc, si son oncle et la jeune fille savaient ce que c’était, alors il n’y avait qu’une seule explication possible : le professeur en était l’inventeur lui-même. Après tout, il créait de nombreuses choses, n’est-ce pas ?

 

Toutefois, quelque chose lui revint en tête.

En effet, l’étiquette ne mentionnait pas “APTX 4869”, mais “antidote de l’APTX 4869”. Ce qui semblait signifier qu’ils n’avaient pas ce fameux “APTX 4869” eux-mêmes, car sinon le bocal qui en contiendrait se serait probablement situé juste à côté.

 

Mais cela ne lui apprenait toujours rien là-dessus.

Il se souvint qu’elle lui avait dit que l’APTX 4869 était quelque chose “qui n’aurait jamais dû exister”.

Et il en avait trouvé l’antidote. Son oncle et cette fille avaient l’antidote.

 

Un produit qui n’aurait jamais dû exister, mais pour lequel il existe un antidote… ils seraient en train de lutter contre un poison inconnu du monde entier ? Mais pourquoi ne pas mener ces recherches en laboratoire ? Pourquoi n’en parler à personne ? Pourquoi garder cet antidote dans un simple petit tiroir anodin, dans une maison tout à fait anodine ?

 

Assurément, quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire.

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