L'Ange Noir

Chapitre 2 : Chapitre 1 : "Je rêvais d'un autre monde"

7369 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/09/2014 21:53

     Ce fut son lit bien douillet qui vint accueillir Ali à la sortie de son sommeil. Elle ne fut pas mécontente de se réveiller : quel horrible cauchemar venait-elle de faire... Tout cela lui rappelait trop sa vie... Elle qui souhaitait s'en échapper grâce à ses rêves... Mais, bizarrement, son songe lui avait paru très réel. Heureusement que ce n'était pas le cas ! Elle avait rêvé de Peine et Panique, de « Hercules » ! Tout ceci ne pouvait être...

     Un détail, cependant, l'étonna : elle ne se souvenait pas que sa chambre était aussi glaciale... Ayant, d'un coup, un très mauvais pressentiment, elle ouvrit rapidement les yeux, laissant ses doutes se confirmer... En s'asseyant et en regardant avec angoisse les alentours, elle vit que cette chambre n'avait aucune ressemblance, de près ou de loin, avec une pièce du château. Au contraire, elle semblait tirée d'un film d'horreur : un lit aux draps usés et sales, un sol poussiéreux, un petit miroir en forme de démon cassé, un lustre en pierre volcanique... Tout pour lui donner des cauchemars ! Mais quel était cet endroit ! On l'avait... enlevé ! Mais qui aurait pu faire ça ! Dans quel but ! Elle n'était pas le prix de beauté, quel était l'intérêt de la kidnapper ! De toute façon, elle n'attendrait pas que quelqu'un la rejoigne pour le découvrir !

     Quittant immédiatement ce lit miteux, elle s'empressa de sortir de cette pièce sinistre,, arrivant alors dans un couloir tout aussi sombre. Elle était sous terre, ou quoi !

 

« Où ai-je bien pu atterrir...? pensa-t-elle avec angoisse. »

 

     Gloussant, la jeune femme essaye de trouver un chemin menant à la sortie. Le problème était que tous les couloirs se ressemblaient... Autant chercher une aiguille dans une botte de foin... Au bout d'une dizaine de minutes, l'environnement changea d'une manière un peu plus... positive : les couloirs étaient plus propres, plus luxueux, plus décorés (Même si c'était toujours d'une manière sinistre... Exemple ? Des tapisseries représentant des démons...), et même plus lumineux ; elle en conclut qu'elle se trouvait dans une aile habitée : en effet, sur un périmètre assez important, des dizaines et des dizaines de portes (Sûrement des appartements) se suivaient. Elle avait du se réveiller dans une sorte d'établi, transformée, pour l'occasion, en « chambre » .

 

« Ils seraient plusieurs à m'avoir enlevé...? se demanda Ali. »

 

     Cet endroit paraissait immense, et ses habitants devaient être nombreux. Si elle souhaitait s'en sortir, il lui faudrait faire preuve de prudence... Ali monta ensuite un imposant escalier en colimaçon ; plus elle montait, plus nombreuses étaient les torches qui donnaient un peu de lumière à cette ambiance pesante (Mais ces torches dégageaient des flammes... bleues !). Mais cela ne parvenait pas à la rassurer... Une appréhension l'occupait de plus en plus : quelque chose allait se passer, elle le sentait...

     Une fois arrivée au sommet, elle parvint à un hall immense, digne de celui d'Harry Potter : ça et là, des fauteuils moelleux bleus nuit, des tables basses en ébène, de hautes étagères en métal sombre (Remplies de livres, de fioles, de... crânes inhumains, etc...) ; sur le plafond était accroché des lustres... en améthyste ! Le reflet des torches donnait une douce et reposante lumière violacée à l'immense pièce. A sa droite, une porte massive en ébène, incrustée de scènes... impossibles à décrire... Devant elle, encore des escaliers. Enfin, à sa gauche... Un miroir... Cette fois-ci, ni brisée, ni laide... Elle avait la forme... d'un globe...? Une lueur fantomatique s'en échappait, et semblait l'inciter à s'en approcher. Comme hypnotisée, Ali marcha dans sa direction, main tendue. Elle se sentait... si bien...

 

« Viens à nous... Ange Noir... »

 

     Cette voix sortie de nulle part suffit à la réveiller, la faisant sursauter. L'Ange Noir... C'était comme dans son rêve ! C'était impossible ! Comment ses kidnappeurs avaient-ils pu...

 

« Viens à nous... »

 

     En même temps que se répétait cette voix, la porte démoniaque s'ouvrit dans un grincement sinistre derrière elle, l'invitant à entrer.

 

« Viens à nous... »

 

     Quoi faire ? Courir dans la gueule du loup ? Ali ignorait où elle était, et à qui elle avait affaire... C'était dangereux, mais elle ne semblait pas avoir le choix... Peut-être parviendrait-elle à négocier... S'ils se montraient coopératifs...

     Serrant les poings pour se donner du courage, la jeune femme pénétra à l'intérieur. La porte massive se referma derrière elle, la plongeant dans le noir le plus total, et la stressant davantage ; pourquoi avait-elle eu cette idée stupide...?

     Mais ce qu'elle découvrit l'effraya encore plus ; ce qu'elle était en train de vivre... C'était exactement la même scène que son rêve ! Était-ce une blague !Elle n'en avait pourtant jamais parlé ! Comment ses kidnappeurs avaient-ils pu en avoir connaissance ! Tremblant de toute part, elle observa les alentours, à la recherche d'une issue. Elle n'aurait jamais du venir ici...

 

« C'est elle ? L'Ange Noir ?

- Elle n'a pas du tout la tête de l'emploi !

- Elle pourrait vraiment nous aider...? Une fille si fragile ?

- Autant mourir une deuxième fois, n'y comptez pas trop ! »

 

     Plus elle entendait ces paroles incompréhensibles, plus la peur la gagnait. Au bout de quelques minutes, elle ne put s'empêcher de crier :

 

« Pourquoi m'appelez-vous l'Ange Noir ! Qui êtes-vous ! Que cherchez-vous !

- Allons mes amis, cessez d'effrayer notre invitée d'honneur... »

 

     Cette voix très gentleman la fit à nouveau sursauter. Le cœur battant, Ali se retourna... et eût le souffle coupé : c'étaient... les yeux jaunes ! Tout correspondait parfaitement à son rêve ! Le souffle court, la jeune femme ne put s'empêcher de reculer, murmurant :

 

« C'est... impossible... »

 

     Et si tout correspondait... Alors cette homme allait tenter de... Heureusement que l'obscurité cachait ses joues rouges ! Une voix aussi sifflante que celle d'un serpent s'écria alors :

 

« Excellent travail, vous avez réussi à mettre notre invitée mal à l'aise, hehehe...

- En seriez-vous jaloux, Jafar...? répondit avec mesquinerie l'individu. »

 

     Jafar ? Comme dans « Aladdin » ? Avait-elle affaire à des arabes ? Ricanant avec angoisse, Ali nota :

 

« P-Prénom intéressant, v-vous me rappelez un v-vizir dans un dessin a-animé... »

 

     Sans raison apparente, un fou rire général éclata, qui plongea encore plus notre héroïne dans l'incertitude. D'une voix amusée, son interlocuteur annonça :

 

« Et si je vous annonçais qu'il s'agit bien de ce même vizir...? »

 

     A cette révélation, un grand flot de sentiments explosa en Ali. Elle ignorait quoi rétorquer, mais une chose était certaine : elle trouvait cette plaisanterie de très mauvais goût ! Semblant lire dans ses pensées, l'inconnu eût des yeux pétillants, et s'exclama avec sournoiserie :

 

« Mieux vaut le voir pour le croire... Malefique, lumière je vous prie ! »

 

     La jeune femme n'eût pas le temps de souligner ses paroles qu'une étrange sphère verte, qui devenait de plus en plus grosse, illumina la salle. La même sphère que la sorcière utilisa pour attirer Aurore jusqu'à la quenouille ! Son choc fut encore plus considérable quand la lumière fut. Car, enfin, elle aperçut leurs visages... Du plus vieux au plus jeune... Du plus laid au plus beau... Du plus insignifiant au plus puissant... Tous, sans exception, la fixait avec la plus grande attention depuis l'imposant amphithéâtre en pierre noire : les méchants Disney ! Et celui qui lui parlait depuis tout à l'heure n'était autre que son vilain favori : Hades, le Dieu des Enfers !

     Celui-ci, affichant un grand sourire mesquin, exaltait. Depuis le temps qu'ils la recherchaient ! A première vue, elle lui avait paru très faible, et ses espoirs en avaient pris un coup quand Peine et Panique l'amenèrent à lui. Mais avec de l’entraînement, ils feraient d'elle une véritable machine à tuer...

     S'approchant d'elle, il porta sa main à ses lèvres, disant sensuellement :

 

« Je ne pense pas avoir besoin de nous présenter, mais laissez-moi être le premier à vous souhaiter la bienvenue aux Enfers, très chère Ange Noir. »

 

     Aucune réaction... Ni joues rouges, ni bégaiement... Elle semblait ailleurs... Les méchants Disney... En chair et en os... Elle savait que se pincer pour la réveiller était inutile... Tout cela était bien réel... Mais... c'était impossible... Comment avaient-ils...

     Le teint pâle et les yeux absents, son regard se porta tout autour d'elle. Personne ne manquait à l'appel : films, séries, dessins animés, etc... Tous les contemplaient avec sournoiserie... Ou méfiance... Elle ne put s'empêcher de frémir en constatant que des personnages comme Ursula, le Seigneur des Ténèbres, Mme Tremaine, etc... la regardaient avec beaucoup de froideur. Ali était dans un sacré pétrin... Elle ne donnait pas cher de sa peau...

     Un seul d'entre eux semblait plus détendu que les autres, à savoir le Grand Méchant Loup. Il était juste mort de rire devant ce spectacle : s'ils voyaient tous leurs têtes, en particulier la fille ! Ça va, elle était peut-être l'Ange Noir, elle n'en restait pas moins une humaine, pas de quoi en faire tout un plat de côtelettes de porc ! Écroulé, il s'adressa directement au Dieu :

 

« Ton invitée n'a pas l'air de se rendre compte de ce qui se passe ! Faudrait peut-être lui expliquer deux trois trucs, tu crois pas ? »

 

     Laissant passer cette insupportable familiarité, Hades créa d'un claquement de doigt un fauteuil nuageux, dans lequel Ali s'assit sans demander son reste, muette. Faisant de même pour lui, il la fixa avec intensité, en croisant ses doigts, entamant :

 

« Je me doute de votre surprise, ma chère. Dans votre subconscient, nous ne sommes que des personnages imaginaires, venant tous d'un univers appelé... Disney. Mais ce que vous ignorez est que nous existions bien avant la naissance de ce Walt ! Lui et ses descendants n'eurent l'idée de leurs histoires que parce que nous le leur transmettions ! Nous et... nos ennemis...

- Rien que de penser à cette mijaurée d'Alice me donne envie de lui couper la tête ! Cria avec indignation la Reine de Cœur. Si je l'avais sous la main, je la... »

 

     Exaspérée, sa voisine, Mme Medusa, lui intima sèchement l'ordre de se taire. Soupirant, Hades reporta son attention sur Ali ; celle-ci, sortant petit à petit de son choc, osa demander :

 

« Mais, alors, pourquoi ne pas avoir... tenté de communiquer... avec mon monde...?

- C'est ce que nous aurions fait, s'ils ne nous pulvérisèrent pas ! Grogna Morganna en faisant claquer ses tentacules.

- Ils ? Posa-t-elle. »

 

     La plupart des spectateurs démarra alors un violent débat, où des dizaines de nom furent cités : Aladdin, Ariel, Philippe, etc... Gênée, Ali baissa le regard. Les héros... Le Bien qui triomphe toujours du Mal... Un concept qu'elle trouvait injuste et, souvent, illogique...

 

« Communiquer ? Continua Hades en intimant le silence. Cela viendrait après la soumission, bien sûr... »

 

     La jeune femme frémit devant son sourire machiavélique. Elle se devait d'être prudente... Malgré qu'ils ne semblaient pas lui vouloir du mal (Pour une raison encore inconnue), une petite erreur pourrait lui être fatale...

 

« Mais là n'est pas la question. Pour certains, cela ne fut pas possible, car ils furent... rapidement mis hors-jeu... Pour les... survivants... Ce fut l'interdiction et la surveillance pures et simples. Votre monde ne devait, en aucun cas, avoir connaissance de notre existence. Allez savoir pourquoi... »

 

     Sûrement pour éviter une mise en esclavage, se dit-elle... Mais lui et les autres n'étaient pas de cet avis, et secouèrent leurs têtes, blasés. Leurs ennemis étaient tellement idiots de leur avoir imposé une telle restriction... Un nouveau monde à conqué... à explorer, et impossible de s'y rendre !

     Leur invitée les sortit de leur pensée :

 

« Est-ce pour cela que vous vous êtes tous associés ? Pour... conquérir mon monde...? »

 

     Hades ne put s'empêcher de ricaner, provoquant la rage intérieure de ses confrères.

 

« Ma chère, nous sommes aux Enfers ! Mes camarades sont, par conséquent, tous... morts ! Certains tués par leurs ennemis, d'autres, plus chanceux, par une mort plus naturelle. Leurs âmes se sont alors rendues ici, dans le Château du Tartare, et sont désormais sous ma responsabilité. »

 

     Elle voyait bien que son interrogation avait rendu l'atmosphère encore plus électrique. De plus en plus mal à l'aise, elle en arriva au sujet essentiel :

 

« Et... Que viens-je faire dans cette histoire...? Pourquoi m'appelez-vous Ange Noir...? Vous devez faire erreur, je me nomme Ali Nadege... »

 

     Le silence s'installa à nouveau. Un silence qui voulait en dire long... Ali sentit que l'heure des réponses approchait... Se penchant vers sa direction, Hades demanda gravement :

 

« Avez-vous déjà entendu parler de Lucifer ? Belzébuth ? Satan ?

- Je crois qu'il s'agit de la même personne, mais sous des noms différents. Répondit-elle après avoir réfléchi quelques instants. A l'origine, avec Michel, Gabriel et Raphaël, il était l'un des Archanges les plus puissants et respectés du Ciel. Mais pour une raison que j'ignore, ne m'y connaissant guère en religion, il tomba dans... le Côté Obscur... On l'appela par la suite l'Ange Déchu.

- Correct... Ou presque... acquiesça-t-il. Ce que vous ignorez, c'est que Lucifer, également dénommé l'Ange Noir... se trouvait être une femme. »

 

     A cette nouvelle, la jeune femme écarquilla les yeux. Le Démon avec un grand D... était en fait LA Démone ? Si les religieux de son monde le savaient, ils auraient eu une attaque ! Amusé par sa réaction, le Dieu poursuivit :

 

« L'Ange Noir est en réalité la mère de tous les démons. Tout le Mal des mondes se trouve en elle, lui conférant un pouvoir infini ! La Mort est sous ses ordres, les maladies sont ses armes, la guerre est son sang... et la Vie est son pouvoir caché... »

 

     Ses yeux jaunes flamboyants en disaient long sur le véritable sens de ses paroles : cette Ange Noir paraissait invincible...

 

« E-Et moi dans tout ç-ça...? fit-elle en tremblant.

- Certes, son pouvoir est illimité, expliqua la divinité d'une voix de plus en plus sournoise. Mais une chose lui manquait depuis qu'elle devint déchue : l'immortalité. Pour éviter que ce pouvoir ne se perde à jamais, elle se réincarna pendant des millénaires dans des humains, hommes comme femmes. Brutus, Jeanne d'Arc, Cortez, Napoléon, Hitler... Tous ces noms sont reliés à l'Ange Noir. Même s'ils n'en eurent jamais conscience, malheureusement... »

 

     Plus la conversation avançait, plus un froid et une peur saisissants l'envahissaient. Tout prenait forme dans son esprit... L'Ange Noir... Réincarnation... Elle...

 

« C'est... C'est pas vrai... murmura-t-elle d'une voix tremblante.

- Si, ma chère... sourit-il méchamment. Nous avons enfin retrouvé la nouvelle réincarnation de l'Ange Noir... »

 

     Craignant une crise d'épilepsie, Ali agrippa son T-Shirt au niveau du cœur, respirant avec de plus en plus de difficultés. Elle...? L'incarnation de la mère des démons...? Celle qui avait en elle le monstre pouvant détruire d'une pichenette son monde...? Mais comment avait-elle fait pour ne pas le sentir ! C'était inconcevable ! Même lors de ses plus grosses colères, elle ne pouvait pas faire autant de mal aux gens !

     Encadrant sa tête entre ses mains, elle ne put réagir, trop choquée. A la vue de ce spectacle, tous les méchants entamèrent un violent débat : Ali pouvait-elle être, oui ou non, l'Ange Noir ? Hades observait tout cela, sans rien dire ; si c'était vraiment le cas, pouvaient-ils réellement se reposer sur elle ? L’entraînement pourrait réveiller le démon en elle... Mais si elle faisait comme ses prédécesseurs ? Si ses pouvoirs ne parvenaient jamais à germer...? Pourrait-elle vraiment leur être utile...?

     Ce fut Scar qui, d'une voix moqueuse, le sortit de ses pensées :

 

« C'est ça, votre Ange Noir ! Vous vous dégonflez, Hades !

- Assez, Scar ! Grogna-t-il en commençant à s'enflammer. Je vous interdis de douter de...

- Mais il a raison ! finit-elle par craquer. Je ne suis pas l'Ange Noir ! Il doit y avoir erreur sur la personne ! Je n'ai pas l'étoffe d'une tueuse ! J'en suis incapable ! »

 

     Ce fut comme un coup dans l'estomac ; la peau d'Hades devint encore plus pâle. Ils se seraient... trompés...? Sentant tous les regards déçus ou moqueurs sur lui, il perdit totalement son sang-froid, explosa et hurla :

 

« PEINE ! PANIQUE ! »

 

     Affolés, les deux démons s'approchèrent avec beaucoup de crainte de leur seigneur, sachant que cela allait leur retomber dessus. Et ils ne furent pas déçus : ces derniers les empoigna par la gorge et, les montant jusqu'à son regard haineux, siffla entre ses dents :

 

« Croyez-moi, pour m'avoir ramené une vulgaire mortelle, votre sentence sera mémorable...

- M-Mais c'est la vraie A-Ange Noir ! Hoqueta le petit vert.

- N-ne ressentez-vous pas son aura démoniaque, v-votre Altesse ? Fit Peine entre deux souffles.

- N-Nous avons parfaitement reconnu c-celle qui nous a d-donné la vie ! Rajouta Panique. Et...

- Vos démons ont vu juste, Hades... »

 

     A ces mots, tous les regards se portèrent sur le Docteur Facilier, le sorcier vaudou. Jouant avec ses cartes de divination, ce dernier regardait le show avec beaucoup de calme ; encore une fois, ce serait lui qui donnerait le dernier mot. Jetant violemment ses deux serviteurs au loin, Hades grommela :

 

« Expliquez-vous, Facilier ! »

 

     Le Maître des Ombres, ricanant, pointa dans sa direction deux cartes, expliquant :

 

« Pendant votre si intéressante discussion, je me suis penché sur la vie de cette jeune femme, du moins sur celle de son âme. Et ce que dit la carte du passé ne trompe pas : trahison, naissance, chaos, mort, réincarnations, etc... Tout ceci amène à la conclusion que l'esprit de l'Ange Noir se trouve bien en elle. Mais, comme l'indique le présent, il a juste besoin de temps pour éclore. Vous le savez aussi bien que moi : les cartes ne mentent jamais... »

 

     Facilier sous-entendait-il quelque chose, se dit Ali ? A voir les poings serrés d'Hades, oui... Une expérience... douloureuse...? Le sorcier rangea sans rien ajouter ses cartes, ne répondant pas aux questions portant sur son avenir. Sauf si c'était pour son intérêt personnel, jamais il ne dévoilait le futur. Qui plus est... Il aurait été incapable d'y répondre... Car même ses cartes étaient devenues muettes, chose complètement inédite... Si une chose était inaccessible à Facilier... alors Facilier ferait tout pour aller le chercher ! Il aurait un œil particulièrement attentif sur cette femme...

     Cette dernière, complètement anéantie, était affalée sur son siège, tête basse. Alors, depuis le début, ses camarade avaient raison... Elle était... un monstre... La fin du monde sommeillait en elle, et attendait son heure... Que faire...? Essayer de s'en débarrasser...? S'y faire...? Elle ne pouvait s'y résoudre... Mais... Sa faiblesse la rendait si vulnérable... Avait-elle la moindre chance face à cette horreur...? Elle doutait tellement d'elle...

     Passant une main sur son visage, Ali soupira :

 

« Et même si vous avez raison... En quoi je peux vous être utile...? Qui sait si je ne finirais pas comme mes... anciennes vies...?</P><P

- Aaah... Mais ils ignoraient tout de leur potentiel. De plus, aucun ne possédait l’entraînement adéquat pour. Ce ne sera pas, heureusement, votre cas... ricana son compagnon en se levant. »

 

     Mais qui disait qu'elle voulait s’entraîner ! Pour réveiller l'Ange Noir ! Non merci ! Plus la discussion avançait, plus elle se sentait prise au piège. Pouvait-elle encore s'échapper de ce calvaire, maintenant qu'elle sentait qu'une lourde mission se posait sur ses épaules...? Tous ces regards sur elle, et le maître des lieux qui ne cessait de lui tourner autour, tel un vautour avec sa proie...

 

« Voyez-vous, ma chère, nous avons beaucoup de projets en tête. Mais tant que nous serons coincés aux Enfers, rien ne sera possible. Comme je vous l'ai dit, les pouvoirs de l'Ange Noir sont illimités ; il lui serait même possible, dirons-nous... d'ouvrir n'importe quelle frontière... »

 

     Enfin, tout devenait clair : s'ils avaient tant besoin d'elle et de ses pouvoirs cachés, c'était pour...

 

« Vous... Vous voulez que je vous ressuscite et que j'ouvre les Enfers... pour que vous puissiez prendre possession de mon monde, et vous venger de vos ennemis ! Pourquoi ne suis-je même pas étonnée...

- Si perspicace... ricana Radcliffe. »

 

     Les regardant avec des sourcils froncés, Ali finit par se lever avec rage, provoquant un certain étonnement. Hades fut le seul à remarquer avec plaisir son regard entièrement noir. Bien... Plus la colère l'envahissait, plus l'Ange Noir aurait des chances d’apparaître...

 

« Et puis quoi encore ! Cria-t-elle. Je vais peut-être vous laisser faire ! Allez-y, vous dérangez pas, faites de mon monde un pur chaos ! Mais sans moi ! Il est hors de question que je me joigne à vous !

- Oooh... Mais je ne pense pas vous avoir laissé le choix... rétorqua-t-il avec beaucoup de calme et de sournoiserie. »

 

     Cette réplique eut pour effet de calmer immédiatement la jeune femme. Du chantage ! Cela ne fonctionnait pas avec elle !

 

« Voyez-vous, ma chère, il est très facile de pénétrer aux Enfers... Mais il est, hélas, impossible d'en ressortir... Vous m'en voyez sincèrement désolé... acheva-t-il cruellement et avec hypocrisie. »

 

     Encore une fois, son cœur faillit lâcher. Ali ne pouvait plus... rentrer...? Et ce tant qu'elle ne ferait pas appel à ses pouvoirs...? Parce qu'on ne lui laissait pas le choix, elle allait devoir renoncer à sa vie, à ses proches...?

 

« C-Ce n'est pas juste ! V-Vous n'avez pas le droit ! gémit-elle, les yeux brillants. »

 

     A la manière d'une félin, le Dieu s'approcha d'elle et, sans lui laisser le temps de réagir, l'attrapa par la taille, provoquant les ricanements de ses camarades. Rougissant violemment, elle ne put s'extirper de son étreinte, et fut obligée de l'écouter :

 

« Obéissez, si vous ne souhaitez pas subir notre courroux. Nous ne voudrions pas abimer un si joli minois... »

 

     Tout cela avait été dit avec un ton plus que gentleman. Maintenant, elle savait ce que ressentait Megara quand il agissait ainsi avec elle : de la peur... Si elle opposait une quelconque résistance, elle le payerait très cher...

 

« Bientôt, Ange Noir... finit-il sensuellement. Très bientôt, vous serez libre... »

 

     Ali ferma les yeux, s'empêchant de pleurer. Dans sa vision, il ne souhaitait pas l'embrasser... Lui et ses camarades voulaient juste se servir d'elle... Pourquoi était-elle si étonnée...? S'imaginait-elle qu'ils pourraient agir différemment...? C'étaient des méchants... Ils n'éprouvaient aucune pitié...

     Satisfait de s'être fait compris, Hades la laissa, recula et contempla les spectateurs avec un mauvais sourire, s'écriant :

 

« Dans les temps qui vont suivre, j'espère que vous agirez respectueusement avec notre invitée. Ne me décevez surtout pas... Zira ! »

 

     Assez surprise, la lionne bannie fixa avec intensité son interlocuteur, montrant une série de crocs bien aiguisés. Que lui voulait-il ? Elle détestait être dérangée durant sa sieste ! Car, oui, contrairement à ses camarades, elle n'éprouvait aucune intérêt pour cette fille : cela se voyait tout de suite qu'elle ne les amènerait pas loin ! Autant éviter la déception en étant désintéressée !

 

« Zira, pendant tout son séjour, tu veilleras à ce que notre invitée de marque ne manque de rien. Fais-lui visiter les lieux dès demain, réponds à ses questions... Bref, elle sera sous ta charge. Me suis-je bien fait comprendre ? »

 

     Zira émit un simple rugissement en guise de réponse. Il était hors de question qu'elle devienne la nounou d'une humaine ! Et puis quoi encore !

 

« En clair, je dois jouer les baby-sitters ! Trouvez-vous quelqu'un d'autre, il est hors de question que je me la coltine durant...

- Me suis-je bien fait comprendre...? répéta-t-il avec un ton menaçant. »

 

     La lionne ne put s'empêcher de frémir devant son regard froid et sans appel. Aucun non n'était accepté... Au risque de perdre son âme à jamais... Comme son pauvre Nuka...

 

« Entendu... grommela-t-elle en regardant ailleurs.

- Parfait ! Rétorqua-t-il en ricanant. Conduisez-la à ses appartements, la séance est levée ! »

 

     Sans joie, elle quitta les gradins, scruta Ali d'un regard haineux, et quitta l'amphithéâtre. Tête basse, la jeune femme la suivit en silence, disparaissant à l'angle des portes géantes ; à cet instant, le brouhaha se fit beaucoup plus intense et, un à un ou en petits groupes, tous quittèrent la salle... ou presque...

     En effet, Hades remarqua derrière lui la présence de trois des plus puissants occupants de ce château : Jafar, Maléfique et Ursula. Trois qu'il n'avait pas à la bonne... Il n'ignorait pas que, plusieurs fois, ils avaient tenté de prendre possession des Enfers, sans succès, bien sûr. Depuis, le Dieu avait un regard plus que soupçonneux à leur égard, et les surveillait avec précaution...

     Fronçant les sourcils, Hades s'adressa à eux :

 

« Avez-vous quelque chose de spécial à me dire...?

- En effet, Hades, acquiesça Maléfique en s'approchant. Cela concerne l'Ange Noir... Nous serons francs : nous n'avons aucune confiance en cette jeune femme, et doutons qu'elle puisse nous aider à revivre. Si ses prédécesseurs ont eu le droit à un échec cuisant, pourquoi en serait-il autrement avec elle ?

- C'est vrai, non mais regardez-la ! Se moqua Ursula. Elle serait incapable de gagner une course contre une tortue de mer ! Et encore, je pèse mes mots ! »

 

     De leur part, cette série d'arguments n'étonnait guère le Dieu. S'ils pouvaient trouver une faille dans son plan pour mieux le retourner contre lui, ils n'hésiteraient pas ! Croisant les bras, il soupira :

 

« Avez-vous autre chose à proposer...?

- Oui... Le Démon Noir... annonça gravement Jafar. »

 

     Hades ne put s'empêcher de hausser un sourcil, provoquant le contentement des trois autres. Ils savaient pertinemment ce que représentait ce nom pour lui : le Démon Noir était en fait l'autre identité du père du Dieu, Cronos, celui qui l'avala lorsqu'il était enfant, et qui fut détrôné par son fils Zeus. L'évocation de ce nom suffit à le troubler, pour leur plus grande joie ; pour eux, un quelconque signe de sentiment de sa part était synonyme de faiblesse... et d'un meilleur accès au pouvoir ! Il leur serait tellement facile de le détrôner de cette manière ! Mais, hélas, son cœur était aussi froid que de la glace, et rares étaient ses failles... Qui sait...? S'ils parvenaient à le convaincre de le libérer, une occasion pourrait se présenter...

     Mais Hades ne partageait pas leur exaltation... Effectivement, les pouvoirs de son père étaient suffisants pour tous les faire revivre, et étaient presque au même niveau que ceux de l'Ange Noir ; mais ce ne fut pas sans raison que cette dernière le lui en priva et l'enferma, avec l'aide des dieux, au fin fond du Tartare. Même elle fut assez lucide pour voir le danger qu'il représentait ; qui plus est, il était hors de question pour elle de partager le chaos du monde ! Il n'osait s'imaginer si le Démon Noir venait à réapparaitre... Il désirait le Chaos, mais sans son aide... Hades était le seul à pouvoir le libérer, étant le maître de ces lieux... Mais jamais il ne ferait une chose pareille ! Car il en connaissait les conséquences... Les douloureuses conséquences... Et trop de souvenirs remonteraient dans sa mémoire...

     Secouant la tête, il inspira un grand coup, et dit froidement :

 

« Ce serait tellement plus facile et rapide, n'est-il pas...? Mais, contrairement à vous, je sais ce dont est capable le Démon Noir... Ce dont il est réellement capable... Vous seriez incapables de faire face à son pouvoir, même à vous trois réunis.

- Ne nous sous-estimez pas, Hades... grogna la sorcière des mers.

- Oh que si, Ursula... rétorqua-t-il, à leur plus grande rage. Un conseil : ne souhaitez pas votre chaos avec lui...

- Vous préférez vous fier à cette femme ! Siffla le vizir.

- Plus qu'au Démon Noir... Il n'y a rien à redire : nous ferons tout pour que l'Ange Noir se réveille. Cette... Ali Nadege subira un entraînement intensif pour cela... Je fais confiance au Capitaine Crochet pour qu'ils fasse éclater sa soif de sang...

- Ce vieux buveur de rhum ! S'étouffa Maléfique. Vous êtes fous, Hades ! Vous finirez pas regretter votre décision, et libérer le Démon Noir en deviendra de plus en plus tentant !

- Cette discussion est terminée... finit-il en commençant à s'enflammer. »

 

     Le trio fit bien de ne rien rajouter et de quitter l'amphithéâtre. Mais ils n'eurent pas besoin de parler pour partager la même pensée... De gré ou de force, Hades libérerait le Démon Noir... Quand ? Comment ? Ils l'ignoraient encore... Mais un jour, oui, un jour...

     Quand ils furent hors de vue, le Dieu laissa éclater sa rage. Comment osaient-ils remettre en doute ses paroles ! Comment osaient-ils le menacer ! S'il ne se retenait pas, ces minables finiraient comme cet abruti de Nuka ! Malheureusement, ils possédaient du soutien... Les détruire serait risqué pour lui... Son immortalité ne lui permettrait pas de tous les vaincre... Bon sang, pourquoi son imbécile de frère lui avait-il ordonné de s'occuper de tous ces méchants ! L'arrivée de l'Ange Noir avait quelque peu radouci les tensions... Mais pour combien de temps...? Cette femme... Ali Naomi... Tous leurs espoirs reposaient sur elle... Ainsi que leur désir de vengeance...

     Passant une main sur son visage pour se calmer, Hades pensa :

 

« Ne me décevez pas... »

 

     Mais Ali n'avait pas le cœur à ça... Suivant toujours Zira, la jeune femme était plongée dans de sombres pensées... Elle se sentait comme un oiseau prisonnier dans une cage... Quoiqu'elle fasse, quoiqu'il arrive, rien ne pouvait changer son destin... Elle était condamnée... à devenir l'Ange Noir... A détruire... A tuer... A leur obéir au doigt et à l'œil... Cette journée ne pouvait pas être pire... D'abord les pestes qui avaient détruit sa vie, maintenant toutes ces révélations... Elle n'en pouvait plus, elle priait pour que ce cauchemar s'arrête, pour qu'elle se réveille dans son lit, chez elle, entourée par ceux qu'elle aimait... Mais tout cela était impossible... Plus jamais elle ne pourrait les voir... Plus jamais elle ne verrait le soleil...

     Elle ne regardait même pas la direction qu'elle prenait, n'osait pas parler. De toute façon, à la moindre remarque, elle savait que la lionne lui sauterait à la gorge... A peine arrivée, elle était déjà détestée... Pourquoi le destin s'acharnait-il ainsi sur elle...? Ne pouvait-elle pas, pour une fois, être... heureuse...?

     Au bout d'une dizaine de minutes, le duo arriva devant une superbe porte sculptée en ivoire, représentant des scènes de la mythologie grecque. Mais même ce détail se rapportant à l'une de ses passions ne parvint pas à la faire sourire... Le regard absent, elle pénétra... dans ce qui était certainement l'un des plus beaux appartements qu'elle ait jamais vu. A sa gauche, l'espace chambre, avec un lit à baldaquins aux draps en velours rouge et noir, un grand bureau encore en ébène, une bibliothèque immense remplie de centaines de livres, une commode encore vide, où était accrochée un superbe miroir rappelant celui de « Blanche-Neige et les 7 nains » ; à sa droite, l'espace salon, couvert d'une moquette rouge bordeaux, de plusieurs sofas en cuir noir, d'une table basse, et d'une... boule de cristal géante au centre ? A quoi cela pouvait-il servir...? Elle n'en avait aucune idée, et n'avait pas la tête à réfléchir, de toute façon... Au fond, une porte menant certainement à la salle de bains. Bref, tout ceci était... bien trop beau pour elle... Encore une fois, les méchants essayaient de l'amadouer avec de splendides présents... Peine perdue, désormais, sa fascination pour ces êtres s'en étaient retrouvés amoindrie...

     Zira, le regard noir, fit demi-tour, désireuse de quitter cette pièce au plus vite. Rien que de fixer cette humaine la faisait vomir ! Pourquoi devrait-elle obéir à Hades, après tout le mal qu'il lui a causé ! Elle savait que la tuer signifierait sa fin, mais rien ne l'empêchait de la laisser se débrouiller toute seule, sans qu'il le sache... Grognant, elle s'apprêta à partir.

 

« J-Je vous r-remercie... de bien vouloir m-m'aider... »

 

     Parce qu'elle croyait qu'elle faisait ça avec plaisir...? Un mauvais sourire aux lèvres, elle fixa avec intensité la jeune femme souriante, ricanant avec méchanceté.

 

« Tu es encore plus stupide que je ne le croyais... dit-elle avec sournoiserie. Tu n'es absolument rien pour moi, juste une punaise sous ma patte ! Comme si j'allais perdre mon temps avec une vulgaire humaine comme toi ! Non mais regarde-toi ! Toi, l'Ange Noir ? Laisse-moi rire ! »

 

     Le souffle coupé, les tremblements d'Ali s'accentuèrent encore plus, tandis qu'elle fixait sa camarade, les larmes aux yeux.

 

« Si cela ne tenait qu'à moi, tu serais morte depuis longtemps, car tu n'es rien de plus qu'un boulet pour nous tous ! J'espère que Hades le comprendra bientôt, et te renverra là d'où tu viens : bon débarras ! »

 

     Ravie de l'avoir remis à sa place, la Hors-la-Loi s'en alla, ricanant. Blesser mentalement les jeux était l'un de ses passes-temps favoris... Si cette idiote continuait à la déranger, elle se ferait à plaisir de continuer... Cette Ali n'était rien de plus qu'un déchet, que pouvait-elle en tirer !

     Le teint pâle, la jeune femme, désormais seule, baissa son regard vide. Zira avait exactement agi comme les quatre pestes quelques heures plus tôt... Encore une fois, elle entendait des horreurs à son sujet... Encore une fois, elle y croyait... Ici comme ailleurs, personne ne l'aimait... Ici, elle n'était qu'un jouet... Finalement, elle ne ressemblait à aucun d'entre eux... Ils étaient tout... Elle n'était rien... Et qu'elle soit l'incarnation de l'Ange Noir n'y changeait rien...

     Pleurant silencieusement, elle marcha d'un pas fantomatique jusqu'au lit, et s'allongea avec douleur, s'enroulant au maximum des draps. Là, elle laissa son chagrin et sa dépression prendre le dessus, et pleura, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de larmes... Ce ne fut qu'après de longues heures que la fatigue la tirailla, et la fit tomber dans un sommeil profond... Un sommeil difficile, ponctué par des visions cauchemardesques...

     Elle était un monstre... Elle était une prisonnière... Elle était... seule..

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