Une Nouvelle Terre

Chapitre 14 : La Samba Cassandra

3699 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2023 14:02

Oh purée, ma tête !

Rose parla sans réfléchir. Elle venait brusquement de prendre conscience de l’air qui envahissait ses poumons, le monde se remettant en place d’un seul coup alors qu’elle retrouva le contrôle de son propre corps avec un choc aussi fort qu’un train lancé à pleine vitesse. Les premières parles qu’elle bafouilla étaient incontestablement les siennes.

La pièce tanguait autour d’elle dans un flou étourdissant. Courbée en deux, haletante, la jeune femme éprouva une brusque sensation de soulagement, comme si le plus grand des fardeaux venait de lui être enlevé. Portant une main à son crâne, elle jeta un œil confus aux alentours, luttant contre la nausée et la brume dans son cerveau ainsi qu’un terrible malaise dans son estomac.

Elle n’était pas déjà venue ici auparavant… ?

Attends, ouais. Bien sûr que si. Elle se trouvait dans le même vieux sous-sol poussiéreux où tout ce bordel avait commencé, avec ce clone un peu flippant et…

Cassandra ! Rose fit volte-face, s’attendant presque à revoir la peau sournoise étendue sur son cadre comme une toile macabre vivante. Mais hormis le Docteur et elle-même, il n’y avait personne.

Mais… où est-ce qu’elle est ?

Le Docteur ne répondit pas. Rose chancela, faisant tout son possible pour rester debout sur ses jambes flageolantes tandis qu’elle s’efforça de reconstituer d’elle-même tout ce qui venait de se passer jusqu’à présent. Bon Dieu, que ça lui faisait mal de réfléchir ! Mais la mémoire lui revenait petit à petit :

Sortant de l’ascenseur dans… ce qui n’était visiblement pas la Section 26…

Voyant cette femme à la fête, Lady Cassandra sur pellicule, riant et draguant les invités en sirotant son champagne…

Chip, tapi dans un coin, en train de la lorgner…

Elle, qui avait voulue être si courageuse – d’être comme le Docteur, même – tandis qu’elle et Cassandra se chipotaient…

Mais cette dernière lui avait tendu un piège. Elle avait deviné exactement comment Rose allait réagir ; l’avait trompée avec une simple psychologie inversée. Et Rose avait paniqué ; à vrai dire, elle avait complètement perdue la tête. Elle avait eu si peur qu’elle en avait honte, à présent.

Et ensuite – la peau de Cassandra disparaissant de son cadre dans un éclair de lumière, l’engloutissant dans un grand nuage fluorescent. Ressentant cette grande bouffée d’air chaud, son monde entier qui virait brusquement au noir, cette brève sensation de suffoquer avant…

Plus rien. C’est là que Rose faisait chou blanc. Oh, il y avait bien des fragments et des impressions de voir des choses – des choses qu’elle avait faites, des choses qu’elle avait dites – mais ces souvenirs qui refirent surface étaient flous et informes. Les chats ; les capsules vertes ; les infectés : c’était comme si elle se réveillait d’un rêve lointain…

Dans un souffle, Rose essaya d’en faire abstraction et de se concentrer sur le présent. Elle se palpa le corps – contente, au moins, d’être redevenue elle-même. Bras. Jambes. Cheveux. Visage. Nez. Fesses. Tout était là. Portable ! pensa-t-elle soudain, cherchant en vain ses poches pour la forme familière de son téléphone. Disparu. Sa veste – disparue aussi. Bizarrement, il y avait une grosse couche de maquillage en train de lui démanger les joues, mais la jeune femme ne fit aucun effort pour l’enlever. Plus tard, lui hurla son cerveau. Occupe-toi de ça plus tard !

Et sa bouche. Sa bouche qui avait un drôle de goût… mais Rose n’arrivait pas à savoir lequel. Lorsqu’elle se passa la langue sur les dents, le même goût persista.

Sa nouvelle sensation de liberté ne pouvait vouloir dire qu’une chose, cependant : Cassandra était partie. Le trampoline psychopathe l’avait enfin laissée tranquille.

Mais elle n’avait pas pu aller bien loin. Rose eut un hoquet de surprise quand elle vit l’état dans lequel elle était : chiffonée, toute en sueur, à peine couverte par son chemisier violet dont les boutons menaçaient de sauter à tout moment et d’exposer sa poitrine aux yeux de tous… Mais c’était le look convoité par Cassandra, non ? Prenant des libertés avec un corps qui n’était pas le sien, s’appropriant chacune de ses pensées privées ; s’amusant à mettre Rose sur son trente-et-un, à l’exhiber ainsi comme une dévergondée ; la touchant avec ses propres mains…

« Oh-ho baby ! C’est comme vivre à l’intérieur d’un ballon gonflable ! »

Rose avait envie de vomir. Même reléguée au plus petit recoin de sa conscience, paralysée par l’étouffement et la panique, elle avait quand même entendu les paroles blessantes que Cassandra avait forcées à travers son larynx. On l’avait souvent désirée pour son corps : les garçons de son quartier lui couraient tout le temps après pour son physique ; les filles voulaient toujours comparer leurs conseils de maquillage. Et Rose y avait pris un certain plaisir, à l’époque ; après tout, c’était juste pour rire…

Mais son corps avait toujours été le sien. Maintenant, elle était bien placée pour savoir à quel point Cassandra l’avait perverti, l’avait traité comme son jouet personnel, complètement hors de son contrôle. Réprimant et refoulant et supprimant tout ce qui faisait d’elle Rose Tyler pour ensuite la refaçonner en une espèce de bimbo snob et sexualisée; une version Cassandra d’elle-même...

Un ballon gonflable. Un vulgaire plaisir éphémère qu’on oublie dès qu’on en a eu sa dose. 

Un grognement se fit entendre de l’autre côté de la pièce. Rose était mortifiée. Le Docteur se tenait là ; dos à elle, courbé en deux, son corps étrangement immobile… Il ne pouvait pas la voir dans cet état ! Elle s’empressa au plus vite de remettre un peu d’ordre dans sa tenue, ses doigts refermant maladroitement les boutons que Cassandra avait si joyeusement défaits…

…alors même que le Docteur se redressa, comme s’il attendait qu’on lui donne la réplique. Il refourra le tournevis sonique dans sa poche, regarda lentement autour du sous-sol crasseux, et soupira d’une manière qui ne lui ressemblait pas du tout :

Hum… bizarre

Rose le fixa avec de grands yeux :

Docteur… ?

Mais alors-même qu’elle demanda, c’était évident que quelque chose n’allait pas. Avec la posture du Docteur. Avec sa voix, qui sonnait toute fausse. L’accent décontracté auquel Rose s’était habituée à entendre venait tout à coup de prendre une diction plus raffinée que dans ses souvenirs. Une sorte de nasillement aigu ; imprégné d’un ton qui était sirupeux et incongrument, inconfortablement… féminin.

Oh, non…

Ça alors ! (Le Docteur se tourna vers elle en minaudant une pose théâtrale, ses bras et ses jambes bougeant avec maladresse comme si ces derniers n’étaient pas tout à fait connectés à sa personne, un sourire des plus étranges sur son visage :) Voilà qui est… différent.

La bouche de Rose s’arrondit de stupeur :

C… Cassandra ?

Saperlipopette, je suis un homme ! déclara le Docteur, délicieusement choqué. Miam ! Tellement d’organes ! Et si rarement utilisés...

Rose assista ébahie au spectacle horrifiant devant elle. Le Docteur était en train de s’agiter follement sur place comme un ver de terre : le torse bombé en avant, faisant de grands gestes saccadés avec ses membres comme s’il s’apprêtait à danser. C’était, se rendit compte la jeune femme, exactement comme elle l’avait imaginé se comporter en étant ivre : titubant sur ses jambes comme un chevreuil nouveau-né, ses paroles suaves mais plus aussi joviales ou rapides qu’elles ne l’étaient habituellement...

Mais le Docteur n’était pas ivre.

Ce n’était pas le Docteur.

C’était Cassandra, là-dedans, qui venait de s’installer dans sa tête. Il n’y avait pas d’autres corps dans la pièce. Elle avait quitté celui de Rose, et maintenant…

Maintenant elle était dans le sien.

Ah… ah ! Deux cœurs ! (Le Docteur éclata d’un rire aigu qui était digne d’une écolière surexcitée tandis que Cassandra testa le timbre de sa voix dans sa nouvelle gorge masculine, les mains posées délicatement sur sa poitrine :) Oh baby ! Ça danse la samba, là-dedans !

Sors de là immédiatement ! dit Rose avec colère. Les yeux du Docteur se tournèrent vers elle, la faisant regretter une fois de plus d’avoir choisie une tenue aussi décolletée aujourd’hui. Sa tête lui faisait odieusement mal ; les escapades prolongées de Cassandra là-dedans ne lui avaient causé que de la peine, et – selon ses impressions de leur situation actuelle – tout un tas d’ennuis pour l’hôpital au-dessus.

Ils avaient besoin du vrai Docteur. Tout de suite. Si cela voulait dire que Cassandra devrait reprendre son corps, eh bien… soit. Rose se sentait prête à l’encaisser cette fois.

Leçon de logique, dit Cassandra froidement. Le Docteur a les moyens pour me faire partir. Toi, ma petite Rose Tyler, n’y peux rien… (Elle venait de se manœuvrer jusqu’au miroir, parcourant sa nouvelle silhouette dérobée de ses mains avec la même aisance qu’elle avait montrée en explorant celle de Rose plus tôt ce matin-là :) …donc, j’occupe le Docteur – temporairement, parce que franchement, ce nez a sérieusement besoin d’être refait !

Mais le Docteur est le seul qui peut nous sauver…

Mais Cassandra ne l’écoutait plus :

Ouh ! Il est plutôt épatant, n’est-ce pas ? gloussa-t-elle en se pinçant le visage avec les doigts. Si mince… et un peu sexy !

Elle adopta plusieurs poses devant la glace avec une jouissance narcissique ; ouvrant un bouton de la chemise du Docteur, desserrant sa cravate et faisant vraisemblablement tout son possible pour mettre Rose mal à l’aise. Le Docteur avait récemment pris l’habitude de faire ça lui-même, à l’occasion : s’arrêtant devant des miroirs pour inspecter les angles fins de son nouveau reflet.

Mais là c’était différent, c’était complètement différent… surtout que Rose n’appréciait pas du tout la manière dont les mains du Docteur descendaient maintenant le long de son costume, ses flancs, ses fesses… Elle savait par son vécu à quel point cela pouvait être dégradant.

Toi aussi, tu l’as pensé… (Le Docteur remua soudain des sourcils suggestifs en direction de Rose alors que Cassandra retroussa ses nouvelles lèvres dans un sourire un peu trop complice à son goût :) J’ai été dans ta tête, Rose Tyler. Tu l’as reluqué… Plus d’une fois…

Rose se sentit devenir toute rouge :

N-N-Non, c’est pas vrai… !

Oh que si, railla la Cassandra-Docteur d’une voix chantante alors qu’elle se détourna du miroir pour venir se glisser d’un pas presque félin vers la jeune femme, avec une lueur diabolique dans ses nouveaux yeux. Regarde-toi, rouge comme une pivoine ! Tu passes ton temps à le mater. Tu aimes son nouveau look…

Et Rose rougissait vraiment maintenant, au point d’en devenir écarlate ; et elle bafouillait, et s’efforçait même de réprimer un petit sourire coupable qui lui montait aux lèvres…

Elle ne répondit pas. Ne pouvait rien répondre.

Peut-être que c’était vrai (bien sûr que c’était vrai), mais elle n’allait pas donner à Cassandra la satisfaction de la voir craquer.

La version-Cassandra du Docteur s’approchait de plus en plus, dévisageant Rose avec une imitation tordue du même sourire qu’employait le Docteur quand il lui disait qu’elle était géniale. Il n’y avait aucune chaleur là, désormais, plus aucune affection.

Mais ça suffisait quand même à lui faire chavirer le cœur…

 

La première chose que fait Lady Cassandra après avoir exploré la chaleur de ce curieux nouveau corps masculin est de sonder tous les petits recoins de son esprit. Ce n’est pas une tâche facile, cependant : le Docteur érige toute une forteresse de murs et de barricades mentales avant qu’elle puisse lui arracher une quelconque information ; lui au moins sait mieux protéger ses pensées des regards indiscrets...

Non pas qu’elle y voit rien : un rire ; un éclat de blondeur ne pouvant appartenir qu’à la fille, et une profonde et englobante tristesse qui sévit dans chaque recoin de son être. Ca l’intrigue. Elle songe, brièvement, à toutes les choses qu’il a faites, et tout le chagrin qu’il porte avec lui...

Devant elle se tient la blonde ; Rose Tyler, gourdasse de première. Sauf que Cassandra est maintenant en train de la percevoir à travers les yeux du Docteur – et se retrouve à admettre malgré elle que oui, dans la lumière médiocre de ce sous-sol miteux, elle a l’air absolument ravissante. Les cœurs jumeaux dans sa nouvelle poitrine palpitent et redoublent d’efforts en la voyant, au point où ça lui fait mal. Le Docteur est parvenu à lui cacher son esprit – oh, mais le corps, lui, ne ment jamais…

Elle sent sa nouvelle bouche masculine s’incurver d’un sourire séducteur, et constate avec une énorme satisfaction que Rose a maintenant les joues en feu. C’est horriblement mesquin de sa part de la taquiner ainsi. Après tout, elle sait exactement ce que ressent la jeune femme pour le Docteur. Ou bien est-ce que c’était l’autre Docteur ? Cette histoire de Docteurs multiples commence à devenir plutôt compliquée…

Mais qu’importe. Elle est grande, si grande désormais ; et bien plus à l’aise face aux frissons de la blondinette que le Docteur lui-même. D’ailleurs, Cassandra ne peut pas résister à l’envie de venir agiter cette nouvelle forme attirante juste devant elle. Ce qu’elle est naïve, cette petite Rose Tyler ! N’arrive-t-elle vraiment pas à voir l’effet qu’elle lui fait, à cet homme ? Peut-être que ces vieux dictons Terriens sur les blondes sont véridiques, après tout…

Elle s’avance doucement vers la jeune femme dans un tortillement de hanches, la tourmentant en crachant le morceau à sa place : « Regarde-toi, rouge comme une pivoine ! Tu passes ton temps à le mater. Tu aiiiimmmes ça… »

Oh, et elle le sait bien, cette petite vilaine. Comment peut-elle le nier ? Toutes les deux viennent de partager le même cerveaux, très récemment, et tout était là. Cassandra sent ses nouveaux cœurs faire un bond, et le corps désormais en sa possession lui paraît soudainement très chaud et inconfortable. Rose déglutit nerveusement, humectant ses lèvres avec le bout de sa langue, et les deux cœurs s’emballent encore, tambourinant douloureusement contre sa poitrine. Et… que se passe-t-il ? Elle a les mains moites, maintenant… ?

Seigneur ! Cassandra n’a aucune idée comment le Docteur peut supporter d’être ainsi cloîtré dans sa propre peau. Celle-ci est bien trop étrangère et masculine à son goût, et elle ne demande qu’à être ailleurs. N’importe où ailleurs. Dans un « ailleurs » féminin, de préférence… Cette délicieuse torture devient beaucoup trop forte à encaisser !

 

Rose poussa un petit cri scandalisé lorsqu’elle sentit les mains du Docteur lui enserrer la taille, puis glisser le long de ses hanches pour se refermer sur ses fesses. Furieuse, elle repoussa son corps d’un geste brusque, arrachant un fou rire de la part de Cassandra.

Mais cette dernière ne relâcha pas son emprise. Avec un sourire narquois, elle baissa les yeux – les yeux du Docteur – et Rose comprit trop tard qu’ils avaient une vue plongeante sur son décolleté, autrement dit sur la naissance de ses seins. La jeune femme détourna la tête, priant coûte que coûte que le Docteur ne se souviendrait pas de tout ça. Elle entendit Cassandra se lécher bruyamment les lèvres, et dû résister à l’envie de lui donner une bonne claque.

C’est pas lui, se rappela-t-elle avec toute sa volonté. C’est pas lui, c’est pas lui, c’est pas lui

BOUM !

Oh, bon sang ! Elle avait presque oublié ! Il y avait encore tout un tas de ces gens infectés dehors en train d’enfoncer la porte – et ils pourraient venir les infecter à tout moment !

Rose gigota pour se dégager de l’emprise du Docteur :

Lâche-moi, Cassandra.

Lui attrapant les mains, elle les éloigna de sa taille – avant de réprimer un gémissement lorsque Cassandra les remit aussitôt en place, la retenant prisonnière :

Pas si vite, ma poulette.

Le petit terme dénigrant qu’employa Cassandra à son égard aida à calmer le frisson inconfortable qui traversa Rose à l’idée que le Docteur la toucherait de cette façon. Mais pas de beaucoup…

Les portes du sous-sol commençaient à craquer sous la force collective des malades à l’extérieur. Encore une fois, Rose tenta de se libérer. Ils n’avaient plus le temps pour ces enfantillages ! Mais le Docteur était fort ; tellement plus fort qu’elle, et Cassandra s’amusait à plaquer son corps tout près contre le sien, envahissant son espace personnel, levant une main pour traîner son doigt contre sa joue…

Cassandra, j’ai dit lâche-m…

Oh, allez ! gémit le Docteur – non, Cassandra – dans un délicieux soupir, chatouillant l’oreille de la jeune femme avec la chaleur familière de son haleine. Tu n’aimerais pas l’essayer un coup ? Peut-être avoir un petit avant-goût ? Ça pourrait bien être ta dernière chance…

Encore une fois, Rose s’humecta nerveusement les lèvres. Attends – le revoilà encore. Sur sa langue. Cet arrière-goût. Lui ramenant un souvenir qui n’était pas entièrement le sien ; rapidement en train de se dissiper mais bel et bien là, à la lisière de son esprit, tout juste hors de portée… Rempli de désir, de duplicité, et d’une petite touche d’acharnement…

Elle n’avait pas… ?

Oh mon Dieu. Oh non.

Elle ne l’avait quand même pas embrassé… ?

Mais si Rose avait quelque chose à dire pour sa défense, elle n’en eut pas l’occasion.

Dans un fracas retentissant, la porte qu’ils avaient franchie ensemble quelques minutes plus tôt s’arracha brusquement de ses gonds, les faisant toutes les deux sursauter. Par bonheur, Cassandra renonça enfin à sa torture et s’écarta brusquement de Rose – juste avant que la seconde porte ne cède à son tour. 

Là, dans les deux entrées du sous-sol, les malades grognèrent et gémirent. Dans un nouvel élan de vigueur, ils se déversèrent à l’intérieur de la pièce.

« Sauvez-nous… »

Le Docteur poussa un cri aigu de terreur, ses mains saisissant Rose par les épaules alors que Cassandra l’attira à nouveau contre elle – cette fois-ci pour qu’elle lui serve de bouclier humain :

Qu’est-ce qu’on fait ?! hurla-t-elle avec effroi. Qu’est-ce qu’il ferait ?! Le Docteur, qu’est-ce qu’il ferait, bon sang ?!

Rose balaya vite le sous-sol du regard, luttant contre la panique soudaine qui lui tenaillait la gorge. La horde d’infectés se rapprochait lentement, et Cassandra se cachait derrière son dos, terrorisée.

C’était à elle de les sortir d’ici, désormais.

Prenant les choses en main, la jeune femme pivota sur elle-même, cherchant une issue, quelque chose, n’importe quoi…

…et repéra une étroite échelle de maintenance au fond de la pièce. Usée par la rouille, remontant à perte de vue dans une sorte de conduit de service encastré verticalement dans le plafond, avec juste assez de lumière pour voir. Ça valait mieux que rien...

L’échelle ! indiqua-t-elle en s’élançant vers les barreaux. On doit monter… !

Va-t’en de là, blondasse !

Rose poussa un cri lorsqu’elle sentit les mains du Docteur la pousser brutalement sur le côté. Cassandra se précipita vers l’échelle, sautant à travers l’armature de son ancien cadre pour y arriver la première. Déséquilibrée, la jeune femme manqua de tomber au sol, mais parvint à se rattraper juste à temps pour éviter la mêlée de corps qui se ruaient vers elle, les bras tendus :

« Aidez-nous…Revenez… Sauvez-nous… »

Le donjon se remplit des supplications de la foule malade tandis que le corps du Docteur se mit à gravir l’échelle. Rosa resta en arrière encore quelques précieuses secondes de plus, une pointe de pitié lui pinçant l’estomac en voyant les visages agonisants des malades. Tous leurs regards braqués sur elle, suppliants... Elle espérait seulement qu’elle pourrait vite faire revenir le Docteur à lui-même afin qu’ensemble, ils puissent trouver un moyen de leur venir en aide.

« Pitié… Sauvez-nous… »

Désolée, leur souffla Rose. Je vais essayer. C’est promis…

Puis, après un dernier regard par-dessus son épaule, elle se dépêcha de monter l’échelle après Cassandra et le Docteur, priant que ses jambes flageolantes ne la laisseraient pas tomber maintenant.

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