L'obsession n'est jamais bien loin de la passion

Chapitre 4 : Partie IV.

8488 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 08:15

IV  

Les premiers rayons de soleil s’infiltrèrent vicieusement dans chaque recoin de la chambre. Flattant une peau diaphane, la cajolant et embrassant ses joues pâles, l’astre s’amusa à taquiner l’endormie. Cette dernière, dont les sourcils se fronçaient de mécontentement, ouvrit brusquement deux orbes maritimes et jeta un regard venimeux à ses rideaux mal fermés. La fatigue voilait son visage.

Juvia avait mal dormi.

Le sourire du brun avait torturé son esprit, l’empêchant jalousement de se lover dans les bras de Morphée. Sa signification était plus qu’évidente. Nul ne servait d’essayer de se convaincre qu’il ne lui était pas adressé. Il était flagrant qu’il savait depuis le début qu’elle était là, cachée sous la fenêtre, à l’espionner pendant qu’il s’exhibait sous ses yeux. Il avait prédit de se retourner, pour la surprendre.

Il savait, et la bleue en était pétrifiée.

Les larmes avaient menacé à plusieurs reprises de s’évader, mais elle les avait retenues prisonnières, s’empêchant de céder à la panique. Peut-être qu’elle se faisait simplement des histoires, encore une fois ? Non. Elle n’oserait même plus remettre un pied au café-bar. Son meilleur ami lui manquerait, mais Juvia le préviendrait qu’elle ne reviendrait plus.

La bleue ne pouvait pas. Comment le regarder de nouveau après une telle humiliation ?

Un pincement au cœur.

Sa routine s’effondrait, son monde entier dégringolait. Se lever chaque matin dans l’espoir d’être servi par son brun, prendre une ou deux photos en cachette, lorgner la perfection de son corps, commander son thé préféré. Tenter de frôler ses mains au passage. Boire la profondeur de ses mots, même quand il lui arrivait – tout le temps – de lui adresser son sarcasme…

Adieu, le délicieux Earl Grey.

Son regard lorgna la montre. Bientôt, il lui faudrait quitter cette chambre et rejoindre l’enfer.

Fixant le plafond et le jeu de lumière provenant du lustre, elle réfléchit au programme de la journée. C’était un jeudi. Littérature, moqueries, photographie, railleries, atelier, humiliations, Levy…

Levy.

Juvia se souvint soudainement des mots de sa camarade. Elle avait envie de voir la jeune femme. Au-delà d’une simple envie, la curiosité la démangeait. Communiquer avec une nouvelle personne, apprendre à faire connaissance, échanger leurs idées, discuter de leurs passions…

Se faire une amie.

L’étudiante se mordilla la lèvre inférieure, imaginant tous les sujets de conversation à aborder avec sa potentielle future nouvelle alliée. La motivation ébranla ses membres, et bientôt, Juvia fut sur pied, la chaleur et le confort de son lit délaissés derrière elle. Ses pas courts, agiles et rapides sillonnaient la chambre à la recherche de vêtements propres.

Prenant quelques minutes dans la salle de bain pour arranger un minimum son apparence, elle jeta un regard à son reflet. La jeune paria n’avait jamais été d’une grande beauté, et ce matin, son teint blafard avait décidé d’accentuer sa mine maladive. Ses cernes peu discrets étaient effroyables. Elle passa ses doigts dans ses cheveux, cachant habilement son regard avec quelques courtes mèches.

La photographe sourit faiblement à son double, fière de sa frange improvisée.

L’optimisme de la bleue maintint le sourire sur ses lèvres durant de longues minutes. L’étudiante consulta sa montre. Il était à peine six heures et demie. Si elle partait tout de suite, en marchant à un rythme régulier, elle devrait arriver en littérature trente minutes avant le début du cours.

Le vide dans son estomac protesta. Elle n’avait pas le courage de se rendre au café pour manger, et encore moins l’envie de déjeuner avec sa mère. La jeune femme haussa les épaules, Melda pourrait lui rendre service et lui préparer un petit encas à manger en route.

En parlant de la blonde, Juvia ne tarda pas à entendre deux petits coups frappés à la porte de sa chambre. Elle attendit un instant, son ouïe capta deux grattements, puis un dernier coup. Elle étouffa un rire, sa nourrice utilisait encore le code secret qu’elles avaient mis au point durant son enfance.

Afin d’éviter de permettre à sa mère d’accéder à sa chambre, les deux femmes avaient dû chercher un moyen pour se reconnaître.

L’amatrice de photographie s’empressa de déverrouiller la porte, un sourire dansant sur ses lèvres.

Melda avait visiblement anticipé sa faim.

Un agréable effluve de thé et de pain grillé enjôla son odorat. Son appétit nargué par la délicieuse senteur, Juvia avait soudainement l’eau à la bouche. Elle répondit aux salutations de la blonde tandis que cette dernière s’avançait dans la chambre, ses mains occupées à porter le repas de la jeune femme sur un plateau argenté. Elle le posa sur un endroit libre de son bureau, puis alla s’asseoir sur le lit défait.

— Vous a-t-il déjà appelée, Juvia-sama ? questionna Melda sans détour, la curiosité enflammait ses prunelles.

— Qui voudrait donc m’appeler ? répondit-elle aussitôt, incrédule face à la question incongrue.

Juvia fronça les sourcils, déconcertée. Elle avait égaré son téléphone portable depuis longtemps, et avait complètement oublié son existence. L’engin ne lui était d’aucune utilité, et elle s’en souciait rarement. Peu de personnes – seulement deux, en réalité – possédaient son numéro et ils n’avaient aucune raison de lui passer un coup de fil. La première était Melda, qui était en ce moment même dans sa chambre, et la deuxième était Gajeel qui ne l’avait jamais appelée. En vérité, son ami n’en avait que faire de lui parler au téléphone…

La bleue leva les yeux au plafond, puis prit place à son bureau. Elle accrocha méticuleusement la serviette en tissu autour de son col pour éviter de tâcher ses vêtements. Remerciant Melda de son attention, elle dégusta son thé.

Monsieur Vastia, annonça sa nourrice sur le ton de l’évidence, avec un petit accent français.

L’étudiante faillit avaler de travers. Elle reposa bruyamment sa tasse, la porcelaine tinta désagréablement contre la petite assiette blanche. La figure colorée d’incompréhension, Juvia dévisagea Melda.

— Pourquoi Lyon Vastia aurait mon n…, commença naïvement la bleutée, avant de soudainement refermer la bouche.

Mère. Toujours et encore elle.

Agacée, Juvia soupira. La douceur du thé lui sembla tout à coup amère contre son palais. L’appétit coupé, elle dévora rapidement la moitié d’une tartine beurrée, but quelques dernières gorgées avant d’abandonner le reste de son repas.

Melda avait l’air coupable. Une ride, à peine visible, se creusa délicatement sur son front. La bleue la rassura d’un petit sourire.

— Pourriez-vous m’aider à chercher mon téléphone ?

Sa nourrice acquiesça et les deux femmes s’activèrent à fouiller les environs, dans les tiroirs, sous le lit, derrières les oreillers, ainsi que dans les deux pièces voisines. L’engin fut retrouvé quelques instants plus tard, délaissé sous une pile de photos près de son bureau.

Juvia empoigna son appareil photo qu’elle mit, comme à son habitude, autour de son cou, prit son manteau bleu marine et décida de dissimuler son téléphone dans sa poche. Si Messire Vastia se risquait à l’appeler, elle ne se gênerait pas pour lui dire le fond de sa pensée – et il n’était, bien entendu, en aucun cas question de son admiration pour ses yeux captivants.

Melda lui souhaita une bonne journée, tandis que la dénommée Femme Pluie quittait la chambre d’un pas décidé.

*

Le cours de littérature avait depuis longtemps débuté. Le professeur Green s’évertuait à expliquer des choses que Juvia écoutait à peine. Elle l’entendait parler, vaguement, mais ne daignait se concentrer sur sa voix. Son attention était particulièrement attirée par sa camarade, qui notait rapidement les paroles du professeur à l’aide de son habituelle plume noire.

Juvia lui jeta un coup d’œil en coin, puis soupira intérieurement.

Elle n’avait pu lui adresser la parole – pas une seule fois –, bien qu’elle fût arrivée avant tout le monde pour une fois. La bleue avait pourtant tout préparé durant sa pénible nuit et le trajet jusqu’à l’école d’arts. Mais aucun son n’avait osé sortir de sa gorge lorsque Levy l’avait saluée. Ses lèvres étaient restées paralysées quand elle lui avait adressé un sourire. La sincérité de ce dernier avait pétrifié son corps sur place.

Levy s’était ensuite installée à sa place habituelle, et Juvia l’avait piteusement suivie, prenant à son tour place à ses côtés.

L’occasion lui filait entre les doigts, et elle n’arrivait à rien faire.

La paria l’observa en coin.

Sa robe corail, courte et fluide, allait merveilleusement à son teint laiteux. Ses lunettes rouges, sur son nez mutin, renforçaient son petit air posé. Des courtes mèches noires s’échappaient de son bandeau orange et tombaient sur son visage. Indocile, sa chevelure aux reflets azurés – visiblement une teinture – lui donnait un charme enjôleur contrastant avec son apparence faussement juvénile.

Levy était admirable.

Son regard avait dû être beaucoup trop insistant, parce que sa voisine arrêta un bref instant d’écrire – chose qui était rare chez la jeune femme. Elle lui jeta un coup d’œil, et Juvia se détourna aussitôt, faussement captivée par le cours. Elle crut entendre un soupir.

C’était la fin.

La photographe ferma les yeux de dépit. Elle avait tout raté, Levy devait maintenant la prendre pour une folle, antipathique et asociale – ce qu’elle était un peu, au fond. Une soudaine envie de pleurer valsa au bord de ses yeux. Elle cilla plusieurs fois, se concentra sur sa respiration, retint les larmes de déception qui ne demandaient qu’à dévaler ses joues.

Soudain, quelque chose frôla ses doigts. Elle porta aussitôt son regard dessus, l’espoir au bord des lèvres.

Encore un bout de papier.

L’étudiante dévoua automatiquement toute son attention à Levy. Cette dernière avait repris sa prise de notes et ne lui accordait plus le moindre intérêt.

Cette fois-ci, la feuille n’avait pas été pliée, et l’asociale se pencha discrètement pour lire les mots.

Bonjour à nouveau !

L.M

Juvia haleta.

Elle crut percevoir un sourire étirer les lèvres de la jeune femme à ses côtés durant quelques secondes.

La bleue sourit doucement, hésitante quant à l’attitude à avoir. Devait-elle lui répondre, sur cette même feuille ? Lui parler à haute voix ? S’excuser ? Elle se réprimanda intérieurement, la voix de Gajeel résonna dans sa tête.

Qu’attendait-elle ?

Aussitôt, elle s’empressa de prendre un stylo, et répondit en dessous des lettres noires.

Bonjour aussi.

Juvia ne prit pas la peine de signer, craignant que quelqu’un d’autre tombe dessus. Elle se demanda brièvement si sa camarade accepterait d’être vue en sa compagnie. La jeune femme se fit la réflexion de cacher cette feuille dans son album, une fois le cours fini. C’était un précieux souvenir de cet incroyable moment.

Silencieusement, elle fit glisser sa réponse, simple et concise, vers Levy. Le mot traînait hasardeusement entre elles. La paria solitaire regarda ailleurs, attendant impatiemment le prochain message.

Pour faire passer le temps, Juvia feuilleta son album en écoutant d’une oreille distraite la psalmodie rébarbative de madame Green. Son regard caressa les dernières photos prises du serveur, et une lueur de désir pétilla au fond de ses prunelles. L’adoratrice de thé noir mordilla le bout de son stylo tandis qu’elle admirait la nudité de son aimé.

Finalement, la bleue perçut un mouvement à sa gauche, et délaissa immédiatement l’album ouvert.

Qui est le brun sur la photo ?

Juvia fit les gros yeux face à ces lettres. Quelle réponse devait-elle lui donner ? La bleue fixa les photos de son brun préféré, la jalousie flambant son regard protecteur. Ses orbes voguèrent sur les deux pages de son l’album, et accrochèrent une photo de son meilleur ami qui était également présente.

Lequel des deux ?

La photographe se sentait mal à l’aise. Possessive. Cet homme était à elle, il était son modèle. Personne d’autre n’avait le droit de le regarder et de s’extasier devant sa perfection. Même Levy. Surtout pas Levy.

La gratte.

Une gratte ? Que… Juvia cilla plusieurs fois devant le mot. Elle fronça les sourcils. Etait-ce une sorte de code qu’utilisaient les amis entre eux ? Gajeel n’avait jamais utilisé cette expression auparavant. La peur de marquer une fin à leur conversation à cause de son ignorance agrippa le cœur de la bleue. Son manque de réponse avait dû attirer l’attention de Levy parce que cette dernière tapota, du bout de son stylo, une photo de son album.

La littéraire indiquait l’unique cliché de Gajeel présent sur la page ouverte, où son ami était en train de jouer de son instrument préféré. Le soulagement flotta dans son cœur.

Juvia se souvint d’avoir profité de son inattention, un soir d’été où la chaleur étouffante les avait forcés à se réfugier dans un endroit frais. Le dépôt abandonné à proximité de sa demeure avait été l’endroit idéal, et la bleutée avait sournoisement pris ce cliché malgré le refus du barman. Bien que ses nombreux piercings tendissent à effrayer Juvia, quelque chose d’extraordinaire se dégageait de son allure – telle une aura rassurante, protectrice. Elle s’était sentie particulièrement calme cette nuit-là. En regardant l’image, elle pouvait encore sentir les vibrations que lui avait procuré chaque note, tandis que Gajeel pinçait les cordes entre ses doigts rugueux.

La bleue essaya de se souvenir de l’air que jouait son sauveur, mais la complexité des notes était difficile à se remémorer pour elle.

Revenant sur terre, la jeune femme décida de profiter de l’occasion pour détourner le sujet du mot incompris. Elle griffonna à plusieurs reprises sur la page.

Un ami.

Juvia s'empressa de barrer sa réponse.

Quelqu’un.

Elle fronça les sourcils. La paria insatisfaite rectifia de nouveau son message qu'elle barbouilla d'encre. Elle vota pour un simple nom.

Gajeel Redfox.

La bleue réfléchit à vive allure. Se pourrait-il que Levy fusse intéressée par le barman ? Elle ne put s’empêcher de sourire en pensant à la tête bougonne de Gajeel si elle lui présentait sa nouvelle amie. Il était bien plus âgé qu’elles. La photographe reprit rapidement le papier avant que la plus jeune ne puisse le lire, rajouta une note, puis elle attendit.

Il n’est pas à l’aise avec les belles jeunes femmes…   

Défi relevé ! (jolie, la jupe Versace)

Juvia avait depuis longtemps remarqué le comportement de Gajeel lorsqu’il était en présence de belles femmes – souvent, il se chamaillait puérilement avec Mirajane Strauss. Non pas qu’il ne les aimait pas, Juvia avait émis cette hypothèse avant de la laisser tomber, mais son ami, d’humeur habituellement grognonne, n’était à l’aise qu’avec elle. Probablement parce qu’elle n’était pas très jolie, et qu’il n’y avait aucune chance de vouloir le séduire. Son cœur était déjà occupé.

Après tout, c’était son meilleur ami et les amis ne faisaient pas ça entre eux. La bleue ne préférait même pas y penser, l’idée lui donnait de désagréables frissons dans le dos.

Elle gribouilla un « merci » en réponse au commentaire de Levy. C’était bien la première fois que quelqu’un complimentait ses goûts vestimentaires. Un sourire se dessina sur ses lèvres, et la bleutée baissa la tête pour le cacher au professeur. Rire du cours de Madame Green était la pire idée à avoir au monde, et elle ne voulait en aucun cas rencontrer son regard pétrifiant de nouveau.

Leur échange se poursuivit pendant tout le reste du cours – qui fut ignoré en partie par Levy, sa prise de notes perturbée par la paria. Elle ne semblait en être dérangée pour autant, et continuait de lui répondre à chaque fois. Juvia sentait son cœur sautiller de joie dans sa poitrine, tandis que la feuille blanche se noircissait au fur et à mesure de leur conversation manuscrite.

Les deux artistes discutèrent du barman pendant un bref moment, durant lequel Juvia se plut à le charrier à propos de ses effrayants piercings. Levy se contenta d’esquisser un sourire amusé, puis changea de sujet en s’intéressant aux goûts de la bleue, qui lui parla de ses prouesses en photo avec une certaine réserve – elle ne voulait pas effrayer sa potentielle nouvelle amie avec sa pathétique vie amoureuse.

Levy lui parla de ses livres préférés, des musiques qu’elle aimait écouter et de sa passion pour la peinture et les beaux arts. C’est ainsi que la bleutée apprit que Levy avait obtenu une bourse pour cette prestigieuse école. Juvia comprenait mieux pourquoi elle était si différente des autres élèves. Son intérêt pour l’étudiante aux lunettes rouges n’était pas le fruit du hasard. Sa camarade avait toujours eu une aura sympathique autour d’elle, comme une petite lumière qui avait tout de suite attiré l’attention de la photographe.

Les deux étudiantes avaient même convenu de déjeuner ensemble et c’était la seconde fois, depuis Gajeel, qu’elle ressentait un tel bonheur se répandre en elle.

Lorsque la sonnerie retentit, dans sa précipitation de quitter le cours, Juvia perdit de vue sa camarade.

Elle se força à rester calme. Ce n’était qu’une fin de cours comme une autre. Les élèves la bousculeraient sans gêne, et la solitaire en bleu attendrait patiemment dans son coin de pouvoir sortir indemne. Son regard ne pouvait s’empêcher de chercher la petite en rouge-orangé. Elle se concentra sur le mouvement des étudiants. La troupe quittait peu à peu l’amphithéâtre, dans un bourdonnement incessant.

Levy n’était nulle part.

L’abandonnée suivit les derniers élèves à partir, évitant ainsi de s’attarder en la présence de son professeur.

Le trajet jusqu’au restaurant universitaire lui sembla durer une éternité. Jamais ses pas n’avaient été aussi pressés à rejoindre cet endroit, pourtant source de ses malheurs. Sa solitude avait toujours attiré les regards moqueurs, les piques de ses camarades et leurs médisances. Ça faisait un bon moment qu’elle refusait d’y retourner, préférant déjeuner ailleurs, se priver de nourriture au détriment de son estomac contrarié, ou séchant le reste des cours de la journée.

La dernière option n’était pas valable ce jour-là, étant donné qu’elle avait un cours de photographie après le déjeuner. Mais Levy n’avait pas cet enseignement au programme, et Juvia ne reverrait la jeune artiste qu’aux cours en communs, à savoir les enseignements théoriques, les cours de langues, et l’atelier de pratiques artistiques.

Son attention capta soudainement le corail, se mouvant sous un rayon de lumière. Juvia s’arrêta devant l’entrée, n’osant franchir le seuil. Plus loin, Levy s’était déjà attablée avec un plateau repas, seule, regardant autour d’elle comme si elle attendait quelqu’un.

Juvia.

Elle inspira deux fois, expira trois fois, fit un pas en avant.

Le brouhaha agressa tout de suite ses oreilles. Les voix venaient de tous les côtés, l’emprisonnaient, la pétrifiaient sur place. Chaque bruit ébranla son être, un tremblement involontaire secoua ses mains lorsqu’elle rencontra les regards intrigués d’un groupe de femmes. Deux étudiantes la pointèrent ouvertement du doigt, la crainte déformait dédaigneusement leurs traits. Elles chuchotèrent quelques choses que la bleutée n’entendit pas, puis se mirent à glousser. Exécrables.

Pourquoi agissaient-elles ainsi ? Juvia n’était pas contagieuse. Elle ne les connaissait même pas. Comment pouvaient-elles se permettre de se comporter comme ça à son égard ? Un jeune homme la bouscula sans prendre la peine de s’excuser, puis s’essuya dignement le bras avec un mouchoir en papier. Dégoûté par le toucher accidentel. Une élève l’observa anxieusement, puis plaça avec empressement son sac de cours sur la chaise anciennement libre près d’elle.

Les mots pluie et poisse parvinrent à son ouïe.

Seule, au milieu de tous ces gens, l’envie de fuir écorcha ses entrailles. Elle se sentait sale, anormale. La sensation de ne pas être à sa place n’avait aucunement manqué à la jeune femme. Elle baissa la tête, resserra son étreinte autour de son album. Ses oreilles bourdonnèrent.

Ne pas se laisser engloutir.

Ils n’étaient rien. Des idiots de bourgeois. Aveugles. Antipathiques. Leur avis ne comptait pas. Ils ne comptaient pas. Elle valait mieux que ça. Ils n’étaient rien…

— Juvia-chan ! entendit-elle soudainement à travers le bruit.

Levy lui faisait un signe de la main, un grand sourire accroché aux lèvres. Son regard pétillait littéralement tandis qu’elle l’invitait à la rejoindre.

Juvia-chan.

Elle respira.

*

Le déjeuner se passa sans incident, contrairement à l’appréhension de la bleutée. Pendant un instant, elle se demanda si les regards effrayés, moqueurs et dédaigneux qu’on lui adressait depuis son arrivée, n’étaient que le fruit de son imagination. Sa paranoïa excessive. Ils ne lui accordaient aucune attention depuis que Levy l’avait interpellée. Etait-ce grâce à elle ?

Son ange gardien, comme elle se plaisait à l’appeler. Juvia ne faisait même plus attention aux autres élèves. Uniquement à Levy.

A la fin du cours, Juvia avait planqué leur échange dans une poche de son album, et fut finalement contrainte d’adresser la parole à Levy. Les premiers mots furent laborieux à formuler, une peur incertaine jouait au creux de sa poitrine.

Toutefois, le sourire de Levy avait fini par la détendre. Sa camarade de classe, plus petite qu’elle de quelques centimètres, lui permettait de parler avec une facilité déconcertante. Les réponses de la bleutée venaient parfois d’elles-mêmes, naturellement, et sans hésitation.

McGarden avait un sourire contagieux. Contrairement à leur première rencontre de la matinée, Juvia n’arrivait plus à s’arrêter de sourire dès que son regard se posait sur sa nouvelle amie – tout le temps.

La photographe ne comprenait cependant pas pourquoi la jeune peintre s’intéressait tout à coup à elle. Après tout, ce n’était qu’un stylo égaré que la bleutée avait rendu à sa propriétaire. Il n’y avait aucune raison pour Levy de l’accepter et de se rapprocher d’elle. Si soudainement. La plus jeune n’avait pourtant jamais essayé de lui parler. Elle s’était toujours contentée d’être là, sans l’approcher, ni s’éloigner.

La bleue n’osa poser la question, de peur de casser la magie du moment. Pourquoi demander ? Profiter de cet instant était une priorité.

— Sommes-nous amies, maintenant ?

Juvia se mordit l’intérieur des joues. C’était bien pire que la précédente question qu’elle s’était empêchée de poser. Pourquoi avait-elle ouvert la bouche ?

Levy fronça les sourcils, intriguée. Elle rit en reposant ses baguettes.

— N’es-tu pas d’accord avec ça ?

— Si ! s’empressa de répondre la bleue.

Silence.

Puis, la plus jeune se remit à rire. Se moquait-elle de Juvia ? Cette dernière ne savait comment réagir devant cette hilarité soudaine. Elle réfléchit un instant, puis se contenta de la regarder, complètement perdue.

Levy reprit son souffle, sans s’arrêter de sourire.

— Excuse-moi. Je veux réellement être ton amie, tu sais ?

Juvia acquiesça avant de s’emparer de ses baguettes. Elle porta quelques grains de riz à sa bouche, la sauce de soja sucrée cajola son palais. Un silence confortable s’installa, que Levy décida de briser :

— Que fais-tu après le déjeuner ? Il est bientôt l’heure.

— Photographie, dit-elle du bout des lèvres.

— Nous pourrions nous rencontrer après en atelier ! As-tu quelque chose de prévu pour ce week-end ?

— J-Juvia n’a rien de prévu à part ses devoirs…

— Et est-ce que Juvia accepterait de sortir s’amuser un peu ? demanda la peintre, taquine.

La concernée, bien que surprise par la question, sourit en considérant l’idée de partager un bon moment avec sa nouvelle amie.

— Juvia n’a rien contre ça. Levy connait-elle un endroit intéressant ?

Levy lui jeta un regard insistant. La bleue sentit ses pommettes chauffer. Encore cette étrange habitude qu’elle avait gardée de son enfance. Parler d’elle-même à la troisième personne. Elle resurgissait parfois, lorsque la solitaire bleue ne faisait plus attention à ses mots. Sa camarade ne s’en formalisa plus, et continua :

— A vrai dire, c’est toi qui le connais. J’ai aperçu quelques photos d’un certain café au détour des pages de ton album.

Juvia s’étonna que Levy fasse attention à son précieux recueil photographique. Lui jetait-elle des coups d’œil durant le cours de littérature, lorsque la bleutée s’ennuyait au point de feuilleter inlassablement son album ? Elle rencontra le regard de la jeune étudiante. L’interrogation inondait la marée verte de ses prunelles.

— J-Je ne sais pas si je pourrais y aller aujourd’hui…

— Pourquoi pas ce samedi ? J’aimerais visiter ce fameux Redfox, tu sembles y passer beaucoup de temps.

L’amoureuse de l’Earl Grey ouvrit la bouche, s’apprêtant à s’expliquer. Mais les mots restèrent résolument coincés dans sa gorge. Comment expliquer une telle situation ? Levy était une amie maintenant, et Juvia ne pouvait se permettre de tout gâcher avec ses histoires biscornues.

— D’accord, se résigna-t-elle. Nous pourrions y faire un tour.

— Parfait ! On se voit en atelier alors ?

Levy ramassait déjà ses affaires. La bleue jeta un regard à sa montre, la sonnerie retentit au même instant. Se pressant de ranger son plateau repas et de prendre son album, elle emboîta le pas de Levy qui se dirigeait vers la sortie. Juvia évita de regarder les autres étudiants, ses yeux fixèrent obstinément le dos de son ange gardien.

Deux couloirs plus loin, les deux nouvelles amies se séparèrent. Juvia répondit maladroitement au signe de la main que lui adressa Levy, avant d’emprunter les escaliers menant à l’étage supérieur, au département numérique.

*

Juvia fulminait.

Elle s’était empressée de rejoindre le professeur de photographie, ainsi que la vingtaine d’étudiants présents dans sa classe. L’enseignant, Jason Howard, leur avait donné rendez-vous dans le laboratoire photographique, afin d’avancer sur le cours précédent concernant le développement.

Néanmoins, à peine avait-elle mis un pas à l’intérieur de la salle que monsieur Howard, ou Jason comme il les priait de l’appeler, l’avait tout de suite interpellée.

L’étudiante avait toujours pensé que son attitude détendue vis-à-vis des élèves relevait de manies typiquement américaines. Ses cheveux blonds, son accent, ses lunettes noires qu’il ne pouvait s’empêcher de remonter sur le haut de son crâne. Il avait le profil type de tout ce qui énervait Juvia, mais étrangement, elle s’entendait assez bien avec lui.

Il restait un très bon professeur, malgré son caractère excentrique. La bleutée s’était toujours émerveillée face à son talent, sur les rares photos qu’il daignait leur montrer. Il avait ainsi gagné son respect.

Ce n’était donc pas son enseignant qui avait irrité Juvia.

Monsieur Howard avait exprimé son mécontentement quant au dernier travail rendu par la bleutée. Non pas qu’elle s’était trompée au niveau du cadrage, ni sur le plan des proportions, et encore moins celui des couleurs. Non, le seul problème, était un petit guignol qui ne s’était pas présenté à la séance.

Son travail avait consisté en quelque chose de plutôt simple. Il lui avait été demandé de faire un calendrier photo, avec comme modèle l’équipe entière de Hockey sur glace de la ville. La femme aux cheveux bleus ne s’était jamais intéressée à ce sport – elle n’était en rien une grande sportive, et le Hockey était son dernier soucis sur terre. L’étudiante en photographie avait pourtant pris soin de mener à bien sa mission.

Prendre en photo l’équipe entière, puis faire une photo de chaque joueur seul.

Juvia pesta à voix basse.

Pourquoi les joueurs ne lui avaient pas signalé cette absence ? C’était leur capitaine. De plus, qui était cet idiot qui avait prétendu être leur chef sur le moment ? Et comment était-elle censée savoir que l’équipe comportait, non pas dix-neuf, mais vingt joueurs en tout ? Pourquoi son professeur avait agi comme si c’était de sa faute ? Elle n’avait jamais assisté à un seul match de Hockey de toute sa vie.

Juvia marcha le long d’une ruelle, avant de bifurquer à sa droite. Tandis qu’elle remontait l’avenue, son regard intercepta quelques vitrines où certains vêtements, ornant avec goût les mannequins blancs, attirèrent brièvement son attention. Elle ne prit pas le temps de s’attarder dessus. Ses pas rapides parcouraient furieusement la distance la séparant de la patinoire de ce sport, dont elle ignorait tout.

Magasins, cafés, bijouteries, restaurants. Le boulevard était parsemé de boutiques de chaque côté de la route, où les voitures s’entassaient en une longue file devant le feu rouge. Klaxons, crissements. Les moteurs vrombissaient hargneusement dans le ventre des carrosseries. Au passage d’une vieille bécane, un nuage de pollution la fit tousser. Sa main couvrant délicatement sa bouche, la bleutée plissa les yeux.

Le feu écarlate s’alluma, les voitures ralentirent dans un même mouvement. En bons soldats.

Juvia en profita pour traverser, évitant les regards indiscrets des conducteurs attendant devant le passage piéton. Elle arriva de l’autre côté, et se réfugia sur le trottoir lorsque le feu repassa au vert. La piétonne reprit sa marche.

Plusieurs arbres avaient été plantés par ici, leurs feuillages verdoyants décoraient l’avenue. Certains avaient même donné naissance à quelques agrumes dont Juvia suspectait fortement la comestibilité. Le vent jouait entre les branches, faisait danser les feuilles dans un chuintement harmonieux. La complainte rythmait ses pas, tandis que son mécontentement la quittait peu à peu.

La patinoire, spécialement aménagée pour le sport sur glace, se trouvait bien plus loin. Juvia n’avait eu à s’y rendre qu’une seule fois, et elle avait longuement espéré que ce serait la dernière. La fraîcheur de l’endroit, bien qu’elle fût agréable durant les premières minutes, avait très rapidement transformé la séance en calvaire pour la jeune femme. Elle, qui n’avait pensé à se couvrir plus chaudement avant d’y aller, s’était vue obligée de travailler habillée d’une simple robe.

Sans parler des joueurs qui se montraient très peu enclins à coopérer. Ses directives frôlaient à peine leur ouïe, et ils n’en avaient fait qu’à leurs têtes. Ça lui avait pris un bon moment avant d’avoir la photo parfaite. Il n’était pas question de devoir travailler de nouveau avec eux, ils étaient bien trop frivoles pour jouer aux modèles amateurs. Quant au joueur manquant, elle se débrouillerait pour l’ajouter sur la photo prise, grâce à un outil de montage sur son ordinateur.

Juvia détestait truquer ainsi ses photos, mais elle ne pouvait que s’y résigner.

Elle jeta un coup d’œil au ciel nuageux, son courroux menaçait les citadins telle une épée de Damoclès. Il faisait pourtant beau, à son réveil ! La bleutée pria pour qu’il ne se mît pas à pleuvoir. Elle n’avait aucunement envie de devoir marcher sous l’averse, d’autant plus qu’elle avait encore oublié son parapluie. Tout ce que la bleue avait sur elle était son précieux album – dont les pochettes lui servaient souvent de porte-monnaie – et son appareil photo, comme toujours.

Un bruit troubla ses réflexions, tandis qu’elle ressentait de légères vibrations contre sa cuisse droite.

Son portable sonnait.

La jeune photographe s’arrêta un instant, plongea sa main dans sa poche, et en ressortit le dit objet vibrant et chantant une litanie désagréable.

Le numéro qui s’affichait sur le petit écran lui était inconnu.

Lyon Vastia.

Sa colère revint tout de suite à la charge. Elle maudit sa mère pour s’être permis de donner son numéro à cet homme. Il osait réellement l’appeler, alors qu’ils s’étaient à peine vus au manoir. N’avait-elle pas été assez claire quant à son dégoût envers sa personne ? Elle ne voulait pas de ce stupide mariage. Pourquoi l’appelait-il, après tout ? Allait-il la courtiser de nouveau, l’inviter à dîner et à faire plus ample connaissance ?

La bleue resserra sa prise autour du téléphone, tandis que ce dernier continuait à jouer de sa musique. Elle était fortement tentée de lui raccrocher au nez.

Cependant, Juvia sentait que Vastia n’allait pas lâcher aussi facilement prise. Elle se devait de lui exprimer clairement son refus.

La jeune femme décrocha, et sans lui laisser le temps de parler, elle se mit à vociférer :

— N’avez-vous pas compris que je ne veux pas de vous ?! Je refuse de me marier à un stupide crétin qui se contente pleinement de se vautrer dans son luxe ! Je ne veux pas me marier à mon âge ! Et encore moins à vous, vous n’êtes qu’un pervers dégoûtant !

Le ton de sa voix s’élevait tandis qu’elle perdait son calme. L’injustice lui nouait la gorge, mais l’étudiante cracha ses mots avec toute la véhémence dont elle pouvait faire preuve. Elle imaginait l’énervante tête argentée de l’homme au bout du fil, ses yeux bleus jetèrent des éclairs dans le vide. Certains passants lui adressèrent des regards craintifs, et une mère éloigna ses deux enfants de la furie bleue.

Juvia les ignora.

Qu’ils aillent tous au diable…

Elle reprit sa respiration, attendant la réponse de son interlocuteur qui tardait à venir. Pourquoi attendait-elle ? Elle devrait raccrocher sans lui laisser le temps de répondre. Enfin, après un long moment de silence où Juvia hésitait à appuyer sur le bouton rouge, elle entendit une voix masculine.

Merde… C’est qui cette barjot ? Je… bien au zér… huit… de… neuf… ?

Elle sursauta quand un brusque éclat s’échappa du téléphone.

Fichues interférences.

Juvia grimaça et éloigna l’engin de son oreille le temps que les sons agressifs s’arrêtent.

Allô ? entendit-elle de nouveau.

La révoltée fronça les sourcils. Avait-il un problème de réseau et devait-elle répéter son speech depuis le départ ? Ça décrédibilisait toute sa colère.

— Est-ce bien Julia...

La voix hésita.

— … Luvia Lockser ?

La bleutée serra les dents, cilla à plusieurs reprises. Etait-ce un canular ? Elle n’avait pas le temps pour ça.

— C'est Ju-vi-a, dit-elle d’une voix froide. Cinq lettres, trois syllabes. Difficiles à retenir pour votre petite cervelle ?

Je-t’em-merde, rétorqua-t-il, l’apathie débordant de sa voix. Tu peux passer au café ?

Le café ? Elle haleta, prêtant soudainement toute son attention à la voix au bout du fil. Pourquoi ce Lyon Vastia soudainement bien vulgaire lui parlait du café ?

— Qu... P-pourquoi faire ?

T'es partie sans payer l’autre fois.

La jeune femme sentit une chaleur incontrôlable lui brûler les joues. Elle se traita intérieurement de stupide pour ne pas avoir tout de suite reconnu la voix du serveur.

Elle était particulière et avait cette facilité à jouer avec son cœur. Sa voix masculine, grave et rauque débordait de sensualité aux oreilles de Juvia. L’érotisme qui s’en dégageait lui arrachait parfois des frissons de plaisir, et faisait vibrer son âme. L’entendre lui parler au téléphone était tellement excitant, exaltant…

L’admiratrice du brun emprisonna un gémissement de plaisir derrière la barrière de ses lèvres.

Juvia se rappela soudainement à l’ordre, se souvenant de l’endroit où elle se trouvait, et essaya de se redonner contenance. Détendant sa posture, elle demanda aussi placidement qu’elle le pouvait :

— Pourquoi votre supérieur ne m'a pas appelée ?

Ses doigts jouèrent un instant avec les boucles de ses cheveux, puis elle posa sa main libre sur sa hanche, prenant une pose voulue nonchalante. Au passage, ses yeux captèrent son reflet dans la vitre du magasin le plus proche.

Ridicule fût le premier mot qui lui passa par la tête devant cette vision. Cessant tout de suite son manège, elle se raidit, puis cacha sa main dont elle ne savait quoi faire dans la profondeur de sa poche.

— …'sais pas. Il est occupé et m'a chargé de ça.

Gajeel devait l’avoir fait exprès. Juvia se promit de lui en toucher un mot. Il n’avait pas le droit, et d’ailleurs il avait promis de ne pas se mêler de ça !

Alors ?

Avait-elle raté quelque chose ? La panique gagnait peu à peu son cœur.

— Alors quoi ? se permit-elle, incertaine.

Viens au café.

Un délicieux frisson la parcourut à l’entente de l’ordre. La femme au cœur épris se maudit d'avoir été en cours ce jour-là. Si elle avait séché, elle aurait eu tout le temps de rejoindre son bien-aimé.

— Non, je ne peux pas. Je suis actuellement en train de... d'étudier.

Le bruit d'une sirène d'ambulance surgit de nulle part, faisant tressauter la bleue.

Sympa le fond sonore… Tu étudies le mode de vie du bas peuple dans ta fourgonnette ?

Juvia, sur la défensive, voulut rétorquer, mais les mots se firent rares sur le bout de sa langue. Elle demeura silencieuse.

Ça expliquerait pas mal ton squattement au Redfox, la railla-t-il.

— Ce mot n’existe pas, le reprit-elle machinalement.

J’en ai rien à carrer.

— Et pour votre gouverne, sachez que je suis photographe, se défendit-elle, retrouvant quelque peu sa verve. Je suis en ce moment même en train de me rendre à la patinoire de Magnolia pour une séance.

A cause de l'imbécile absent qu'elle devait prendre en photo, plutôt que d'être en ce moment au café, en tête à tête avec son serveur préféré qui l'attendait.

Je le sais bien ça, que tu es photographe, annonça-t-il et Juvia devina son sourire moqueur.

Les battements de son cœur s’accélérèrent. Qu’était-il en train de sous-entendre ? Faisait-il allusion aux photos qu’elle prenait de lui ? La voyeuse se souvint du vestiaire et du sourire sur la photo.

Tu dis plus rien ?

— D-de quoi ? J-je… n’importe quoi…

La bleutée s’emmêlait les pinceaux et n’arrivait pas à formuler une réponse cohérente. Elle s’humecta les lèvres, tremblante. Ses yeux regardaient partout autour d’elle, comme pour y trouver une échappatoire.

Peu importe, dit-il. Attends-moi dans les gradins, j'ai bientôt fini mon service.

— Pourquoi venez-vous à la patinoire ? demanda-t-elle aussitôt, éberluée.

Allait-il réellement se déplacer uniquement pour quelques malheureux yens ? Le prix d’un simple thé. Gajeel n’était pas désespéré au point de convoiter jusqu’à la plus modique somme d’argent. C’était ridicule, et Juvia s’apprêta à refuser sa proposition.

Cependant, il ouvrit la bouche, et sa voix enrouée parvint à l’ouïe de la bleutée. Elle faillit lâcher le téléphone.

Parce que c'est moi, ton modèle manquant.

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