Beauty and The Hound / La Belle et le Limier

Chapitre 1

1764 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:50

            Le froid s'engouffrait sous mon manteau de peaux. C'était chose sûre maintenant, l'hiver arrivait bel et bien. Et malgré cela, le paysage du Conflans demeurait magnifique. J'avais grandi ici, autant dire qu'en dix-sept années j'avais pu en découvrir des choses. Je vivais seule avec mon père, dans une petite ferme à l'écart des grandes villes. Il élevait des chevaux, qu'il revendait aux Familles alentours, de Vivesaigues aux Eyriés. Nous n'étions ni pauvres, ni riches, disons que nous vivions simplement. Nous appartenions à la Maison Guède, vassale de la Maison Whent, elle-même vassale de la Maison Tully. Tant de noms différents… Je me sentais bien à l'écart de cela malgré moi.

            Je flattai l'encolure de Khor, mon étalon noir, constatant que la relevée de mes pièges ne m'offrira que deux lapins et un pauvre écureuil. Il était temps de rentrer, le soleil se couvrait lentement de teintes roses et orangées. J'aurai pu le contempler pendant des heures, si mon père ne m'attendait pas pour préparer le souper. Je laissai Khor emprunter le chemin qu'il désirait pour rentrer, m'affairant au dépeçage de mes trophées avec mon couteau de chasse. Les rongeurs étaient vraiment maigres, même eux n'avaient plus rien à manger… Je rejetai ma longue chevelure châtain derrière moi, embêtée par le vent qui se levait, cinglant mes jambes à travers le tissu en lin. Il faisait vraiment froid. J'attrapai les tripes du premier lapin avant de les sentir et de les jeter à terre. Il n'avait pas l'air malade, je pourrai le cuisiner en rentrant.

            Khor s'arrêta soudainement, sur la défensive, avant de hennir doucement et de reculer de quelques pas. Je relevai la tête en fronçant les sourcils et m'agrippai de justesse à ses rênes quand il se rua. Il galopa sur quelques mètres, faisant voler mes rongeurs, et se stoppa brusquement, paniqué, regardant tout autour de lui. Je descendis pour le calmer, lui caressant les naseaux en chuchotant des mots doucement. Qu'est-ce qui avait bien pu l'affoler ? Je le laissai reprendre ses esprits et partis à la recherche de mes dépouilles animales. J'attrapai mon écureuil quand j'entendis un souffle rauque près de moi. Je fronçai les sourcils, tenant fermement mon couteau. Une bête était en train de souffrir, c'était ça qui avait effrayé Khor.

            Je m'approchai lentement vers le bruit, à l'affut de tout piège. Il fallait se méfier par les temps qui couraient. Mon cœur loupa alors un battement. En contrebas, contre un rocher, était allongé un homme couvert de boue et de sang. Je me précipitai vers lui en lâchant mon couteau, et m'agenouillai une fois à ses côtés. Au vu de son armure, il s'agissait d'un soldat, ou quelqu'un du genre. La Maison Guède abritait plusieurs chevaliers fieffés, mais jamais je n'avais vu cet homme. Je posai une main sur son front, le faisant ouvrir les yeux, et n'eus pas le temps de réagir qu'il serra fermement ma gorge d'une main puissante.

            Je suffoquais, essayant de le faire lâcher prise, en vain. Malgré ses blessures, il avait une force incroyable. Je raclais le sol avec mes pieds, le priant de me laisser du regard. Ma vision se brouillait et je pus enfin respirer quand il desserra son étreinte. Je toussai, me massant la gorge, les jambes flageolantes, et m'éloignai de quelques mètres pour récupérer mon couteau et être plus prudente. "Qui êtes-vous ?!" demandai-je d'une voix forte et autoritaire, qui ne me correspondait pas du tout en ce moment. J'étais terrifiée. Je n'obtins aucune réponse et après quelques minutes je décidai de lui refaire face. Il avait le visage éreinté, et du sang continuait de couler à travers son armure. Il allait mourir si je le laissais là. Je vérifiai qu'il ne possédait pas d'autre arme que ses mains et sifflai pour faire venir Khor.

            "Je vais vous aider, mais vous devez vous lever, jamais je ne réussirai à vous porter. Mon père vit près d'ici, nous pourrons vous soigner. Mais prenez garde. Un geste agressif de votre part et je vous les coupe si ce n'est pas déjà fait.". Je pointai la lame de mon couteau vers son entrejambe, en guise d'avertissement. Il était vraiment très grand, et très imposant. De longs cheveux bruns lui recouvraient le visage en partie, et une barbe de trois jours lui cachait de multiples cicatrices. Il acquiesça à la proposition et tendit un bras faible vers moi. Je l'attrapai et le passai autour de mon cou afin qu'il puisse prendre appui sur mes épaules. Dieu qu'il était lourd ! Mes jambes flanchèrent aussitôt et il tomba à genoux, tanguant dangereusement vers l'avant. Je le rattrapai de justesse, évitant que son visage ne rencontre une flaque de boue, et lui tendis la bride de Khor. Il parvint à se relever avec mon aide et celle de l'étalon. Le faire monter fut un véritable supplice, pour lui comme pour moi. Il souffrait à vu d'œil et je n'espérais qu'une chose, qu'il ne meurt pas entre mes mains.

            Nous avions déjà soigné énormément de gens, mon père et moi, et certains n'avaient pas pu survivre. C'était une déchirure à chaque fois… Nous ne faisions pas de différence. Peu importe les Maisons, peu importe les raisons de leur état, nous aidions dès que nous le pouvions. Je marchais à côté de Khor, jetant de temps à autre un œil au blessé qui peinait à se tenir droit. On traversa une parcelle de forêt, près de la Haute Route, et nous arrivions enfin. La petite maison en pierre à l'abri de tout nous contentait largement. Six chevaux attendaient patiemment dans les écuries, et lancèrent quelques hennissements à Khor. Mon père, ameuté par le bruit, sortit de la bâtisse avec un air qui passa du soulagement à l'inquiétude.

            J'arrêtai l'étalon, et aidai le blessé à descendre. "Il a besoin de soins", indiquai-je à mon père une fois ce dernier à notre hauteur. "Je l'ai trouvé sur le chemin du retour, près du Trident. On dirait un chevalier.". Il acquiesça et me dit de le suivre, ouvrant la marche en boitant, appuyé sur sa canne. Il était invalide à cause de nerfs sectionnés dans un piège à loup. Je soutins l'homme comme je pus, et le fis allonger sur mon lit une fois dans la maison.

  • Va me chercher une bassine d'eau fraiche s'il te plait Elya, demanda mon père de sa voix calme.
  • Tout de suite.

            J'attrapai un seau en bois et courus à l'extérieur de la maison, vers le puits près des écuries. Je le remplissais aussi vite que je le pouvais, distinguant à peine l'environnement avec l'obscurité de la nuit. Seules la lune et la lumière de la maison éclairaient les alentours. Je soulevai le récipient et rentrai pour le poser à côté de mon père. Il s'était assis sur une chaise, près du lit du blessé qui était devenu notre patient. "Merci. Peux-tu agrémenter le feu de quelques buches et rentrer ce pauvre Khor ? Je m'occupe de lui.". J'acquiesçai et ajoutai trois morceaux de bois dans le foyer principal.

            L'étalon attendait toujours dehors, et me suivit quand je marchai vers les écuries, habitué qu'il était. Je retirai la selle et ses rênes et lui donnai à manger. "Mon pauvre, ton dos a dû souffrir pour le ramener jusque là.". Je le gratifiai d'une caresse et repartis vers la maison. "Elya !". Mon père cria mon prénom, interrompant le silence de la nuit. Je courus jusqu'à lui, affolée, espérant qu'il ne lui soit rien arrivé. Il se tenait contre le mur, debout, loin du blessé qui était à moitié somnolant. Il tourna la tête vers moi, livide, et s'exclama :

  • As-tu perdu la tête ?
  • Que se passe-t-il ?! demandai-je sans comprendre, regardant le patient et mon père à tour de rôle.
  • Tu as ramené le Limier ici !

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