La cour des grands

Chapitre 12 : Izzir

2107 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:59

 

Izzir

 

     Cela faisait maintenant trois jours qu'Izzir était enfermé dans cette geôle. Trois jours douloureux accompagnés de l'odeur nauséabonde des excréments des anciens prisonniers et de lui-même. Trois jours qu'il était plongé dans les ténèbres de sa cellule avec ce minuscule brin de lumière qui se faufilait à travers la pièce. Izzir n'avait jamais connu pareil supplice et il sentait ses forces qui s'amenuisaient au fur et à mesure des jours. Il n'avait pas non plus connu des nuits aussi douloureuses et courtes. La fatigue avait emplie tout son être. C'était donc la matinée du troisième jour qu'il avait passé ici et un sentiment qu'il ne connaissait pas jusqu'alors lui prît son esprit. La folie le guettait. Tant bien que mal, il faisait tout pour la combattre et de ne pas se laisser avoir. Il se forçait à se remémorer des souvenirs heureux qu'il avait connu avec son défunt père que tout le monde croyait mort par sa faute pour y échapper. Il pensa alors si cet enfermement n'était pas un stratagème pour le forcer à mourir lorsqu'il recevra sa punition. Leur stratégie serait de le laisser en proie à la folie et de le faiblir le plus possible pour que leur trente coups de fouet aie raison de sa vie. C'était fort probable et avec cette pensée, Izzir remarquait alors que la peur prenait aussi de la place dans son esprit. Il entendait déjà le garde ou plutôt le bourreau le marteler de son fouet.

 

     C'était aujourd'hui que cela devait se produire. Le bourreau avait certainement déjà préparé son fouet et une foule avait déjà dû s'empresser de prendre les premières places pour voir de leurs propres yeux le "traître". Il se souvînt alors des dernières paroles que Mitor lui avait adressé l'autre soir où il l'encourageait à résister. Cela lui donna un peu de force mais pas assez pour que le courage d'affronter sa punition puisse arriver. Maintenant, il ne devait qu'attendre. Son corps devait être maintenant aussi faible qu'un autre esclave qui aurait été mal nourri et maltraité par son maître et il eût pitié pour ses congénères, lui qui a toujours été en meilleur santé qu'eux. Mitor lui avait dit que, grâce aux soins apportés par Vezel, il serait apte à résister au fouet mais il était aujourd'hui tout aussi faible que lui, voir même plus.

 

     Il entendit alors des pas qui s'approchaient dans le couloir et une clé s'engouffra dans la serrure de la porte de sa geôle. Deux gardes entrèrent et, sans un mot, le prirent chacun par un bras, accompagné d'un léger sourire se dessinant sur leur lèvres. Ses pieds traînaient sur le sol et les mains des gardes serrèrent si fort ses bras que son sang avait du mal à arriver jusqu'à ses poignets. Il traversa alors la porte d'entrée de la prison et fut ébloui par la lumière du soleil. Il mit quelques minutes à se réadapter à la lumière naturelle et sentait pendant ce temps son corps affaiblis traverser les rues de Lys. Il entendait alors les chuchotements des passants qui disaient :

 

-C'est lui. C'est le traître.

 

-Sale traître. Je prie pour ta mort, chien.

 

     Izzir sentait qu'il n'avait plus aucune chance de rédemption auprès des habitants de la ville. Après tout, cela n'était pas son plus grand problème mais il ressentait tout de même de la tristesse à être aussi détesté, plus encore que lorsqu'il n'était qu'un simple esclave. Une dizaine de minutes avait dû passer et il gagna enfin la place qui allait être la spectatrice de son odieux jugement. Comme il l'avait prédit, des milliers de gens s'étaient rassemblés pour le voir. Un véritable festival où il voyait même des étables montées pour l'occasion et qui en profitait pour faire du bénéfice. Il était devenu l'attraction de la journée. La foule avait laissé un grand cercle autour d'un petit rondin de bois soulevés par deux petits pilliers qui n'attendait que lui. Lorsqu'il entra dans le cercle, les cris presque inaudibles des habitants se firent entendre sur toute l'île et leur signification était loin d'être aussi gentille que les chuchotements de tout à l'heure. Les deux gardes qui le portait le placèrent devant le rondin. Izzir vit alors deux chaînes de fer rouillées chacune accrochée à l'extrémité du rondin. Les gardes lui attachèrent les mains à ce rondin et le forçèrent à poser ses avant-bras dessus. Il se secoua la tête pour garder son sang-froid et ainsi, ne pas s'évanouir de peur. Il se mit à observer la foule qui ressentait plus de la joie que de la pitié à son égard. Il vit alors la silhouette de Rasar dar Rika qui arborait le visage le plus inexpréssif de la foule. Juste à côté de lui se trouvait Mitor qui, lui, était appeuré et était le seul à ressentir une pitié profonde. Izzir lui lança alors un sourire qu'il parvînt tant bien que mal à conserver et continua à scruter les alentours. Les visages des habitants étaient un mélange de colère et de bonheur. Ayant marre de leurs attitudes, il décida de lever la tête vers le ciel. Il vit alors deux silhouettes, debout sur un toit et assez loin du bord pour que leurs ombres ne touche pas la foule qui se serait apperçu de leur présence. Il plissa les yeux assez longuement pour deviner qui était ses individus. Puis, il les reconnut. Leurs visages était masqués et leurs vêtements étaient les mêmes que ceux des assassins de son maître. La colère se fit ressentir et il voulut crier pour les insulter mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il les fixa plusieurs minutes jusqu'à ce que les cris de la foule redoublèrent d'intensité. Izzir tourna la tête et vit le bourreau s'approcher de lui. Il était costaud et portait un masque de cuir ainsi qu'un simple pantalon en tissus. Son torse musculeux reluisait à la lumière du soleil et il décrocha de sa ceinture le fouet qui sera peut-être l'arme qui mettra fin à sa vie. Lorsqu'il finit de dérouler son objet de torture qu'il semblait manier avec beaucoup d'aisance, les habitants se turent et écoutèrent pour entendre les cris de supplice de leur attraction retentirent à travers la place. Le bourreau prît son élan et lança le premier coup sur le dos d'Izzir. Un seul coup et pourtant, une douleur aussi insurmontable que brûlante envenima le corps déjà faible du "traître". Izzir ne cria point mais serrait tellement fort le rondin qu'il se demandait si ce-dernier n'allait pas se briser sous sa paume. Il sentit une goutte de sang couler le long de ses côtes et, au même moment où cette goutte toucha le sol, le deuxième coup de fouet fracassa le dos d'Izzir. Le sourire de la foule se faisait sentir. On entendait les reniflements de Mitor qui ne s'empêchait de contenir ses larmes. Le silence qui régnait était aussi affreux que la douleur qu'il pouvait ressentir. Il leva la tête vers les deux hommes encapuchonnés qui admirait le spectacle comme tout le monde et était aussi immobile qu'une statue. Izzir comprit qu'il ne devait pas s'efforcer de penser à la douleur et essaya d'occuper son esprit à se remémorer les derniers mots de son maître. Il venait de se rendre compte qu'il les avait oubliés et s'insulta alors. Dans le même temps, il compta aussi ses coups pour savoir quand ce supplice allait s'arrêter.

 

     Cinq, six, sept,.... Toujours aucun son ne sortit de la bouche d'Izzir et les souvenirs des derniers mots de Vezel ne lui revinrent pas en tête.

 

     Dix, onze, douze,.... Le sang coulait de plus en plus abondamment et le sol commença à se teindre en rouge.

 

     Seize, dix-sept, dix-huit,.... Izzir lança son premier cri et il entendit la foule rire aux éclats qui se demandait bien quand ce "traître" allait finir par geindre.

 

     Vingt-et-un, vingts-deux, vingts-trois,.... Les cris d'Izzir retentissait à travers toute l'île et le souvenir commença à revenir dans son esprit, comme un murmure.

 

     Vingts-six, vingts-sept, vingts-huit,.... Le bourreau ne faiblissait pas et Izzir regardait les silhouettes des hommes masqués pour s'aider à se rappeler tandis que des larmes de douleurs coulèrent sur ses joues.

 

     Vingts-neuf,.... La voix de Vezel résonnait plus forte que jamais dans son esprit mais pas encore assez pour qu'elle soit audible. Cette-fois, il n'avait plus aucune force pour résister et allait laisser le dernier coup s'abattre sur son corps vulnérable.

 

     Trente. Du sang éclaboussa sur le torse du bourreau. Izzir vit les deux silhouettes partirent. Mitor regardait la scène avec des yeux rouges qu'il pouvait entrevoir. La voix de Vezel se fit aussi audible que possible et Izzir en transcrivit ses mots : "Regarde-moi Izzir. Tu as été un très bon fils et tu ne mérites pas d'être un esclave". Les souvenirs de l'identité de son organisation ainsi que de celle de ces hommes masqué ne lui revinrent pas en tête. La foule s'était tus. Le bourreau enroula son fouet et repartit sans avoir prononcé un seul mot ou avoir vérifié s'il était mort. Pour Izzir, la foule se faisait de plus en plus floue. Mitor comme tout le monde autour de lui disparaissait de ses yeux qui se plissait. Des applaudissements commençèrent à acclamer le bourreau et le corps immobile d'Izzir. Le son de leur cri résonnait comme un écho dans sa tête. Le sang coagulait derrière son dos. Il avait froid à présent. La voix de son maître était le seul son qui lui parvenait : "Tu as été un très bon fils...". La lumière du soleil avait alors disparu. "...un bon fils...". Les ténèbres l'engloutirent et il poussa son dernier soupir. Il avait rejoint son père.

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