La cour des grands

Chapitre 38 : Mitor

4290 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/09/2017 20:13



Mitor



Mitor était agenouillé ce matin-là, du moins il devinait que c'était le matin, dans un coin de sa geôle de pierre taillée, sur ce banc qui y avait été creusé. Les murs étaient froids mais l'atmosphère était chaude. La lumière et le son régulier du crépitement qu'émettait la torche ainsi que cette atmosphère lui faisait mal à la tête. Mais son mal de crâne n'était pas tant dû aux éléments qui l'entouraient qu'à ses pensées. Il avait dévoilé qui était son maître à l'ennemi. Il avait dénoncé Rasar à Apa dar Lijus. Il avait peine à le croire juste après qu'Apa ait quitté sa geôle. Puis, au fur et à mesure du temps, il comprit que ce qu'il avait fait était une porte de sortie pour lui, pour qu'il puisse mettre un point à cette histoire, pour qu'il puisse s'arracher de sa classe d'esclave, pour qu'il puisse être libre. Sans le long discours qu'Apa, ou Mikev, son nom original, lui avait fait sur l'aliénation, Mitor n'en serait jamais venu à ce raisonnement, à cette conclusion. Dans un sens, il lui devait sa liberté. Pour cela, il prit la décision de le remercier la prochaine fois qu'il le verrait. Il attendait même impatiemment l'arrivée de Rasar pour qu'il puisse enfin sortir et pouvoir demander à Apa de le laisser sortir du QG pour qu'il puisse faire sa vie ailleurs, hors de Lys, hors d'une cité esclavagiste. Il se voyait déjà monter clandestinement dans un bateau, comme il a déjà pu le faire, et s'enfuir là où le navire l'y emmènerait. Une cité libre ou un endroit de Westeros ou la lointaine cité de Quarth ou même un autre continent ? Peu importe. Pourvu qu'il ne retourne plus dans cette cité puante et dans lequel il gardait trop de mauvais souvenir. S'il quittait Lys, il quittait son passé d'assassin. Peut-être même que ses crises de folies resteraient sur l'île quand lui partirait. Il l'espérait profondément.


Il n'avait plus fait de crises depuis le premier jour de sa détention (c'était le cinquième aujourd'hui). Parfois, il s'efforçait de résister lorsque ses crises survenaient mais il n'y arrivait jamais. C'était comme si une part de lui devenait indépendante de son contrôle et lui ordonnait de faire une crise. Une part de lui qui contrôlait ses émotions, ses sens et son esprit. Durant ses crises, il ne voulait qu'une seule chose : Haïr du mieux possible tous ceux qui se trouvaient autour de lui. Heureusement, ses crises n'étaient pas assez puissantes pour faire haïr ces personnes proches de lui au point de les tuer ou même leur faire du mal. Il n'avait pas touché à Apa la dernière fois qu'il avait fait une crise. Cependant, et Mitor le sentait, sa folie prenait de l'ampleur au fur et à mesure des crises. Elles étaient plus soudaines, moins prévoyantes, et même plus dangereuse. Ce fut un très mince contrôle de la part de Mitor qui l'avait empêché de se jeter sur Apa. Sans cela, il lui aurait sauter dessus et l'aurait sans doute mitraillé de coups de poings. Mitor avait peur qu'un jour, sa folie n'atteigne le niveau au-dessus et qu'il se mette à attaquer, voir même à tuer, toutes personnes se trouvant dans son champ de vision. Il espérait donc que le fait qu'il se retire de toute cette histoire de Partisans et de Chasseurs lui permettrait de dire adieu à sa folie. Il était en tous cas étonné qu'en cinq jours, il n'eut aucune crise. Peut-être que le fait de dévoiler le nom de son maître fut pour lui une libération telle que son esprit avait décidé de s'enlever cette maladie.


Il commençait à avoir faim quand soudain, les portes s'ouvrirent enfin. Mitor savait que la personne qui allait passer cette porte était un homme qui ne désirait que l'assassiner le plus sauvagement possible. Et cet homme entra. Deux gardes le tenaient chacun par un bras dont les poignets étaient menottés entre eux. Ils lui enlevèrent ces menottes, le plaquèrent contre le mur et lui levèrent les bras pour les attacher aux chaînes cloués au mur. Avec une clé, le métal rouillé entoura les deux poignets du nouveau pensionnaire des geôles. Une fois s'être assuré qu'il était bien attaché au mur, ils sortirent sans à peine se rendre compte de la présence de Mitor. Celui-ci se demandait bien pourquoi on ne le libérait pas à présent qu'il avait dénoncé son maître et que ses geôliers se sont assurés qu'il avait dit la vérité. Apa ne tarderait sûrement pas à interroger son nouveau prisonnier. Il suffisait de l'attendre. Une chose est sûr. Mitor allait devoir rester quelques temps seul avec lui, avec Rasar dar Rika, son ancien maître et commanditaire de ses assassinats. Celui-ci n'avait pas encore levé la tête depuis son arrivé et n'avait donc pu remarquer la présence de son ancien esclave. Mais il ne tarderait pas à lever la tête et Mitor ne voulu faire aucun bruit pour ne pas précipiter ce moment de retrouvaille. C'est ainsi qu'il se rendit compte qu'une partie de lui avait encore peur de Rasar, de cet homme qui lui avait fait tant de mal et qui l'avait amené dans une histoire très dangereuse où sa vie avait été risqué plusieurs fois. Mitor restait donc là, agenouillé sur le banc incrusté dans la pierre, examinant le moindre mouvement de son ancien maître pouvant présager qu'il relèverait bientôt la tête. Il ne réfléchissait pas à ce qu'il pourrait bien lui dire une fois que leurs regards se recroiseraient de nouveau. Rasar allaient certainement exploser sa rage contre lui. Le traiter de parjure jusqu'à ce qu'Apa entre. Et c'est ce qu'il se passa en effet.


Quand il leva la tête après quelques minutes, il ne regardait que la porte et Mitor voyait devant lui un visage fatigué qui avait pris vingt ans d'âge depuis la dernière fois qu'il l'avait vu. Il vit quelques cicatrices encore saignantes sur son front et ses joues. Il semblait avoir de la peine à bien ouvrir ses yeux. Cependant, son regard, bien que fatigué, exprimait la colère et la haine. Lorsqu'il tourna la tête vers Mitor, il mit du temps à le reconnaître. Il devait sans doute voir flou. Mais quand sa perception reconnut le visage de son ancien esclave, c'était comme si la fatigue s'en était allé et avait laissé entièrement place à la haine. Une haine si puissante que Rasar ne pouvait contrôler. S'il n'avait pas les mains liés au mur, il se serait sans doute jeté sur Mitor et l'aurait étranglé jusqu'à ce que sa tête se sépare de son corps. Il s'agitait et Mitor cru que les chaînes allaient céder. Quand il se rendit compte à quel point les chaînes étaient solides, il enleva de son regard la peur qui avait commencé à s'installer et fixa celui de Rasar en guise de défi. Son expression exprimait dorénavant la force. Une force d'esprit que Rasar perçu et qui le calma. Non pas que son esclave lui faisait peur mais il comprit qu'il avait changé. Le Mitor qui était à son service n'aurait jamais osé le défier.


-Alors Apa a réussi à te changer, on dirait. S'exclama-t-il accompagné d'un petit rictus et d'une voix qui trahissait pourtant la colère. Il est fort. Il réussit toujours à mettre les esclaves dans sa poche. Et même quelques nobles. Mais tout cela, ce n'est que de la manipulation. Il te manipule, Mitor. Tu ne sais pas ce que tu fais. Tu as eu tort de me trahir car tu vas découvrir que j'ai raison un jour ou l'autre. Et ce jour-là, tu me supplieras de te pardonner.


Mitor n'avait quitté son regard de défi. Il ne répondit pas mais il écoutait chaque mot de son discours. Il se leva de son banc de pierre et se plaça devant Rasar, tout en restant assez loin de lui. Le sourire de Rasar s'élargit et il continua :


-Tu as encore peur de moi, Mitor. Mais tu n'as rien à craindre car je ne suis pas ton ennemi. Tu sais que la cause des Chasseurs est la plus proche de la vérité. Tu sais que j'ai raison. De plus, je suis enchaîné. Alors que c'est eux qui devraient être enfermé dans des geôles.


Il parlait sans doute des Partisans, pensa Mitor. Il décida cette fois de lui répondre.


-Je ne suis pas d'accord avec les Chasseurs.


-Ah oui ? Alors tu as rejoint le camp de ces cloportes ?


-Je ne suis pas non plus avec les Partisans. Je m'appelle Mitor, j'ai 16 ans. J'étais un esclave et un assassin à votre service. Désormais, je suis libre. Je ne prends pas partie à votre misérable guerre, ni à aucune autre. Je voyagerais le plus loin possible de cet île et je mènerais une vie bien plus paisible qu'avec vous.


-Tu crois être libre ? Dit-il avec un ton amusé. Tu n'es pas libre.


Rasar prit un ton plus grave.


-Tu ne seras jamais libre tant que les Hommes existeront car les autres sont toujours synonymes de privation de liberté. L'enfer, c'est les autres, Mitor. Si tu veux vivre libre, va dans une caverne et n'en sort jamais. Sinon, rejoins les Chasseurs et un jour, notre idéal s'imposera face au monde. Là, tu pourras vivre pleinement ta liberté tant désirée.


Les paroles de Rasar sonnaient aux oreilles de Mitor comme une chose absurde mais à la fois sujet à la réflexion. Mais cette réflexion, il l'avait déjà faite. Et n'ayant pas trouvé de choix qu'il considérait comme bon, il avait décidé de ne prendre part à aucun des deux camps. C'était fini. Cette histoire était fini pour lui. Adieu, Chasseurs et Partisans. Votre guerre ne me concerne pas, se disait-il sans cesse.


Continuer la conversation n'allait aboutir à rien. Rasar était têtu tout autant que Mitor sur le sujet. Mitor prit alors le risque de s'approcher, portant toujours son regard défiant. Il n'était qu'à une cinquantaine de centimètres quand il lui dit :


-Peu importe nos opinions. Elles ne changeront pas un fait indiscutable : Vous êtes l'enchaîné et je suis libre. Les rôles se sont inversés, mon cher maî… Rasar.


Les traits de Rasar se plièrent alors pour reformer une expression de haine et il appela toutes ses forces pour mettre un coup de tête à Mitor. Celui-ci recula, tenant son front. Un peu sonné, il essayait d'exprimer une colère qui fut stoppé lorsque la porte s'ouvrit brusquement.


-Mitor, s'il vous plaît. Ne vous approchez pas de lui. Ordonna la voix d'Apa dar Lijus en entrant dans la geôle. Rejoins-moi tout à l'heure dans mon bureau. Mes gardes vont t'y guider. Laisse-moi seul maintenant.


Mitor, tout en fixant le visage de Rasar qui avait pris une allure sérieuse lorsqu'Apa était entré, se soumit à son ordre et sortit de la salle, accompagné de deux gardes. Il sortait enfin de cette geôle, accompagné des menaces de Rasar à son égard.


-Un jour, je me vengerais, Mitor ! Tu comprends ?! Je te tuerais ou je te réduirais de nouveau en esclavage ! Profites de ta courte soi-disant liberté, sale rat !


Apa ferma la porte et les cris de Rasar s'évanouirent. Mitor ne put s'empêcher de laisser échapper un sourire. Il avait tenu tête à son ancien maître et cela lui avait fait un bien fou. Peu importe l'opinion que l'on a sur la liberté, Mitor était libre en lui. Enfin.


Les deux gardes l'accompagnèrent le long du couloir de pierre qui abritait toutes les geôles. Ils revêtaient une tunique bleue ciel en tissus épais et un drap qu'ils enroulaient autour de leur bassin comme une ceinture qui comportait une dague et une courte épée. Ils montèrent des escaliers pour arriver dans la salle des Torturées, encore trop sombre pour pouvoir admirer sa structure. Le trou fait dans la falaise et qui permettait d'éclairer un peu cette salle d'une lumière naturelle n'était pas encore très fort. Le soleil venait juste de se lever et Mitor fut heureux de revoir cette lumière. L'escorte monta d'autres escaliers que Mitor n'avait pas encore emprunté quand il s'était infiltré dans le QG et accéda à une sorte de petit salon où seule une porte en bois doré, éclairée par deux torches et gardée par un garde qui s'était trouvé une chaise et semblait profondément s'ennuyer. Quand il vit arriver deux de ses compères et le jeune homme qu'ils escortaient, c'était comme si on venait de le sauver de la potence.


-Ah bonjour. Qu'est-ce que vous faîtes avec lui ? Demanda-t-il.


-C'est Apa qui nous a dit de le mettre dans son bureau jusqu'à ce qu'il revienne des geôles. Répondit l'un des deux escortes. T'as les clés ?


-Évidemment. Affirma le garde en mettant une clé dans la serrure de la porte. Euh.. dîtes, ça vous dirait que je remplace un de vous deux parce que là, j'en peux plus d'être ici.


-Tu fais chier, Rick. S'exaspéra l'autre escorte. Mais allez,je te remplace. J'ai envie de faire une pause.


Après l'avoir remercié, il partit avec un autre garde descendre les escaliers. Celui qui avait pris la place de garde poussa la porte à Mitor et lui ordonna de s'installer sur la chaise devant le bureau et d'«attendre calmement». Mitor traversa donc le bureau tandis que le garde fermait la porte. La salle n'était pas immense mais elle était très garni en livres. Les murs étaient des étagères qui laissaient juste parfois quelques espaces pour des torches accrochées au mur comme celle de la geôle. Les étagères étaient en pierre, elles étaient creusés dans la roche et elles s'étendaient jusqu'au plafond. Mitor regarda à sa droite un plus grand espace entre deux étagères où un rideau cachait la chambre d'Apa. Il continua à avancer vers le mur du fond où se trouvait devant le bureau, fait en bois de chêne. Au fond, une sorte de mini-fenêtre avait été creusé comme dans la Salle des Torturées. Des volets en mosaïques de bois décrivait des sortes de losanges courbés comme on peut en voir dans les maisons de nobles. Rasar avait les mêmes dans son salon. Mitor prit la chaise devant le bureau et s'assit. Il regardait tout autour de lui et comprenait que cette salle était comme une bibliothèque miniature. Il y avait tellement de livres qu'il doutait qu'Apa les avait tous lus. Il entendait les vagues à travers la fenêtre et le crépitement des torches. Les minutes passèrent et Apa ne revenait pas. Pour attendre, il se décida de prendre un livre au hasard. Il se leva et prit le premier livre qui lui vînt en main. Izzir lui avait appris à lire et même s'il n'était pas encore un grand lecteur et qu'il bafouillait sur quelques mots, Mitor aimait lire. Rasar ne le laissait pas toucher un livre et les seules moment où il approchait du monde littéraire, c'était lorsque Rasar n'était pas dans la maison et qu'Izzir venait en cachette, livre en main. Le premier livre qu'il prît dans le bureau d'Apa se nommait donc «La longue souveraineté des Stark sur le Nord». Mitor ignorait ce que le nom Stark voulait dire mais le nombre de page du livre le découragea et il voulut prendre un livre moins large. Il passait le doigt sur les longues rangées de livres qui avaient été triés soigneusement et en prit un bien plus abordable pour lui se nommant «Les cités esclavagistes : Le dernier des anciens fléaux de l'histoire». En lettres d'or était écrit le nom de l'auteur Le Mestre Raynal. Le fait que cet auteur nommait les cités esclavagistes un fléau mit en confiance Mitor qui n'hésita pas à l'ouvrir. Il se rassit sur sa chaise et feuilleta les premières pages. Il commença à lire le premier chapitre et se laissa emporter par la lecture. Malgré quelques répétitions qu'il dut s'imposer pour comprendre, il comprenait les propos abordés dans ce livre. Il était tellement emporté par sa lecture dans laquelle il se concentrait à fond qu'il n'entendit pas Apa entrer et celui-ci dut lui mettre la main sur l'épaule pour lui faire remarquer sa présence.


-Décidément, tu es vraiment un esclave pas comme les autres. Tu sais lire. Dit-il avec un sourire amusé en s'asseyant devant Mitor, de l'autre côté du bureau.


-Je ne suis plus un esclave. Rétorqua Mitor comme pour affirmer une certaine nouvelle force d'esprit dont il n'avait jamais fait part jusqu'alors.


-En effet. Et je suis heureux pour toi.


-Rasar vous a-t-il parlé de moi ? Demanda Mitor en fermant livre et en mettant le marque-page attaché à la reliure à la page où il s'était arrêté.


-Oh oui. Le mot «parjure» a été prononcé plusieurs fois.


-Que vous a-t-il dit en général ? Il a avoué la trahison à votre organisation ?


-Oui. Répondit Apa d'un ton qui montrait sa déception. Rasar a tout avoué. Il a compris que cela ne servait à rien de mentir.


-Votre main, Apa. Remarqua Mitor en voyant la main droite ensanglantée d'Apa.


-Ah oui. Je t'avoue que je me suis un peu emporté sur ton ancien maître. En fait, vois-tu, c'était un de mes amis ici. Il faisait parti d'un cercle très restreint chez les Partisans qui se partageait des secrets très importants au sujet des Partisans. Sa trahison est donc plus grave que le reste de nos membres. Lui, il avait des secrets confidentiels et il ne m'a pas dit lesquels il avait divulgué aux Chasseurs.


-Vous avez parler d'un cercle ?


-Oui. Il y a moi, Karak, Rika et il y avait Rasar et Vezel, le «Loup de Lys».


Le nom de Vezel fit ressortir de vieux souvenirs à Mitor car son nom rapportait toujours pour lui à Izzir, exécuté sur la place publique pour le crime de Vezel qu'il n'avait pas commis. Vezel qui avait été assassiné par plusieurs hommes encapuchonnés dans une rue d'après le récit que lui avait fait Izzir avant de mourir. Mais ce n'était pas le nom de Vezel qui fut le plus important à savoir. C'était Rika. Elle était avec le faux Apa avant que Mitor n'assassine ce dernier et elle portait le même prénom que le nom de famille de Rasar. C'était peut-être une coïncidence mais Mitor demanda tout de même qui était Rika.


-Le nom t'as titillé l'oreille, on dirait. Exprima Apa. Je m'en doutais. En fait, Rasar et Rika sont frères et sœurs. Rika a pris son nom de famille comme prénom car elle voulait garder son nom après son mariage. Comme la loi veut que le nom de la mariée soit remplacé par le nom du mari, elle a changé de prénom pour mettre son ancien nom à la place. Elle accorde beaucoup d'importance à sa famille.


-Rasar a une sœur ?! S'étonna Mitor. Il ne m'en a jamais parlé. Et elle ne lui a jamais rendu visite non plus.


-Rasar, contrairement à Rika, n'est pas quelqu'un qui se sent proche de ses racines familiales. De plus, Rasar ne voulait pas que quiconque aille chez lui pour lui rendre une visite. Vous n'avez pas reçu beaucoup de visite dans sa maison, n'est-ce pas ?


-C'est vrai. Répondit Mitor qui se souvenait de la vie aux apparences monotones de Rasar ne recevant que très peu de visite. Il arrivait même des années où pas une seule personne ne toquait à la porte. Rika doit être dévasté par la trahison de son frère, non ?


-En fait, elle n'est pas encore au courant. Répondit-il un peu gêné.


-Quoi ? Elle va bien finir par le savoir. Pourquoi ne pas lui avoir dit ?


-Si tu veux que je réponde complètement à cette question, il faut que tu saches que tu risquerais de regretter d'entendre la réponse. C'est pourquoi je te demande si tu es prêt à l'entendre.


-Vous savez, les histoires de famille de mon maître ne me concerne pas, aussi atroces et tragiques soient elles. Déjà qu'elles ne me concernaient pas quand j'étais à son service.


-Je sais mais, comment dire, disons que ça te concerne.


-Moi ? S'exclama Mitor. Mais qu'est-ce que je fais dans leurs histoires ?


-Veux-tu vraiment que je t'explique ? Demanda Apa en regardant Mitor fixement dans les yeux.


Mitor réfléchit un instant et, par sa nature curieuse, il acquiesça. Apa baissa la tête, l'air déçu. Il se leva, prit sa chaise et l'emmena à côté de Mitor où il se rassit.


-Rika avait un mari et une fille. Tous les trois vivaient la parfaite vie de famille comme on en fait plus aujourd'hui. Son mari était aussi un Partisan et le couple diffusait ensemble notre idéal à travers la ville. Un jour, son mari puis plus tard sa fille furent...tués. Le monde s'écroulait autour d'elle et je l'ai stoppé une fois dans une tentative de suicide. Après l'avoir empêché, elle s'est mis en tête de se venger tout en affirmant que le ou les assassins étaient des Chasseurs. Mitor… veux-tu réellement que je continue ?


-Oui, s'il vous plaît.


-Très bien. Comme tu veux. En fait, tu vas tout comprendre par toi même lorsque je t'aurais dévoilé le nom de famille de Rika.


-Allez-y. Dit Mitor qui ne comprenait pas en quoi c'était important. Dîtes-le.


-Rika, qui porte toujours le nom de son mari en guise d'hommage et de force, se nomme aujourd'hui Rika Mortimer.


Mitor ne comprit pas tout de suite. Un torrent s'était crée dans son esprit et c'est lorsqu'il réussit à y rétablir l'ordre qu'il comprit. Rika était marié à Alfred Mortimer, le capitaine qu'il a assassiné lors du «Massacre du Loup des Mers». Et sa fille, certainement caché dans la soute, avait été écartelé sur la place publique car elle était considéré comme suspecte par le gouvernement de Lys. Cette même fille qui hantait l'esprit de Mitor et le rendait fou. Cette fille était celle de Rika et Mortimer. Et Mitor l'avait tué, ainsi que son père et le bonheur de sa mère.


-Si Rika apprend que Rasar est le coupable, elle ira le voir et il te dénoncera. Continua Apa qui voyait le désespoir dans les yeux de Mitor. Rika est compréhensive. Elle saura que c'est Rasar qui t'as obligé. Mais elle est aussi impulsive et rongé par le chagrin. Elle te tuera.


Mitor avait écouté les paroles d'Apa et il les comprenait. Mais son esprit était perturbé par ces phrases qu'il se répétait sans cesse Je suis le coupable. J'ai brisé une famille heureuse. Je suis un monstre. Mitor tremblait. Il avait très chaud et son regard était dément. Des larmes coulaient sur ses joues. Apa lui tînt les épaules.


-Mitor, écoutes-moi !


Mais il n'écoutait pas. Il n'écoutait plus. Il ne voulait plus rien entendre. Il aurait dû répondre non à Apa quand il lui a demandé d'écouter l'histoire de Rika. Il était trop tard désormais et Mitor ne fut pas surpris de réentendre le cri de la jeune fille. Sa folie reprenait. Il recommençait à perdre le contrôle.


-Aaaahhh !!! Merde, bordel !!! Gueula-t-il.


Apa lui tenait fermement les épaules. Il appela son garde qui entra et lui ordonna de l'aider à le coucher et à lui tenir les jambes. Le corps de Mitor tremblait sur le sol.


-Stop ! Calme-toi, Mitor ! Cria Apa.


Mitor tremblait toujours mais il avait cessé de hurler. Son corps transpirait tellement que la sueur rendait humide son vêtement en haillon. Après de longues minutes, Mitor se calma enfin et le cri de la jeune fille s'évanouit dans son esprit. Sa crise fut longue cette fois et même Apa, qui avait bien réussi à le calmer la dernière fois, avait été démuni. Son garde l'aida à remettre Mitor sur sa chaise.


-Repartez à votre poste. Ordonna Apa. Si cela se reproduit, je vous appellerais à nouveau.


Et le garde sortit de la pièce, sans doute abasourdi par la situation. Apa ramena sa chaise à sa place devant Mitor et se rassit.


-Mitor, tu m'entends ?


-Ou...oui. Désolé. Répondit-il, sonné et fatigué.


-Je n'aurais pas dû t'en parler.


-Comment s'appelait-elle, la fille de Rika ?


-Drusila. Drusila Mortimer.


-Je...je dois partir. Je ne peux pas rester ici. Dit Mitor en essayant de se lever.


-Je te l'interdis. Tu n'es pas en état. Tu tiens à peine debout. Je vais te prêter une chambre de libre et je ferai en sorte que l'on t'apporte à manger. Reposes-toi et tu pourras alors partir.


Mitor, devant la réalité des faits qu'il exposait, accepta.


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