La cour des grands

Chapitre 54 : Olliver

5738 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/04/2018 16:17



Olliver



Aucun bruit. Pas de vent. Une brume épaisse tout autour. Elle couvrait même le sol. Pourtant, Olliver était persuadé de l'endroit où il se trouvait. Sur la plaine où s'était déroulée la bataille qui avait coûté la vie à des milliers de personnes. C'était un rêve, il le savait. L'ambiance surnaturelle qui l'entourait ne pouvait être une réalité. La raison de sa présence ici lui était inconnue mais de toute manière, tout arrive sans vrai raison dans les rêves. Un pas. Deux pas. Trois pas. Olliver marchait lentement et sentait l'herbe et la boue sous ses pieds. Cette vallée avait-elle une fin? Alors, il s'arrêta et ferma les yeux, estimant qu'il était temps de se réveiller. Mais rien ne se produisit. Alors, il aperçut une épée plantée dans le sol. Tachée de sang, elle était faîte d'acier Valyrien avec un très beau joyau rouge sur le pommeau. C'était «Samwell», cette épée que lui avait offert Lord Karyl. Il repensa à sa première bataille, nommée par le Nord «la deuxième pluie de Castamer». Puis à sa deuxième, «la bataille de la Baie des Crabes». Depuis, il avait fait beaucoup de chemin. Il a tué de nombreuses personnes, dirigé une ville, commis certaines atrocités. Après tout, il ressemblait à n'importe quel homme qui vivait dans ce monde. Il tuait, sauvait et s'occupait de sa personne. Mais il n'était pas un bon seigneur. Et depuis la dernière bataille, cela lui sautait aux yeux. Jamais il n'aurait pensé que bien diriger soit si difficile. Alors, il sortit l'épée du sol et vit son reflet dans la lame. Le visage qu'il voyait était bien le sien mais pour une raison qu'il ignorait, ce visage lui était étranger. Dans la lame, il vit alors une silhouette dans la brume s'approcher de lui. Il se retourna instinctivement et vit Anduil. C'était le commandant des troupes civiles de Viergétang, mort dans la bataille de la Baie des Crabes. Il était comme de son vivant: Grand, costaud, barbu et l'air toujours sérieux. Rien n'avait changé.


-Bonjour Olliver. Salua-t-il de sa voix habituelle. Comment s'est passé la fin de la bataille? J'ai bien peur de l'avoir manqué.


-Bon...bonjour, Anduil. Répondit Olliver qui ne savait pas trop où se mettre. Et bien, nous avons gagné mais de peu. Rares ont été les survivants.


-Mais toi, tu as survécu. Pense plus aux vivants qu'aux morts.


-Mais même les vivants m'en veulent. Je suis un mauvais seigneur pour Viergétang.


-C'est vrai. Mais comme chaque humain, il est toujours possible de changer. Je te vois changer, Olliver. Tu n'es plus le gamin que tu étais avant la bataille.


-J'ai tué pourtant Frenrir Hillman à cause d'un simple caprice. Je suis loin d'avoir mûri.


-Je n'ai pas dis non plus que tu étais devenu adulte. Simplement, je pense que tu es en bonne voie. Et tu peux continuer à devenir bon si tu fais les bons choix.


-Quels sont-ils, ces bons choix? Que dois-je faire?


-Mûrir. Tout simplement. Raisonner, réfléchir avant d'agir. Si tu ne l'as pas encore compris, Karyl n'a pas arrêté de te le sous-entendre.


-Mensonge! S'écria une voix lointaine, grave et agressive qui résonna en écho autour d'Olliver. Tu es raté, un salopard de Frey comme tout le reste de ta famille. Les Frey ont toujours été des lâches, des moins que rien, des égoïstes.


La silhouette d'Ogma apparut alors derrière Anduil. Celui-ci ne réagissait pas et se laissa transpercer d'une immense lance. Anduil se dissipa alors dans la brume et disparu. Olliver pointa son épée vers Ogma. Ce dernier continua:


-Tu n'en fera rien, Olliver. Tu fonces dans le mur sans même le voir. Tu vas mourir car tu es trop bête. Regarde, Olliver, les conséquences de tes actes.


Tout à coup, la brume au sol disparue. Apparurent alors les cadavres des milliers de soldats qui sont morts durant la bataille. La plaine était noire. Du sang séché couvrait les corps sans vie.


-Plus personne ne peut t'aider, Olliver. Tu es déjà mort.


-Non. Répondit Olliver, troublé et fixant chaque cadavre qui l'entourait. Je ne fais pas partie de ces morts. Je suis en vie. Il y a forcément une raison.


-Imbécile. Si tu mûrissais réellement comme ton ami vient de te le dire, tu ne croirais pas au destin.


La silhouette d'Ogma disparu ainsi que le paysage entier autour d'eux. Olliver ouvrit les yeux. Il était dans sa chambre et le jour ne s'était pas encore levé. Pourquoi ce rêve? Olliver se posa cette question de nombreuse fois avant de se lever et de faire un tour dans les couloirs du château. Comme à ce qui était devenu son habitude, il partit au balcon où il pouvait voir le magnifique paysage du port et de la Baie des Crabes. La lueur du soleil apparaissait à l'horizon et il savait que le port n'allait pas tarder à bouger. Il décida de rester ici jusqu'à ce que la fourmilière se réveille. Et elle se réveilla très vite. Au loin, de minuscules points noirs bougeaient et se mêlaient entre eux. Olliver était heureux de voir autant de personnes travailler ensemble pour le simple but de charger et décharger des marchandises. Il partit alors à un autre balcon qui donnait cette fois un panorama sur la ville et la plaine. Cette dernière retrouvait peu à peu son apparence d'antan même si les marques de la bataille était encore bien visible. Quand à la ville, elle se reconstruisait lentement mais sûrement. Comme au port, la ville commençait déjà à vivre de bon matin. Entre les marchands qui reprenaient enfin leur commerce et les travailleurs qui retournaient dans leur forge ou leur scierie, cette dernière étant d'ailleurs surchargé de commande, la ville reprenait un rythme normal. Quelques maisons avaient encore un sérieux besoin d'être réparé mais leurs habitants étant décédés, il n'y avait plus personne pour s'en occuper. Il fallait à tout prix regagner des habitants mais Olliver ne pouvait pas forcer les résidents d'autres villes à venir s'installer chez lui. La ville reprenait peut-être un rythme normal mais son état d'esprit était très loin de ressembler à celui d'avant la bataille. Il y avait eu beaucoup de morts et Viergétang n'avait jamais été une ville aussi silencieuse. Il manquait des travailleurs, des commerçants, des artistes et des soldats. Il manquait des enfants, des parents, des grands-parents, des frères et des sœurs. La vie au sein de ces rues n'était pas prête de revoir sa vie d'avant. D'aussi loin, Olliver ne pouvait voir les visages des passants mais il devinait bien à quoi ils pouvaient ressembler.


Olliver ne pouvait plus regarder ce triste spectacle et décida d'aller dans le grand hall où il put s'asseoir sur son trône. Là, il sortit d'une de ses poches un parchemin plié grossièrement. C'était celle que lui avait envoyé Galmar. Celui-ci lui avait annoncé sa fuite de Châteaunoir. Il n'en expliquait pas les raisons mais il disait vouloir le rejoindre à Viergétang. Même si Olliver avait hâte d'entendre les récits de son frère, il avait peur pour lui. Tout le Nord était actuellement à sa recherche et qui sait si, à l'heure actuelle, il n'avait déjà pas été attrapé par des troupes et avait déjà sa tête sur le billot. Olliver décida de ne pas y songer. Il valait mieux attendre calmement d'avoir de ses nouvelles. Il se demandait ce que son frère pensait de son règne et quel jugement il allait porter sur son état et celui de sa ville. Galmar était pragmatique et même si Olliver connaissait son rejet du pouvoir, il voulait savoir ce que lui ferait s'il était à sa place.


Il ne savait pas combien de temps il était resté sur son trône. Il vit le mestre Kyren et ses autres conseillers, Ronmac et Azénor, se réveiller. Il partit alors prendre l'air et décida d'aller au terrain d'entraînement. Ici, il y avait des mannequins de paille, des cibles d'archers et tout ce qu'il fallait pour rendre plus fort chaque homme et femme qui s'y rendait. Il rangea son épée «Samwell» et prit une simple épée émoussée. Face à un mannequin de paille, il se prépara à le marteler de coup tout en pensant à son jeu de jambes et ses mouvements de poignets. Il n'était pas le seul sur le terrain. Les soldats qui s'étaient remis peu à peu de la bataille avaient aussi l'idée de se rendre plus fort. Chacun connaissait sa chance d'être encore en vie et ils ne pouvaient laisser une tragédie pareille se reproduire dans le futur. Alors, ils s'entraînaient et décidèrent de profiter de leur survie pour laisser le moins d'ennemis possibles tuer leur famille et leurs amis. Olliver ressentait l'état d'esprit des soldats à ses côtés et cela le motiva dans son entraînement.


Il resta devant ce mannequin une bonne demi-heure, à le marteler de coup au point que les marques d'épée se dessinaient sur les sacs de paille. Il imaginait Ogma à la place de ce mannequin. Cet ennemi qu'il n'avait su vaincre seul. Il voulait prendre sa revanche et il aurait donné n'importe quoi pour faire revivre Ogma afin de le battre lui-même. Il ressentait encore la douleur qu'il lui avait infliger durant son combat contre lui, notamment celle au bras droit. Avec sa lance, Ogma lui avait fait une entaille sur sa joue et, dans son élan, également sur son bras. Sa cicatrice à la joue était déjà presque guérie et ne se voyait presque plus. Mais celle à son bras droit, plus profonde alors, avait du mal à disparaître. Lorsqu'il donnait de grands coups avec ce bras-là, il ressentait encore une vive douleur. Un large pansement en tissus couvrait sa blessure et lorsqu'il enlevait seulement un peu le bandage, il voyait le sang séché qui collait à sa peau. Lui qui était droitier, cela l'handicapait grandement et il priait pour qu'aucune autre bataille ne se déroule avant sa totale guérison. Durant son entraînement, il entendit la voix d'Azénor derrière lui:


-Il n'est pas encore mort, ce sac de paille?


-Bonjour, Azénor. Salua Olliver en se retournant. Comment allez-vous aujourd'hui?


-Très bien. Répondit-elle avec un grand sourire. Je me demandais, seriez-vous tentez d'avoir un véritable combat d'entraînement plutôt qu'avec un ennemi immobile?


-Vous voulez dire contre vous? Je suis d'accord mais je vous préviens, j'ai peur de ne pas être opérationnel pour un vrai duel.


-Ne vous cherchez pas des excuses, seigneur. Un vrai ennemi ne s'en souciera point.


Azénor dégaina deux petites haches, également émoussées. Olliver appréciait de plus en plus Azénor qui lui montrait chaque jour qu'elle méritait sa place comme nouvelle commandante des troupes civiles. Durant la bataille, elle avait fait preuve d'un talent sans faille au combat et lorsqu'Olliver était inconscient, c'est elle qui s'était occupé de la ville à sa place. C'était la disciple d'Anduil et à vrai dire, peut-être était-elle devenue plus forte que son maître. Elle aimait aider les gens et se souciait des blessés. Elle s'occupait actuellement de deux petites filles, rescapées de la bataille, qu'elle hébergeait dans le château. Il arrivait parfois à Olliver de la croiser en train de s'en occuper. Olliver n'avait jamais combattu face à elle et il allait enfin voir de ses propres yeux comment elle se débrouillait au combat. Au vu de sa réputation, il fut surpris de la voir se battre avec simplement deux petites haches et avait hâte que le duel commence. Il comptèrent tous les deux jusqu'à trois pour commencer le combat. Lorsque le décompte fut terminé, il ne se foncèrent pas encore dessus. Ils décrivaient plutôt un cercle en se déplaçant lentement, armes levées. Alors, Azénor se lança en première et attaqua son seigneur. Celui-ci para ses premiers coups et eut du mal à contre-attaquer. Autour d'eux, les soldats cessèrent leur entraînement et regardèrent le duel entre leur seigneur et leur commandante. Ils furent ébahis en voyant leur jeu de jambes, leurs mouvements d'esquive, d'attaque et de défense. À eux deux, ils occupaient toute la largeur du terrain, allant de-ci, de-là, dans tous les coins. Le duel était dynamique et Olliver réussit alors à toucher de peu l'armure de plates d'Azénor. Celle-ci recula très vite et un grand sourire se dessinait sur le visage des deux combattants. Le combat reprit alors de plus bel et il fallut seulement quelques secondes pour qu'Azénor prenne le dessus. Olliver n'arrêtait pas de reculer et trébucha alors sur une motte de paille. Il voulut se relever mais il vit la hache juste devant ses yeux. Il fut alors obligé de déclarer forfait. Tout le monde applaudissait autour d'eux et Azénor leur ordonna de se remettre à s'entraîner. Elle aida Olliver à se relever et ce dernier lui dit ensuite:


-Bordel, tu te donnais pas à fond au début, n'est-ce-pas?


-En effet. Répondit-elle toujours en souriant. Je ne me donnais pas au fond à la fin, non plus. Et vous non plus d'ailleurs.


-C'est à cause de ma blessure, elle m'handicape beaucoup dans ce genre de combat.


-Je ne parlais pas de votre blessure, mon seigneur. Même dans votre esprit, vous n'étiez pas à fond.


-Et bien… je pense que je ne dois pas être totalement réveillé, ça doit être pour ça. Répondit Olliver sans trop réfléchir.


Azénor ne semblait pas du tout convaincue par la réponse mais elle ne força pas ses inquiétudes. Elle annonça alors rentrer pour s'occuper d'Ana et Maëlle, les deux petites filles dont elle s'occupe, et laissa Olliver au terrain d'entraînement. Celui-ci était étonné par la perspicacité d'Azénor. En effet, Olliver se sentait mal dans son esprit. Cependant, il était impossible pour lui de savoir pourquoi. Il se doutait que cela avait un rapport avec son statut de seigneur mais peut-être aussi était-ce à cause de la fuite de Galmar et de son risque important de mourir en venant ici? Ou alors, peut-être partageait-il la peine des habitants même s'il avait du mal à se sentir à leur place? Il voulut se mettre des claques pour s'arrêter de se poser autant de questions. Un seigneur qui doute de lui-même n'a pas à mériter sa place, d'après lui. Alors, il choisit lui aussi de rentrer au château. Il n'avait pas vu le temps passé et il vit qu'il était l'heure de manger en apercevant les cuisiniers s'atteler à leur tâche. Il rentra dans la salle à manger et constata la présence de lord Darry à sa table. Celui-ci était resté à Viergétang le temps qu'il se remette de ses blessures. Il portait encore un énorme bandage sur son corps. Il avait en effet pris deux flèches et un coup d'épée dans le torse durant la bataille.


-Bonjour, lord Darry. Vous vous portez de mieux en mieux, je crois, non? Salua Olliver.


-C'est vrai. Je vais tellement mieux que je mets les voiles cet après-midi, normalement. Mes hommes qui ont survécu sont déjà remis depuis longtemps et je ne peux me permettre de rester encore au lit.


Olliver s'assit en face de Darry et les deux hommes virent des serveurs leur placer une assiette de légumes et de viandes devant eux.


-Vous êtes soucieux de ce que pensent vos hommes? Demanda Olliver.


-Les chefs de guerre comme nous se doivent d'être respectés par leurs hommes. Le problème, c'est que quand on commande, on s'éloigne de ses hommes. Alors, il faut tout faire pour anticiper l'image qu'ils peuvent avoir de nous.


-Très beau discours, lord Darry. Comme vous le savez, je ne suis seigneur que depuis peu de temps et j'ai dû mal à connaître l'image qu'ont mes hommes de moi.


-Ah, ils sont fiers de vous, vos hommes, vous pensez? Je ne veux pas vous vexé mais l'on m'a rapporté quelques bruits qui courent dans votre cité et j'ai bien peur que vous n'ayez pas une bonne image auprès d'eux.


-Je sais. Répondit Olliver, dépité. Je voulais vous demander. Comment fait-on, justement, pour se faire aimer, en tant que seigneur je veux dire?


-Agir pour le bien du peuple, je présume. Excusez-moi mais je ne pense pas être bien placé pour vous répondre. Je ne suis le seigneur que d'une place forte et de quelques fermes alentours. Je n'ai pas vraiment de ville à diriger et encore moins d'un port récemment acquis comme Viergétang.


Le repas continua alors sur d'autres sujets de discussions. Olliver avait du mal à se sentir à l'aise. En effet, le mestre Kyren venait de lui annoncer qu'une réunion du conseil allait se tenir dans l'après-midi et, il ne savait pourquoi, il n'avait pas du tout envie d'y aller. Cependant, c'était son devoir de seigneur de présider ces réunions, ce qu'il maudit plusieurs fois. Suite au repas, Darry partit rassembler ses hommes et chercher ses affaires tandis qu'Olliver prenait le chemin de la salle du conseil. Ronmac, le chef des finances, et le mestre Kyren étaient déjà installés. Depuis la bataille, les deux hommes ne s'entendaient plus et ils ne pouvaient discuter ensemble sans avoir envie de frapper l'autre. Azénor arriva un peu plus tard, occupé à s'occuper des deux orphelines. C'était elle qui avait l'habitude et la tâche de calmer Kyren et Ronmac lorsque ceux-ci se chamaillaient encore et encore. Quand Olliver arriva, tout le monde se tût, se leva en guise de salut et se rassit en attendant que leur seigneur ouvre la séance. Azénor analysait le visage d'Olliver, comme si elle voulait le percer à jour. Elle se doutait que quelque chose n'allait pas chez lui. Celui-ci, après un temps, ordonna de passer à l'ordre du jour. Ronmac prit la parole en premier:


-Mon seigneur, je dois vous informer que l'emprise de la ville sur le port a de très bons résultats. Nous recommençons à acquérir un fond financier moyen et tout redeviendra bientôt comme avant. Je dirais même mieux qu'avant si nous gardons ce rythme.


-Je l'espère Ronmac. Répondit Olliver qui se surprit à forcer d'être souriant. D'autres nouvelles?


-Tous nos blessés sont désormais remis sur pied, seigneur. Annonça Azénor. Certains garderont des séquelles toute leur vie mais ils s'en moquent tant qu'ils peuvent vivre et vous servir.


-D'accord, très bien. Et vous, mestre Kyren? Pas de nouvelles à nous faire part.


-Pas vraiment, seigneur.


-Bon et bien, à moins que quelqu'un n'ait quelque chose à ajouter, il semble que la réunion touche à sa fin.


Tous furent surpris.


-Déjà?! S'exclama Ronmac. Seigneur, sans vouloir vous manquer de respect, nous devons faire les comptes des réparations. De plus, il faut que vous preniez des décisions qui montrent à votre peuple que la ville peut remonter la pente. Vous savez que votre côte de popularité n'a jamais été aussi basse.


-Taisez-vous, Ronmac. Cria Kyren. Nous ne pouvons tout réparer en seulement deux-trois semaines. Nous savions à la fin de la bataille que la ville allait se retrouver meurtrie pour plusieurs années au moins. Certes, Olliver doit retrouver la confiance du peuple mais cela ne peut se faire en claquant des doigts.


-Je le sais bien, Kyren. Mais il faut commencer maintenant. Vous dîtes ça parce que vous faîtes partie de ceux que l'on acclame pour avoir ouvert les portes au peuple. Vous n'avez pas de problème de popularité.


-Et vous, vous en avez parce que vous aviez décidé de leur fermer la porte au nez.


-Je ne vous permets pas! Mon choix était réfléchi! Hurla Ronmac en se levant.


-Si vous avez réfléchi pour un choix pareil, vous êtes bien plus idiot que je ne le pensais. La vérité est que vous êtes un égoïste, voilà tout.


-Je ne….


-Silence. Coupa Azénor calmement d'un signe de la main et tout en regardant Olliver.


Les deux hommes se turent et regardèrent eux aussi leur seigneur. Celui-ci était affalé sur son siège, les yeux dans le vide.


-Lord Olliver? Seigneur? Vous allez bien? S'inquiéta Azénor.


Olliver sortit de ses rêveries.


-Bien. Bien, bien, bien….


-On a peut-être laissé la discussion s'envenimer un peu…. Admit Kyren.


-Oui, après tout, c'est du passé, excusez-nous, lord Frey. Se pardonna Ronmac.


L'état d'esprit las de leur seigneur venait de calmer les sujets. Olliver était étonné du respect qu'on lui devait. Alors, il leur demanda ce qu'il fallait faire pour regagner la confiance du peuple et reconstruire au plus vite la joie de vivre de la ville.


-Nous pourrions donner aux fermiers de la nouvelle main-d’œuvre afin que chaque personne de la ville ait de quoi se nourrir. Proposa Kyren. Sachant que certains sont morts, on pourrait en faire venir d'autres du Conflans.


-Cela nous coûte cher tant que nous n'avons pas retrouver le fond financier d'antan. Répondit Ronmac. Nous pourrions augmenter les taxes des navires marchands sur le port. On pourra ensuite améliorer l'influence du port avec sa capacité de réserve et autre.


-Cette décision ne plaira pas aux habitants, même si la taxe ne les touche pas personnellement. Opposa Azénor. Les taxes sont toujours mal vus par le peuple.


-Les taxes, c'est censé aider les problèmes du peuple, ser Azénor. Répliqua Ronmac. Je sais qu'il y a une vraie dichotomie dans ce sujet mais il faut choisir son camp. Gagner la confiance du peuple tout de suite mais il nous en voudra lorsque nous n'aurons plus d'argent ou la gagner plus tard grâce aux taxes mais en attendant, le peuple nous en voudra énormément de ne pas savoir reconstruire la vie de Viergétang. Pour ma part, je choisis la deuxième catégorie.


-Lord Frey, qu'en pensez-vous? Demanda Kyren.


Olliver avait en réalité du mal à suivre même s'il comprenait les paroles de chacun. Il était sûr qu'il puisse y avoir un entre-deux et de ne pas être obligé de choisir un des deux camps. Mais avant qu'il ne puisse répondre qu'il n'en savait rien, lord Darry toqua à la porte, annonçant son départ de la ville. Olliver décida alors de l'accompagner, laissant ses conseillers continuer de débattre.


-Je vous ai soustrait à une réunion formelle et ennuyeuse, n'est-ce-pas? Ironisa Darry.


-Vous n'avez pas idée. Répondit Olliver en souriant.


Olliver avait bien compris qu'il ne se sentait pas apte à diriger quoi que ce soit aujourd'hui. Mais le mot «ennuyeuse» que Darry avait prononcé lui mis la puce à l'oreille. Ce n'était pas la réunion en elle-même qu'il trouvait ennuyeuse mais le simple fait de diriger. En fait, tout compte fait, Olliver venait de se rendre compte qu'il voulait à tout prix revenir au front, au côté de lord Karyl et du roi Robb. Il voulait se battre et ne plus rester dans cette ville, loin de l'action. Stratégiquement parlant, les Lannister n'allaient certainement pas revenir à Viergétang pour réessayer de prendre l'armée du Nord à revers après la défaite qu'ils ont subis. Olliver fit part de cette dernière supposition à Darry sur le chemin qui menait vers la sortie de la ville.


-Je suis tout à fait d'accord. Confirma Darry. Tywin a perdu trop d'hommes depuis le début de la guerre. Il va certainement désormais mobiliser ses troupes autour de Port-Réal et se préparer à la dernière offensive. Je suis confiant et sûr que Robb gagnera la guerre. Tywin a gagné trop de guerre par le passé que ce serait injuste qu'il gagne aussi celle-ci. Il est temps pour le lion d'abdiquer, vous ne croyez pas?


-En effet. Répondit Olliver en lançant un sourire en coin. J'aimerais participer à cette dernière offensive. Prendre la capitale et voir Joffrey périr sur son trône de fer.


-Vous savez qu'en me joignant à vous, je me suis engagé officiellement dans la guerre aux côtés du Nord. La Couronne est certainement déjà au courant de ma traîtrise.


-J'en suis le premier désolé.


-Oh ne vous inquiétez pas. J'avais besoin d'action et j'ai été servi. C'est plus excitant de se battre contre la Couronne que pour elle.


Les deux hommes arrivèrent aux portes de la ville où les derniers hommes de Darry les attendaient. Sur leur chemin, Olliver avait croisé le regard des habitants qui, encore, l'avait regardé d'un mauvais œil. Le seigneur tenta de ne pas y faire attention. Après les adieux, Darry monta sur son cheval et galopa avec ses hommes jusqu'à l'horizon où ils disparurent derrière une colline. Olliver dut alors refaire le chemin inverse, seul cette fois. Il essaya de lancer des petits sourires aux habitants qui ne semblèrent pas faire effet. Les marchands dans leurs étables s'étaient arrêtés dans leurs activités pour le voir passer. Les reconstructeurs, du haut des charpentes des maisons détruites, se stoppèrent dans leur travail. Olliver subissait une tension telle qu'il avait du mal à marcher. Alors, sans comprendre ce qu'il lui arrivait, il tomba à terre, sa jambe tournoyant sur elle-même. Il était couché au milieu de la rue, à mi-chemin entre la porte principale et le château. Certains habitants, à la fois curieux et méfiant, s'approchèrent de leur seigneur démuni. Au fur et à mesure, de plus en plus de personnes l'entouraient, comme si toute la ville s'était attroupée autour de lui.


-...Désolé...Je suis…désolé… Murmura Olliver.


Aucun habitant ne bougea un sourcil. Alors, un homme sortit de la foule en approchant Olliver. Celui-ci le reconnaissait. C'était le forgeron de la ville. Une femme s'approcha également. Olliver la reconnut comme étant une des gardes survivantes de la ville. Les deux personnes tendirent alors la main à Olliver pour le relever. Hésitant, ce dernier attrapa les deux mains de leurs deux sujets. Il avait du mal à bouger et à tenir sur ses jambes. Il était presque paralysé. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Les deux habitants portèrent alors les bras de leur seigneur sur leurs épaules et partirent en direction du château. La foule se sépara pour les laisser passer. Olliver avait l'impression de donner tout son poids à ses deux habitants. En effet, il n'arrivait pas à se tenir sur ses jambes, pas même une seule d'entre elles. Alors, ils arrivèrent à la porte du château qui s'ouvrit à leur approche. Azénor se tenait derrière. Elle avait sûrement dû voir le spectacle du haut d'un balcon. Les deux habitants donnèrent alors le corps paralysé de leur seigneur à la commandante des gardes. Le forgeron agrippa les deux pans de la porte pour les refermer et lança à Olliver avant que les portes se ferment:


-Au boulot.


La porte se ferma donc, laissant Azénor porter Olliver. Elle déplaça son seigneur afin de l'asseoir sur son trône et lui demanda:


-Lord Frey, vous allez bien?


-Oui, ça va aller, vous inquiétez pas. Répondit-il en se rendant compte qu'il retrouvait peu à peu le contrôle de son corps.


Olliver venait de se rendre compte de la présence d'Ana et Maëlle, les deux orphelines, dans un coin du Grand Hall. Elles avaient observé la scène et avaient fait une pause dans leur jeu. Elles avaient des figurines dans les mains et un château miniature en bois entre elles. Azénor partit chercher un verre d'eau pour son seigneur et les deux orphelines recommencèrent à jouer. Curieusement, Olliver observait attentivement leur jeu. Ana, reconnaissable par sa chevelure blonde, tenait une figurine de chevalier dans les mains. Maëlle, à la chevelure brune, avait, elle, une figurine d'un roi qu'elle posa tout en haut du château. Le chevalier, avec la voix d'Ana, demandait au roi quelle était sa prochaine mission. Le roi, avec la voix de Maëlle, lui répondait que son devoir était de le protéger contre le démon qui était en route pour le tuer. Ana sortit de derrière le château une figurine d'un diable gris. Le diable rappelait au roi que le château était jadis à lui et que ce roi lui avait volé. Le chevalier proclamait au diable qu'il ne semait que malheur et désolation sur la région sous son règne et qu'il était juste qu'il soit banni pour le bien des gens. Le roi ordonna au chevalier d'abattre une bonne fois pour toute le diable qui fut vite vaincu. Ce dernier réussit à s'enfuir en avertissant que sa vengeance serait terrible et qu'il reprendrait tôt ou tard son château. Olliver fût coupé de l'histoire que les deux orphelines imaginaient par un verre d'eau qu'Azénor lui tendait.


Olliver la remercia, but le verre et plongea dans ses pensées. Il avait totalement repris le contrôle de son corps et de son esprit. Il sembla alors que lui était venu une illumination. Il se leva alors et demanda à Azénor:


-Les conseillers sont-ils encore en réunion?


-Non, seigneur. La réunion s'est terminé quelques temps après votre départ.


-Alors rappelle-les. Ordonna-t-il. Je veux une réunion tout de suite.


Azénor, voyant la gnaque inhabituelle sur le visage d'Olliver, sourit et partit chercher Kyren et Ronmac. Olliver prit le chemin de la salle de réunion, laissant le roi et le chevalier fêter leur victoire sur le mal. Quand il arriva, Ronmac était déjà installé. Kyren et Azénor entrèrent peu après.


-Vous nous avez fait demandé, seigneur? Demanda Kyren.


-Tout à fait. Installez-vous et écoutez-moi bien. Ordonna Olliver tout en restant debout et remarquant que ses conseillers étaient prêt à l'écouter attentivement. Voilà. Je sais que je suis loin d'être le meilleur seigneur que Westeros ait connu. Parfois, j'étais un fou qui ne cherchait que le sang de la bataille et d'autres fois, je restais sans conviction et me disait que jamais je ne pourrais bien régner, proclamant que je voulais délaisser mon règne. À vous de juger si ce temps est révolu mais voilà, j'ai pris ma décision par rapport à notre débat de tout à l'heure. Nous n'allons pas donner de l'aide aux fermiers et nous n'allons pas non plus rajouter des taxes, que ce soit sur le port ou autre chose. Je sais que cette décision va vous faire grincer des dents ou vous faire peur mais je vous demande d'avoir confiance.


Les conseillers se regardèrent entre eux, se demandant quel décision allait prendre leur seigneur.


-Quelle est cette décision, seigneur? Demanda Ronmac.


-Je fais partie de la maison des Frey et, par ce fait, Viergétang possède donc la bannière des Jumeaux. Et bien sachez qu'à partir de maintenant, ce n'est plus le cas.


Les conseillers furent stupéfaits et à la fois, ils ne comprenaient pas cette décision, ou plutôt, en quoi elle pouvait leur être utile.


-Mais pourquoi, lord Olliver? Interrogea Azénor.


-Ce n'est pas tout. Si Viergétang n'est plus au Frey, cela signifie que nous ne payons plus de taxes aux Jumeaux. De plus, je compte, attention ouvrez-bien vos oreilles, proclamer l'indépendance de Viergétang. Elle ne sera plus sous le contrôle de Vivesaigues, autrement dit, les Tully et elle ne sera plus, également, sous le contrôle de la Couronne. Viergétang devient alors un royaume à part entière ne devant plus aucune taxe ni aucune ressource à qui que ce soit.


Les conseillers regardèrent Olliver avec de grands yeux. Cette décision avait de quoi tout bousculer.


-Mais, seigneur. Intervînt Kyren. Nous devenons donc une huitième Couronne?


-Pas du tout vu que nous ne devons plus rien à la Couronne également. Comme Robb qui se proclame Roi du Nord, je me proclame roi de Viergétang. N'y voyez pas un ego démesuré de ma part. Si vous réfléchissez bien, tant financièrement que dans tous les autres domaines, la ville gagne.


-Mais...les Tully essaieront de reprendre Viergétang. Répondit Azénor. Puis, votre père risque lui aussi de se sentir trahi. Et je ne parle pas de la Couronne qui, sous Joffrey et Tywin, peut faire preuve de représailles. C'est très risqué pour la survie de la ville.


-Les Tully et la Couronne sont occupés avec la guerre. Quand à mon père, je gère, ne vous inquiétez pas. Si je choisis de trahir tous les grands de ce pays, ce n'est pas sur un coup de tête, vous vous doutez bien. Je connais les risques que je prends. Je serais prêts à parier que c'est le Nord qui gagnera la guerre. Je sers toujours le roi Robb et je lui demanderai que les Tully ne cherchent pas à se venger sur nous lorsque la Guerre des Cinq Rois sera terminée. Après tout, il nous doit bien ça avec notre dernière bataille.


-Si Viergétang n'est plus sous la bannière des Frey, quel sera son blason, alors? Demanda Ronmac.


-Sous son propre blason, Ronmac. Nous réfléchirons plus tard aux couleurs que nous prendrons. Sur ce, chers conseillers, une page se tourne pour notre ville. Il est temps de se mettre au boulot.


Les conseillers répondirent en chœur:


-Bien, Sire!

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