La cour des grands

Chapitre 59 : Mitor

6912 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/07/2018 14:56



Mitor



Une nouvelle fois, il ouvrit les yeux. Le temps semblait être une notion bien vague et lointaine dans cet endroit qu'il ne pouvait voir. Peut-être était-il là depuis seulement une ou deux heures? Ou peut-être même des jours? Mitor tenta de se concentrer pour évaluer le temps qu'il avait passé dans cet endroit humide et sombre mais il n'y arriva pas. Aucune lumière apparente n'était à observer autour de lui. Jamais de sa vie il n'avait été dans un lieu si ténébreux. Couché sur le sol, il essaya de savoir en quoi celui-ci était composé. Un mélange de sable et de roche chatouillait durement son dos. Il fut heureux de savoir que son sens du toucher était toujours intact comparé à sa vue. Il se concentra alors sur d'autres de ses sens. Il y avait une odeur. Celle de la mer salée. Elle était assez forte et emplissait si bien ses poumons que Mitor avait l'impression d'être à seulement deux pas du bord de la Mer d'été. Puis, il sentit son ouïe active. Un seul bruit se faisait entendre. Celui des vagues qui finissaient leur long voyage sur les rochers et la plage. Ce son résonnait presque comme un écho et il avait l'impression soudaine d'être dans une sorte de grotte creusée dans la roche. Peut-être était-ce le cas? Doucement, Mitor leva son dos et s'assit en tailleur. Tout à coup, un autre son se faisait entendre lorsqu'il bougeait. Quelque chose de métallique et tout près de lui. Il sentit alors un objet froid sur ses poignets. Il était difficile de ne pas faire le rapprochement avec des chaînes. Lentement, il prit les maillons et commençait à tirer sur ceux-ci. Deux secondes après, il sentit qu'il ne pouvait tirer plus et se servit de ses mains pour savoir à quoi il était attaché. Du bout de ses doigts, il comprit qu'il était attaché à un mur de roche. Les maillons entouraient un anneau métallique incrusté dans ce mur. Il n'était pas nécessaire de tenter de se libérer car Mitor savait qu'il n'en avait pas la force. Il était prisonnier.


Mitor contrôlait parfaitement son calme, ce qui le surprenait. Il resta assis et fit le point sur la situation. Il était enchaîné dans ce qui paraissait être une grotte. On l'avait assommé et amené dans cet endroit après qu'il ait infiltré le QG des Chasseurs. Il avait vu Rohko, le sang-coureur Dothrak qu'il était sûr d'avoir tué au port de Lys, et l'avait suivi. C'était certainement lui qui l'avait attaché ici. Il comprit alors qu'il était désormais un prisonnier des Chasseurs. Tant de questions se bousculaient d'un coup dans sa tête qu'il en avait mal au crâne et il décida de se concentrer sur l'instant présent. Qu'allait-il faire maintenant? À vrai dire, il n'y avait pas beaucoup de choix que d'attendre qu'un Chasseur vienne l'interroger. Car il était sûr que c'était ce qui allait bientôt se passer, comme lorsque qu'il avait été enchaîné par les Partisans. Cela dit, à part les chaînes, rien en lui ne sentait qu'il se trouvait dans une geôle. Aussi aveugle soit-il à cause du noir, il sentait distinctement qu'il était dans un lieu bien trop vaste pour être une prison. Si vraiment s'en était une, cela signifierait que les Chasseurs ont beaucoup d'espace à perdre dans leur QG. Alors, s'il n'était pas dans les geôles du QG des Chasseurs, où était-il? Quelque chose en lui pressentait qu'il allait bientôt le savoir. Mitor se concentra de nouveau pour savoir si un autre élément se trouvait près de lui. Et en effet, il entendit quelque chose. Il n'arrivait pas à définir ce bruit jusqu'à ce que celui-ci double de volume subitement. C'était une respiration.


-Il y a quelqu'un? Demanda-t-il presque silencieusement.


Personne ne lui répondit à part peut-être le son de la respiration qui était de nouveau redevenu faible. Mitor, aussi loin qu'il put, partit en direction du bruit de cette respiration jusqu'à ce que ses chaînes l'empêchent d'avancer. Le bruit se faisait alors plus distinct.


-Il y a quelqu'un? Répéta-t-il un peu plus fort.


Cette fois, quelqu'un lui répondit. Une voix bien reconnaissable pour avoir marqué la mémoire de Mitor. Un accent que seuls les peuples de l'Est ont acquit.


-Sortir d'un sommeil ne signifie pas que l'on est forcément réveillé. Proclama la voix grave de Rohko. Il y a toujours un temps d'adaptation avant de parcourir le monde.


-R...Rohko. Reconnut Mitor.


-Bienvenue au monde, Mitor. Dommage que tes démons ne te permettent pas de t'y adapter seul.


Mitor était bien trop surpris pour faire attention à ses paroles. Les milliers de questions qui le tourmentaient revinrent alors et elles commencèrent par celle-ci:


-Où sommes-nous?


-Dans un endroit bien sombre. Mais ne t'inquiète pas. Le jour va bientôt se lever et tu y verras plus claire.


-Qui...qui es-tu?


-Ah, en voilà une question bien plus complexe qu'il n'y paraît. Qui je suis? Aujourd'hui, je m'appelle Rohko. Un sang-coureur Dothrak qui a fui de ses terres natales pour découvrir le monde et qui est tombé sur Räv dar Skugga, un homme bien compliqué et qui a pourtant eu la délicatesse de m'inviter dans ses rangs. Mais qui sait qui je serais demain?


Mitor cherchait pendant la conversation son interlocuteur grâce à sa voix. Il cherchait également sa dague mais il ne fut pas surpris de ne pas la trouver sur lui.


-Arrête de parler en énigme, s'il te plaît. Je t'ai tué. Pourquoi es-tu encore en vie?


-Patience, Mitor. Tes nombreuses questions ne peuvent être résolues si facilement. Il faut se préparer à digérer ces réponses.


-Comment connais-tu mon nom? Demanda Mitor qui avait bien trop de questions pour ne pas les poser tout de suite. En effet, Mitor pressentait que Rohko avait beaucoup de réponses à lui donner.


-Voilà une question à laquelle je peux répondre. C'est Apa qui me l'a dit. Révéla-t-il avec la même voix calme qu'il prononçait dans toutes ses phrases.


-Apa?! Comment le connais-tu?


-Disons que je suis une sorte de disciple pour lui.


-Tu...tu es un Partisan? Un espion à sa solde?


Mitor, en entendant un souffle différent provenant de Rohko, savait que celui-ci venait de lâcher un sourire. Il l'entendit se lever et il sembla tourner autour de lui, ses bruits de pas étant très proches.


-Non et non, Mitor. Rien de tout cela. Mais il est difficile de te répondre.


-Alors comment suis-je censé connaître la vérité? Tu es un Chasseur ou un Partisan? Qui es-tu, bordel?! S'énerva subitement Mitor. Es-tu seulement réel?! Es-tu seulement Rohko?


Le Dothraki ne répondit pas tout de suite et Mitor l'entendit se rasseoir près de lui.


-Regarde derrière toi. Le jour commence à se lever.


Et en effet, Mitor, en se retournant, vit pour la première fois depuis bien longtemps de la lumière. C'était les reflets de la lueur de l'aube sur les rochers humides. Cette lumière ne parvenait pas encore jusqu'à Mitor et Rohko mais cela ne saurait tarder. Le jour allait se lever.



Drusila



Ce jour-ci, elle avait seulement huit ans. Une par une, elle montait les marches d'un escalier. C'était un dur exercice car les marches étaient hautes et il y en avait beaucoup. Lorsqu'elle était encore plus petite, elle les gravissait à quatre pattes et même si plusieurs années ont passées, elle adorait toujours autant monter et descendre ces escaliers. À sa droite, il y avait un mur et elle s'y collait tout en montant car, à sa gauche, il n'y avait pas de rambarde. Seulement le vide. Plusieurs fois, sa mère la réprimandait lorsqu'elle la surprenait monter les marches sans son accord et sans quelqu'un pour l'y accompagner. Mais elle était grande maintenant. Beaucoup estiment que l'on commence à distinguer le monde qui nous entoure lorsque l'on atteint les huit ans. C'était un de ses amis qui lui avait dit. Toujours est-il que plus elle grandissait, plus court était le temps de la montée des marches. Enfin, elle atteignit sa destination tant attendue. Le paysage y était magnifique. La mer s'étendait à l'horizon et elle vit même un navire aux voiles blanches au loin. Elle allait si souvent à cet endroit qu'elle n'avait plus le vertige. Alors, elle prit soin de s'approcher du bord sans tomber. Le vent était très léger et le soleil se reflétait sur la mer, à peine déformé par les vagues. Elle se promit de se mettre à la peinture lorsqu'elle serait assez grande pour peindre sur une toile ce qu'elle voyait. Elle voulait immortaliser ce paysage avant qu'il ne disparaisse. Le vent se leva tout à coup et la surprit. Dans un reflex, elle mit la tête au dessus du vide et recula aussitôt, sentant son cœur s'accélérer instantanément. Elle était assez grande pour savoir que si elle tombait, elle ne pourrait plus jamais admirer ce paysage. Le vent faisait voler ses longs cheveux blonds bien coiffés par sa mère. Elle se promit qu'à l'avenir, elle ferait plus attention au bord de ce balcon. Après un temps de détente, elle décida de retourner sur ses pas et d'entamer la descente des escaliers qu'elle appréciait tout autant que la montée. Elle sursauta alors quand elle vit la silhouette de sa mère qui gravissait les escaliers. À voir son visage, elle était furieuse et ses cheveux, de par leur couleur rousse, reflétaient alors le plus parfaitement possible ses émotions.


-Drusila! Je t'ai déjà dit de ne pas monter ici sans ma permission! Et ne t'approche pas autant du bord, par les Dieux!


-Mais maman, j'adore cet endroit. Répondit Drusila innocemment.


-Moi aussi je l'aime bien. Mais si tu y tombais, je finirais par le maudire! Allez, viens!


Rika prit la main de sa fille et descendit lentement les marches de la Salle des Torturés. Drusila se laissa emmener sans protester par sa mère. Elle vit alors en plein milieu de la salle un vieil homme chauve qu'elle connaissait bien du nom d'Apa. Celui-ci était très prévenant avec elle mais il s'occupait tout le temps des «affaires de grande personne». Apa était en train de discuter avec un autre homme du même âge que lui mais Drusila, elle, ne le connaissait pas. Et apparemment, sa mère non plus car elle s'approcha des deux hommes une fois la descente terminée et dit:


-Bonjour, Apa. Qui est cet homme?


-Bonjour, Rika. Je te présente Vezel dar Jiro. C'est un de nos membres à Astapor qui a décidé d'emménager à Lys.


-Bonjour alors, monsieur Vezel. Alors comme ça, vous allez nous rejoindre?


-Et oui, j'en ai bien peur. Répondit en souriant Vezel. Je suis heureux de faire votre connaissance.


-C'est mon mari qui vous a amenez ici? Demanda Rika.


-Oui, madame Mortimer. Votre mari et moi sommes devenus amis sur le trajet en mer.


-Et ce petit être qui se cache derrière vous, qui est-il?


Drusila remarqua alors la présence d'une petite main qui agrippait la robe de Vezel. Le petit garçon qui devait avoir au moins deux années de moins qu'elle savait que l'on parlait de lui et sortit de sa cachette. Il avait les cheveux rasés, ce qui laissait penser qu'il était un esclave, même si Drusila, elle, ne comprenait pas encore la notion d'esclavage.


-Vous avez un esclave?! S'offusqua Rika.


-Oui mais ne vous méprenez pas. Je ne le traite nullement en tant que tel mais en tant que fils. Ses parents étaient morts et il était seul alors je me suis résolu à l'acheter au marché des esclaves d'Astapor. Dis bonjour, Izzir.


Izzir salua timidement Rika et Drusila. Apa se retourna vers Vezel et lui dit alors:


-En tout cas, Vezel dar Jiro, bienvenue chez les Partisans.


Drusila ne comprenait pas encore qui était réellement les Partisans. Du haut de son jeune âge, pour elle, il s'agissait juste de plusieurs personnes qui se rassemblaient pour discuter dans la joie et la bonne humeur. Mais elle sentait au fond d'elle qu'il y avait bien plus que ça. Elle se tourna alors vers sa mère qui avait perdu son visage colérique pour un visage plus radieux et lui demanda:


-Maman, c'est quoi au juste les Partisans?


-Et bien, tu vois ce petit garçon, Izzir, là-bas? Des gens lui veulent du mal et nous voulons les en empêcher.


-Mais, Apa m'a parlé des gens qui vous veulent du mal à vous, les Partisans. C'est qui les Chasseurs?


La réponse brusqua Rika qui retrouva subitement un sentiment de colère et elle se tourna vers Apa.


-Tu lui as parlé des Chasseurs?!



Mitor



-Quelle relation as-tu avec Apa? Réponds-moi simplement, s'il te plaît! Continuait de s'énerver Mitor.


-Oh elles sont bonnes mais je ne l'aime pas beaucoup personnellement. Il est toujours un peu aigri. L'âge, sans doute. Mais il est surtout très autoritaire. Peut-être l'as-tu vu également, non?


Mitor réfléchit à sa réponse. Il était clair qu'Apa n'était pas le mieux placé pour défendre la cause des Partisans de par son autorité. Il n'avait pas oublié d'ailleurs qu'Apa avait tenté de l'acheter pour intégrer ses rangs. Tout à coup, un questionnement lui vînt.


-Est-ce que…. Apa est un traître? Veut-il trahir les Partisans?


-Oh je ne pense pas. Mais à vrai dire, cela ne change pas grand chose.


Mitor avait l'impression que chaque réponse de Rohko lui donnait plus de questions que de réponses. «Pourquoi disait-il cela?» était la question qui revenait le plus dans sa tête. Il avait l'impression d'être face à la plus complexe des énigmes et pourtant, il sentait que les pièces du puzzle était en lui. Il savait comment la résoudre au fond mais il n'y arrivait pas. Pour lui, il était clair que Rohko devait l'aider à résoudre cette énigme. Alors, il se concentra de toutes ses forces, ignorant du mieux possible le mal de tête qu'il commençait à ressentir. Il sentait sa tête explosé entre les coups de bâtons que lui avaient donné Rohko et les multiples questionnements qui le tiraillaient.


-Très bien. Je vais faire de mon mieux pour comprendre ce qu'il se passe. Mettons qu'Apa n'est pas un traître et tu es donc son disciple. Dans ce cas-là, sait-il que je suis ici?


-Non. Absolument pas. Il est certainement en train de te chercher dans le QG des Partisans d'ailleurs à l'heure actuelle. Ça fait un jour que tu as disparu.


-Alors cela signifie que tu ne lui obéis pas. Tes motivations ne sont pas les mêmes que celles de ton maître. Quelles sont-elles, alors?


-Cela, je ne peux pas encore le dire. Je veux savoir avant si tu es digne de confiance.


La réponse plongeait une nouvelle fois Mitor dans une profonde réflexion et il plongea la tête dans ses mains. Derrière lui, l'aube grandissait.



Drusila



Drusila venait d'atteindre ses dix ans. Tout le Cercle lui avait souhaité son anniversaire en plein repas où tous les Partisans étaient attablés. Elle avait tellement rougie qu'elle s'était enfuie dans sa chambre tout en entendant les rires de toute la salle. Le lendemain, ce souvenir la hantait encore. Elle était ce matin-là dans sa chambre. Celle-ci était très grande et elle n'aimait pas y rester toute seule. Mais elle arrivait cependant à oublier le vide de cette pièce lorsqu'elle se mettait à lire. Rika lui avait appris très jeune à lire et désormais, Drusila lisait des gros volumes autant qu'un mestre de la Citadelle. Les livres étaient cependant des fictions plutôt que des livres scientifiques ou politiques. Pour le première fois de sa vie, elle allait se mettre à lire un livre d'histoire. Celui-ci contait les histoires des plus grandes batailles de l'Histoire, d'Essos et de Westeros. Jamais de sa vie elle n'avait tenu si gros volume. Ce qui lui faisait peur était ce qui était écrit sur la couverture tout en bas: «Tome 1». Elle était bien assez lucide pour comprendre que même en ayant terminé ce livre, sa lecture ne se terminerait pas là. Avant qu'elle ne lise la première page, quelqu'un toqua à la porte de sa chambre. Ce fut son père qui entra. Alfred Mortimer, bien qu'un peu grassouillet, avait une allure de conquérant fort et musclé lorsqu'il se dirigea vers sa fille.


-Papa! S'écria-t-elle le sourire aux lèvres en déposant son livre sur sa table de chevet.


-Bonjour, Drusila. Je suis rentré. Désolé de ne pas avoir été là hier. Joyeux anniversaire!


En prononçant ces mots, il sortit de derrière son dos une petite figurine de cheval en bois. Toute contente, elle prit la figurine et imita les hennissements d'un cheval.


-Merci papa. Remercia-t-elle heureuse. Mais pourquoi tu n'étais pas là, hier?


-J'avais une affaire à régler. Vois-tu, je suis l'heureux propriétaire de mon propre navire, désormais. Avant, je ne faisais que louer des bateaux pour les marchandises mais c'est terminé.


-Super! Tu m'emmèneras faire un tour de bateau, un jour?


-Je te le promets. Maintenant, je te laisse. Ta mère ne sait pas encore que je suis de retour.


Alfred embrassa le front de sa fille et prit la direction de la porte. Drusila déposa alors son cheval sur son livre et descendit de son lit.


-Papa? Interloqua-t-elle.


-Oui, ma puce?


-Je sais pour la guerre qui se passe ici. Est-ce qu'un jour elle se terminera?


-Je l'espère, Drusila. Répondit après un instant d'hésitation Alfred d'un ton dépité. Je l'espère.


Drusila en avait marre de voir ses parents risquer leur vie pour une guerre qu'elle ne comprenait pas. Alfred, lui, ne faisait pas partie des Partisans mais Apa avait investi ses marchandises pour que les membres aient de quoi se nourrir. Rika, elle, partait souvent du QG affronter les «méchants» et à chaque fois qu'elle s'en allait, Drusila avait une petite boule dans son ventre. Quelques minutes après le départ de son père, Drusila sortit de sa chambre et décida de se promener dans l'établissement. Elle marchait dans un long couloir et au loin elle vit Vezel et son père se raconter des blagues ensemble. Ses deux-là étaient devenus très amis et Vezel avait intégré le Cercle il y a peu. Elle entendait leurs rires si fort qu'elle partit dans l'autre sens. Elle arriva alors non loin du bureau d'Apa dans lequel elle prenait des livres parfois. Tout à coup, elle entendit une porte claquer. Instinctivement, elle se cacha derrière un mur et se risqua à écouter ce qu'il se passait. Elle entendit alors la voix d'Apa:


-Vous ne m'aurez pas, sales chiens! Je n'ai plus rien à faire avec vous!


Drusila sortit alors la tête et vit un corps étendu sur le sol. Celui-ci avait la gorge tranchée. Il retenait de ses mains la plaie ouverte mais il était bien trop tard pour lui. Très vite, il s'immobilisa, sans vie. Drusila ne connaissait pas l'homme en question et elle ne reconnut pas non plus l'expression colérique d'Apa qui se tenait debout devant lui, un couteau ensanglanté à la main. Apa, peu à peu, s'approcha du corps de sa victime. Drusila regardait attentivement la scène et n'en crut pas ses yeux. Apa agrippait un bout de peau qui se décollait du menton de sa victime et tira dessus. Très vite, le visage de l'homme tué se retrouva dans la main d'Apa. À la place du visage de cet homme, il y en avait désormais un autre que Drusila reconnut comme étant un des membres des Partisans qui était de garde dans la taverne. Apa rangea l'autre visage à l'intérieur de sa robe et alors qu'il tirait le corps pour l'amener dans son bureau, il remarqua une petite silhouette près d'un mur. Drusila comprit qu'elle avait été démasqué et s'enfuit à toute jambe. Elle sentait qu'Apa la poursuivait et courut aussi vite que possible.


-Attends, Drusila! Ce n'est pas ce que tu crois! Criait Apa.


Par chance, l'étage des appartements dans le QG était un véritable labyrinthe et elle réussit à semer Apa. Mais par panique, elle sortit du QG. Elle se retrouva dans la taverne et sortit dans la rue. Elle était essoufflée et décida de se poser sur un tonneau disposé non loin. Elle reprenait son souffle tout en vérifiant si Apa était dans le coin. Ces derniers temps, elle n'avait plus le même genre de relation avec Apa que lorsqu'elle était petite. Désormais, elle passait plus de temps avec sa mère ou son oncle Rasar. Mais de là à tuer un homme, Drusila n'aurait pu l'anticiper. Soudain, un homme s'approcha d'elle. Il était grand, jeune, avait des cheveux longs et son regard était absolument inexpressif. Drusila sentait que celui-ci ne lui voulait aucun mal mais elle en avait tout de même peur. L'homme devina son sentiment lorsqu'il arriva devant cette fille et il dit:


-Tu n'as pas à avoir peur. Tu sembles bouleversé. Qu'as-tu vu?


-A...Apa, il… il a tué quelqu'un. Bégaya-t-elle en se remémorant la scène.


-Un garde? Demanda l'homme.


-Ou...oui. Un garde de la taverne.


L'homme resta muet un instant et se mit à la hauteur de Drusila avant de répondre:


-Dis-moi. Aimerais-tu que cette guerre se termine?


Drusila fut étonné que cet homme sache pour cette guerre qu'elle savait secrète.


-Ou...oui.


-Alors peut-être un jour pourras-tu y mettre fin.


-Moi? Mais comment?


-Je te dirais comment faire mais avant tout, je veux que tu me promettes une chose.


-Quoi donc?


-Drusila ne devra plus exister.



Mitor



Mitor était plongé dans ses pensées tandis que Rohko était en train de l'observer. Il ne voyait pas encore son visage ni même le bout de ses pieds. Lui-même n'arrivait pas encore à se distinguer. Mais derrière lui, le soleil brillait de plus en plus de son éclat et bientôt, il pourrait percevoir tout ce qui se trouve dans la pièce. Mitor fermait les yeux jusqu'à s'en écraser les paupières et cherchait la bonne question à poser. Une réponse lui vînt alors et il demanda:


-Pourquoi je suis ici? Tu veux m'ouvrir les yeux? Soit. Mais pourquoi moi? Pourquoi pas Rika, Karak ou un autre membre des Partisans ou même des Chasseurs?


-Facile comme question. Mon petit, je te connais comme si je t'avais fait. Apa m'a raconté beaucoup de choses à ton sujet. J'ai même interrogé Rasar et il m'a dit comment il t'avait mis dans cette histoire. Le pauvre homme…. Il est tombé bien bas. S'amuser à trahir l'un de ces deux camps est d'un ridicule. Bref, j'ai tout de suite su que tu étais la personne qu'il me fallait.


-Que veux-tu?


-Pas encore de réponse à cette question, malheureusement. Mais allez, je vais t'aider. Ici, nous sommes dans la sortie secrète du QG des Chasseurs mais plus personne ne vient ici donc personne ne nous dérangera. Cette sortie est devenue tellement secrète que même ceux qui l'ont construit l'ont oublié. Dis-moi, que penses-tu de cette guerre? Pourquoi celle-ci est différente des autres?


-Il n'y a pas affaire de foi, de territoire, d'argent. C'est deux opinions politiques qui se confrontent alors qu'elles présentent chacune plusieurs similitudes. Cela prouve que les Hommes sont plus attirés par la confrontation que par le vivre-ensemble.


-Ouah! Magnifique réponse, Mitor.


-Quelle est ta motivation? Tu veux arrêter cette guerre?


-Absolument pas. Répondit subitement Rohko.


-De quoi?! Alors pour qui es-tu?


-Absolument personne.


-Je ne comprends pas, bordel. Pourquoi participes-tu à cette guerre si tu ne veux ni en faire partie ni la stopper?


-Je ne vais pas tout de suite te répondre mais je te donne cependant une nouvelle pièce du puzzle, Mitor. Fais en bonne usage. «Dans un univers où nous sommes tout le monde et à la fois personne, l'on ne peut être quelqu'un. Certains choisissent de se conformer, d'autres de se faire oublier. Mais une infime partie utilise cet univers à son avantage. Qui sont-ils?»


-Une saloperie d'énigme. S'énerva Mitor une nouvelle fois. Très bien. Puisque tu y tiens tant au lieu de me répondre simplement, je vais tenter d'y répondre. Si j'échoue, tu me répondras. J'en ai marre de tout ça.



Drusila



Trois ans ont passés depuis que Drusila a fait la rencontre de l'homme qui l'avait accosté dans la rue. Celui-ci lui avait passé des directives qu'elle s'était empressée à suivre. Peu importe son âge, elle jouait toujours avec le petit cheval de bois que lui avait offert son père pour ses dix ans. Elle récitait des petites chansonnettes en langue valyrienne quand elle jouait avec. Elle s'était fait un ami également qui jouait souvent avec elle dans la Salle des Torturés. Il s'appelait Gérald. C'était un enfant encore bien innocent qui avait un an de moins que Drusila. Gérald était un ancien esclave enlevé à ses parents quand il était tout petit et il avait atterrit seul chez les Partisans. Celui-ci n'appréciait pas quand Drusila s'absentait sans prévenir en plein milieu de leur jeu, comme elle le fit ce jour-là. En effet, Drusila était très ponctuelle et lorsqu'on lui demandait de venir à un endroit, elle y allait ni en retard ni en avance. Aujourd'hui, c'était Apa qui l'avait appelé à son bureau. Juste après que Drusila ait vu Apa tuer un homme, celui-ci avait tenté par tous les moyens de l'approcher pour lui expliquer son geste mais elle le fuyait. Elle n'en avait parlé à aucun de ses parents, de peur qu'elle subisse des représailles. Elle restait plus longtemps dans sa chambre à lire des livres plutôt qu'à sortir. Un jour, Drusila n'avait pas pris attention à verrouiller sa porte et Apa était entré. Il s'était assis calmement à côté d'elle et lui avait raconté alors ses motivations qu'elle connaissait en réalité déjà.


-J'ai dû trahir quelqu'un de très important et aujourd'hui, il envoie des hommes pour me tuer pour que je paye ainsi le prix du sang. Je ne peux pas trop en dire mais figure-toi que j'avais raison de faire ce que j'ai fais. Depuis, j'ai intégré les Partisans et je me bats pour leur cause. Peut-être comprendras-tu mieux ce que je veux dire lorsque tu seras plus grande. Le jour où tu comprendras, viens me trouver. J'ai des projets pour toi.


Lorsqu'Apa était sorti de sa chambre, elle avait sourit, contente de ce qu'elle venait de faire, quelque chose de simple et pourtant usant d'un pur génie: Se taire lorsque la vérité est déjà connue. Drusila partit donc, en ce jour où elle planta une nouvelle fois Gérald en plein milieu de la Salle des Torturés, en direction du bureau d'Apa. Elle toqua à la porte et elle attendit l'invitation à entrer. Elle s'assit ensuite en face du bureau d'Apa et attendit de connaître la raison de cette convocation. Apa était en train d'écrire sur un parchemin et Drusila remarqua une lettre décachetée bien mise en valeur sur le meuble. Voyant qu'aucun mot ne sortait de la bouche d'Apa, elle essaya de prendre l'enveloppe.


-N'y touche pas. Ordonna doucement Apa.


-C'est un rapport?


-En effet. Mais tu connaîtras bien assez tôt son contenu.


Peu après qu'Apa ait dit cette phrase, des bruits de pas se firent entendre. Alfred Mortimer entra alors subitement dans la pièce, suant de tout son corps et possédant une mine apeurée.


-Père! S'exclama Drusila qui n'avait jamais vu son paternel ainsi.


-Apa! S'exclama à son tour Alfred d'une voix au bord de la panique et des larmes. Est-ce vrai?! Dis-moi que c'est faux! Dis-moi que Vezel n'a pas été assassiné par ces chiens!


Apa déposa sa plume, prit la lettre de son bureau et l'agita devant Alfred d'une mine dépité.


-C'est malheureusement vrai. Assassiné dans une ruelle.


-Mon Dieu! Mon cher ami….


Alfred s'écroula, ne pouvant retenir ses larmes. Drusila se leva et partit consoler son père. Elle aussi était sous le choc de l'annonce de cette mort. Vezel était gentil avec tout le monde, dont elle. Elle se souvînt alors du petit Izzir qui l'avait accompagné lors de son arrivée au QG des Partisans et elle demanda à Apa ce qui allait advenir de lui.


-Certainement fouetté à mort sur la place du marché. La ville le soupçonne d'avoir tué son maître.


-Un foutu bouc-émissaire. Constata amèrement Drusila.


Les sanglots d'Alfred se faisaient soudain plus rares et il partit alors sans un mot en direction de sa chambre. Drusila, peu après, fit de même.


Les jours qui suivirent furent très durs. Plus ceux-ci passaient, plus son père devenait fou. Ce n'était pas tant son deuil pour Vezel qu'une sorte d'illumination qu'il avait eu qui tourmentait son esprit. Il proclamait haut et fort à qui voulait l'entendre que cette guerre allait tuer tout le monde. Il avait énormément peur pour sa femme et sa fille, plusieurs fois, il leur proposa de partir loin de Lys en ne disant rien à personne. Rika, aussi compréhensive soit-elle, disait que sa peur était dû à son deuil et que ces deux sentiments finiront bien par s'en aller. Drusila, quand à elle, ne voulait plus s'en aller comme c'était le cas il y a quelques années. Elle répondait à son père que sa famille ne serait jamais autant en sécurité qu'ici. Déçu qu'il ne puisse convaincre personne, Alfred entendait les paroles de sa fille et disait à sa famille de rester à tout prix à l'intérieur du QG. Un jour, Alfred entra dans sa chambre.


-Bonjour Drusila.


-Bonjour Papa. Salua-t-elle en déposant son petit cheval de bois sur le tome 5 des plus grandes batailles d'Essos et de Westeros.


-Tu joues toujours avec ce jouet. Constata-t-il le sourire aux lèvres. Je suis content de te l'avoir acheté.


-Que fais-tu ici?


-J'aimerais te proposer quelque chose. Tu te souviens de ma promesse de t'emmener sur mon navire?


-Oh oui! S'exclama-t-elle, se doutant des prochains mots de son père.


-Et bien il est temps que tu partes faire un tour avec ton vieux père. On lève les amarres dans trois jours. Soit prête.


-Mais papa, ne dis-tu pas qu'il faut que nous restions au QG pour notre sécurité?


-Je te préfère à mes côtés. Ne t'en fais pas. Je m'assurerai qu'il ne t'arrive rien.


-Gérald pourra venir avec nous?


-Bonne idée, je me charge de le prévenir. Bonne nuit.



Mitor



-«Dans un univers où nous sommes tout le monde et à la fois personne, l'on ne peut être quelqu'un. Certains choisissent de se conformer, d'autres de se faire oublier. Mais une infime partie utilise cet univers à son avantage. Qui sont-ils?» Se répéta maintes et maintes fois Mitor.


Il cherchait dans sa mémoire, sa pensée et même son cœur mais il ne trouvait rien. Il se sentait idiot car il savait que la réponse était en lui. Rohko l'observait attentivement et la lumière de l'aube allait les atteindre quand il décida de se lever.


-Je sens que tu y es presque. Encore un petit effort. Rassura-t-il.


Il s'approcha de Mitor et celui-ci était désormais si près qu'il pouvait voir le visage de ce dernier. Il n'avait plus le même que la dernière fois. Cette fois, il avait une expression moins agressive et bizarrement plus réconfortante. Il sortit une clé qui était attaché à sa ceinture et déverrouilla les menottes de Mitor. Celui-ci étira ses bras et se leva. Il n'avait aucun moyen de se défendre et n'allait donc pas attaquer. Il regarda derrière lui la lumière se reflétant sur la roche humide et il se demandait si fuir ne serait pas la bonne solution. Mais il n'avait pas envie de rentrer au QG, estimant qu'il n'en avait pas le droit tant que toute cette histoire ne serait pas éclairci. Il se retourna vers Rohko et l'observa autant que lui l'observait. Il se répéta une nouvelle fois l'énigme. Tout à coup, il eut une sorte d'illumination. Mitor faillit tomber à la renverse et avait du mal à répondre.


-Tu….tu es un….



Drusila



-Préparez-vous à amarrer! Hurlait le chef d'équipage du nom de Marc.


Ça y est. Le voyage était terminé. Drusila et Gérald avait traverser le Détroit ainsi que toute la mer d'été et la Baie des Serfs. De Dorne jusqu'à Lys en passant par Port-Réal, la Baie des Crabes, les Îles de Fer ou même jusqu'à Quarth, Drusila était contente d'avoir exploré le monde. En montant sur le navire de son père, elle avait peur d'avoir le mal de mer mais elle fut heureuse de voir qu'il n'en était rien. Elle et Gérald aimaient jouer dans la soute du navire, entre les caisses de marchandises. Drusila avait emmené son petit cheval de bois tandis que Gérald avait amené un petit livre simple à lire. Drusila lui apprenait la lecture et Gérald n'arrivait pas à comprendre comment son amie faisait pour lire des gros volumes. Drusila, quand elle ne jouait pas avec Gérald, restait dans son coin et fouillait dans son petit sac pour vérifier si ce qu'elle avait emmené était toujours avec elle. Il faut dire que Gérald était très curieux et elle devait cacher son sac dans les cachettes les plus secrètes du navire. Ce jour-là, le navire «Le Loup des Mers», rebaptisé ainsi en hommage à Vezel, revenait à Lys. Elle sortit sur le pont et regarda heureuse la cité. Alfred arriva près d'elle.


-Je te ramènerai quand j'aurais terminé mes papiers de cargaison.


Et Alfred partit dans sa cabine. Drusila se mit sur le bord du pont et vit des barques aller et venir entre le port et le navire pour décharger les marchandises. Après un temps, elle partit rejoindre Gérald. Sur son chemin, elle passa à côté de la cabine de son père. La folie de ce dernier refaisait une nouvelle fois surface.


-Ça vit, ça meurt. Bon Dieu de poissons qui ne vivent que pour mourir! J'en ai marre, Frédéric! On ne vit que pour mourir, comme ces foutus poissons!


-Capitaine, cessez vos divagations et occupons-nous de nos marchandises. Votre ami n'aurait pas voulu vous voir ainsi. Répondit le dit Frédéric.


-Et que sais-tu de mon ami? Sache qu'il a fait la guerre, Frédéric! C'était un fier combattant! Il s'était pris d'affection pour un môme esclave qui ne le mérite même pas, il a été nommé comme élite dans son camp! C'était quelqu'un, ce vieux Vezel! Mais passons! Occupons-nous du poisson mort! Va me chercher ce foutu Marc!


Frédéric s'en alla alors de la cabine du capitaine. Drusila passa à côté de celui-ci qui ne fit pas attention à elle. Elle observa son père, par-dessus une rambarde et vit qu'il griffonnait sur des parchemins. Elle resta là quelques instants jusqu'à ce que le dénommé Marc arrive. Elle tenta d'écouter la conversation mais ne pouvant supporter les mots fous de son père une nouvelle fois, elle décida de retourner dans la soute. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, elle vit une ombre se diriger vers la cabine, zigzaguant entre les caisses qui se trouvait sur l'étagère. Elle se cacha une nouvelle fois et observa cette ombre. Elle reconnut la silhouette d'un enfant d'à peu près son âge qui tentait de faire le moins de bruit possible. Scintillant parmi cette ombre, elle vit la lame d'une dague. Pris de panique, elle se dépêcha de rejoindre Gérald. Arrivé dans la soute, elle vit son ami en train de lire le livre que celui-ci avait emmené. Gérald remarqua l'expression inhabituelle qui se dessinait sur le visage de Drusila et lui demanda:


-Drusila, ça va?


Elle ne répondit pas et gravit les étagères pour prendre le sac qu'elle avait caché.


-Alors il était là, ton sac?


Drusila fouilla son sac et prit ce qu'elle avait emmené en secret.


-Qu'est-ce que c'est? Demanda Gérald, faisant preuve une nouvelle fois de sa curiosité enfantine.


Drusila cachait son objet avec ses mains et s'approcha de Gérald.


-Gérald, veux-tu jouer à un nouveau jeu?


-Oh oui, ce serait superbe! À quoi joue-t-on?


-On va jouer au jeu qui s'appelle «Les apparences sont trompeuses» mais ce n'est pas un jeu auquel nous allons jouer seul. On va attendre que des adultes viennent chercher un d'entre nous tandis que l'autre partira se cacher. Tu mettras ce que j'ai dans ma main et tu essaieras de tromper les adultes qui viendront te chercher. C'est très drôle, tu vas voir. Moi, je vais me cacher derrière ces caisses dans le fond. Tu as compris?


-Oui, ça m'a l'air drôle d'avance, en effet. Passe-moi ce que tu as dans ta main, s'il te plaît.


Avant que Drusila ne lui passe son objet, elle entendit des bruits sourds qui provenait de l'étage du dessus et des paroles incompréhensibles. Elle savait ce qu'il se passait là-haut. Elle en avait été informé lorsqu'elle arpentait Lys pour le compte de son mentor mais n'avait pas renseigné ce dernier. Son père venait d'être tué.


Quelques heures plus tard, Gérald et elle se trouvait toujours dans la soute. Gérald commençait à trouver le temps long car personne ne venait et il regrettait même d'avoir commencé ce jeu. Drusila, elle, lui conseillait de patienter, lui promettant que ce qui allait arriver allait être drôle. Mais elle le disait sans joie aucune dans sa voix. Elle se retenait de ne pas pleurer. Elle se maudit plusieurs fois pour ne pas avoir réagi et ainsi sauvé son père. Elle avait aussi peur et elle se retenait plusieurs fois de ne pas se sentir désolé pour son ami qui ne s'attendait certainement pas à ce qui allait suivre. Mais elle devait tout de même cesser de ressentir toutes ces émotions. Elle se devait de suivre le plan prévu. Elle entendit alors soudain plusieurs bruits de pas dans les étages du dessus. Plusieurs voix se faisaient également entendre.


-Fouillez tout le bâtiment! Il est peut-être encore là!


-Par les Dieux, quelle horreur. Quel monstre a pu faire une chose pareille?!


La porte de la soute s'ouvra soudain et Drusila se crispa dans sa cachette, derrière une caisse dans le fond de la pièce. Deux hommes venait d'entrer et à voir leur tenue, c'était des gardes de la cité qui avait été prévenu de ce qu'il s'était passé. Ils virent alors Gérald qui jouait avec le cheval en bois.


-Attends, on ne peut pas…. Disait l'un des gardes.


-Les ordres sont les ordres. Répondit l'autre. Allez. Viens avec moi, petite.


Gérald avait le sourire aux lèvres, voyant que le jeu commençait enfin à devenir intéressant. Un des gardes agrippa l'une des mains de Gérald et l'emmena en direction du pont. Drusila se risqua à jeter un œil hors de sa cachette et vit Gérald, qui ressemblait trait pour trait à elle, suivre les gardes avec un grand sourire. Ce qu'elle avait «trouvé» sur cette fille qui lui ressemblait avait désormais servi. Cette fois, elle ne put retenir ces larmes.


-Désolé, Gérald. Désolé, Papa. Ce n'est que la volonté de mon Dieu. Ce n'est que le chemin qui m'est prédestiné. Vous n'êtes que des outils du Dieu Multiface.



Mitor



-Tu...tu es un… un Sans-Visage? Comme Apa?


-Oui. Répondit Rohko avec un grand sourire.


-Alors tu as pris le visage de Rohko. Mais qui es-tu derrière?


Rohko prit alors d'une main un petit pli qui se trouvait sur son cou et tira dessus. Le visage de Rohko fut emmené par sa main comme une serviette que l'on enlève d'une table. En même temps, le corps musclé de Rohko rapetissait à vue d’œil jusqu'à prendre une forme plus féminine, les muscles du buste prenant la forme d'une petite poitrine. Mitor releva les yeux et vit alors ce visage qu'il ne connaissait que trop bien, celui de Drusila. Tandis que la lueur de l'aube réussissait enfin à atteindre le visage des deux adolescents, la vérité éclatait bien plus encore.

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