La cour des grands

Chapitre 80 : Épilogue Mhaegen

6247 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/07/2019 18:57



Épilogue:

Mhaegen



Mhaegen se réveilla en sursaut. Elle n'avait pourtant pas fait de cauchemar. Au contraire, ses dernières nuits étaient plutôt revigorantes. Ce qui l'avait réveillé, ce matin-là, c'était une discussion non loin d'elle. Couché sur un lit au premier étage d'un lit superposé, Mhaegen leva un peu la tête pour savoir qui et où les énergumènes qui l'avaient réveillés discutaient. Elle remarqua alors trois servantes autour d'une bougie. Elles étaient devant le lit de Mhaegen, de l'autre côté de l'allée. Mhaegen les regarda méchamment, leur en voulant d'avoir interrompu sa si belle nuit et pensa à Lollys, et donc à quel point une nuit avec sa maîtresse était largement mieux que dormir dans le dortoir des servantes. Elle décida d'écouter leur conversation, par curiosité.


-Mon maître est complètement sous le choc. Témoigna une première servante. Il ne pensait pas assister à un tel événement de son vivant.


-Il faut dire que ce jour-là restera gravé bien longtemps dans notre mémoire. S'exprima une deuxième. Alors je n'imagine pas pour nos maîtres qui sont allés à sa rencontre.


-Ma maîtresse chante tous les soirs à son balcon une sorte de poème sur le deuil. Raconta la troisième. J'espère que nos maîtres et maîtresses sauront vite se remettre de leur….


-Bande d'idiotes. Jacta une voix derrière elles.


Mhaegen était en train de se lever et descendre de son lit pour les rejoindre. Il n'y avait aucune méchanceté dans sa voix. C'était plutôt de l'agacement. Les trois servantes, vexées par cette insulte à leur égard, la regardèrent s'approcher d'elles.


-Vos maîtres et maîtresses jouent à un jeu que vous devriez connaître, chères collègues. Continua Mhaegen. Ils ne font ça que pour se faire bien voir par les plus hautes hiérarchies. C'est étonnant que vous ne l'ayez pas compris. Ils se fichent pas mal de la mort du roi. Tout ce qu'ils veulent, c'est que son successeur se souvienne de leur loyauté pour leur suzerain. Mais peut-être jouez-vous aussi à ce jeu? Après tout, même une servante peut monter en grade. Gouvernante, servante du roi ou de la reine. Vous espérez qu'un des oiseaux de Varys soit en train de vous espionner pour qu'il fasse part au Maître des Chuchoteurs votre dévotion à la Cour Royale. Je vous plains tellement. Cette Cour n'est hélas pas pour nous, je le crains. Et je pense qu'il vaut mieux ne pas y mettre un pied, si vous voulez mon avis.


Le petit monologue de Mhaegen plongea dans un silence total les trois servantes qui fixaient leur collègue comme si elle venait de les poignarder en plein cœur. Après un temps, l'une d'elle se leva, suivie peu après des deux autres.


-Pour qui te prends-tu?! Rétorqua la première qui s'était levée. Si ce que tu dis est vrai, alors peut-être qu'un des espions de Varys vient de t'entendre te foutre de la Cour. Et dans ce cas, ta réputation va drastiquement baisser et peut-être seras-tu virée.


-Cela, mes grandes, je m'en fiche bien. Répondit Mhaegen, un petit sourire aux coins des lèvres. Sur ce, je vous laisse dans vos illusions. Le jour va bientôt se lever sur la Cour. Je veux dire, sur cette compagnie de théâtre.


Une fois de plus, elle plongea les trois servantes dans le silence. Mhaegen n'en retenait aucune fierté car son agacement prenait le dessus. Mais en partant vers les cuisines, elle réussit à se calmer et elle se sentit détendue, contente d'avoir éradiqué des espoirs superficiels dans le cœur de ses collègues. Mhaegen prépara donc le petit-déjeuner avec le sourire. Portant du lait, du pain et des fruits divers, elle s'en alla en direction de l'appartement de Lollys, certainement encore endormie. Alors, elle entra doucement dans l'appartement qui commençait à être baigné par la lumière de l'aube. Elle déposa délicatement le petit-déjeuner sur la table, sans bruit, et observa sa maîtresse effectivement endormie. Elle s'approcha soudain de la porte et la ferma à clef. Alors, telle une anguille, elle se déplaça jusqu'à arriver au-dessus de Lollys. L'expression reposée et enfantine de cette dernière donnait à Mhaegen un large sourire et une étrange sensation de réconfort. Celle-ci s'approcha à quelques millimètres du visage de sa maîtresse qui sentit soudain sa présence. Lollys ouvrit les yeux lentement et fut surprise de voir deux grands yeux la fixer aussi près d'elle. Elle reconnu très vite ce regard et se tourna mieux vers sa maîtresse pour l'embrasser.


-Tu es dingue de venir ici, Elizabeth. S'exclama Lollys. Et si ma mère et ma sœur arrivent?


-J'ai fermé la porte à clef, ne t'inquiètes pas. Et puis, ce n'est pas elles qui vont nous dire ce qui est bien ou mal, n'est-ce-pas? Elles qui font des courbettes pour se faire bien voir.


Mhaegen allait embrasser Lollys mais la main de sa maîtresse l'en empêcha.


-Que t'arrive-t-il, Elizabeth? Demanda-t-elle, inquiète. On dirait que tu es en colère.


-Je ne suis pas en colère, Lollys, excuse-moi. Je suis juste soulagée qu'elles s'en vont aujourd'hui. Et puis j'en ai marre de la Cour, tu comprends?


Tout en discutant, Mhaegen guida sa main vers la poitrine de Lollys et, peu à peu, elle se mit à l'embrasser. Lollys prit soudain la tête de Mhaegen dans ses mains pour la relever.


-Elizabeth. Depuis le mariage du roi, toute la Cour est endeuillée. Du moins, c'est ce que les seigneurs et dames veulent faire croire. Ça, nous le savons. Mais avant la mort de Joffrey, on s'en fichait, non, de leur comédie. On en riait même. Pourquoi es-tu autant révulsé désormais?


Mhaegen mit un temps à répondre. En réalité, il ne s'agissait pas d'un agacement constant apparut après le mariage contre la Cour. Elle avait tué le roi. Elle avait provoqué toute cette comédie à laquelle se jouait les seigneurs et les Dames. Mais aussi, elle avait désormais peur de cette Cour et du Donjon Rouge en général. Peur que l'on découvre son implication dans la mort du Roi, peur qu'on la dénonce et peur que Lollys en fasse les frais. Mais tout cela, elle ne pouvait le dire à Lollys car elle devrait lui dire la vérité sur cette Elizabeth Sand qui n'a jamais existé. Alors, elle répondit:


-Je pense que c'est juste la goutte d'eau qui a fait déborder mon vase de tolérance, Lollys, rien de plus. Mais ne t'en fais pas, je vais bien. Tu sais pourquoi? Parce que je t'aime toujours.


Mhaegen embrassa Lollys qui avait retrouvé le sourire et elle repartit dans son élan sensuelle. Elles firent attention tout de même aux bruits de pas dans le couloir et ainsi de ne pas trop se laisser aller aux cris.


Plus tard, nue et allongée sur le lit, Mhaegen serrait Lollys dans ses bras, qui se laissait bercer et regagner par le sommeil. Elle pensait à ce moment-là à tout un tas de choses. Elle avait atteint son but, celui qui la maintenait en vie jusqu'alors. Elle tourna alors son regard vers Lollys, blottit à côté de sa poitrine, accompagné d'un sourire témoin de son épanouissement. Lady Olenna leur avait dit à toutes les deux que leur amour ne durerait pas, que ce monde n'accepterait pas leur union, qu'il y mettrait fin un jour ou l'autre et qu'il fallait en profiter jusque là. Ni elle, ni Lollys n'avait envie que ça s'arrête. Et Mhaegen estimait qu'après tous les malheurs qu'elle avait vécue, elle méritait bien de vivre avec la seule personne qui lui donnait du bonheur. Mais comment échapper à un destin qui semble inéluctable? Lentement, Mhaegen s'extirpa de l'étreinte de Lollys. Il ne fallait pas que Lady Tanda et Falyse les surprennent dans le même lit.


À peine vingt secondes après cette pensée, quelqu'un toqua à la porte. Alors que Mhaegen était encore en train de remettre sa robe de servante, elle entendit la voix autoritaire de Lady Tanda:


-Ouvre, Lollys! Nous partons dans moins d'une heure!


Lollys s'était immédiatement réveillée et elle se rhabilla dans sa robe jaune éclatante aidée par Mhaegen qui n'avait pas terminée de son côté à remettre sa robe. Lollys l'aida à son tour et ce, en moins de trente secondes. Lollys partit ouvrir les rideaux tandis que Mhaegen s'approchait d'un rythme plus lent vers la porte. Elle déverrouilla la serrure et Mhaegen n'eut pas le temps d'abaisser la poignée que Lady Tanda et sa fille aînée passaient déjà la porte, la mère marchant d'un pas bien assuré.


-Bon sang, Lollys! Tu m'as fait attendre! Tu devrais déjà être levée depuis bien longtemps pour une Dame! Et qu'est que c'est que ce genre de verrouiller la porte alors que ta foutue servante est avec toi?!


Un mouvement vif et inattendu déclencha le silence le plus long et le plus horrible qu'ont eu à subir les protagonistes dans cette pièce. Le reflex regrettable qui avait propulsé la main de Lollys dans le visage de sa mère venait de marquer un événement plus choquant que l'empoisonnement du roi Joffrey. Tanda tenait sa joue rouge, l'air stupéfaite et enragée, devant sa fille cadette, l'air apeurée qui essayait tant bien que mal de trouver un peu de courage et d'assumer son geste. Falyse et Mhaegen faisait les gros yeux, dans l'attente interminable de savoir ce qui allait se passer désormais.


-Comment as-tu osé poser la main sur moi?!


-Je...je suis désolé, maman…. Mais je ne veux plus que… tu sois cruelle envers tous ceux qui ne sont pas…de ce monde. Répondit tant bien que mal Lollys, à mi-chemin entre les larmes et la recherche intensive de courage.


-C'est bon, Dame Lollys, ce n'est rien. Clama Mhaegen, tentant de calmer la situation.


-Tais-toi, toi! Cria Tanda, tournant sa tête vers Mhaegen avant de revenir sur sa fille cadette. Nous partons, moi et ta sœur à Castelfoyer. Et si à notre retour, tu n'as pas fait virer cette servante, je m'en chargerais moi-même. Nous reviendrons pour le couronnement du roi Tommen, dans deux semaines. Fais cela avant, c'est compris?


Lollys ne répondit pas tout de suite et Mhaegen savait ce qu'elle allait répondre. Fort heureusement, une autre voix s'éleva pour prendre parti.


-Lollys, prépare-toi et rejoins-nous aux portes du Donjon Rouge. Commanda Falyse. Mère, allons-y, voulez-vous?


La fille cadette et sa mère se regardèrent dans les yeux en silence un instant. Lollys sentit une goutte perler sur sa joue rougie par la honte et la colère. Tanda faisait preuve d'un air autoritaire qui rivalisait incroyablement bien avec celui de Cersei. Les deux femmes s'éloignèrent alors et Falyse emmena sa mère hors de l'appartement et fermant la porte au passage. Lollys expira tout l'air qui avait stagné dans ses poumons d'un coup et elle s'assit sur son lit, essoufflée. Une seconde plus tard, Mhaegen tenait un mouchoir dans sa main et le passa délicatement sur les joues de Lollys.


-Je me suis laissée emporter, désolée Elizabeth. S'excusa cette dernière.


-Ne t'inquiètes pas, tout va bien. Je crois même qu'au fond, je suis fière de toi. Rassura Mhaegen.


Lollys sourit et prit le mouchoir des mains de Mhaegen pour bien s'essuyer les yeux. Toutes deux s'assirent à la table et mangèrent leur petit-déjeuner.


-Elizabeth, ne m'accompagne pas aux portes du Donjon Rouge, s'il te plaît.


-Pourquoi ça?


-Je n'ai pas envie d'avoir la même scène que tout à l'heure. Et puis, entre nous, je suppose que tu n'as pas envie de lui dire au revoir, et moi, je n'ai pas envie de lui mettre une autre claque.


Les deux amantes sourirent, prêtes à avoir un fou rire, mais se calmèrent.


-Pendant ce temps, peux-tu aller voir Lady Olenna?


-Pourquoi faire? Demanda Mhaegen, intriguée.


-J'ai besoin de parler à une vraie dame. Répondit Lollys, toujours avec le sourire. Et puis, cela fait longtemps que nous n'avons pas parlé avec elle.


Mhaegen accepta. En fait, cette demande de Lollys l'arrangeait. Elle aussi avait envie de parler à la reine des épines. Elle voulait savoir comment l'enquête sur l'assassinat du roi avançait, savoir si c'était possible que l'on remonte jusqu'à elle. Et savoir si Lord Tyrion allait être exécuté pour un crime qu'il n'avait pas commis. Lorsqu'elle y avait repensé, après le banquet du mariage et après avoir calmé ses émotions, elle sentit une profonde culpabilité et de la compassion face à cette injustice. Tyrion avait été arrêté parce qu'il avait toutes les raisons de tuer le roi après l'humiliation que lui avais fait subir ce dernier au banquet. Et aujourd'hui, il croupissait dans les geôles du château, attendant son procès et certainement son exécution. Elle aurait donné beaucoup pour rendre visite à Tyrion et s'excuser mais sa geôle était bien gardée et jamais, malgré ses compétences d'alchimistes, elle n'aurait pu passer la porte de sa cellule. Elle ne pouvait que prier pour qu'il sorte victorieux du procès. Lollys la sortit de ses pensées et lui demanda de l'aider à mieux mettre sa robe dorée.


Mhaegen, en attachant le dos de la robe de sa maîtresse, se replongea une nouvelle fois dans ce bazar qui occupait son esprit. Même maintenant que son objectif était accompli, elle entendait encore ce son aiguë qui apparaissait à chaque fois qu'elle réfléchissait à cent choses différentes en même temps. Tyrion, Lollys, Tanda, Falyse, Olenna, Barra, Baelish, Cersei, Joffrey. Tous ces noms se bousculaient dans sa tête sans forcément une raison logique. Qu'allait-il se passer maintenant? Allait-elle vraiment continuer ainsi sa vie de servante et amante de Lollys comme si rien n'avait eu lieu? Comme s'il n'y avait pas de conséquence possible? Elle continuerait d'arpenter les couloirs du château alors qu'elle venait d'en tuer le roi et cette vision, étendue sur des semaines, des mois et des années paraissaient impossibles. La peur s'insinua soudain comme un serpent dans ses veines. Elle repensa à son fils pour y trouver du confort et se mordit les lèvres. Quelle idée idiote! Repenser à Barra lui faisait serrer les poings et elle tira si fort sur le nœud final de la robe que Lollys poussa un cri de surprise.


-Excuse-moi, Lollys, je n'ai pas fait attention.


-Ça va, ne t'inquiètes pas.


Lollys se tourna vers Mhaegen et observa soudain son air triste.


-Toi, au contraire, tu n'as pas l'air bien, que t'arrive-t-il?


-Rien, j'ai juste un coup de fatigue.


Mhaegen souffla du nez pour retrouver son état normal et embrassa Lollys, estimant que le confort, elle l'avait devant les yeux et pas dans sa tête. Son baiser, étonnement plus passionné qu'à l'accoutumé, surprit Lollys qui n'avait pas sentit leur amour aussi vivace depuis le début de leur relation. Mhaegen voulait exprimer son amour comme jamais elle n'avait pu le faire dès lors. Après un temps qui parut bien trop court, Lollys et Mhaegen décidèrent de quitter l'appartement. Mhaegen ferma la porte et salua son amante qui partait rejoindre sa mère et sa sœur. Elle la regarda jusqu'à ce qu'elle disparaisse au détour d'un couloir et partit à son tour dans une autre direction.


Mhaegen partit alors au Bois Sacré, lieu qui n'avait pas vraiment changé malgré la mort du roi, à part les sujets de conversations évidemment. Avant d'aller retrouver la reine des épines, Mhaegen décida de se relaxer au bord de la mer, dans la partie basse du Bois Sacré. Elle y resta moins longtemps qu'elle ne se l'était promis mais cela lui permis de se sentir plus légère. Elle n'avait pas envie de trop se prendre la tête et voulait retrouver toutes ces pensées vagabondes une prochaine fois. Alors qu'elle s'apprêtait à traverser le chemin qui le menait directement aux Tyrell, Mhaegen s'arrêta. Elle venait de sentir quelque chose, ou plutôt, quelqu'un. Elle se tourna vers les arbres près des murs du château, là où le soleil faisait atteindre peu souvent ses rayons. Une ombre la guettait. En s'approchant, la silhouette devint plus distincte et laissa montrer l'allure d'une femme. Mhaegen la connaissait, c'était l'une des servantes qu'elle avait vu ce matin à son réveil, une qui s'inquiétait de la santé mental de son maître suite à la mort du roi. La servante la regardait et lorsqu'elle vit qu'elle s'approchait, elle fit de même. Les deux femmes se firent donc face. Mhaegen, voyant que cette servante devant elle n'allait pas commencer la conversation, demanda :


-Tu es la servante de ce matin. Pourquoi me regardes-tu?


-Je m'appelle Mévanwi. Je ne suis pas là de mon plein gré. Si je le pouvais, je quitterais la capitale sur le champ.


-Qu'est-ce qui t'en empêche, Mévanwi? Et pourquoi viens-tu me voir? Pour qui travailles-tu? Mitrailla de questions Mhaegen, qui commençait pour une raison inconnue à s'inquiéter.


-Je ne suis pas obligée de répondre à tout ça. Suis-moi, s'il te plaît. Je te donnerai les réponses.


Mévanwi ouvrit le chemin et partit en direction du château. Mhaegen décida de ne pas la suivre. Mévanwi se retourna alors et avoua:


-Je sais ce que tu as fais. Si tu ne veux pas que je le dise haut et fort ici, tu as tout intérêt à me suivre.


Le cœur de Mhaegen fit plus qu'un bond. Elle serra les poings et se laissa alors guider par cette servante menaçante.


Elles entrèrent dans le château, traversèrent de nombreux couloirs et s'arrêtèrent devant une porte. Mhaegen sentit son sang changer de nouveau de direction. Elles étaient devant la porte de l'appartement de Lollys.


-Pourquoi sommes-nous ici? Demanda Mhaegen, sentant sa colère monter.


-Nous serons plus tranquille dans un lieu où la maîtresse n'est pas là, n'est-ce-pas?


-Si tu comptes faire du mal à Lady Lollys, tu vas….


-J'en ai rien à faire de ton amante, Mhaegen. Ouvre cette porte, maintenant.


Cette fois, Mhaegen prit peur. Non seulement elle était au courant de sa relation avec Lollys mais aussi de son véritable nom. Prête à se défendre à la moindre occasion, elle sortit la clé de l'appartement et déverrouilla la porte. Une fois dans l'appartement, les draps du lit encore défaits, Mévanwi s'occupa de fermer la porte tandis que Mhaegen se retourna lentement vers elle. Mhaegen était désormais sûre que cette personne ne lui voulait pas du bien.


-Mhaegen. Quand j'ai su ce matin que c'était toi qui avait tué le roi, j'ai compris ton comportement de ce matin. Ça tombe sous le sens mais jamais je me serais attendu à ça. Tu as tué le roi.


-Et c'est parce que j'ai tué le roi que tu es ici? Quelqu'un a découvert que j'étais lié à son meurtre et veut me tuer, c'est ça? C'est Cersei, je suppose?


-Crois-moi, si Cersei le savait, de toutes les méthodes pour te faire tuer, je devine que la plus horrible serait choisi pour toi. L'écartèlement, peut-être. Ou par le feu.


-Tu es donc là pour me tuer, hein? Mais si ce n'est Cersei, alors qui veut me….


Mhaegen s'arrêta dans sa phrase. Elle avait deviné du tout au tout. Elle se sentit comme une sacré idiote de ne pas y avoir pensé plus tôt. Elle faillit s'écrouler sur la chaise à côté d'elle mais se rappela qu'elle devait se mettre dans une posture défensive.


-Ce n'est pas Cersei qui t'envoie. Tu n'es pas là pour rendre la justice du roi. Tu es là pour finir le travail. Est-ce lui qui t'a ordonné de me tuer? Est-ce Lord Baelish?


-Et bien, Mhaegen, quelle perspicacité! S'exclama Mévanwi qui sortit un couteau de sous sa robe, qui était attaché à une cordelette autour de sa cuisse.


Mhaegen ne réfléchit pas longtemps avant de prendre à son tour un couteau sur la petite table. C'était un couteau pour étaler de la confiture et Mhaegen savait qu'elle avait pris celui de Lollys. Elle pria que l'esprit de Lollys l'aide à vaincre son nouvel ennemi en passant par ce couteau mais s'arrêta lorsqu'elle comprit le caractère ridicule de cette prière. Mhaegen tenait le manche si fermement que jamais elle ne le laisserait tomber, même si on lui coupait le bras.


-Je n'ai pas envie de te tuer, Mhaegen, même si tu m’insupporte. Mais je le dois. J'ai un enfant à nourrir, tu comprends.


Mhaegen écarquilla les yeux et comprit que son ennemie avait plus de points communs que prévu.


-Oui, je te comprends, Mévanwi. Tu sais pourquoi j'ai tué le roi? Il a ordonné aux Guets de Port-Réal d'assassiner mon fils alors oui, je sais ce que c'est que d'avoir de l'amour maternelle.


Mévanwi écarquilla les yeux à son tour et alors qu'elle commençait à s'approcher dangereusement avec son couteau affûté vers Mhaegen, elle s'arrêta.


-Et oui, Mévanwi. Continua Mhaegen quand elle vit que ses paroles faisaient effet. L'amour que je portais à mon fils m'a poussé à tuer le roi et à bouleverser l'Histoire du continent malgré tous les risques que j'encourrais. Je me suis jeté dans la gueule du loup et j'aurais pu mourir des centaines de fois dans ce projet fou. J'aurais même pu trahir Lord Baelish, le dénoncer à Cersei et j'aurais eu une bourse bien remplie pour faire ma vie ailleurs mais non, je suis restée car je ne pouvais pas laisser le crime de mon fils, Barra, un simple bébé, impuni! Je serais prêt à raser une ville entière pour que mon fils revienne à la vie mais c'est impossible! Et maintenant, je dois encore payer car j'ai fais cette erreur éthique de répondre à la haine par la haine?! Au meurtre par le meurtre?! C'est ça, la morale de ma putain de vie?!


Mhaegen criait désormais et les larmes étaient apparus tellement vite qu'elle ne les avaient même pas sentis arriver. Elle voulait que son monologue la frappe mais elle ne réfléchissait plus. Elle devait vivre pour Lollys, pour elle, pour que sa notion de justice soit vérifiée.


-Oui, je l'ai tué par vengeance parce que ce type méritait de mourir! Les Dieux ne sont pas les seuls à décider de ce genre de chose! Je suis libre de faire régner la justice par moi-même car je suis une mère! Tu comprends, n'est-ce-pas?! Je suis une mère!


Mhaegen commença à se calmer et elle essuya ses larmes d'un revers de bras. Elle tenait toujours le couteau fermement dans sa main et elle tremblait. Mévanwi, elle, n'avait plus bougé d'un pouce depuis un bon moment maintenant.


-Alors tu n'as plus rien à perdre, désormais, je me trompe? Demanda Mévanwi d'une voix plus chevrotante que cinq minutes auparavant.


-Oui, tu te trompes.


Mhaegen ouvrit les bras comme pour présenter la pièce dans laquelle elles se trouvaient.


-J'ai elle à perdre.


Le silence qui suivit fut horriblement long pour Mhaegen. Sa vie dépendait de ce que cette servante allait décider.


-Tu ne peux donc pas accepter ton sort? Demanda cette dernière.


-Si je n'avais pas rencontré Lollys, je t'aurais laissé faire les bras ouverts et les yeux fermés. Hélas, j'ai enfin repris goût à la vie grâce à elle. Jamais je ne me laisserais tuer.


Un nouveau silence s'installa. Mhaegen devinait déjà la suite des événements.


-Mon fils est toujours en vie. Je peux encore me battre pour lui. Et c'est ce que je vais faire.


Elle recommença de nouveau alors à avancer. Mhaegen sentit son cœur s'accélérer et leva son couteau. Elle cria et, sentant qu'il n'y avait plus rien à faire pour éviter cette terrible situation, chargea elle aussi sur son ennemie, elle aussi victime de la fatalité.



Lollys



Enfin elle s'était débarrassée de sa famille. Elle n'avait même pas pris le temps de les regarder s'éloigner qu'elle était déjà repartie dans l'enceinte du château. Elle n'avait rien contre sa sœur Falyse au fond, elle l'avait même aidé à mettre fin à la dispute de ce matin. Mais le fait qu'elle fasse tout ce que leur mère lui dit de faire pour être «une Dame digne de ce nom» la débectait. Elle était contente de ne pas les avoir dans les pattes au moins pour les deux prochaines semaines. Elizabeth devra être forte pour supporter lady Tanda de nouveau. Pensant à Elizabeth, elle sourit et se rassura. Elle partit alors au Bois Sacré, où son amante et la reine des épines devaient l'attendre. D'un pas assez pressé, elle traversa les couloirs rouges du château et les chemins fleuris du jardin. Le sourire aux lèvres, elle était pressée de revoir les deux personnes qu'elle aimait le plus au monde. Car oui, elle adorait lady Olenna. Pour elle, c'était ça, une vraie dame. Une dame qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui ne fait pas de courbettes pour gravir les échelons. Il faut dire aussi qu'à part Olenna et Elizabeth, il n'y a pas grand monde qui daigne s'intéresser à elle. Sans ces deux magnifiques personnes, elle serait bien seule. Avant l'arrivée d'Elizabeth, d'ailleurs, elle ne sortait que très rarement du Bois Sacré. La servante qui l'avait précédé était bien trop formelle et Lollys s'ennuyait jour et nuit. Maintenant, c'était différent et elle sentait un avenir bien plus divertissant qu'avant, entouré de ces deux femmes.


Arrivant alors devant le lieu où s'était installé les Tyrell, leurs servants et les nobles de leur Cour d'Hautjardin, leur fief, Lollys fut surprise de ne pas voir la silhouette de Mhaegen à l'entrée. Peut-être était-elle avec lady Olenna? Lollys souriait à cette idée. Voir une servante se démarquer autant auprès d'une noble telle que la reine des épines avait ce je-ne-sais-quoi de ravissant. Elle passa à côté des multiples tables de jardins et partit sous le toit où se reposait à l'ombre Olenna. Celle-ci se prélassait sur sa chaise. Elle s'était tournée vers la mer et regardait l'horizon comme une envie de le rejoindre. Port-Réal et le Donjon Rouge devaient certainement commencer à l'agacer. Une des servantes de la reine des épines vit l'arrivée de lady Lollys et annonça:


-Quelqu'un est là, madame.


Olenna se retourna et sourit lorsqu'elle reconnut le visage de Lollys. Elle ordonna alors à sa servante.


-Apportez-lui une chaise et placez-là à côté de moi, voulez-vous?


La servante s'exécuta et elle se retira, sous ordre de sa maîtresse. Lollys, souriante mais un peu inquiète, s'assit à côté d'Olenna et lui demanda:


-Elizabeth a-t-elle annoncée ma venue et savez-vous où elle est?


Lollys avait parlé assez vite et se rendit compte qu'elle ne l'avait même pas salué. Gêné, elle se pardonna:


-Oh, excusez-moi, bonjour Lady Olenna.


-Ne t'en fais pas, ma grande. Rassura Olenna de son ton rassurant et décomplexé. Je comprends que ton inquiétude te coupe de ces formalités. Non, je ne l'ai pas vu. Elle devait venir ici?


-Je lui avais demandé de venir auprès de vous pour m'annoncer le temps que je salue ma mère et ma sœur.


Olenna ne répondit pas tout de suite. Elle se tourna de nouveau vers la mer. Son regard avait changé, son sourire avait disparu et ses tremblements de vieille dame s'étaient intensifiés. Était-ce possible que…. De profil, Lollys, n'arrivait pas à discerner ses traits changeants et elle se demandait juste pourquoi elle ne lui répondait pas tout de suite. Avec un sourire qu'elle fut obligé de forcer, Olenna se tourna de nouveau vers Lollys.


-Ne vous inquiétez pas, très chère. Elle est certainement partie faire ses besoins. Les Dieux savent à quel point il est difficile de trouver un lieu où pisser tranquille ici.


Le langage crue en désaccord avec son rang avait pour habitude de faire rire Lollys mais elle n'émit qu'un petit sourire cette fois. Olenna se rendit compte de son inquiétude grandissante. Si jamais ce qu'elle pressentait était vraie, elle allait vivre un très mauvais moment. Foutu Littlefinger! Il devait savoir que cette servante ne l'aurait jamais trahi!


-Détendez-vous, Lollys, et regardez l'horizon un petit moment. Laissez vagabonder votre esprit pour qu'il quitte enfin l'enceinte de cette prison.


Lollys s'exécuta mais ne put s'empêcher de voir le visage d'Elizabeth transparaître parmi les vagues. Elle avait un mauvais pressentiment. Olenna tourna son regard vers Lollys. Et à voir son air triste, presque apeuré, elle commença à se creuser les méninges pour la rassurer. Soudain, Lollys décida de se lever.


-Excusez-moi, lady Olenna, je vais à sa recherche. Je reviendrais avec elle, ne vous en faîtes pas.


La reine des épines se leva à son tour, réfléchissant le plus vite possible. Lollys était déjà en train de traverser les tables de jardin quand elle cria son nom.


-Lollys!


Jamais Lollys n'avait entendue Olenna crier. Elle savait que ce n'était pas méchant, qu'il s'agissait juste de l'interpeller, mais c'était tout de même impressionnant à ses oreilles au point qu'elle avait stoppé nette sa course et que tous les nobles et servants s'étaient arrêtés dans leurs actions pour regarder leur seigneuresse. Olenna se rapprocha de Lollys, sans une once d'idée pour la rassurer et elle décida d'improviser, tout en sachant que ce n'était peut-être pas la meilleure solution.


-Ma chère, où voulez-vous qu'elle aille? Elle vous aime, vous êtes sa maîtresse et elle ne vous quittera jamais. N'ayez pas peur pour elle, elle est grande et plus âgée que vous. Il ne lui arrivera rien et elle nous rejoindra.


Olenna eut moins de mal à sortir ce sourire car elle était bien fière de cette improvisation. Lollys savait que ces paroles étaient sages et sûrement véridiques mais elle devait savoir où elle était, même si elle était effectivement partie se soulager. Olenna voyait que l'inquiétude la guidait encore et prit le bras de Lollys pour l'emmener de nouveau sur sa chaise. Soudain, elles entendirent toutes deux plusieurs bruits derrière elles et se retournèrent. Elles voyaient des nobles courir dans une direction puis, plus loin, il y eut des cris. Très vite, les nobles et servants de la zone décidèrent de suivre le rythme, dont Lollys et Olenna. Le spectacle se déroulait apparemment deux chemins plus loin, au pied des murs du château. Un petit attroupement s'était formée sur l'herbe, là où les nobles ne vont généralement jamais car ils ne veulent pas abîmer leur bottes et chaussures. Lollys, comme tout ceux qui approchait, se demandait quel était la source de ce raffut. Elle faisait attention à ce que personne ne bouscule Lady Olenna et elle décida de lui tenir le bras à son tour. Mais c'était aussi pour se rassurer. Alors, Lollys et la reine des épines se frayèrent un chemin dans la foule pour voir ce qui se passait. Au loin, des soldats Lannister commençaient à accourir. Lollys se risqua à bousculer quelques nobles et servants tout en faisant attention à Olenna qui, de toute manière, insultait tout le monde pour les laisser passer. Puis, Lollys lâcha subitement le bras de cette dernière. Elle voyait une robe rose, puis une deuxième deux mètres plus loin. Elle aperçut aussi du sang mais elle n'était pas sûre. Puis de longs cheveux bruns. Et des yeux marrons. Et des joues roses. Et un sourire doux et réconfortant. Elle s'écroula à s'en faire mal aux genoux. Ses yeux humides rendaient sa vision floue. Sa bouche ouverte n'émettait plus aucune voix. Et, lentement, elle déposa ses mains et les plaça derrière la robe rose pour la porter sur ses genoux. Un filet de sang sortant de la bouche. Une tâche plus épart et foncée près de la poitrine. Des yeux toujours rieurs mais d'un vide effrayant. Lollys leva les yeux et vit qu'elle était sous le balcon de son appartement. Elle ne jeta qu'un regard vers cette autre servante qu'elle ne connaissait pas, elle aussi étalée sur le sol, sans vie. Mais elle s'en détourna bien vite pour retourner sur elle. Car ce n'était pas possible. Elle devait être en train de rêver, toujours blottie dans ses bras, avec sa mère et sa sœur toujours dans l'enceinte du château. Elle préférait ça que s'apercevoir que ce qu'elle voyait correspondait bien à la réalité. Derrière elle, Olenna se souvînt qu'elle n'avait pas lâché une larme depuis la mort de son mari, et encore. Elle n'avait même pas pleuré pour la mort du roi, bien sûr que non. Mais elle avait bel et bien, elle aussi, des yeux en train de s'humidifier à l'heure actuelle. «Jamais nous ne serons amis, Littlefinger!» pensa-t-elle fortement. Les soldats Lannister arrivaient, écartant tout le monde de la zone. Ils prirent le bras de Lollys mais l'autorité d'Olenna l'en empêcha. Alors que Westeros venait de se débarrasser d'une guerre et d'un roi sadique, ce continent n'en avait jamais finit de souffrir. Et les Sept Dieux restèrent encore inactifs face à tant de sang versé pour des raisons toujours aussi futiles. Lollys ne saura certainement jamais pourquoi la personne qu'elle prénommait Elizabeth s'appelait en réalité Mhaegen Flowers, qu'elle avait tué le roi et que c'était pour cela qu'elle était aujourd'hui allongée sur l'herbe, dans les bras de la personne qu'elle aimait le plus au monde. Mhaegen ne figurera jamais dans les livres d'histoires mais Lollys ne l'oubliera pas et Olenna se souviendra, pour la dernière année qui lui reste à vivre, le rôle que cette mère a jouée dans le Royaume des Sept Couronnes.


Les plaies ouvertes dans le cœur de Lollys, ce jour-là, ne se refermeront jamais. Comme si cela ne suffisait pas, un mois plus tard, la reine Cersei décida de la lier à Ser Bronn de la Néra. Bien que celui-ci était bien courtois pour un ancien mercenaire et qu'elle avait espoir que cette nouvelle relation lui donne un peu le sourire car il détestait lui aussi Tanda et Falyse, force était de constater qu'il ne lui faisait oublier en rien Elizabeth. Ser Bronn, suite à une mission diplomatique, dût s'en aller et elle se retrouva de nouveau seule. Elle avait quitté le Donjon Rouge et était rentrée à Castelfoyer qui, bien qu'habitée également par sa famille, avait au moins le mérite d'être plus calme et moins douloureux à vivre. Moins d'un an après, Cersei devînt la reine des Sept Couronnes suite à la mort de son deuxième fils et une certaine Daenerys Targaryen lui déclara la guerre. Lady Tanda décida, une nouvelle fois, de ne pas participer à la guerre, à part pour l'approvisionnement des soldats. Les années passèrent et un jour, Lollys reprit enfin goût à la vie. Lady Falyse était désormais la Dame de Castelfoyer et, voyant au travers des années l'état de Lollys se dégrader, elle changea quelques lois. Falyse n'avait jamais détesté sa sœur, elle se sentait juste éloigné d'elle à cause de l'éducation différente que leur avait imposé leur mère. Ainsi, elle laissa le choix à sa sœur cadette de se marier avec qui elle voulait, même s'il ne s'agissait pas d'un seigneur d'un petit fief ou d'une personne noble. Alors, comme elle aimait sortir dans le village, Lollys trouva enfin quelqu'un qui l'aida à vivre pour le restant de sa vie. Gloria, serveuse de la taverne qui la voyait se saouler chaque soir depuis quelques temps déjà, fut la personne qu'elle cherchait sans même le savoir. Elle n'oublia jamais Elizabeth, ou plutôt Mhaegen, mais elle savait qu'elle serait fière d'elle de la voir aller ainsi de l'avant désormais. Parfois, Lollys regardait les étoiles avec Gloria et pensait à tous ces moments passés dans le Donjon Rouge. Lady Olenna était aussi décédée dans la dernière guerre mais Lollys était rassurée que les deux personnes qui l'avaient aidés à mûrir et vivre se retrouvaient ensemble de nouveau, pour toujours, veillant sur elle.

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