Histoires entre vivants et esprits

Chapitre 9 : Suite des enquêtes sérieuses de famille, deuxième partie

4788 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/10/2023 18:19




3 juin 2003, appartement de Jim Clancy et de Melinda Irène Gordon-Clancy, 9h45.


Les parents regardent leurs enfants s'amuser au salon avec leurs jouets. Un esprit se manifeste devant la jeune mère. Les enfants cessent leurs jeux et tournent leurs têtes vers l'entité, étonnés. L'esprit est une femme vers la trentaine aux yeux et cheveux bruns, vêtue d'une longue et large robe de soie beige un peu chic avec de la dentelle blanche autour des manches. Un voile beige cachait ses cheveux, mais certaines mèches rebelles se pointent sur son front.

Melinda Irène dit : – Qui êtes-vous et qu'attendez-vous de moi ?

L'esprit d'une voix claire, en affichant un air hautain : – Je suis la Baronne Marie de La Croix de Ravignan.

La passeuse d'âmes remarque son accent français. En regardant plus attentivement l'esprit, elle remarque une alliance à son annulaire gauche, mais aussi une bague sur chacun des autres doigts, à l'exception des pouces et des auriculaires. De plus, il lui semble que ce visage est le portrait rajeuni de sa mère, mais elle n'est pas vraiment certaine... Elle doit sans doute se tromper... « Peut-être est-elle ma grand-mère maternelle ? »

Melinda Irène s'éclaircit la voix puis dit : – Madame...

– La Baronne Marie de La Croix de Ravignan !

Melinda Irène pense : « À ma connaissance, ma grand-mère maternelle n'est pas une aristocrate. Par ailleurs, j'ignore quand elle est morte... »

La passeuse d'âmes dit : – D'accord... Qui était votre mari ?

– Vous devez le savoir !

Puis l'esprit errant disparaît de sa vue. La jeune femme pense : « Dans tous les cas, la Baronne se donne des airs... C'est bizarre, voire impossible, que ma famille soit aristocratique... Peut-être est-ce l'âme errante d'une comédienne qui joue dans un film médiéval avant de mourir ? C'est triste de mourir au travail ! » Elle fait de grands efforts pour ne pas pleurer; Jim l'enlace pour la rassurer.

Les enfants reprennent leurs jeux avec leur insouciance habituelle. Melinda Irène rapporte en chuchotant en russe les propos de l'esprit errant à son mari. Ce dernier hoche de la tête pour lui faire savoir qu'il a compris ce qu'elle lui dit. Le reste de la journée est tranquille pour la petite famille.


Le soir, par contre, est loin d'être tranquille pour notre sympathique Melinda Irène. Elle se trouve, dans son rêve, dans une grande salle à manger. Tout est très luxueux, comme dans les films historiques des familles royales, voire même extravagant. Elle est assise sur l'une des chaises en ébène, son mari en face d'elle et leurs enfants de chaque côté de la table rectangulaire. Un seul détail, les trois enfants sont des filles qui ont clairement plus de dix ans. Un peu en retrait, plusieurs serviteurs et servantes qui apportent les plats. Elle suit les mouvements de va-et-vient. L'un des serviteurs apporte un plat devant elle. Une fois que les plats sont servis, tous mangent. Elle commence à manger, termine son repas, puis, comme étourdie, se dirige en titubant vers le salon, où, appuyée contre un serviteur, elle s'assied sur un canapé avec des motifs floraux. Fin du rêve. La jeune femme, effrayée, enlace son époux et lui raconte son rêve. Melinda Irène commente : « Peut-être que la comédienne française a été empoisonnée alors qu'il fallait jouer une scène de famille... »

Marie de La Croix de Ravignan apparaît au pied du lit. Elle dit d'un air hautain : « Quel manque de respect ! Je ne suis pas une comédienne ! Je suis la dernière Baronne de la très célèbre et noble famille de La Croix de Ravignan ! »

Elle s'avance vers Melinda Irène Gordon-Clancy, s'arrête à côté du lit et murmure comme pour elle-même : « C'est vrai que nous avons un air de famille... Quel est votre nom, Madame ? »

– Irène Gordon-Clancy.

– Irène, c'est Français, mais pas Gordon-Clancy... Drôle de combinaison franco-anglaise ! Avec qui ma fille s'est-elle mariée ?

Puis l'esprit errant disparaît de sa vue. La passeuse pense, perplexe : « D'où vient cet esprit bizarre ? » Et elle rapporte à Jim les propos de l'esprit. Il la rassure en l'enlaçant.


Le lendemain matin, la jeune passeuse d'âmes fait les commissions, en amenant avec elle ses trois enfants, car Jim est au travail. Une fois de retour dans l'appartement, la Française apparaît devant elle, la faisant sursauter. L'esprit, regarde tout autour de lui puis dit, d'un air toujours hautain : – Madame Irène Gordon-Clancy, comment pouvez-vous vivre dans une cage à lapin ? J'étouffe ! Et le plafond est tellement bas que j'ai l'impression que ma tête le frappera... Avec trois enfants, il vous faut une maison plus spacieuse...

– À part critiquer mon appartement, avez-vous quelque chose de plus pertinent à dire pour que je vous aide à passer dans la Lumière ?

– La Lumière... C'est ma fille aînée qui n'arrêtait pas avec ses amis imaginaires lorsqu'elle était petite...

– Pardonnez, Madame la Baronne, mais comment se prénomme votre fille aînée ?

– Elizabeth...

La passeuse d'âmes pense : « J'ai déjà entendu une telle histoire quand j'étais petite... Je trouve quand même frappant que sa fille se prénomme comme ma mère... À moins que ma mère voit les esprits errants ? Pourtant, elle ne m'a rien mentionné de tel... À moins qu'il s'agisse d'une coïncidence de leurs prénoms ? »

Melinda Irène dit : – Et alors, pourquoi vous ne partez pas dans la Lumière ?

– Parce que vous devez savoir certaines choses sur ma famille...

Marie de La Croix de Ravignan s'approche de Melinda Irène Gordon-Clancy, touche son épaule droite de sa main gauche. Voilà notre passeuse d'âmes dans une vision. Elle se retrouve à nouveau dans un corridor. Elle marche à pas de loup jusqu'à une grande pièce, visiblement le salon déjà vu en rêve la nuit passée. Elle remarque, depuis l'embrasure de la porte, que son époux est allongé sur une autre femme sur l'un des grands canapés à motifs floraux. Fin de la vision.

Melinda Irène est fâchée et étonnée. Elle regarde la Française et dit : – Madame la Baronne, avez-vous alors divorcé de votre mari ?

– Non, parce que je suis morte. Le salaud se remarie alors qu'il m'a tué !

Et l'esprit disparaît de sa vue, visiblement courroucé. La passeuse d'âmes téléphone à Paul Eastman pour lui soumettre l'enquête sur Marie de La Croix de Ravignan. Le policier, content d'entendre sa fille spirituelle, accepte sa requête. Depuis qu'il a terminé l'enquête sur les Gordon, à la fin mars, il s'occupe entre des cas locaux d'esprits, des plaintes locales des habitants de Grandview et des patrouilles. Ses collègues Sam Blair et Carl Neely lui manquent... Ceux-ci sont remplacés par des nouveaux collègues récemment embauchés. Lorsqu'il aperçoit au cours de ses patrouilles son fils spirituel dans son fauteuil roulant, entouré de ses trois enfants, cette scène lui brise le cœur, malgré qu'il peut être endurci à entendre toutes sortes d'histoires entre les vivants et les âmes errantes, mais c'est simplement touchant et triste... Voir un pauvre père monoparental handicapé sans emploi, avec des enfants en bas âge, ça briserait le cœur de n'importe quel parent normal (nous ne parlons pas des monstres comme les juges Thomas Gordon et Oswald Neely)...

« Merci, Madame Irène Gordon-Clancy ! La banalité commence à m'ennuyer ! » pense le policier, en prenant note du nom sur lequel il mènera sa prochaine enquête. Il décide de la débuter la semaine prochaine.


Le 17 juin, Paul Eastman parcourt les archives de Grandview et trouve des documents intéressants : un acte de mariage, un achat de propriété, des certificats de naissance et des avis de décès. Il commande aussi certains documents d'archive de la France et de l'Allemagne pour avoir toutes les informations pertinentes. Ne connaissant point la langue de Goethe, il demande l'aide de Melinda Irène. Voici les informations tirées de ces documents : Marie de La Croix de Ravignan est née le 2 juin 1943, à Albi, en Occitane, en France. Elle était la fille benjamine de Pierre-Emmanuel de La Croix de Ravignan (1900-1970) et de Marie-Claire de La Joy-de La Croix de Ravignan (1917-1985). Voici les prénoms des frères qui la précèdent : Daniel-Louis, né le 2 juillet 1936 et mort à l'âge d'un mois ; Marc-Émile (1937-1989) ; Jean-Paul-Philibert (1938-1980) ; Jean-David (mai à juin 1940) ; Albert-Christophe (1941-1942) ; et Antoine-Joseph (1942-1984). La cause de mortalité s'explique par les maladies infantiles. Marie épousa, à Paris, le 3 juillet 1961 Rudolf d'Arenberg (1928-1988), un Allemand de Cologne. Il faut préciser que la famille de La Croix de Ravignan est une famille de la noblesse française; de même pour les de La Joy. Des La Croix de Ravignan étaient issue des officiers, des conseillers du Roi de France et des secrétaires du Roi. Les d'Arenberg sont des nobles allemands, dont il en existe une branche en France et en Belgique. Rudolf est le dernier fils d'Adolf d'Arenberg (1900-1989) et de Renée-Julie Barbier de La Serre (1914-1970). Les autres membres de la fratrie sont les suivants, à savoir Laura (1923-1924), Kurt (1924-1929), Hildegarde d'Arenberg (1925-1987), Eduard d'Arenberg (1926-1927) et Franz d'Arenberg (1927-1990). Il faudrait dire, pour respecter les titres de noblesse, que la Baronne Marie de La Croix de Ravignan et le Comte Rudolf d'Arenberg furent mariés du 3 juillet 1961 au 4 mars 1975. Ce mariage se termina avec la mort de l'épouse, qui meurt dans leur maison à l'extérieur de Grandview, où la famille vivait depuis septembre 1963. La Baronne et le Comte sont les parents de trois enfants, tous nés à Paris, prénommés Elizabeth, Helga et Karine, nées respectivement en 1961, en 1962 et en 1963. La maison achetée à Grandview est une vaste demeure à laquelle est annexée une grande cour arrière avec piscine, entourée d'une très haute clôture en fer d'un mètre et demi. Il s'agit d'une vieille maison construite en 1950, qui a été rénovée par le couple en octobre 1964. Par ailleurs, il semblerait que la petite famille avait une dizaine de serviteurs, dont une gouvernante qui apprenait le français et l'allemand aux enfants.

La famille de Renée-Julie Barbier de La Serre est une famille de la noblesse française, ayant pour lointain ascendant l'avocat et lieutenant Jean Barbier (1582-1632). De cette famille est issue de nombreux ecclésiastes, officiers et et contre-amiraux.

En ce qui concerne les frères de Marie de La Croix de Ravignan, rien de spécial à souligner; ils vivent tranquilles dans leurs demeures respectives au Sud de la France, avec leurs épouses, ou, selon le cas, sont survécus par elles. Et bien sûr, leurs enfants et leurs serviteurs.

En ce qui concernent les filles de Marie de La Croix de Ravignan et de Rudolf d'Arenberg, l'aînée épousa Thomas Gordon, la cadette François Dubourdieu (né en 1940 et décédé il y a deux mois), la benjamine Alojzy Radziwiłł (1950-1995). Les Radziwiłł sont une famille de nobles polonais, qui était très influente dans l'Empire prusse. Et Alojzy est empoisonné au mercure : l'autopsie est claire à ce sujet. De même pour François Dubourdieu, car sa femme vit depuis sa mort avec son amant, un homme vingt ans plus jeune qu'elle. D'ailleurs, le Français a connu un premier mariage de 1974 à 1982, avec Margarita Harriman (1955-1982), issue d'une famille de la noblesse anglaise, mariage sans descendance, mais avec des adultères mutuelles.

« Autrement dit, » conclut Paul Eastman, « l'esprit errant qui est venu à Irène est sa grand-mère maternelle... Hmm... Intéressant... Ceci signifie aussi que Radoslav Neely a épousé Marianna Radziwiłł, la cousine maternelle d'Irène... Comme le Destin peut être parfois bizarre... »

En secondes noces, Rudolf d'Arenberg pris pour épouse son amante la Comtesse Emma von Rauschenbach (1943-1997), la fille d'un riche industriel allemand. Ils se marièrent le 5 mai 1975, soit deux mois et un jour après la mort de Marie de La Croix de Ravignan. Et ils sont les parents d'un garçon prénommé Jean, qui est né le 3 décembre 1976 à Grandview. Emma von Rauschenbach a connu un premier mariage, de 1962 à 1974, avec Michael von Bünau (1927-1974), issu d'une famille de noblesse allemande. De ce mariage est née une fille prénommée Judith, née en 1964 en République fédérale allemande (Allemagne de l'Ouest; aujourd'hui, la République fédérale d'Allemagne).

En ce qui concerne les mariages de la tante et de l'oncle d'Elizabeth, Hildegarde (1925-1987) épousa François-Philippe Olschewski (1914-1979) en 1944. De cette union sont nés deux fils, Wilhelm (né en 1945) et Friedrich (né en 1946).

Franz d'Arenberg (1927-1990), lui, épousa en 1960 Ana Lesky-d'Arenberg (1939-1977), de laquelle il devient père d'une fille prénommée Ines (née en 1961). Il semblerait qu'Ana Lesky-d'Arenberg s'est suicidée par pendaison parce qu'elle aurait découvert que son époux est un pédophile. En fouillant dans les archives de la police de Grandview, Paul Eastman trouve l'évidence des accusations sérieuses de pédophilie. « Décidément, une famille de fous » pense notre policier.


Voici sous une forme mathématique la généalogie d'Elizabeth d'Arenberg-Gordon, la mère de notre sympathique Melinda Irène :


Pierre-Emmanuel de La Croix de Ravignan (1900-1970) + Marie-Claire de La joy-de La Croix de Ravignan (1917-1985) = Daniel-Louis (juillet-août 1936), Marc-Émile (1937-1989), Jean-Paul-Philibert (1938-1980), Jean-David (mai-juin 1940), Albert-Christophe (1941-1942), Antoine-Joseph (1942-1984) et Marie (1943-1975)


Adolf d'Arenberg (1900-1989) + Renée-Julie Barbier de La Serrre-d'Arenberg (1914-1970) = Laura (1923-1924), Kurt (1924-1929), Hildegarde (1925-1987), Eduard (1926-1927), Franz (1927-1990), et Rudolf (1928-1988)


Rudolf d'Arenberg (1928-1988) + Marie de La Croix de Ravignan (1943-1975), mariés de 1961 à 1975= Elizabeth (1961), Helga (1962) et Karine (1963)


Rudolf d'Arenberg + Emma von Rauschenbach (1943-1997) = Jean d'Arenberg (1976) (le demi-frère d'Elizabeth)


Thomas Gordon (1930) + Elizabeth Gordon, née d'Arenberg (1961), mariés depuis 1979 = Melinda Gordon (1979)



Tantes et oncles paternels d'Elizabeth ;

Hildegarde d'Arenberg-Olschewski (1925-1987) + François-Philippe Olschewski (1914-1979) = Wilhelm (1945), Friedrich (1946)


Franz d'Arenberg (1927-1990) + Ana Lesky-d'Arenberg (1939-1977) = Ines (1961)




Évidemment, Paul Eastman continue au cours des semaines suivantes son enquête, aidé par l'esprit errant de la grand-mère maternelle de Melinda Irène Gordon-Clancy. Elle révèle à Paul Eastman et à sa petite-fille certains événements au moyen de visions et de rêves, ce qui laisse notre pauvre passeuse d'âmes très émotive. Elle est parfois tellement secouée par l'émotion sous l'effet des visions ou des rêves que Jim Clancy a du travail pour la calmer. De plus, il l'aide pour mieux comprendre ses rêves et visions en lui suggérant des pistes de réflexion, comme il le fait toujours. De même, Paul Eastman demande l'avis de sa femme pour certaines conclusions. Sans oublier obligatoirement un passage dans la boutique d'antiquités d'Elizabeth d'Arenberg-Gordon, The Same it was ever, car Marie lui demande de vérifier si sa fille a vendu un sofa en motifs floraux. C'est ainsi que le policier voit derrière la caisse son ancienne collègue, Sam Blair. Ils se saluent. Lorsqu'il lui explique son enquête, elle se montre collaborative. L'âme errante décrit au passeur d'âmes le sofa; le passeur d'âmes répète les propos de l'esprit à la caissière. Ainsi, ils remarquent que ce sofa est le seul meuble dans l'arrière-boutique qu'Elizabeth d'Arenberg-Gordon refuse de vendre, car c'est ce sofa-même qui était le lit de mort de Marie.

Melinda Irène Gordon-Clancy décide d'aider Paul Eastman dans son enquête en interrogeant sa mère au sujet de certains détails de son enfance... Évidemment, Marie de La Croix de Ravignan est présente et se permet de commenter les propos de sa fille aînée. Un détail met la puce à l'oreille à Melinda Irène : sa mère fait passer des propos de sa grand-mère comme si c'est elle qui les avait dit... « Peut-être ma mère voit les esprits ? Mais pourquoi m'avoir caché son don ? » Elle en discute plus tard avec Jim, et ils parviennent à la conclusion suivante : Elizabeth voit les âmes errantes, seulement, pour une raison obscure, peut-être un traumatisme d'enfance ou des moqueries de sa gouvernante et de ses propres parents, elle les ignore. Et elle n'aide pas les esprits errants qu'elle voit. « En tout cas, » commente Melinda Irène, « une telle attitude de négation envers son propre don explique pourquoi elle voulait aussi me convaincre de laisser faire mes amis imaginaires lorsque j'étais petite... »

Jim ajoute : « Comme quoi tout s'explique... » Et le couple s'embrasse sur les lèvres.

Autre mensonge : le métier de fleuriste. Elizabeth n'a jamais été fleuriste; les motifs floraux lui rappellent avec nostalgie son enfance gâtée... Inutile de préciser la colère de Melinda Irène devant de tels secrets tenus pendant des années. « Je ne m'attends pas », dit-elle à Jim, « que ma mère dise les petites histoires de famille à toute la ville, mais elle aurait pu au moins me les dire ! »


Paul Eastman devait aussi discuter avec un autre esprit errant, à savoir Alojzy Radziwiłł, qui a des doutes concernant la paternité de sa benjamine, Renata. Voilà le policier qui doit en plus s'amuser à demander la permission du matériel nécessaire pour le test... Le Polonais sait que sa femme l'a trompé avec François Dubourdieu, qui est issu d'une famille de la noblesse française. En effet, les tests confirment que Renata est la fille de celui-ci... « Clairement une adultère avec l'époux de sa sœur Helga », pense Paul Eastman. « Ensuite, je ne voudrais pas savoir s'il y a eu « d'autres aides » dans les devoirs conjugaux entre les trois sœurs... » Le policier en informe par la suite Marianna Radziwiłł-Neely, Radoslav Neely et Renata Radziwiłł. En tout cas, le poète comprend mieux certains de ses poèmes depuis son mariage avec Marianna qui racontent des fantasmes d'une femme d'avoir une aventure avec le frère de son mari... Il pense cyniquement : « C'est sans doute Marianna qui pensait une aventure avec Carl, comme sa propre mère avec son beau-frère... On dirait que c'est une tendance dans cette famille, de s'entraider dans les devoirs conjugaux... » Dans tous les cas, Radoslav n'est pas content, et songe peut-être à un divorce...



20 juin 2003, Radoslav Neely sort de son appartement. Il est très inquiet depuis quelques semaines, car il a compris que ses derniers poèmes ne laissent présager rien de bon pour son frère (pour faire changements de ses réflexions sur un prochain divorce). D'ailleurs, il n'a pas vu Carl depuis février. Il téléphone pour savoir s'il peut venir maintenant. Le benjamin accepte. Le poète est étonné de trouver Carl dans un fauteuil roulant. Et lorsque l'ancien policier lui explique la situation, il le prend en pitié. Le pauvre n'a pas d'emploi depuis avril, car il postule à différentes offres, mais personne ne l'embauche. Cependant, il essaya plusieurs fois de ramener son arme à feu de policier, mais il ne parvient jamais à la ramener à son ancien supérieur, qui a pourtant récupéré l'uniforme... Ceci met la puce à l'oreille à Carl, qui voit d'un mauvais œil la présence d'une arme à feu dans son appartement, sauf qu'il ne veut pas trop y penser, pour ne pas être trop méfiant et paraître complotiste... Pour l'instant, il préfère ne pas y penser... Disons, il est préoccupé par autres choses. Son handicap le déprime beaucoup, sans parler des ennuis avec des sombres esprits errants, ses ennemis jurés, qui le narguent (comme Peine et Panique quand ils disent « Hercule est notre héros » ; nous pouvons très bien imaginer que les esprits disent « Carl Neely est notre policier »). Il ne cache pas à son frère d'être sur le bord d'une crise de nerfs. Heureusement, Maria, Sara et Samuel sont des soutiens psychologiques et ils sont des bons élèves à l'école... Les pauvres enfants ont compris qu'ils ne doivent pas être une source d'ennui supplémentaire à leur père; ils abandonnent un peu de leur insouciance pour adopter une sévérité qu'ils ont copié de leur père et ils font des efforts pour bien apprendre, ce qui réjouit aussi leur mère. Radoslav avertit Carl que ses derniers poèmes lui indiquent qu'il doit se méfier de plusieurs individus complices avec leur oncle pour éviter d'être faussement accusé, ou Dieu-sait-quoi encore. Les menaces vont dans le même sens que les vers seize à dix-neuf de la chanson traditionnelle bulgare La pêche :

Отдоли иде чичо му,

Тодор чича си гледаше,

чичо му ша го отърве.

Чичо го не отърва


Voici la traduction française :

D'en bas arrive son oncle,

Todor regardait son oncle,

son oncle va le sauver.

Son oncle ne le sauve pas


« Car notre salaud d'oncle espère bien que tu fasses comme Todor, qui porte une fausse accusation pour se débarrasser de son oncle, en l'accusant du meurtre d'un marchand en déposant le corps mort (pêché dans le Danube) dans le jardin de son oncle. Les gendarmes, ayant trouvé le corps, prirent tous ses biens, sa femme et ses enfants et il fut envoyé en exil. Mais, pour être honnête, je ne sais pas s'il compte aussi inverser la chanson est faire en sorte que ce qui est arrivé à l'oncle de Todor arrive à toi... Carl, s'il te plaît, reste vigilant, au moins pour tes enfants... »

Carl, ému, le remercie d'une voix étranglée. Son frère lui suggère de chercher un emploi à Ottawa. Après avoir pris des nouvelles l'un de l'autre, Radoslav revient chez lui. Il embrasse son épouse et lui rapporte les dernières nouvelles de son benjamin.

Carl lit attentivement dans les journaux locaux les offres d'emplois à Ottawa. Il postule au poste d'agent de sécurité (en précisant, bien sûr, qu'il est handicapé) pour la Bibliothèque et archives du Canada. Deux semaines plus tard, l'ancien policier passe en entrevue et la semaine suivante, il est embauché, à sa grande joie, car trois mois sans emploi, avec trois enfants qui grandissent et une travailleuse sociale, ça commençait à faire fondre ses épargnes de policier (sans parler de quelques aménagements qu'il a du faire en raison de son handicap)... Après, il s'arrange en transport en commun pour se rendre au travail ! L'important, c'est de trouver un emploi ! En tant qu'agent de sécurité, il a des armes sur lui – une matraque et 100ml de gaz lacrymogène, moins le gilet pare-balles, mais l'uniforme est toujours fournie par l'employeur – , ce qui ne le dépayse pas... On dirait que ce nouveau métier est une version légère de celui de policier... Depuis qu'il est revenu sur le marché du travail, Carl Neely est plus tranquille; par ailleurs, les espions ne rôdent plus autour de lui. Et il est alors plus disposé à aider les âmes errantes qui recherchent son aide; ainsi, il voit qu'il n'a pas perdu ses réflexes d'enquêteur. Son moral est alors à son meilleur. Étant plus optimiste, il reprend son envie de surmonter son handicap (en s'encourageant en se disant qu'au moins il est autonome). Ainsi, il pourra payer les frais de scolarité pour ses enfants, qui fréquentent l'école primaire Family School depuis quelques années (puisqu'il n'a pas oublié le nom de l'école qui n'est pas hanté par des âmes errantes, car il ne veut pas avoir des ennuis avec elles) ; Maria, neuf ans, sera à sa 4e année; Sara, huit ans, à sa 3e année; Samuel, sept ans, à sa 2e année. Ils reprennent l'école à la fin août. C'est ainsi, qu'en juin, à la fin de l'année scolaire, Carl Neely remarque que son ancienne collègue Sam Blair est secrétaire à l'école primaire. Les deux anciens policiers, étonnés, se saluent. Ils discutent un peu et savent ce qui est arrivé à l'autre. Sam Blair, touchée des malheurs de son ancien collègue, lui transmet tous ses meilleurs vœux pour sa recherche d'emploi; Carl Neely la remercie.



30 juillet 2003, Paul Eastman, content de terminer rapidement une enquête, et ce, malgré les délais pour les archives outre-Atlantique, communique à Melinda Irène Gordon-Clancy ses conclusions. Les voici : Sa grand-mère maternelle est issue de la famille de La Croix de Ravignan, famille qui possède un château sur la commune de Perquie, dans le département français des Landes. Le château de Ravignan, auquel est annexé un vignoble, appartient à la famille depuis 1732. Il est inscrit à l'inventaire des Monuments historiques par l'arrêté du 23 novembre 1948. Marie est morte empoisonnée par son mari avec la complicité du cuisinier, Rudolf d'Arenberg s'est trouvé une amante, qui deviendra plus tard sa seconde épouse. Et Marie sait pour l'adultère. C'est pourquoi il s'est remarié deux mois après le décès de sa première épouse. Et Marie de La Croix de Ravignan est un esprit errant, car elle veut protéger ses filles de Franz d'Arenberg, car elle sait qu'il est pédophile. Sauf qu'elle n'a pas pu protégé Elizabeth d'un viol de la part de cet oncle, car elle le trouvait bien sympathique et lui témoignait une affection quasi paternelle. Et un jour, alors qu'elle était déjà adolescente, après le remariage de son père, que Franz d'Arenberg, qui surveillait les trois filles du premier lit de Rudolf (parce qu'il était parvenu à gagner la confiance de la gouvernante), profite d'un moment pour être seul avec elle pour la violer... Ceci expliquerait par la suite comment Elizabeth s'est mariée à Thomas Gordon, de trente-et-un ans son aîné, et aussi pourquoi elle entretient des relations avec Gabriel Lawrence, qui est plus près d'elle par l'âge, pour se satisfaire lorsque Thomas est un peu trop occupé avec Oswald... Dont, par ailleurs, elle n'ignore pas leurs aventures... Et Thomas sait qu'Elizabeth est avec Gabriel, mais ce n'est pas grave... En bref, un bordel...


Une fois les vivants concernés informés, Marie de La Croix de Ravignan et Alojzy Radziwiłł apparaissent devant Melinda Irène Gordon-Clancy, visiblement contents. Ils la remercient, elle et Paul Eastman, de leur aide, puis les deux âmes errantes partent dans la Lumière, puisque rien ne leur pèse sur l'âme et que notre sympathique Melinda Irène leur explique doucement que les âmes après la fin d'une incarnation, doivent aller dans la Lumière, où elles seront jugées de leurs actions ici-bas.


En reliant la famille de satanistes bisexuels du côté paternel et les histoires de remariages et de meurtre du côté maternel, Melinda Irène Gordon-Clancy comprend pourquoi Cassandre Haziza lui a recommandé de changer de prénom, pour ne pas être le bouc émissaire de la famille... Et tout s'explique alors pourquoi elle est fille unique, quand son père est bisexuel et ami avec Oswald Neely, l'oncle de Carl Neely, qui se sont liés d'amitié parce que leurs pères se connaissaient déjà... Arrivée à cette conclusion, notre sympathique passeuse d'âmes ne peut pas s'empêcher de pleurer pour le pauvre Carl Neely... Avec autant d'ennemis, elle s'inquiète pour lui; Jim a du travail pour la rassurer.


Cassandre Haziza, au moment où sa protégée formule la conclusion tant espérée, apparaît devant elle, la salue et dit : « Puisque vous avez enfin résolu vos mystères de famille, vous serez plus vigilante... »

Melinda Irène hoche discrètement de la tête.

L'esprit continue : « C'est bien ! Mission accomplie ! Je pars, sereine, dans la Lumière ! »

Et l'esprit errant de la jeune Juive part dans la Lumière, après un dernier adieu à sa protégée.

Et la passeuse d'âmes, contente, enlace son époux et lui murmure : « Mission accomplie ! En quelques jours, trois esprits errants de moins ! »

Jim l'embrasse tendrement et lui serre les mains. Elle ne remarque pas derrière elle la présence de l'âme de Thomas Gordon.


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