Rencontres entre Dieux, esprits et mortels

Chapitre 6 : Premier combat

2831 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/11/2023 00:28



Novembre 2003, Akrata.


Sam Blair vient d'avoir une nuit terrible : elle voit un monstre surgir de la forêt d'Eleonas. Une sorte de serpent géant ailé recouvert d'écailles vertes et noires s'approche d'elle. Le serpent crache du feu. La policière se réveille en sursaut. Le lendemain, elle file à Eleonas pour avertir les professeurs de son rêve, qu'ils prennent au sérieux. Le professeur Payne s'assure de distribuer des protections prophylactiques à tous, même à Joshua Bedford. Une mobilisation est exigée. Les exercices reprennent, comme un réchauffement. Et les plus âgés des villageois sont postés comme des sentinelles sur les donjons de la forteresse afin de voir si un monstre sortira de la forêt. Munis de longues-vues, de jumelles et de télescopes, ces hommes regardent toutes les créatures qui passent dans la forêt. En tous cas, ça fait changement de l'espionnage des voisins...


Novembre 2003, Eleonas.

Carl Neely se rend au marché principal du village. Une vision à distance se manifeste à son esprit. Il voit six femmes réunies en cercle dans une pièce faiblement éclairée par quelques bougies. Ces femmes pratiquent un rituel de nécromancie sur une photographie de lui-même... Fin de la vision, vision qui le laisse perplexe. L'homme pense : « Qui sont ces femmes et que me veulent-elles ? » À ce moment-là, trois femmes apparaissent devant lui : les Moires.

Lachésis dit : « Jeune homme, ce que vous avez vu, c'est une réunion des Titanides dans leur bunker... Elles savent que vous êtes le père d'un demi-dieu, car la grossesse d'Aphrodite n'a pas passé inaperçu à Déméter, qui le dit à sa fille, qui, à son tour, transmet la nouvelle à ses sbires. Les Titanides sont alors décidées à avoir des demi-dieux avec vous... »

Carl pense cyniquement : « Comme si je suis un étalon... C'est vexant ! »

Lachésis ajoute : « Faites attention, car à chaque combat, vous serez menacé de mort... »

Atropos commente : « Vous serez à deux doigts de mourir, sauf que vous ne pouvez pas quitter le monde ici-bas avant que je tranche définitivement le fil de votre vie... Pour une raison beaucoup plus complexe que vous comprendrez plus tard. Bon courage ! »

Et les trois Déesses du Destin disparaissent de sa vue; elles regagnent leur château de bronze près du Mont Olympe.

Carl Neely et son Génie ne sont que plus perplexes. Ils s'entr'observent : ils décident simplement d'être vigilants. Puis ils font les commissions.


Gabriel Gordon, lui, parvient entre-temps, à convaincre Georges Vivliofágos, l'esprit errant du bibliothécaire qui le tient compagnie à la Bibliothèque municipale d'Aigion, soit de partir dans la Lumière, soit de le seconder dans la défense du village. L'esprit choisit la deuxième option; il prend son collègue en pitié depuis son veuvage. De plus, le passeur d'âmes parvient à convaincre Adam Makri, l'esprit errant qui était l'ami de ses enfants, à passer dans la Lumière. Sa vue lui rappelle tristement la disparition de ses anges...




Mi-novembre 2003, Eleonas.


Les vieillards voient une grosse fumée au-dessus de la forêt. « Vite ! Des pompiers ! » pensent-ils. Ils braquent leurs longues-vues, jumelles et télescopes sur le coupable... Qui est un serpent monstrueux ailé recouvert d'écailles noires et vertes. De sa gueule sort une grosse flamme, brûlant les arbres qui se trouvent sur son chemin. L'un des sentinelles appelle les villageois au moyen d'un émetteur-récepteur portatif. Il dit : « Monstre non-identifié à nos portes ! » Tous les habitants, avec toutes leurs armes, montés sur leur cheval respectif, se rendent près de la forteresse.

Héraklès apparaît devant l'un des sentinelles, lui prend brusquement sa longue-vue des mains. En regardant attentivement le monstre, il éclate de rire et le mortel reprend sa longue-vue.

Le Héros-Dieu dit : « C'est une pâle copie de l'Hydre que j'ai combattu... Vous savez alors ce que vous pouvez faire et ce que vous ne pouvez pas faire ! » Puis il disparaît comme il est venu. Les mortels réfléchissent à un plan. Ils sont tellement absorbés qu'ils ne remarquent pas Arès et Athéna perchés sur un arbre sous la forme d'un vautour fauve et d'un chat-huant. Les deux Divinités regardent d'un œil amusé la réunion des mortels et de leurs Génies. Elles savent qu'elles ne doivent pas intervenir, afin de ne pas s'opposer à la volonté des Moires.


Les villageois, s'entendent pour un langage codé. Ainsi, MNI signifie « Monstre non-identifié », CI « Créature identifiée », etc. Ils conviennent aussi d'un plan d'attaque, en sachant très bien qu'ils ne doivent point trancher la tête de l'Hydre. Ils décident la tactique suivante : Thomas Gordon, Gabriel Gordon, et Samuel Lucas lanceront avec leurs catapultes respectives des objets pour freiner la marche du monstre, et pour faire divergence, le temps que les guerriers sur les chevaux ailés, armés de torches, brûleront les têtes de l'Hydre. Évidemment, tous sont équipés d'un émetteur-récepteur portatif afin de communiquer avec les villageois dans la forteresse. Le juge, le bibliothécaire et le vigneron filent aussitôt à l'extérieur de la forteresse. Chacun ajuste sa catapulte et... « Feu ! » Avec une parfaite synchronisation, les trois hommes manient leurs armes. Voilà le monstre surpris par des pierres, des fléchettes, des poignards et des grenades. Malheureusement, l'une des grenades atteint le cou de l'Hydre, ce qui fait exploser la tête. Et tous voient avec horreur que de la tête tranchée en poussent deux nouvelles... Le vigneron, furieux, ajuste son tir et appelle les renforts.

Aussitôt, Carl Neely, chevauchant Pégase, Jim Clancy, Mélinda Irène Eastman-Clancy et une dizaine de villageois sur des chevaux ailés, armés de torches, taquinent les deux têtes du monstre, qui regarde d'un air stupide les cavaliers sur leurs montures, ne sachant pas où cracher l'horrible feu qui sort de sa gueule. De plus, il agite ses grandes ailes, obligeant Pégase et ses fils à faire une grande ellipse pour éviter un coup d'aile qui les écrasera au sol. La passeuse d'âmes, une fois sa monture près de l'une des têtes, vise avec son arbalète les yeux de l'Hydre, ce qui l'aveugle, la rendant encore plus furieuse, de sorte qu'elle crache à droite et à gauche. De cette attaque surprise, malgré toutes les précautions, l'une des têtes parvient à brûler Kate Payne. Ceci force sa monture à revenir rapidement au village. Lorsque Richard Payne reconnaît son épouse parmi les blessés, les villageois décident alors d'envoyer plusieurs cavaliers pour faire divergence. Ils remarquent bien que les cavaliers sur les chevaux ailés voltigent autour du monstre, qui s'approche de plus en plus de la forteresse, malgré les divergences des catapultes, qui sont balayées par la queue ophidienne de l'Hydre, assommant les trois hommes.

Parmi les cavaliers se trouvent Richard et Marc Payne, très furieux, et Daniel Clancy, entre autres. En route jusqu'à l'Hydre, le barde joue sa lyre-arc, inspiré, car avant de sortir du village, il remarque que son Génie n'est plus à ses côtés. Il chantonne de sa belle voix masculine le poème suivant :


Les palais, les cités, s'écroulent, disparaissent,

Et pour la mort les hommes naissent;

Tel est l'ordre du créateur.

Or donc, par quels destins bizarres

Voit-on des conquérans, des envieux, des avares ?

C'est que l'homme est né pour l'erreur,

Tous les jours il chante, il célèbre

Son existence frêle; et, sans réflexion,

Il couvre son crêpe funèbre

Du voile de la fiction1.



Ce poème émeut ses autres compagnons, mais au moins, il leur donne du rythme pour avoir la cadence. Richard Payne pense : « Un vrai poète jusqu'au bout, même au cœur d'une bataille ! » Les cavaliers taquinent l'Hydre (dont le barde avec ses flèches), qui jette une grosse flamme sur eux. Daniel Clancy, n'ayant pas le temps de réagir, est aussitôt brûlé; heureusement, les autres, avertis quelques secondes avant l'attaque par leur Génie respectif, s'écartent à temps. Au moins, Carl Neely, Jim Clancy et Mélinda Irène, malgré leur fatigue, profitent de cette divergence pour surprendre les têtes, parvenant à ce que la flamme de leurs torches brûle enfin les monstrueuses têtes (en jetant tout simplement leurs torches sur les têtes). Sauf que le monstre bat furieusement des ailes, accrochant plusieurs chevaux ailés, qui prennent du temps à reprendre un vol normal, de sorte que certains cavaliers tombent lourdement au sol. Les cavaliers s'écartent et reviennent en galop sur leurs chevaux non-ailés au village. Le monstre, vaincu, s'écroule de tout son long. Jim s'affaire à ramener au village les blessés, à savoir ceux qui ont frôlé de peu le feu de l'Hydre. De sorte qu'il y a toutes sortes de brûlures. Il est secondé par Apollon, sous les traits de Timothy Flaherty. Le Dieu fait apparaître le véhicule de l'ambulancier en un claquement de doigts. Ceci facilite le transport des blessés.

Carl Neely informe les autres villageois de leur victoire au moyen de son émetteur-récepteur portatif. Tous accourent aussitôt pour constater le décès du barde Daniel Clancy. Mélinda Irène, son père et sa sœur confirment que son âme est là. Ils se saluent. Et les vivants trempent leurs épées, lances et flèches dans le sang empoisonné de l'Hydre. Comme ça, à la prochaine créature qui fait son apparition, elle ne leur échappera point.

Samuel Lucas, une fois remis du coup de queue de l'Hydre, mesure la longueur et la largueur du monstre qu'ils viennent de vaincre. Il mesure même deux fois, en pensant qu'il a mêlé les côtés de son ruban à mesurer (puisqu'il a d'un côté, les mesures selon le système impérial d'unités, de l'autre, celles du système métrique). Les mesures sont les suivantes : 10 m par 5 m, avec des ailes de 6 m. « Très impressionnant ! Mais au moins, je peux dire que je sais à quoi ressemble une Hydre et quelles sont ses mesures... » pense le vigneron. Il se félicite de ne pas s'être débarrassé de son matériel d'architecte. Il prend note des mesures sur une feuille d'un calepin qu'il a amené avec lui à cet effet.



Tous reviennent vers la forteresse. La nouvelle de la mort du barde attriste le village. La femme de Daniel, Bruna Fileni, pleure à chaudes larmes près de son cercueil dans lequel le corps est déposé. Les funérailles sont organisées. Richard Payne, la mine sévère pour cacher sa tristesse, fait l'office pour l'enterrement du barde. Il conclut en disant : « Ses poèmes nous manqueront terriblement, mais heureusement qu'il les a couché sur papier, de sorte que nous pourrons intégrer ses poèmes dans le programme de littérature l'année prochaine pour honorer sa mémoire. »



Cependant, Mélinda Irène Eastman-Clancy, depuis qu'elle a vu de si près l'Hydre, remarque que son Génie, de sa blancheur habituelle, prend une teinte de gris clair. Elle veut lui en demander la raison, mais il lui intime le silence. Et même lorsqu'elle veut le dire à Jim, elle ne trouve pas les mots pour formuler une phrase cohérente, de sorte qu'elle n'en souffle pas un mot, malgré qu'elle s'en inquiète.



Apollon et Calliope s'empressent de soigner les blessés. Le Dieu médecin communique à Hermès, Arès et Athéna le bilan : deux décès (Daniel Clancy et Kate Payne) et dix blessés qui devront se rétablir dans les semaines suivantes. La femme du professeur meure des conséquences des blessures causées par les brûlures. Les funérailles sont organisées en l'honneur des deux défunts, dont leurs âmes errantes se promènent encore dans le village. Elles sont très fâchées que leur vie soit ainsi abrégée par une créature démoniaque sortie d'un laboratoire souterrain des scientifiques fous de Cronos...



Une fois l'enterrement fait, le village fête cette victoire inespérée. C'est la fête ! Dionysos est content, car tous se permettent de boire un peu d'alcool. Seuls ses fidèles adorateurs en consomment un peu plus... Après, censurons la scène possible entre les Ménades et les Satyres, mais aussi entre Ivy Mary Eastman-Grafton et Denis Grafton. Arès et Athéna critiquent les villageois, en soulignant qu'un bon guerrier doit toujours être prêt à combattre, et surtout ne doit pas être ivre. « Consommez avec modération ! » Ainsi, les Dieux militaires, sous l'aspect de colonels en vêtements d'apparat, sermonnent les villageois qui boivent un verre de trop.



Déborah a le droit, le soir suivant la victoire du village sur l'Hydre, à la visite de Dionysos sous l'aspect d'un jeune homme. De ce rapport, elle conçu un enfant, prénommé Pierre-Henri, né le 30 août 2004. Ce nouveau demi-dieu a le pouvoir de reconnaître intuitivement un bon d'un mauvais vin, mais aussi s'il est contaminé d'autres substances. Depuis la naissance de Pierre-Henri, la jeune nymphomane comprend qu'elle est devenue une suivante de Dionysos, de sorte qu'elle commence d'avantage à se plaire en la compagnie d'Ivy Mary Eastman-Grafton, de Denis Grafton, de Samuel Lucas, de Nicole Voulgaris, des Ménades et des Satyres. Au moins, il ne manque pas d'hommes pour se satisfaire ! Avec le temps, elle apprend à maîtriser le thyrse (ce qui lui fait une arme de plus pour le prochain combat). Après, c'est un détail si elle commence aussi à consommer un peu plus d'alcool pour tenir compagnie à ses amis et qu'elle découvrir des jeux trop dionysiaques... Évidemment, les rumeurs courent sur son compte (puisque les voisins recommencent à surveiller les va-et-vient des autres villageois) qu'elle est une « coureuse de Satyres », sauf qu'elle les ignore. De même pour son ex-époux. Carl Neely, lui, a le droit de connaître Déméter pendant une semaine. Le policier tente de la convaincre d'être un plus romantique, de faire durer leur relation, et de se marier, mais la Déesse ne se laisse pas fléchir. Déméter sera enceinte d'un fils, né en août 2004. Ce demi-dieu, prénommé Jean-Christophe, connait toutes les plantes comestibles de la forêt et des champs. Aux cours des semaines suivantes, Carl Neely rencontre d'autres Déesses auxquelles il ne résiste point, à savoir les Muses Clio et Thalie, desquelles il devient père respectivement de François-Emmanuel (un demi-dieu barde à la mémoire phénoménale) et de Samuel-Daniel (un demi-dieu comédien qui peut se métamorphoser en n'importe quelle forme humaine). Évidemment, les venues des Déesses dans sa maison n'échappent pas aux voisins, qui regardent les va-et-vient du policier. Ils font courir la rumeur que Carl Neely est « un coureur de jupons immortels qui change de Déesse à chaque semaine. » À croire que les voisins, des vieillards ridés, comme tout homme, sont jaloux du succès du jeune policier... Carl Neely, lui, est exaspéré de n'avoir que des aventures, alors qu'il tente en vain de convaincre l'une des Dames de le marier; il lui promet d'être un bon époux et père. Sauf que les Déesses ne veulent pas se rendre à son avis, ce qui l'exaspère beaucoup. Au moins, il sait qu'il est père de plusieurs demi-dieux... Et Carl espère bien se remarier un jour, bien qu'il en doute avec une telle réputation...


Aussi, Zeus tente de séduire plusieurs fois Mélinda Irène Eastman-Clancy, sauf que la jeune mère résiste. Mais le Dieu pense bien qu'elle ne lui résistera pas, car Alcmène non plus, bien que fidèle à son époux, ne lui a pas résisté...



Les sentinelles reprennent leurs postes. Elles observent attentivement la forêt... Avec des longues-vues, jumelles et télescopes. Aucun danger à l'horizon jusqu'à la fin du mois de novembre.




Mais Cronos à l'esprit retors, ayant entendu de Romano la défaite de l'Hydre, planifie d'envoyer au village une autre créature sortie de ses laboratoires...






À suivre.




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1 Marie-Anne Adélaïde Le Normand, La Sibylle au Congrès d'Aix-la-Chapelle, suivi d'un coup d'oeil sur celui de Carlsbad. Ouvrage faisant suite aux Oracles Sibyllins, avec des notes politiques, historiques, philosophiques, cabalistiques, etc, etc. Orné des sept gravures emblématiques par la Melle M. A. Le Normand. Paris, Chez l'Auteur et à son Magasin de Librairie, 1819, p. 112.

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