L'Ecrin des illusions

Chapitre 4 : Un thé au Terrier

2977 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/01/2024 22:27

Hazel se redressa en grimaçant : prendre la poudre de cheminette n'avait rien d'une expérience agréable ! Elle épousseta ses vêtements couverts de suie avant de détailler les lieux. Un joli chaos régnait dans un modeste salon aux meubles vieillots. Des aiguilles à tricoter, lévitant au-dessus d'un fauteuil, s'appliquaient à créer une écharpe aux couleurs chatoyantes. Hazel s'avança, le tapis se souleva légèrement, comme s'il désirait la faire trébucher.


- Veux-tu bien cesser ! Ce n'est pas une façon convenable d'accueillir une invitée !

Le tapis s'abaissa avec douceur. Une petite femme replète s'avança vers elles, bras tendus.

- Morgan !

La sorcière salua son hôte avec chaleur. La petite femme, aux cheveux aussi roux que ceux de Morgan, se tourna vers la jeune fille.

- Tu es donc Hazel ... Tu as tellement grandi ! La dernière fois que je t'ai vue, tu n'étais encore qu'une fillette.


Hazel eut un moment d'égarement : jamais elle n'avait rencontré cette femme ! Et avant qu'elle puisse demander davantage d'explications, celle-ci la serra contre elle. Hazel répondit à son étreinte. La cousine de Morgan lui inspirait d'emblée une profonde sympathie. Elle les conduisit dans une cuisine qui aurait fait pâlir Mary de terreur. Des bols et des assiettes, vestiges d'un repas passé, traînaient encore sur la grande table. Une brosse récurait avec force une pile de tasses posée dans le lavabo. L'horloge attira l'attention de Hazel : à la place des heures, étaient indiquées des lieux et les nombreuses aiguilles étaient ornées de visages.


- Les enfants ! cria Mrs. Weasley au pied de l'escalier encombré de vêtements, venez !


Un cri terrifiant résonna au-dessus de leurs têtes et une petite tornade rousse, une araignée agrippée autour du crâne, dégringola les marches en poussant des hurlements. L'enfant se jeta dans les jupes de sa mère, la suppliant de l'en débarrasser. Mrs. Weasley lança un regard meurtrier aux jumeaux, deux copies parfaites, pouffant de rire en haut de l'escalier.

- Fred, George, descendez immédiatement !

Les jumeaux s'exécutèrent. Mrs. Weasley tapota l'araignée du bout de sa baguette et celle-ci redevint une inoffensive peluche. Elle la brandit ensuite sous le nez des deux frères.

- Laissez votre petit frère tranquille !

Elle s'agenouilla et consola le garçonnet.

- Là, là, mon Ronnie, c'est terminé.

- Pardon, murmurèrent les jumeaux fort peu désolés.


À cet instant, un autre garçon, à la chevelure tout aussi enflammée que celle de ses frères, fit son apparition. Il redressa ses lunettes en écailles glissant le long de son nez pointu. Hazel remarqua le vieux livre calé sous son bras.

- Maman, pourrais-tu dire à ces trois idiots d'arrêter de se battre ? Leur nuisance m'empêche de lire.

- Leur nuisance m'empêche de lire, singèrent les jumeaux en chœur.

Mrs. Weasley, un brin gênée, se tourna vers ses invitées :

- Veuillez m'excuser, mes fils sont un peu turbulents.


- Maman ! cria une autre voix. T'aurais pas vu ma chaussette ?

Un autre garçon débarqua à son tour, une chaussette orpheline à la main. Il s'immobilisa et eut un sourire. Tout aussi roux que ses frères, il avait le visage constellé de taches de son et les cheveux noués en catogan.

- Salut Morgan ! fit-il tout en enfilant sa chaussette et sa jumelle, qu'il venait juste de trouver sur la rampe d'escalier.

- Bonjour Charlie. Tu dois être ravi de partir enfin pour Poudlard.

- Et comment !

- Ce sera aussi une première pour Hazel.

Charlie Weasley descendit les marches et s'approcha de Hazel.

- Tu verras, c'est chouette là-bas.

Mrs. Weasley, tout en recoiffant son petit « Ronnie », s'adressa à la jeune fille :

- Je suis persuadée que tu t'y plairas. En attendant, installons-nous.


Cet ordre-là fut bien vite exécuté par la fratrie Weasley. Mrs Weasley tapota la table. Les assiettes disparurent, remplacées par un service à thé aux tasses dépareillées. Les portes du garde-manger s'ouvrirent et un plat rempli de délicieux biscuits se déposa avec légèreté au milieu de la table. Un pichet se remplit d'un breuvage orangé qu'il versa dans les verres mis à disposition.


- Je crois que j'aime la magie, fit Hazel en prenant place auprès de Morgan.


Alors qu'ils commençaient à manger, un autre adolescent arriva dans la cuisine, portant une petite fille rousse dans les bras. Mrs. Weasley prit la fillette sur ses genoux, laissant son fils s'installer face à Hazel. Tout aussi roux que ses frères, il possédait un visage plus qu'agréable à regarder. La conversation s'anima davantage et Hazel comprit que les repas chez les Weasley étaient toujours aussi animés, contrairement à ceux de chez elle. Tout le monde parlait et riait, les jumeaux et Charlie asticotaient sans cesse Percy et Bill, le frère aîné, évoquait avec plaisir sa scolarité à Poudlard. Quant à Ron, il s'empiffrait de gâteaux en papotant joyeusement avec sa petite sœur assise près de lui.


- Hazel, demanda Charlie, tu espères aller dans quelle maison ?

- Je ne sais pas ... et toi ?

Charlie esquissa un large sourire faisant tressaillir ses taches de rousseur.

- Je veux me retrouver à Gryffondor avec Bill. Mes parents ont fait partie de cette maison et...

- Tu seras à Gryffondor, intervint Percy d'un ton pincé. Les enfants appartiennent à la même maison que leurs proches.

Hazel se figea. Allait-elle se retrouver à Serpentard ? Cette perspective ne l'enchantait guère... Bill parut remarquer son trouble.

- Percy, arrête de débiter tes âneries. Le choix n'est pas fait en fonction de ton sang, mais de tes qualités.

- Je suis désolé de te contredire mais je suis en train de lire Familles de Poudlard : pour une étude sociologique et mis à part quelques exceptions fort peu notables, le critère familial joue énormément. Les Weasley et les Potter à Gryffondor, les Malefoy et les Black à Serpentard. Sauf peut-être Sirius Black, mais vu comment il a tourné ...

- Sirius Black ? demanda Hazel en se tournant vers Morgan.

Elle et Mrs. Weasley échangèrent un rapide coup d'œil.

- Un cousin de ta mère, répondit Morgan d'un ton un peu trop précipité pour être honnête.

- Hazel !? s'exclama Percy. Bien sûr ! Tu es la fille de Dahlia Hy... Aïe !

Molly Weasley ramena son pied vers la chaise. Percy parut se reprendre :

- Dahlia Black, la célèbre créatrice d'artéfacts.

Mrs Weasley se leva d'un bond.

- Bill, pourrais-tu montrer le jardin à Hazel ? Allez donc vous aérer l'esprit !

- Le jardin ? firent les jumeaux en chœur, mais il n'y a rien à voir dans le jardin !

Les chaises des frères Weasley, excepté celle de Ron, disparurent et les frères se retrouvèrent par terre. Ils se relevèrent en grimaçant et en frottant leur postérieur peu épargné par cette chute imprévue.

- Bill, insista une nouvelle fois Molly. S'il te plaît.

L'aîné des Weasley acquiesça en silence et se tourna vers Hazel.

- Tu viens, j'espère qu'on pourra dégommer deux ou trois gnomes, déclara-t-il avec un grand sourire creusant l'adorable fossette ornant sa joue droite.

- Vas-y, l'encouragea Morgan.


Hazel comprenant que les deux cousines désiraient rester seules, suivit les frères Weasley dans le jardin entourant leur maison. Les jumeaux et Charlie s'éclipsèrent et se rendirent dans une remise. Bill désigna le potager en piteux état et couvert d'impressionnants trous.

- Pas de chance, nous avons retiré des gnomes pas plus tard qu'hier.

Hazel s'accouda contre la barrière vermoulue. Percy s'y adossa en grommelant. L'aîné des Weasley tentait tant bien que mal de faire la conversation, ce qui eut le don d'agacer son cadet.

- Ça t'arrive de te taire ?

Bill lui coula un regard outragé.

- C'est bien marmite qui appelle chaudron ! Tu es toujours en train de jacqueter !

- Oui, mais ma conversation est intelligente, contrairement à la tienne !

Hazel ne put s'empêcher de sourire en surprenant cette nouvelle querelle fraternelle. Bill se retourna vers elle :

- Ne fais pas attention à ce vermisseau, plus de la moitié des propos sortant de sa bouche sont inintéressants !

Percy en resta coi d'indignation. Bill se pencha pour se mettre à son niveau.

- Si c'est ta future maison qui te fait peur, sache que je sais ce que je dis. Ton nom de famille n'a aucune importance.

- J'ai quand même l'impression que le nom Black n'est pas tellement estimé...

Bill se concentra sur les plants de tomates.

- Disons que Sirius Black a commis des choses abominables. Mes parents refusent de nous parler en détails de ce qu'ils ont vécu quand ... Je suppose que Morgan t'a parlé de Tu-Sais-Qui ...

Hazel acquiesça. Bill poursuivit :

- Pour tout t'avouer, je ne comprenais pas tout aux événements. Je savais que notre famille était en danger et que nos parents devaient nous protéger. J'ai surpris des conversations ... Je crois que Sirius Black était le plus fidèle partisan de Tu-Sais-Qui.

- Ce Sirius, qui était-il pour ma mère ? demanda Hazel.

- Son cousin. Tu sais, les sorciers sont tous plus ou moins liés par le sang. Sirius Black est aussi un cousin de ma mère. T'occupe pas de lui, là où il est, il ne viendra pas te chercher des noises. Profite de Poudlard et montre-nous ce que Hazel Evans a dans le bide !

Bill esquissa un sourire crâneur.

- Dis-toi que tu as de la chance, contrairement à ce pauvre Charlie, tu n'as pas de concurrence déloyale en la personne d'un frère aîné aussi beau que doué !

- Et modeste, grogna Percy.


Les trois frères Weasley revinrent vers eux, les bras chargés de balais défraîchis, évitant une nouvelle dispute entre Bill et Percy. Ce dernier eut un reniflement méprisant. Fred s'empressa de lui tirer la langue.

- Si tu ne veux pas voler avec nous, tu peux toujours aller voir ailleurs !

- Cette activité, fort limitée sur le plan intellectuel, ne m'offrant aucune satisfaction personnelle, je me contenterai de vous regarder vous livrer à ce jeu inepte.

Hazel se rapprocha de Charlie.

- On peut vraiment voler dessus ?

Les frères Weasley, excepté Percy, éclatèrent de rire, amusés par la surprise visible de Hazel. Charlie s'écria :

- Bien sûr ! Ils sont faits pour !

- On doit simplement faire attention aux Moldus, dit George.

- Tu auras des cours de vol à Poudlard, intervint Bill. Tu n'es pas la seule à ne pas avoir grandi dans une famille de sorciers.

- Cours inutile, déclara Percy.

- Ecrase Percy, fit Fred en brandissant un poing menaçant. Quand je serai batteur dans l'équipe de Quidditch, fais-moi penser à t'envoyer un Cognard en pleine poire !

- Tu viens, Hazel ? fit l'aîné des Weasley afin de mettre un terme à la nouvelle querelle de ses cadets.


Les jumeaux prirent place sur le même balai, Charlie enfourcha le sien . Bill l'imita et invita Hazel à se placer derrière lui. Un peu hésitante et se sentant quelque peu ridicule, elle s'exécuta néanmoins et noua ses bras autour de la taille de Bill. Ce dernier fit claquer ses talons au sol et le balai se s'éleva avec lenteur. Hazel poussa un cri stupéfait et resserra son étreinte. Elle n'était guère rassurée ! Fred, George et Charlie quant à eux, s'étaient envolés pour de bon et s'étaient élancés dans une course frénétique. Si les jumeaux avaient encore un peu de mal à contrôler leur balai, Charlie quant à lui, voltigeait avec agilité.


- Mon frère se débrouille bien, déclara Bill. Notre père espère le voir intégrer l'équipe de Quidditch de Gryffondor.

- Quidditch ?

- Le sport favori des sorciers, répondit-il avant de se lancer à la poursuite de ses frères.


Plus le balai prenait de la hauteur, plus Hazel se détendit. Rassurée par la conduite douce de Bill, elle se sentit suffisamment en confiance pour desserrer ses bras de sa taille et se risqua même, à jeter un coup d'œil dans le vide. Percy avait trouvé refuge sous le pommier et s'était replongé dans la lecture de son livre. Le Terrier ne fut bientôt qu'un point à peine perceptible. Hazel profita de cette balade improvisée, savourant cet instant de totale liberté, en compagnie de la fratrie Weasley. Bill, assurant son rôle d'aîné, rappelait sans cesse des ordres aux jumeaux beaucoup trop téméraires à son goût.


- Les garçons, faites attention ! Nous arrivons près de la ferme du vieux Fagin.

Bill s'empressa d'expliquer :

-C'est un vieux Moldu. Pa' a déjà eu des ennuis à cause des jumeaux et de leurs mauvaises farces.

- C'était seulement une fois et un frisbee mordeur ! s'indigna George.

- Ou peut-être deux fois avec le pétard placé dans sa boîte aux lettres, renchérit son frère.

- Maintenant que j'y pense, il y a eu une troisième fois avec les Bombabouses ...

- Sans oublier les bonbons de Bertie Crochu glissés sous sa porte ...

Les jumeaux éclatèrent de rire. Hilares, ils ne se rendirent pas compte des soubresauts de leur balai. Celui-ci, à bout de forces, se mit à piquer vers le sol.

- Relevez-le ! crièrent Bill et Charlie.


Ils tentèrent d'effectuer la manœuvre mais furent incapables de reprendre le contrôle de leur balai. Celui-ci émit un craquement sinistre, se brisa en deux et les jumeaux tombèrent au beau milieu d'un enclos à cochons. Bill et Charlie atterrirent, accoururent jusqu'à eux et eurent un soupir de soulagement en constatant que seul l'orgueil de leurs frères avait souffert !

- Ce n'est pas drôle, râla George en se relevant dans un bien piteux état.

- Je vous interdis d'en parler à Percy, grommela Fred.

Bill et Charlie se mirent à glousser. Hazel sut à cet instant que les frères allaient se faire un plaisir de tout raconter à leur cadet.

La porte de la ferme s'ouvrit sur un vieil homme, tenant un fusil à la main. Il pointa son arme vers les jumeaux.

- Encore vous ! J'ai pourtant averti votre père !

Il remarqua alors les balais tenus par Bill et Charlie.

- Qu'est-ce que vous faites avec ça !? Que comptez-vous encore faire comme sottises ! Je vous préviens que cette fois-ci, je vous colle un procès aux fesses !

- Mes frères et moi ... commença Bill.

- Nous étions en train de nettoyer la cour, George et Fred ne voulaient pas nous aider, intercéda Hazel, alors on les a suivis ...

Le vieillard braqua son fusil vers elle.

- Qui t'es toi ? T'es une Weasley !? Vous êtes combien dans votre famille de rouquins ?

George voulut répliquer mais Charlie l'en dissuada d'un regard. Le vieil homme jeta un coup d'œil suspicieux aux jumeaux escaladant la clôture pour rejoindre le trio.

- Ça ne me dit pas pourquoi, vous êtes ici ...

- Fred et George ont voulu se cacher, poursuivit Charlie. Ces idiots ont sans doute cru qu'il serait intelligent de se dissimuler parmi vos cochons.

- Vous êtes vraiment toqués, maugréa le vieil homme en abaissant son fusil. Prenez vos balais et foutez-moi le camp d'ici.

Il se retourna vers les jumeaux dégoulinant de boue et d'excréments.

- Quant à vous, si je vous revois, je vous coupe les oreilles. C'est clair ?

- Très clair, fit Bill en faisant signe au groupe de le suivre. A bientôt, Mr. Fagin.


Sentant le regard du vieillard posé sur eux, ils n'osèrent pas remonter sur leurs balais. Ils entreprirent de gravir la montée conduisant au Terrier juché sur une colline. George et Fred, tout au long du chemin, tentèrent de convaincre leur frère aîné d'user de magie afin de les rendre présentables mais Bill refusa, leur rappelant qu'il n'était pas autorisé à se servir de la magie au-dehors de l'école.


- Ma' va nous tuer, soupirèrent les jumeaux.

- Vous l'avez bien cherché, répliqua Charlie.

- Commence pas ! On dirait Percy !


Arrivés au Terrier, ils furent accueillis par les cris indignés de Mrs. Weasley. Sans plus de cérémonie, elle envoya les jumeaux se laver en leur promettant une sacrée correction. Bill tenta de les défendre en invoquant le fait que leurs vieux balais ne tenaient plus la route, ce qui lui valut une réprimande de la part de leur mère, sous les yeux moqueurs d'un Percy ravi. Mrs. Weasley s'excusa, une nouvelle fois, pour l'attitude incorrigible de ses garçons. Hazel s'empressa de la rassurer : elle avait passé un excellent après-midi et avait hâte de retrouver Bill et Charlie à la rentrée.


- Il est temps pour moi de te ramener, fit Morgan. Il se fait tard.


Hazel jeta un regard au soleil déclinant à l'horizon. Elle n'avait pas envie de revenir chez Mary mais docile, elle se contenta de hocher la tête. A regret, elle fit ses adieux à la fratrie. Mrs. Weasley, après avoir déposé un baiser sonore contre sa joue, lui remit un gros paquet de caramels fondants. La jeune fille la remercia à nouveau et rejoignit Morgan dans l'âtre de la cheminée. Les flammes verdoyantes s'élevèrent autour d'elle et la dernière chose que vit Hazel, furent les sourires des frères Weasley.

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