L'Ecrin des illusions

Chapitre 20 : Le Sorcier au clair de lune

5654 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/03/2024 18:13

Le lendemain, jour du réveillon, Hazel se réveilla avec un mal de tête et la langue pâteuse. Elle se redressa et massa ses tempes encore marquées de sommeil. Elle avait dormi toute habillée. Elle remarqua le petit paquet défait posé au pied de son lit et se souvint de la soirée passée. Après un rapide passage au service des hiboux postaux, Morgan les avait finalement quittés à la sortie du Chaudron Baveur. Père et fille avaient regagné le domicile en métro, sans échanger la moindre parole. À la grande stupeur d'Oliver, son épouse était aux abonnées absentes. Il avait finalement décidé de commander une pizza et, brisant l'une des règles établies par Mary, père et fille avaient dîné devant la télévision du salon, avachis dans le canapé. L'atmosphère s'était peu à peu détendue et ils avaient profité de cet instant à deux pour se confier l'un à l'autre. Peu avant minuit, Oliver avait décidé d'offrir un cadeau à sa fille, présent acheté sur le Chemin de Traverse, et Hazel lui avait offert la plume et le carnet en cuir. Tous deux avaient bien compris qu'il valait mieux s'offrir ces cadeaux magiques en l'absence de Mary. Après une tournée de pop-corn dégoulinant de caramel, Hazel avait fini par s'endormir dans le canapé et son père s'était chargé de la porter jusqu'à son lit.


La jeune sorcière s'étira et agita ses pieds. Au cours de la nuit, elle avait été réveillée par deux voix étouffées. Curieuse, elle s'était penchée à la fenêtre et avait aperçu Mary, en galante compagnie, rentrer avec précipitation dans la maison endormie, abandonnant un homme au teint pâle et portant un chapeau ringard. Hazel s'était recouchée, en grommelant qu'elle n'avait pas à se mêler des activités secrètes de sa belle-mère...


Pour le moment, elle n'avait que faire des histoires de cœur des adultes. Elle n'avait nullement envie de prendre son petit-déjeuner et comptait bien profiter de sa matinée comme elle l'entendait. Elle se leva, attrapa le cadeau offert par son père - un nécessaire de bricolage magique incluant un marteau, un tournevis, une brosse à décaper magique et une loupe - et le déposa sur son bureau. Elle retira le livre de Rita Skeeter de la poche de son manteau et s'allongea sur son lit. Norbert, étonnement sage, roupillait sur son oreiller.

Passant très rapidement les quelques lignes présentant Rita Skeeter et vantant ses nombreux mérites, Hazel se rendit à la page consacrée à son grand-père, un homme qu'elle n'avait pas connu. Il lui semblait plutôt sympathique et elle eut la surprise de constater que sa biographie ne tenait qu'en quelques mots : Dépourvu de toute ambition, marié à une sorcière issue d'une famille sans le sou et sans aucun prestige, Alphard Black mourut dans la plus morne et pathétique indifférence. Une mort à l'image de sa petite et minable existence, aussi plate qu'un terrain de Quidditch. Hazel ressentit une bouffée de colère pour Skeeter qui se permettait de juger un homme qu'elle n'avait jamais fréquenté ! Sans compter que cette odieuse bonne femme n'avait pas jugé bon de mentionner le nom de de sa grand-mère paternelle : Hécate Hardbroom. Hazel décida toutefois de poursuivre sa lecture et se rendit sur la page consacrée à sa mère. La photo choisie par Skeeter lui dévoila une autre facette de sa mère, celle d'une sorcière pleine d'assurance, posant avec fierté dans une salle bondée de monde. Elle se tenait aux côtés de deux de ses cousines, Bellatrix et Narcissa, comme l'indiquait la légende accompagnant la photographie. La dénommée Narcissa levait le nez en l'air, quant à celle nommée Bellatrix, elle toisait Hazel d'un œil torve et maléfique. Le sourire arrogant arboré par Dahlia lui sembla d'emblée antipathique.


La jeune fille se concentra sur le texte : Dahlia Black, née le 12 août 1950, est l'unique fille d'Alphard Black. Disons-le tout de suite à nos lecteurs curieux, Dahlia possédait le talent, le charme et l'ambition faisant défaut à son père. Brillante élève de Serpentard, préfète puis préfète-en-chef, Dahlia Black, aux dires de ses camarades, se distinguait tout particulièrement en sortilèges et en métamorphose. Après l'obtention de ses examens haut la main, l'extraordinaire Dahlia a décliné de nombreux postes au Ministère de la magie et à Gringotts, afin de se consacrer à la création de fabuleux artefacts. Des doutes subsistent encore quant à la nature de ses liens réels avec Altaïr Hyde *, son plus proche ami et compagnon durant ses années passées à Poudlard. Lors de la guerre contre Vous-Savez-Qui, nous perdons la trace de Dahlia qui fera reparler d'elle, lors de sa mystérieuse "disparition". À ce jour, les circonstances de ce drame demeurent bien floues et plongée dans un sommeil éternel, Dahlia Black ne pourra malheureusement plus répondre à notre curiosité.


« Des doutes subsistent encore sur la nature de ses liens avec Altaïr Hyde » ? Hazel sentait l'insinuation perfide poindre sous les mots acérés de Skeeter. Qu'est-ce que cela pouvait donc bien signifier ? Quelle place, cet homme avait-il occupé dans la vie de sa mère ? Alors qu'elle s'apprêtait à consulter la page consacrée à cet intrus dans la généalogie Black, un coup donné contre le carreau suspendit son geste. Elle quitta sa lecture et ouvrit la fenêtre. Une chouette décharnée, dotée d'un bien triste plumage terne et poussiéreux, s'engouffra dans sa chambre et déposa un paquet sur son lit. Elle se posa sur le perchoir de Circé, picora quelques graines et s'abreuva de quelques gorgées d'eau. La possessive Circé lui décrocha un regard outré et se mit à pousser des hululements indignés, qu'Hazel dut faire taire. Elle s'approcha de la chouette et reconnut le rapace, un mâle, aperçut quelquefois dans la volière de Poudlard. Cette chouette, assez sauvage, se tenait toujours à l'écart des autres occupants. Elle se creusa la cervelle, tentant de se rappeler son nom, quand Norbert, profitant de son inattention, se dressa sur ses pattes pour dérober le petit paquet. La chouette noire fut la plus rapide : elle s'élança hors du perchoir et abattit des petits coups de bec sur la tête du Niflleur. Il battit en retraite et se réfugia sous la couverture. La chouette retourna sur le perchoir, observant Hazel d'un œil autoritaire. Elle se souvint alors de son nom : Pluton. Elle connaissait fort bien son propriétaire.


Hazel s'assit sur son lit et ouvrit le petit paquet contenant un petit sachet violet venant de chez Wonka & Bucket. Elle découvrit également un petit mot, rédigé d'une plume sèche et longiligne : Ceci n'étant nullement un cadeau, je vous prierai donc de tenir votre langue à ce sujet, si vous ne souhaitez pas récurer des fonds de chaudron et dépecer des crapauds à l'aide de vos ongles jusqu'à l'obtention de vos ASPICS.

Évitez de vous attirer des ennuis.

S.R


Amusée par le petit mot, Hazel prit un chocolat et le porta à ses lèvres. En le croquant, elle se retrouva submergée par une saveur familière, celle, si réconfortante, de la noisette. Elle avala la friandise et tourna la tête vers Pluton. Elle caressa la chouette qui parut surprise par ce geste mais ne tenta pas de la pincer. Hazel s'approcha de son bureau et se saisit de la paire de gants dissimulée sous le paquet destiné à Morgan. Elle attrapa du papier à lettres et rédigea, de son écriture rondelette, aux voyelles mal formées, une missive de remerciements. Elle noua le paquet et la lettre à la patte de Pluton, mais la chouette, aussi têtue que Circé, refusa de partir. Il secoua la tête avant de se réfugier en haut de l'armoire. L'oiseau nocturne était encore plus étrange que son maître ! Ne voulant pas se battre avec Pluton, Hazel décrocha le paquet et la lettre qu'elle glissa dans la poche de son manteau. Elle l'enverrait quand la chouette serait décidée à lui obéir.


Elle s'installa sur la moquette, adossée contre son lit, afin de reprendre le cours de sa lecture, sous les yeux inquisiteurs de Pluton. Elle sentit son cœur cogner à grands coups contre sa poitrine quand son doigt tremblant tourna la page de Dahlia. Elle eut un choc en voyant le visage masculin s'animant devant ses yeux. Cet homme. Cet homme, qui n'était pas Sirius Black, était celui dont l'Epouvantard avait pris l'apparence : Altaïr Hyde. Elle effleura son nom du bout des doigts, comme si elle craignait de s'y brûler. Altaïr Hyde était le nom de ce cauchemar peuplant ses nuits depuis ce premier cours de Défense contre les forces du Mal. Il ressemblait beaucoup à l'homme emprisonné à Azkaban, possédait les mêmes traits aristocratiques et le même regard confiant. Ses yeux, qui auraient pu être beaux, étincelaient d'une lueur dénuée de toute compassion. Pourquoi se trouvait-il dans cet ouvrage consacré aux Black ? À cause de sa ressemblance avec certains membres de cette famille ? Hazel ne tarda pas à avoir la réponse. Né la même année que Dahlia, Hyde était le fils d'une Moldue, une certaine Kitty Hyde, et d'un père inconnu. Kitty, révélait Skeeter avec gourmandise, était une jolie écervelée, menant une carrière de comédienne de seconde zone. Très tôt, les pouvoirs de Hyde s'étaient manifestés et il avait débarqué à Poudlard, conscient de son talent et bien décidé à prendre sa revanche sur sa vie misérable. Peu à peu, il avait révélé de grands pouvoirs d'illusionniste, maîtrisant cet art avec brio. Talent qui avait fort bien servi les intérêts de son parrain, devenu son tuteur après le décès de sa mère, un Moldu prénommé Olaf, mauvais acteur et bandit de génie. Brillant élève de Serpentard, aidant les cambriolages de son oncle lors des congés scolaires, Hyde avait la malice et l'ambition chevillées au corps. Après Poudlard, il s'était rapidement acoquiné avec les Mangemorts.


Suspendue aux mots perfides de Skeeter, Hazel ne parvenait pas à lâcher sa lecture des yeux, allant de découverte en découverte. Le jeune Hyde, affirmait Skeeter, avait finalement découvert l'origine de ses pouvoirs et de sa troublante ressemblance avec Sirius Black : son père était un Black. Il s'était choisi Orion Black comme géniteur potentiel, le préférant à Alphard Black, moins prestigieux, moins intéressant. Hazel sentit un malaise l'envahir : ainsi, Altaïr Hyde pourrait être son oncle... Qui était-il finalement ? Le demi-frère de Dahlia ou celui de Sirius ? l'incertitude, persiflait Skeeter, persistait. Cette incertitude expliquant sans nul doute, la rupture des fiançailles de Dahlia et d'Altaïr, quelques mois après leur départ de Poudlard.


À ces mots, Hazel sentit son estomac se retourner. Ainsi, sa mère avait été fiancée à ce sinistre individu ?! À cet Altaïr Hyde, dont le nom était mêlé à de sordides affaires de tortures et de meurtres ?! Comment avait-elle pu éprouver des sentiments pour cet homme ?! Qui était vraiment sa mère ? La maladroite Dahlia, si discrète et secrète aimée d'Oliver ou l'ambitieuse, s'amusant à de bien troubles jeux, décrite par Rita Skeeter ? Les mots proférés par Mary lui revinrent avec brutalité en mémoire. Peut-être existait-il une part de vérité dans ses insultes...


Hazel referma le livre et l'envoya valser contre la porte de son armoire. Pluton se mit à hululer avec indignation. La jeune sorcière bondit vers son sac de voyage et tira l'écrin magique, dissimulé sous des vêtements froissés. Le coffret, qui ne lui paraissait plus si inoffensif, s'éveilla en lui faisant la fête.

- Qu'est-ce que tu caches, hein ?! cria la jeune fille en secouant l'écrin avec fureur. Montre-le-moi !

Le petit coffret malmené émit des jappements douloureux ; poussée à bout, perdant patience et une fois de plus, laissant sa maudite impulsivité prendre le dessus, Hazel jeta le coffret contre le mur. L'impact fut tellement violent que Circé en perdit des plumes ! Pluton lui, demeura impassible. Le petit coffret se mit à gémir d'une voix plaintive. Saisie de remords, Hazel alla chercha l'objet et le serra contre elle.

- Là, là, le consola-t-elle en le caressant avec douceur. Je suis désolée.


L'écrin se calma. Hazel en profita pour l'examiner afin de constater les dégâts occasionnés par son geste imbécile. La vieille peinture marron s'écaillait par endroits et le choc venait de révéler, sous cette épaisse couche de peinture, une autre peinture cachée, beaucoup plus luxueuse. Hazel, tenant toujours l'écrin contre elle, prit la petite brosse à décaper intégrée dans son nécessaire à bricolage magique, et avec douceur, entreprit d'ôter l'affreuse couche de peinture.


Peu à peu, les gémissements de l'écrin se turent et il dévoila sa véritable apparence : celle d'un magnifique objet fait d'ébène et couvert de rubis rougeoyants. Hazel fut soufflée par la beauté du coffret et le posa avec douceur devant elle. Elle retira les dernières traces de peinture sur le couvercle et une encoche en forme de fleur se révéla : c'était sans doute l'emplacement d'un objet permettant d'ouvrir le coffret. La forme lui rappelait quelque chose... Elle ramassa le livre de Skeeter et retourna sur la page consacrée à sa mère. En examinant la photographie la montrant en compagnie de ses deux cousines, Hazel sut quelle clef ouvrait le coffret : le pendentif, un dahlia de belle taille,porté par sa mère correspondait en tout point à l'encoche. Si Hazel parvenait à remettre la main sur ce bijou, elle pourrait ouvrir l'écrin. Où se trouvait ce dahlia à présent ? Était-il caché quelque part ? Enterré avec sa mère ? Hazel prit le coffret et le livre avant de s'installer à son bureau. Elle se mit à décortiquer tous les indices en sa possession, ainsi que les rares photographies de sa mère. Elle inscrivit quelques mots sur un parchemin afin d'orienter ses recherches au mieux. Elle dut interrompre son enquête à regret pour partir en quête de provisions avec son père, avant de l'aider en cuisine.


Une fois les préparatifs terminés, Hazel eut juste le temps de se changer avant la petite sauterie prévue par sa belle-mère. Quand Hazel descendit au salon, la fête battait déjà son plein. La jeune sorcière se faufila parmi les invités et découvrit avec tristesse, son père avachi dans un fauteuil, un verre de champagne à la main, ne prêtant aucune attention aux conversations l'environnant. Son cœur se serra face à ce tableau : son père semblait peu à l'aise, si peu à sa place dans l'univers de Mary. Hazel voulut s'approcher de lui, mais se fit attraper par sa belle-mère qui la conduisit auprès de ses parents afin qu'elle puisse les saluer. La jeune sorcière s'exécuta d'un ton poli, dépourvu de toute chaleur. Des questions fusèrent autour d'elle, une cousine de Mary, ancienne pensionnaire de Sainte-Médée l'interrogea sur l'école que Hazel était censée fréquenter. Craignant de commettre un impair et de s'attirer les foudres de sa belle-mère, elle se contenta de vagues mots en guise de réponses, passant sans nul doute pour une idiote auprès de la famille Murderstone.


Elle fut tirée de l'embarras par sa belle-mère qui l'entraîna dans le vestibule désert.

- Pourrais-tu attendre le livreur ? Il ne devrait pas tarder.


Hazel, heureuse d'échapper un peu aux mondanités, accepta bien volontiers et s'assit près de la porte, laissant une Mary soulagée regagner son cercle amical. Hazel s'adossa contre le buffet et ferma les yeux pour fuir, loin, très loin, de cette réception de Noël sans intérêt. Elle s'imagina attablée avec ses amis dans la Grande salle de Poudlard, se régalant des mets apparaissant comme par magie. Elle se plut à songer aux professeurs les surveillant d'un œil acéré, tout en participant aux festivités. Tous, excepté un seul... Hazel ouvrit les yeux quand la sonnerie de l'entrée retentit. Elle se leva et ouvrit la porte.


Elle se retrouva face au livreur. Le visage de celui-ci était dissimulé derrière une épaisse écharpe verte élimée. Les yeux de Hazel se posèrent sur son insigne : John Silver. Les taches maculant son uniforme, des taches de tomate sans doute, la firent tout de même frissonner. Il lui tendit le paquet contenant quelques victuailles. Hazel attrapa le porte-monnaie posé sur le meuble et lui tendit un billet. Le livreur lui présenta sa main gantée ; au creux de sa paume, se déployait un petit dahlia noir.

- Pour vous, murmura le livreur d'une voix étouffée.


Méfiante, Hazel se recula de quelques pas et voulut refermer la porte. Le livreur retint son geste et murmura quelques paroles incompréhensibles. La jeune fille ne remarqua pas le petit dahlia qui vint se poser sur le buffet. La porte claqua, le sachet s'échappa des mains de Hazel et s'entrouvrit, dévoilant un serpent aux écailles brillantes. Le reptile se déroula et se mit à ramper en direction du salon. Hazel s'élança vers la fête, bien décidée à ne pas revivre une journée aussi cauchemardesque que celle du mariage ou du repas pris lors de son retour de Poudlard ! Un cri perçant se fit entendre, mettant à mal son plan impliquant discrétion et rapidité.


Hazel s'immobilisa sur le seuil du salon. Norbert s'était de nouveau échappé de la chambre et se trouvait accroché à la parure de Mrs. Murderstone. Celle-ci poussait des cris hystériques tout en essayant de se débarrasser du petit animal.

- Un rat ! Enlevez-moi ce rat !

Mr. Murderstone arracha Norbert du cou de sa femme et l'envoya contre le mur. Hazel poussa les invités et courut jusqu'à la petite créature. Norbert, quoiqu'un peu sonné, se releva et se jeta dans ses bras. Elle tenta tant bien que mal, de le dissimuler aux regards des curieux en le serrant contre elle. Hazel devint à nouveau, la cible de tous les regards. Mary se rapprocha d'elle, menaçante.

- Pourrais-tu m'expliquer ce que ton « rat » fait ici, Hazel ?

- Norbert aurait dû rester dans ma chambre, murmura Hazel, quelque chose l'a dérangé, Mary, il se passe quelque chose ici...

- Là, regardez ! s'écria l'une des invitées en pointant le lustre d'un index tremblant.


Hazel leva la tête. Le serpent qu'elle recherchait se balançait sur le lustre, sa silhouette dépliée projetant une ombre malfaisante sur le mur. Ne désirant pas, une fois de plus, être tenue pour responsable de ce fiasco, Hazel fendit la foule des curieux pour s'enfuir de l'appartement, sans entendre les cris de son père la suppliant de rester.


Quand elle traversa le vestibule pour s'élancer sur la porte d'entrée, Hazel ne vit pas le petit dahlia noir se déployer à son passage pour venir s'accrocher à sa cheville. Elle ouvrit la porte, laissant le vent hivernal s'engouffrer à l'intérieur, avant de dégringoler le perron et de disparaître dans la nuit.


Une fois suffisamment éloignée de la maison de Mary, Hazel ralentit pour reprendre son souffle, tout en serrant le pauvre Norbert grelottant de froid contre elle. Où devait-elle aller ? Devait-elle rejoindre le Chaudron baveur pour tenter de contacter Morgan qui passait Noël au Terrier ? Elle fit quelques pas avant de se rendre à l'évidence : elle était bien incapable de se rappeler de la localisation du pub menant au Chemin de Traverse. Circé enfermée dans sa chambre, privée de sa baguette, elle n'avait aucun moyen de se réfugier dans le monde magique.


- Tiens bon, Norbert, murmura-t-elle en se mettant à marcher pour se réchauffer. On va trouver une solution, je te le promets.


Le petit animal se contenta d'éternuer avant de se glisser dans son pull. Hazel sut qu'en cette nuit de réveillon, elle devait éviter de se faire remarquer, notamment par les agents de police tournant dans Londres afin d'éviter tout débordement. Ses pas la conduisirent jusqu'au Tower Bridge désert. Percluse de fatigue, elle s'accorda un instant de répit. Elle se pencha en avant, contemplant les flots sombres de la Tamise se dessinant au-dessous d'elle. Plongée dans ses pensées, elle ne sentit pas le petit dahlia agiter ses sombres pétales. Norbert se mit à siffler, Hazel lui gratta la tête afin de le calmer. Le petit Niffleur remonta le long de son col et se percha sur son épaule, inquiet.


Hazel ne comprenait pas la panique animant son petit compagnon. Soudain, l'eau du fleuve se mit à tournoyer et un cri guttural surgit de ses profondeurs. Hazel s'écarta, étreinte par un très mauvais pressentiment. Une main cadavérique jaillit du néant et vint s'agripper au pont, la créature se hissa avec lenteur, découvrant sa silhouette cadavérique aux yeux rougeoyants. La créature esquissa un rictus sardonique avant de pousser un nouveau cri déchirant. D'autres cadavres bientôt se joignirent à lui, émergeant du fleuve endormi.


Comprenant qu'elle ne serait pas de taille à lutter contre ses adversaires maléfiques, Hazel se mit à courir. La horde funèbre s'élança à sa poursuite, dans un torrent de bruits de succions et de corps mouillés. Une voiture s'arrêta, le chauffeur sortit. Mal lui en a pris... Hazel entendit le craquement sinistre d'os brisés et accéléra la cadence. Les créatures ne cessaient de jaillir des abysses et n'avaient qu'une proie en tête : elle.


Le dahlia noir étira ses pétales et vint les enrouler autour de la cheville de Hazel, entravant sa fuite. La jeune fille chuta, Norbert se détacha d'elle et fit une roulade en avant. Hazel tenta de se redresser, mais le dahlia qui avait pris une taille considérable, la maintenait au sol. Le pistil de la fleur s'entrouvrit sur deux rangées de crocs acérés suintant de pollen. Hazel se mit à frapper le dahlia pour tenter de lui échapper, mais celui-ci lui résista. L'un des cadavres était proche, si proche que la jeune sorcière pouvait sentir son odeur de chair décomposée. La main putride de la créature se tendit vers elle, Hazel se mit en position de défense.


Incendio !


Une flamme rougeoyante vint frapper le cadavre qui s'écroula, poussant des cris suraigus. Une autre flamme réduisit le dahlia en cendres. Hazel courut jusqu'à Norbert inconscient. Elle le prit dans ses bras. Le petit Niffleur était blessé à la tête et respirait avec difficulté. Elle le serra contre elle, et se tourna vers son sauveur, s'apprêtant à lui demander de l'aide, quand elle se figea sur place. L'homme vêtu d'un habit noir se tenait au centre de la horde des cadavres devenus silencieux. Il s'avança sous l'un des réverbères. Hazel pâlit. Altaïr Hyde lui faisait à présent face. Il abaissa sa baguette et, toujours suivi de sa cohorte infernale, s'avança vers elle.

- Hazel, Hazel, enfin nous nous voyons « pour de vrai ». Je n'aurais jamais rêvé plus belle rencontre...


Hazel, dépourvue de tout moyen de défense, tenta de s'enfuir mais un sort la paralysa, clouant ses pieds au sol. Hyde s'avança jusqu'à elle. Il n'avait plus rien du jeune homme séduisant décrit par Skeeter : les années de fuite et de parties de cache-cache avec les Aurors avaient marqué son visage et durci ses traits. Il la contempla pendant quelques secondes avant de poser la pointe de sa baguette contre son front. D'un geste habile, il souleva sa frange, fit glisser sa baguette le long de son nez et de ses lèvres closes ; avant de la poser contre sa gorge.

Silencio.

Hazel voulut protester mais seul un son inaudible jaillit de ses lèvres. Hyde esquissa un rictus, s'amusant de sa position de faiblesse.

- Ne t'avise surtout pas de tenter quoi que ce soit, sinon, mes traqueurs risquent de perdre patience.


Norbert se réfugia sous le pull de Hazel, s'agrippant à elle de toutes ses forces. La jeune sorcière sentit les larmes lui monter aux yeux. Le sorcier la terrifiait et devant lui, elle n'était qu'une petite fille tremblante de peur, incapable de réagir.

- Ah, Hazel, Hazel... susurra-t-il d'un ton douceâtre. Pourquoi ces larmes ? Je ne compte pas te tuer... du moins, pas pour l'instant.

Il se pencha vers elle, souffla sur sa joue avant de lui glisser au creux de l'oreille :

- Hazel, petite Hazel, n'as-tu jamais rêvé de danser avec un Mangemort au clair de lune ?


La peur qu'elle avait ressentie lors de sa confrontation avec l'Epouvantard ou les Strangulots n'était rien comparée à celle qu'elle ressentait à cet instant, privée de la parole et de ses mouvements. Hazel sentit un liquide chaud et poisseux lui couler sur les cuisses, une odeur âcre, celle de l'urine, vint lui chatouiller les narines. Hyde eut un petit rire moqueur et accentua la pression de sa baguette contre la joue de la jeune sorcière. Hazel comprit alors qu'il ne désirait pas la tuer, non pas tout de suite... il tenterait d'abord d'obtenir l'écrin et ensuite, il « jouerait » avec elle, avant de l'éliminer. Il n'était pas un assassin comme Voldemort, prompt à vous donner la mort d'un Avada Kevadra bien exécuté, non, ce n'était pas la façon de faire d'Altaïr Hyde. Lui aimait se gorger de la souffrance et de la peur d'autrui. La mort de l'ennemi n'était que secondaire : en revanche, sa douleur l'excitait et lui conférait un sentiment de toute-puissance.


La jeune sorcière ferma les yeux, tentant de rassembler tout son courage pour ne pas s'effondrer devant Hyde. Elle devrait se montrer digne et courageuse ! Sa mère, s'était-elle comportée de la sorte, lors de sa dernière nuit en ce monde ? Hyde se délectait de ses efforts et, commençant les festivités, fit remonter sa baguette contre le nez de Hazel.

- Amusons-nous un peu, avant d'aller chercher cet écrin, ma douce Hazel. Cruxcuor !

La jeune fille sentit la douleur lui vriller les entrailles. Son hurlement s'éteignit dans sa gorge, incapable de se libérer de ses lèvres. Un voile rougeâtre tomba le long de ses paupières, sa chair à vif la brûlait, comme si elle avait plongé son visage dans un chaudron rempli d'une potion caustique !

Finite.

Le sang coula à nouveau dans les veines de Hazel et ses membres engourdis peu à peu se réchauffèrent. Elle put porter la main à son front et en retira des traces ensanglantées. Hyde exécuta un nouveau mouvement de baguette, renvoyant sa cohorte cadavérique dans les profondeurs de la Tamise. Il abaissa sa baguette vers Hazel, celle-ci resserra son étreinte autour du corps du pauvre Norbert pleurant.

- Écoute-moi petite sotte, toi et moi, allons sagement chercher l'écrin de Dahlia.


Tout d'un coup, des phares transpercèrent l'obscurité. Un crissement de pneus se fit entendre sur la route enneigée et un taxi violet jaillit sur le pont. Une portière s'ouvrit et Oliver Evans bondit de l'habitacle, le souffle court. Il aperçut sa fille et sans réfléchir, s'élança vers Hyde en poussant des cris déments, tel un lion prêt à tout pour sauver sa progéniture ! Comprenant ce que son père s'apprêtait à faire, inconsciente du danger, Hazel se précipita vers lui en lui hurlant de rester à l'écart. Le père et la fille tombèrent dans les bras l'un de l'autre.


Hyde eut un sourire retors.

- Une plaisante réunion de famille, s'écria-t-il en pointant sa baguette vers Oliver. De courte durée, malheureusement ! Ava...

Il ne put achever son sort. D'autres voix jaillirent de la pénombre et prononcèrent un sortilège en même temps. L'un des réverbères se détacha et tomba sur Hyde. Celui-ci évita la chute fatale et disparut.


Assise dans le taxi de Bessie, dans les bras de son père, Hazel ne garda qu'un souvenir très confus de ce qui suivit. Une jeune Auror vint sécher ses vêtements et soigner sa joue blessée en lui chuchotant des paroles réconfortantes. Un autre Auror, plus âgé et beaucoup moins bienveillant, l'interrogea de façon brusque et s'impatienta face à son mutisme. Sa jeune collègue intervint et lui conseilla de faire preuve de davantage de compassion. Hazel observait, sans vraiment les voir, les Aurors et les autres sorciers du Ministère cherchant des indices sur le pont, tout en essayant de cacher les dégâts causés. Des voitures de police factices bloquaient les deux extrémités du Tower bridge tandis que des sorciers déguisés en policiers moldus empêchaient les badauds d'approcher la scène.


Maugrey Fol Œil s'avança vers le taxi. Bessie, veillant sur les deux Evans, s'écarta pour le laisser passer. L'œil mécanique se mit à tournoyer avant de s'immobiliser sur un Oliver partagé entre l'effroi et la stupéfaction.

- Vous et votre fille, vous n'êtes plus en sécurité.

Il sortit sa flasque et la tendit à Oliver qui déclina poliment l'offrande.

- Un petit coup d'Oubliettes pourrait être la solution, grogna-t-il en s'accordant une longue rasade de whisky.

- Vous n'en ferez rien, Alastor, déclara une voix derrière lui. Vous savez que ce sort peut avoir de terribles effets secondaires.


Hazel redressa le menton et se mit à scruter Dumbledore qui se tenait face à elle. Il portait un bonnet de Noël et n'avait pas pris le temps de revêtir une cape adaptée au froid. Le directeur se pencha vers Hazel et lui tapota la joue avec douceur. La jeune fille ne sentit même pas ce simple contact.

- Vous n'êtes plus en sécurité à Londres, Mr. Evans, expliqua alors le directeur de Poudlard d'un ton mesuré. Je vous conseillerais très fortement de retourner dans votre ancienne maison. Dahlia avait protégé l'Allée des Cerisiers de façon efficace.

- Et Hazel ? s'enquit Oliver en serrant sa fille contre lui.

- Le mieux pour elle, serait de retourner à Poudlard.

Celle-ci inclina la tête sur le côté, pensive, telle une poupée de chiffon animé d'un court et faible souffle de vie. Hazel était suspendue aux décisions des adultes et cette fois-ci, elle n'avait aucune envie de lutter contre leurs choix, ni d'imposer les siens.

- La décision te revient, Hazel.


La jeune sorcière sentit les larmes glisser le long de ses joues. Norbert grimpa sur son épaule et d'un geste protecteur, lui caressa la joue. Il appuya sa tête contre elle et frotta son museau contre sa peau, comme s'il espérait soigner ses blessures. Dumbledore s'écarta et entraîna l'Auror grommelant à ses côtés. La jeune fille se tourna vers son père et l'observa avec attention : si les Aurors n'étaient pas intervenus, elle l'aurait perdu et cette seule idée lui était insupportable ! Tant que Hyde était en vie et elle, incapable de l'affronter, la vie de son père était menacée ! Elle devait se montrer digne de sa Maison et apprendre à dominer ses peurs. Quand elle retournerait à ses côtés, elle devrait être en mesure de le protéger comme lui, l'avait toujours fait. Elle leva la tête vers lui, comprenait-il sa décision ? Il se pencha vers elle et la serra contre lui. Leur étreinte dura un long moment et Hazel en profita pour lui demander pardon et l'assurer de son amour inconditionnel. Elle déposa un dernier baiser contre sa joue ; il remit sa frange en place, avant de se détacher d'elle.


Hazel se leva et d'un pas titubant, s'avança jusqu'à Dumbledore. Une nouvelle flamme animait son corps et son esprit : elle n'allait pas renoncer à apprendre la sorcellerie pour se terrer dans sa maison d'enfance ! Jekyll avait raison sur un point : elle devait apprendre à maîtriser ses peurs et à les combattre. Le directeur se tourna vers elle, fit apparaître une vieille théière - un Portoloin devina la jeune sorcière -, avant de lui tendre la main. Hazel s'en empara et tous deux s'évanouirent dans l'obscurité.


Petites notes:

  1. Le prénom et les activités douteuses de l'oncle moldu de Hyde, Olaf, est un emprunt à la saga des Orphelins Baudelaire et est une référence à l'ennemi juré des orphelins Baudelaire : le sinistre Comte Olaf.
  2. La réplique de Hyde est emprunté au Joker dans le Batman de Tim Burton: "N'as-tu jamais rêvé de danser avec le Diable au cœur de lune?"


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