L'Ecrin des illusions

Chapitre 22 : L'Antre du Cerbère (deuxième partie)

3018 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/04/2024 19:46

Quelques minutes avant l'heure convenue, Hazel se rendit dans la salle des trophées. Pour tromper son impatience, elle se mit à observer les coupes et autres médailles jalousement conservées dans les vitrines. Elle se pencha et admira de vieilles photographies animées montrant d'anciens joueurs de Quidditch et d'anciens membres du club de Bavboules.

- Si vous désirez avoir une place dans ces vitrines, vous devrez fournir bien des efforts.

Hazel se redressa. Le reflet de Rogue se dessina à côté du sien. Il jeta un regard méprisant aux Vifs d'or décorant la vitrine.

- Vous comptez admirer les exploits de vos prédécesseurs tout l'après-midi ou vous désirez apprendre des choses vraiment utiles ?

- Charlie dit que le Quidditch est important !

- À votre place, je ne ferais pas grand cas de l'opinion d'un défenseur de la cause des créatures fantastiques.


Hazel voulut défendre son ami, mais Rogue ne lui en laissa pas la possibilité. Il se dirigea d'un pas vif vers une porte et l'ouvrit avec précaution. Hazel le suivit. Ils se trouvaient dans un débarras aux étagères débordant de diverses coupes ternies. De vieux tee-shirts de Quidditch et des battes brisées complétaient ce curieux bric-à-brac. Rogue lui conseilla de regarder où elle mettait les pieds, si elle ne voulait pas glisser sur des Bavboules. Hazel le vit passer derrière une étagère et aperçut une tête de Cerbère fixée au mur, cachée derrière le meuble. Rogue actionna les trois têtes de la statue dans un ordre bien précis. La gueule en pierre se ferma et le mur s'entrouvrit sur un escalier escarpé.

- Venez, ordonna le maître des potions, avant de s'engouffrer dans l'antre plongé dans l'obscurité.


Hazel s'élança sur ses talons. Le mur se referma derrière eux et commença une longue ascension. La jeune sorcière, imitant le geste de son professeur, avait allumé le bout de sa baguette et la tenait d'une main, tout en se collant contre le mur afin de parer à toute chute éventuelle. Au terme d'une longue et éprouvante montée, ils parvinrent à une autre porte. Rogue la déverrouilla et se poussa pour laisser Hazel découvrir un grenier. La pièce spacieuse et poussiéreuse avait été aménagée par une personne avide de connaissances, à en croire les nombreux livres jonchant le sol ; des pages de manuels et des schémas présentant diverses études étaient collés aux murs. Hazel fit le tour du grenier, remarqua un coffre clos sur lequel était posé quelques vieilles frusques, une couverture élimée et des coussins. Un mannequin gisait abandonné dans un coin. Hazel se précipita jusqu'à la lucarne, se hissa sur la pointe des pieds et essuya la poussière voilant la vitre. Un rayon de lumière vint éclairer le grenier.


- Bien évidemment, grommela Rogue en envoyant les coussins vers le fond de la pièce, votre discrétion est plus que de mise. Si vous bavez quoi que ce soit au sujet de ce grenier ou sur nos leçons, je m'assurerais de faire de votre scolarité, un enfer sans nom.

- C'est entendu, répondit Hazel en se tournant vers lui, les doigts couverts de poussière et de toiles d'araignée.

Un nouveau rictus, fort peu engageant, se dessina sur les lèvres de son professeur. Il tendit sa baguette et la pointa vers elle.

Depulso !

Hazel sentit ses pieds se décoller du sol et fut violemment projetée contre les coussins servant à atténuer sa chute. Elle se redressa sur un coude, la baguette de Rogue braquée sous le nez.

- Vous êtes trop lente... et à ce que j'ai pu constater à de nombreuses reprises, la défense n'est vraiment pas votre fort. Je m'engage néanmoins à vous apprendre à maîtriser le sort du bouclier ainsi que celui de désarmement.

- Ce n'est pas suffisant ! répliqua Hazel.

- Je n'ai qu'une dizaine de jours pour faire entrer deux misérables sorts dans votre petite cervelle de linotte, croyez-moi, c'est bien suffisant. Cela vous donnera cinq minutes de survie supplémentaire si vous croisez à nouveau la route de Hyde. Maintenant, levez-vous !

Hazel se releva en se saisissant de sa baguette. Elle savait que son apprentissage ne se ferait ni dans la dentelle, ni dans la douceur, mais le jeu en valait la chandelle ! Elle était prête à avaler quelques couleuvres et à attraper quelques bleus pour progresser et devenir plus forte.

- Nous allons commencer par la défense, commença Rogue de cette voix qu'il prenait quand il parlait de ses chères potions, vous devez prononcer le sort de façon distincte : Protego.

Protego, répéta Hazel en décomposant chaque syllabe avec minutie. Protego, protego...


Elle planta son regard dans celui de Rogue et esquissa ce sourire qu'il détestait tant... sa réaction ne se fit pas attendre : un second sort, encore plus puissant que le précédent, vint la frapper dans la poitrine et l'envoya, tête la première, dans les coussins. Rogue la houspilla, elle se redressa en massant ses coudes endoloris et ramassa sa baguette. Le manège recommença : il frappait, elle parait quelques secondes tant bien que mal avant d'être projetée contre les coussins. La douleur était de plus en plus intense, Hazel tenait bon et se relevait à chaque fois pour lui prouver qu'elle était capable de devenir plus endurante. Rogue distillait son enseignement d'un ton sec et ne lui épargnait aucune critique acerbe. Hazel serrait les dents, ne laissant rien paraître des doutes se bousculant en elle.


Après un nouveau bouclier raté, elle se redressa à bout de souffle, les bras couverts d'hématomes. Rogue abaissa sa baguette tout en l'observant se placer en position de défense. Il proféra quelques paroles incompréhensibles, Hazel arqua un sourcil interrogateur. Il émit une petite toux gênée :

- Evans, m'autorisez-vous à m'approcher de vous ?

Elle répondit d'un petit signe de tête affirmatif, surprise par cette curieuse demande. Il s'avança vers elle et d'un geste brusque, se saisit de sa main tenant sa baguette. Il hésita un instant, comme répugné par ce simple contact physique. Hazel le rassura en appuyant son pouce contre la main emprisonnant la sienne. Il corrigea la position de ses doigts.

- Connaissant Flitwick, il a dû vous reprendre à de nombreuses reprises à ce sujet.

- Oui, confessa Hazel.

Elle maniait sa baguette d'un geste plutôt désinvolte, comme elle le faisait avec sa plume, ce qui lui avait valu quelques déconvenues lors des cours de sortilèges et même de métamorphose. Ses deux professeurs la reprenaient sans cesse à ce sujet. Hazel corrigeait alors sa position et retrouvait sa mauvaise habitude au cours suivant !

- Si vous ne tenez pas correctement votre baguette, vous n'arriverez à rien.


Il lui expliqua le bon positionnement de ses doigts, lui conseillant de remonter son pouce et de serrer sa baguette avec davantage de force. Hazel l'écoutait avec attention tout en fixant les mains du maître des potions : des mains arachnéennes, gercées, couvertes d'entailles et de petites cicatrices. À croire qu'il ne faisait rien pour les protéger du froid ou de la dangerosité de ses potions ! Le regard de la jeune fille remonta jusqu'à son poignet, caché sous sa manche. Là où se trouvait, prétendaient certains, la marque des Mangemorts. La main pâle libéra la sienne. Hazel leva les yeux et soutint le regard de son professeur. Oserait-elle l'interroger sur ce lien dont elle avait appris l'existence ? Elle savait que Rogue avait des connaissances en magie noire, peut-être pourrait-il la renseigner ? Était-il au courant de ce pacte l'unissant à son « protecteur » inconnu ?


- Evans ? s'enquit-il d'un ton inquisiteur. Quelle question idiote vient troubler votre petit esprit ?

- Professeur, répondit-elle en avalant sa salive avec difficulté. J'ai... enfin, Jonathan m'a parlé d'un lien magique... est-ce vrai qu'une telle chose existe ? Est-il possible de créer un lien entre deux sorciers ?

- Harker ferait bien mieux de réviser mon cours plutôt que de s'intéresser à des choses trop complexes... grogna le maître des potions. Un tel pacte existe bel et bien, Miss Evans. C'est de la très vieille magie, de la magie noire.

Il la scruta avec intensité, comme s'il cherchait à percer ses pensées. Hazel sentit son cœur, là où ce lien invisible prenait racine dans sa poitrine, battre avec frénésie. Penny ne s'était donc pas trompée et elle était bien protégée par cet étrange pacte conclu entre elle et le mystérieux Mangemort. Rogue détourna le regard et se perdit dans la contemplation du crépuscule pointant à l'horizon.

- La séance est achevée pour aujourd'hui, revenez demain et soyez ponctuelle. Quant à cette histoire de pacte...

Il lui adressa un regard menaçant.

- Oubliez-la. La magie noire n'a pas sa place dans votre apprentissage. Il est fortement déconseillé de se lier d'une quelconque façon à un autre sorcier.

- Pourquoi ? s'entêta Hazel. Quelles en sont les conséquences ?


Rogue se pencha vers elle. Son visage était si près du sien que Hazel put discerner les quelques rides creusant sa peau encore jeune. Il avait beau n'avoir qu'une vingtaine d'années, il n'avait rien de juvénile, contrairement à la charmante Hydra.

- Seule une volonté puissante, de la part des deux sorciers, permet de briser ce lien si tel est leur désir. Sinon, ils sont condamnés à être liés l'un à l'autre jusqu'à la fin de leurs jours. N'est-ce pas là une horrible perspective, Miss Evans ? Il faudrait être un fou ou être complètement désespéré pour vouloir s'enchaîner d'une telle manière à un autre être humain.


Hazel blêmit, comprenant enfin les implications d'un pareil pacte. Elle devinait que son protecteur ne se manifesterait pas, afin de les protéger tous les deux de ce lien aussi dangereux qu'inaltérable. Elle devait cesser d'y penser afin que la magie les unissant l'un à l'autre s'endorme à nouveau. Elle ferait face à Hyde seule, sans compter sur ce protecteur inconnu. Elle baissa la tête et s'excusa d'avoir posé une question aussi stupide. Rogue l'invita à quitter le grenier et à regagner la Grande Salle sans tarder. Hazel s'exécuta, descendant les marches avec peine, le corps brisé par de nombreuses ecchymoses.


♠♠♠


Après cette première séance, les jours défilèrent à toute allure. Hazel avait pris goût à ces cours donnés en cachette et avait été autorisée à monter au grenier sans être accompagnée de Rogue. Elle arrivait bien souvent avant son professeur et en profitait pour s'entraîner, tout en se remémorant les conseils aboyés par le maître des potions. Ils n'étaient jamais revenus sur le pacte magique et Hazel avait jugé plus sain de ne pas partager cela avec ses amis, ni de l'évoquer avec qui que ce soit. Ce lien, elle le protégerait farouchement, comme un secret précieux qu'elle ne pouvait confier à personne.


Ce jour-là, le dernier jour des vacances, Hazel monta les escaliers quatre à quatre et suivant son petit rituel, commença à lancer des sorts contre le mannequin. Elle était pressée de revoir ses amis, tout en éprouvant un peu de tristesse à l'idée de devoir cesser son apprentissage. Elle secoua la tête pour chasser ses pensées moroses et se plaça, en position d'attaque, face à son adversaire de chiffon. Le mannequin, un peu plus grand qu'elle, avait la tête hérissée de cheveux noirs en bataille.

Expelliarmus !

Un éclair frappa de plein fouet le pauvre mannequin et fit vaciller les lunettes qu'il portait sur le bout de son nez formé à l'aide d'une carotte. Le bout de bois, imitant une baguette magique de façon grossière, resta cependant fixé à sa main de tissu. Hazel se laissa gagner par la fébrilité et répéta son sort. Cette fois-ci, la fausse baguette s'échappa des doigts du mannequin et vint se fracasser contre le mur. La jeune sorcière exécuta une petite danse de la victoire et voulut tenter un tout autre sort, ne se trouvant pas au programme. Elle ferma les yeux, comme elle le faisait en cours de métamorphose, et se concentra sur son ennemi du moment. Elle le visualisa dans son esprit, la tête en bas. Elle prit une profonde inspiration et brandit sa baguette avec conviction :

Levicorpus !

Hazel ouvrit les yeux et vit avec surprise, que le sort lancé avait bel et bien fonctionné : le pauvre mannequin lévitait dans les airs, son tee-shirt de Quidditch rabattu sur sa tête rappelant, selon la jeune sorcière, un navet pas assez mûr. Pouvait-elle tenter un autre sort ? Après tout, Rogue n'était pas là pour juger sa prestation et il ne saurait rien à propos de ses petites expérimentations magiques.

Depulso !


Le pauvre mannequin se retrouva projeté contre le mur avec brutalité. Un craquement se fit entendre et, sous les yeux horrifiés de Hazel, la tête en tissu se détacha et roula à jusqu'à ses pieds. Comment allait-elle justifier sa bêtise ? Un bref applaudissement la fit sursauter. Rogue s'avança et ramassa la tête du pauvre mannequin. Il la lança en l'air et l'acheva d'un « Incendio » finement exécuté. Une pluie de cendres se répandit tout autour d'eux.

- Vous commencez à comprendre, murmura le maître des potions. Quand vous vous trouvez face à un ennemi, servez-vous de la haine qu'il vous inspire afin de décupler vos pouvoirs.


Hazel acquiesça. Rogue tendit sa baguette vers le coffre et en fit jaillir un nouveau mannequin, beaucoup plus grand que celui réduit en charpie. Il le fit flotter quelques instants avant de le déposer à la place de son malheureux prédécesseur. Celui-ci portait un pull aux couleurs de Gryffondor et une ignoble perruque noire filasse. Le propriétaire du mannequin avait réussi à lui dessiner un sourire particulièrement arrogant à l'aide d'un bout de fil.


- Hyde, chuchota la jeune fille en s'avançant vers le mannequin.

- Je suis au regret de vous contredire, Evans... toutefois, si la ressemblance entre Hyde et ce sac à puces peut vous rendre encore plus acharnée, alors je serais ravi de vous voir faire un sort à ce mannequin.

Hazel se mit en position d'attaque ; elle ferma les yeux et tendit sa baguette avec assurance : depuis quelques jours, sa main ne tremblait plus et ses sorts étaient devenus beaucoup plus précis. Elle devait encore gagner en rapidité, mais ses progrès étaient flagrants !

- Dégommez-le, souffla la voix de Rogue. Prouvez-moi que vous serez capable de survivre plus de cinq minutes face à Altaïr Hyde.

La jeune sorcière ouvrit les yeux et braqua son regard sur le visage suintant de mépris lui faisant face.

Depulso !


Le mannequin se cogna contre le mur, elle aurait pu s'arrêter là, mais une rage fougueuse avait envahi son corps : elle voulait éliminer cet avatar de Sirius Black, et pas seulement à cause de sa troublante ressemblance avec son ennemi juré. Prisonnière de sa bulle haineuse, elle n'entendit pas la voix de son professeur mettant fin à leur séance. Elle brandit de nouveau sa baguette et d'une voix emplie de colère, jeta un nouveau sort sur le mannequin. Sa tête explosa et un nuage de vieille mousse vint maculer ses cheveux. Elle n'en avait pas fini avec lui, pas encore... Derrière ses yeux brouillés par les larmes, défilaient des images qu'elle ne sut expliquer, qui ne lui appartenaient même pas... celles d'un jeune Sirius Black riant aux éclats et s'amusant à se moquer, à tourmenter une ombre dont elle ne parvenait pas à voir les traits. Elle n'avait qu'une idée en tête : protéger cette ombre et la venger des mauvais traitements infligés par l'arrogant Gryffondor !

- Evans, cessez immédiatement !

Incendio ! cria-t-elle.


Le corps du mannequin s'enflamma et elle se mit à bouger sa baguette afin que les flammes dévorent le corps de tissu jusqu'au dernier des fils le composant. La chaleur lui montait aux joues mais qu'importe, elle avait la sensation d'avoir vengé l'ombre maltraitée. Elle s'apprêtait à lancer un nouveau sort quand elle se retrouva désarmée. Le feu fut éteint et elle retrouva ses esprits. Avec lenteur, elle se retourna vers le maître des potions. Il abaissa sa baguette et la fixait d'un œil inquiet.

- Evans? s'enquit-il d'un ton où pointait l'angoisse.

- Professeur, murmura-t-elle, je ne voulais pas... je suis désolée... mais cet homme, je l'ai vu faire du mal à cette... cette ombre et j'ai voulu la défendre.

- Evans, cette « ombre » n'a pas besoin de vous pour lui venir en aide. Oubliez-la.


Il rangea sa baguette d'une main tremblante et lui fit signe de partir. La jeune sorcière s'écarta de lui, déposa la paire de gants noirs, accompagnée d'un petit mot de remerciements, sur le coffre et sortit sans un mot. Hazel essuya ses joues humides du revers de la main et dégringola les escaliers d'un pas précipité.


Une fois hors du grenier, elle prit une profonde inspiration et tenta de reprendre ses esprits. Elle avait la sensation d'avoir puisé dans ses dernières forces et d'avoir atteint les limites de sa puissance. Elle tourna la tête vers l'escalier s'élevant jusqu'au grenier. Elle ne devait plus en franchir la porte, il y avait tellement de mystères et de chagrins imprégnant les murs poussiéreux, tellement de secrets dont elle ne devait pas soulever le voile.

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