L'Ecrin des illusions

Le lendemain, toute l'école fut au courant de l'exploit de Hazel. Quand elle descendit à la Grande Salle, tous les regards se braquèrent sur elle. La jeune sorcière s'installa face à ses amis. Ces derniers, loin de la presser de questions, gardèrent le nez collé à leurs bols de porridge. Bill devinant que Hazel n'était d'humeur à converser, demanda aux autres Gryffondor noyant la jeune sorcière sous un flot de paroles, de la laisser tranquille. Un élève de quatrième année voulut passer outre ce conseil et Bill lui promit de prévenir McGonagall et de lui flanquer une sacrée raclée, s'il continuait de tourmenter Hazel. La jeune sorcière adressa un sourire de gratitude à l'aîné des Weasley et put enfin déjeuner dans le calme.

La porte de la Grande Salle s'ouvrit sur Rogue. De nouveau, les élèves se désintéressèrent de leur repas et se tordirent le cou pour suivre l'arrivée pleine d'assurance, quoique un brin claudicante, du sinistre maître des potions. Hazel elle-même ne sut résister à la tentation. Elle tourna la tête, - en toute discrétion espérait-elle -, et lança un regard à Rogue. En plus des entailles laissées par Hyde sur ses joues, des cernes profonds creusaient son visage pâle et émacié. Il ralentit le pas en passant près de la table des Gryffondor et porta la main à sa poitrine. Il aperçut Hazel et rompit leur contact visuel en faisant mine d'adresser une remarque à un groupe de Gryffondor particulièrement bruyant, avant de rejoindre ses collègues.

À la fin du repas, Dumbledore se leva et s'avança jusqu'au pupitre. Les conversations firent place à un silence des plus attentifs.

- Chers élèves, de nouveau un événement tragique a frappé notre école. Pour mettre fin aux rumeurs, ô combien dangereuses, je me dois de vous dire la vérité.

Quelques élèves de septième année, ayant eu vent de certains on-dit concernant Hydra Jekyll sortirent leurs mouchoirs et se mirent à sangloter sur leur amour perdu.

- Le professeur Jekyll a été lâchement assassinée par Altaïr Hyde dont la sinistre réputation n'est plus à faire. Cet homme lâche et vil a ensuite pris l'apparence de Mrs. Jekyll pour nous abuser et nuire à l'une de vos camarades.

Toutes les têtes se tournèrent vers Hazel. La jeune sorcière, gênée par tant d'attention, se fit toute petite sur sa chaise, espérant que son calvaire prenne très rapidement fin.

- Miss Evans a eu le courage, en dépit de son jeune âge, d'affronter cet adversaire redoutable et de déjouer ses pièges maléfiques. Soulignons toutefois que Miss Evans n'aurait jamais réussi à surmonter ses épreuves sans le courage et l'amitié de ses camarades. C'est pourquoi, afin de récompenser ses qualités que j'admire, j'accorde vingt points à Ms.Mirwani et Doyle, ainsi qu'à Mr. Wilde, Harker et Weasley.

Il se pencha vers son pupitre, l'œil pétillant de malice.

- Vous êtes la preuve que les serpents peuvent s'allier aux lions quand la situation l'exige. Puisse votre amitié perdurer dans le temps. Quant à Miss Evans, nul doute qu'elle ne m'en voudra pas si je ne lui accorde pas de points.

Hazel rougit et secoua la tête : elle avait obtenu le droit de rester à Poudlard et cela valait tous les points du monde ! Dumbledore esquissa un sourire amusé et se retourna vers ses professeurs. Rogue toisait l'assemblée de son air imperturbable, les bras croisés sur sa poitrine. Quelle sinistre et déplorable image de lui-même offrait-il à cet instant, songea Hazel.

- Enfin, je me dois de remercier l'un de vos enseignants. Professeur Rogue, je vous fais part de ma reconnaissance. Vous avez mis votre vie en danger afin de mettre ce sinistre individu hors d'état de nuire. Merci.

Rogue demeura impassible tandis que des applaudissements discrets de la part de ses collègues s'élevaient autour de lui ; quelques Serpentard, désireux sans doute de s'attirer ses bonnes grâces, joignirent leurs applaudissements à ceux des enseignants. Rogue se contenta de lever les yeux au ciel, maudissant Dumbledore pour avoir eu l'audace de le mettre sur le devant de la scène.

Le directeur jeta un regard malicieux à son enseignant avant de retrouver son sérieux :

- Je vais devoir vous quitter pendant quelque temps et c'est pourquoi, je confie temporairement les clefs de l'école à mes deux professeurs les plus raisonnables : les professeurs McGonagall et Rogue auront la charge de Poudlard pendant mon absence.

Minerva McGonagall émit un balbutiement d'incompréhension. Rogue se pencha vers elle et lui souffla quelques mots au creux de l'oreille. La directrice des Gryffondor jeta un regard stupéfait au vieux sorcier. Celui-ci sortit sa baguette et fit apparaître un énorme sac diligence rose brodé de fleurs jaunes, sur son pupitre.

- Auf Wiedersehen ! cria-t-il à la cantonade en touchant son sac de voyage, avant de disparaître dans un nuage de fumée.

Les élèves se levèrent et la Grande Salle se remplit d'un brouhaha insoutenable. Bill se mit à éclater de rire, disant que Dumbledore était vraiment « toqué ». Hazel échangea un regard surpris avec Sofia, ne comprenant rien à ce qui venait de se passer. Flitwick, croyant bien faire, se jucha sur sa chaise et tenta de réclamer le silence de sa voix fluette. Rusard se mit à beugler en menaçant les élèves de ses chaînes, s'ils ne se taisaient pas immédiatement ! Rogue et McGonagall se tournèrent l'un vers l'autre et d'un geste lent mais suffisamment impressionnant, le maître des potions se leva et s'approcha du pupitre. Il balaya les élèves du regard et peu à peu, le calme revint. Il appuya ses mains autour du pupitre.

- Le petit-déjeuner étant à présent terminé, vous êtes priés de regagner vos salles communes ou la cour immédiatement.

Nul n'étant désireux de passer tout un dimanche à subir les foudres du directeur par intérim, ils s'exécutèrent tous en silence et sortirent de la Grande Salle dans un silence des plus religieux. Hazel se retrouva mêlée au flot des élèves regagnant les couloirs et tenta de rejoindre ses amis, mais ces derniers ne lui accordèrent pas un regard, sans doute encore fâchés par son comportement dans la Salle sur Demande. Hazel se faufila entre deux Gryffondor et tenta de se saisir du bras de Charlie, celui-ci se dégagea de son étreinte et s'écarta d'elle, entraînant Jonathan et Sofia à sa suite.

Hazel s'arrêta, le groupe d'élèves disparut, la laissant seule devant la porte de la Grande Salle. Entendant des pas venant à son encontre, espérant voir ses amis de Serpentard, elle se retourna et ne vit que Rogue. Il pencha la tête sur le côté, comme s'il cherchait à deviner ses pensées et pensant qu'il ne se priverait pas de la punir pour ne pas avoir obéi, Hazel s'enfuit à travers le couloir. Elle n'avait nullement envie de retrouver la salle commune, écrasée par le poids de sa culpabilité et de ses mensonges.

Elle ne savait où se réfugier. Ses pas la conduisirent vers la bibliothèque, désertée en cette belle journée printanière. La jeune sorcière prit un livre sur la métamorphose au hasard et s'installa à une table située à l'écart. Épuisée par ces derniers jours, elle finit par s'endormir, sa joue posée contre une page qu'elle arrosait d'un léger filet bave.

Un coup de bec donné contre sa joue l'éveilla de sa vision. La jeune sorcière cligna des paupières, gênée par la lumière printanière. Elle frotta ses yeux rouges de larmes et se redressa. Pluton, la chouette décharnée appartenant au maître des potions, déposa un billet sur la table. Mrs. Pince se retourna et poussa un cri horrifié en voyant le rapace. Pluton la toisa d'un œil fort peu amène avant de s'envoler, pourchassé par la sorcière lui jetant des éclairs à l'aide de sa baguette.

Hazel ramassa le petit billet et lut un mot l'invitant à se rendre au Lac Noir. La jeune sorcière, abandonnant son livre, se faufila hors de la bibliothèque.

En arrivant au point de rendez-vous, alors qu'elle s'attendait à voir Rogue, elle fut surprise d'y découvrir ses amis. Les trois Gryffondor et les deux Serpentard étaient assis sur l'herbe et discutaient à voix basse. Elle se rapprocha d'eux ; ils cessèrent leur conversation.

Hazel se mit à gratter la terre du bout de son soulier droit, ne sachant comment aborder l'inévitable confrontation. Misty fut la première à réagir :

- Bon, Casse-Noisette, tu vas finir par t'asseoir et cracher le morceau ?

Hazel esquissa un sourire et se laissa glisser entre Seren et Sofia. Les compères formaient à présent un cercle et après de longues minutes de silence, finirent par échanger un regard. Jonathan, suivant l'exemple de Misty, se tourna vers Hazel :

- Alors comme ça, tu as sauvé Rogue ? Tu sais que tout le monde t'en veut ! Dire qu'on aurait pu se débarrasser de lui pour de bon !

Hazel releva la tête et vit un sourire amusé sur les visages de ses amis. Soulagée, elle put enfin leur confier les lourds secrets la rongeant depuis quelques mois. Elle se tourna vers Seren afin de se donner du courage avant de tout avouer. Elle leur raconta son duel contre Hyde, insistant en frissonnant sur tout le dégoût que cet homme avait suscité en elle ; puis d'une voix tremblante, parla de Rogue et du lien les unissant l'un à l'autre.

Charlie eut une grimace quand il comprit que son amie partageait ses souvenirs et parfois ses pensées avec l'ignoble individu. Respectant sa promesse, Hazel ne dit rien concernant le passé de Mangemort de Rogue, c'était là, le dernier secret qu'elle voulait à tout prix garder pour elle. Elle acheva sa confession en leur disant que Dumbledore et Rogue cherchaient un moyen de rompre le Pacte.

- Dumbledore en est vraiment capable ? s'enquit une Sofia blême d'inquiétude. Oh, Hazel...

Elle se pencha vers sa meilleure amie et la serra contre elle avec force. Hazel lui rendit son étreinte avant de se détacher avec lenteur. Sofia parut se rappeler quelque chose et sortit l'écrin qu'elle avait gardé depuis la fuite de Hazel. Son amie la remercia et le mit dans la poche de son manteau.

Elle observa les différentes réactions de ses amis : Charlie était prêt à rendre son déjeuner sur l'herbe, Jonathan et Misty la fixaient avec perplexité ; quant à Seren... il esquissa un sourire rassurant, qui troubla Hazel. Quelques années et bien des mésaventures seraient nécessaires à la jeune sorcière pour comprendre les sentiments qui commencèrent à germer ce jour-là...