L'Exécuteur

Chapitre 11

4955 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/05/2016 21:47

Eren ne fut heureusement pas viré de l'hôpital, mais sévèrement réprimandé – et ce bien qu'il se soit trouvé une excuse – par sa chef insupportable.

Trois jours. Trois jours et il s'était pleinement remis. Et elle était toujours là.

« Arrête de traîner dans mes pattes maman, j'essaye de cuisiner.

Ce n'était pas encore devenu une habitude, qu'elle soit à ses côtés. Il continuait de l'envoyer bouler, et elle d'ignorer ses remarques, et ça lui convenait. Il se sentait presque… Heureux. Bon peut-être pas exactement, mais davantage en tout cas.

- Excuse-moi de me soucier de ta santé, répliqua-t-il en mettant le nez au-dessus de la poêle fumante.

Les rôles semblaient parfois s'échanger, comme si, maintenant qu'il avait grandi, Carla en profitait pour jouer un peu l'enfant collante et moqueuse – bien qu'elle ait toujours possédé ce dernier critère – et Eren devait se contenter de la rabrouer de manière pas trop abrupte. Le brun se mit face à son plat qui cuisait et l'assaisonna, sans se soucier du fait qu'il passait au travers du corps immatériel de sa mère. Bien qu'il n'y soit pas encore toujours très habitué.

- Eren ! s'exclama subitement Carla, ce qui eut pour effet de le faire bondir en arrière. Tu mets beaucoup trop de sel ! Ça va te boucher les artères ! Je te l'ai déjà dit –

- Cent fois je sais, rouspéta-t-il. Et moi je t'ai déjà dit d'arrêter de gueuler, ça me fait flipper !

- Je regrette vraiment de ne pas avoir pu t'éduquer correctement, grimaça l'adulte. Mon petit ange est devenu si grossier.

Elle venait de toucher une corde sensible en lui rappelant sa non-présence durant toutes ces années, mais le brun décida de ne pas le montrer outre-mesure. Il joua l'indifférent.

- Je ne suis pas un ange.

- Tu le resteras toujours pour moi, soupira-t-elle en s'éloignant et allant regarder par la fenêtre du salon.

Eren serra fort la cuillère en bois qu'il venait de prendre, tentant de se détendre sans trop y parvenir. Il trempa l'ustensile dans la poêle et goûta, puis ferma les yeux. Il savait qu'elle avait eu raison. C'était trop salé.

- Alors, c'est comment ? demanda Carla, qui s'était retournée vers lui.

- Bon, répondit-il simplement en prenant le plat et l'amenant au salon.

Puis, parce qu'il fallait bien qu'elle fasse une remarque, elle s'approcha à pas mesurés du canapé où son fils s'était assis.

- Tu manges directement là-dedans ? Pas dans une assiette ?

- Ouais.

- Tu n'as pas pris un couvert en fer au moins hein, tu sais que ça peut rayer –

- Je sais, maman. Je sais. D'accord ?

- Ok, ok, souffla-t-elle en levant les mains en l'air et se laissant tomber dans le canapé.

- Arrête avec tes remarques incessantes.

Elle fit une moue boudeuse.

- Je vais essayer. »

Ils se turent et il alluma la télévision, profitant des quelques instants de répit que venait de lui accorder Carla. Parce qu'il savait que ça ne durait jamais bien longtemps.

Nous étions mercredi, onze heures dix. Il reprenait le boulot à midi. Quand le brun eut terminé de manger, il partit, sa mère sur les talons. Ils ne parlaient pas. Enfin, pour dire qu'il n'y avait pas de conversation. La femme brune lançait un commentaire de temps à autre, mais elle ne recevait aucune répartie de son fils, celui-ci ne voulant guère être pris pour un fou à papoter tout seul dans les rues. Il le faisait déjà suffisamment chez lui en ce moment, puisque Carla blablatait sans arrêt, alors c'était suffisant.

« Bon, maman, lui dit-il au bout d'un moment alors qu'il était dans le vestiaire du personnel, seul. Je commence mon service, alors comme pour hier j'aimerai avoir un peu d'espace s'il-te-plaît.

- Mais bien sûr, lui sourit-elle. Je vais retourner à l'appartement dans ce cas.

Chose quelque peu ironique puisqu'elle n'existait pas si Eren n'était pas là pour la voir.

- Travaille bien mon chéri, lui souhaita-t-elle en agitant la main.

- Merci… »

Elle passa au travers de la porte. Enfin complètement seul, autant physiquement que psychiquement, le brun inspira un grand coup et se massa les tempes. Tout ça ne devait plus durer. Il devait cesser de se voiler la face. Ce n'était pas cette drogue qui faisait apparaître des mirages. Ça venait de lui, et uniquement de lui. De cette caboche à la con. Mais… Il ne s'étala pas davantage sur le sujet. Pour une fois il préféra l'ignorance. Car il se sentait différent, mieux dans sa peau, mieux dans sa tête.

Après avoir longuement expiré il sortit de la pièce, et se retrouva dans le long couloir de l'hôpital. Il le longea d'un pas vif, car maintenant qu'il avait commencé son service il n'était plus temps de traîner, ni de s'encombrer l'esprit par des pensées plus ou moins futiles, quelles qu'elles soient. Parvenu au large croisement principal de sa zone, il rejoignit son équipe. Mais il n'eut pas le temps de les saluer que déjà les portes automatiques d'urgence s'ouvraient, laissant apparaître des gars du Samu. Trois brancards.

« Y en a d'autres derrière ! cria le premier homme.

Eren et ses coéquipiers se précipitèrent vers eux, prenant les blessés en charge.

- Il y a eu un règlement de compte dans la boîte Marvipe Nord-Est, que des blessés par coups et quelques-uns par lame, continua le gars. Tous des lunaires, huit. Plus un mec qui s'est retrouvé au mauvais endroit, donc neuf en tout.

Alors que les brancards affluaient, encombrant subitement le hall d'entrée, les infirmiers faisaient de leur mieux pour faire de l'espace, menant les blessés aux lieux adéquats, vers les médecins etc. Putain, ils étaient tous de degré un, ce n'était pas le genre de blessures qu'on devait traiter avec du retard. Après avoir transporté un blessé particulièrement amoché directement au bloc trois, il retourna en trottinant dans le hall. L'endroit était rempli, toutes les mains étaient prises. Bordel, il venait de commencer et déjà il avait droit à une débarquée en folie.

- Eh Eren ! l'apostropha un des médecins, un rouquin sympathique.

- Oui ?

- Je viens de recoudre le type innocent au bras, tu peux t'occuper des pansements ? Rien de très grave.

- Ouais bien sûr, je te suis.

Il partit à la suite du médecin, qui l'amena dans une pièce quinze petits mètres plus loin. Et quelle ne fut pas sa surprise. Debout, appuyé sur le rebord de la fenêtre et regardant au-dehors, se tenait une silhouette bien familière. Le haut de son corps était inondé de lumière, faisant ressortir la chemise blanche immaculée et parfaitement cintrée, dont les manches avaient été retroussées jusqu'aux coudes. Levi. Eren garda la bouche ouverte, sans que le moindre son ne sorte de sa bouche.

- Monsieur Stone, je vous avais pourtant demandé de bien vouloir rester assis, s'exaspéra le rouquin en s'avançant dans la pièce.

Le patron de Titania se détourna de la fenêtre pour se mettre face à lui. Il paraissait furieux.

- Je n'ai pas besoin d'être davantage soigné, je peux m'occuper de moi-même merci.

- Je suis navré mais je ne peux pas vous laisser partir. Retournez vous asseoir, l'infirmier ici présent va vous panser.

Le regard du noiraud glissa sur Eren. Ce dernier put sentir tout le rejet qui émanait de ses yeux, et bien que ceux-ci soient cachés par les épais verres noirs de ses lunettes rondes. Jusqu'à ce qu'il le reconnaisse. Alors il se rapprocha et se laissa tomber sur la chaise en soupirant, jambes croisées.

- Très bien. Qu'il me soigne.

Le médecin expira de soulagement.

- Merci. Bonne chance Eren, ajouta-t-il à l'attention de celui-ci.

Puis il partit, laissant flotter un silence incertain derrière lui. Sans rien dire, l'infirmier vint se planter bien face au noiraud.

- Salut, lui fit-il avec un mince sourire.

Pourquoi diable était-il ici ? Etait-il réellement venu dans cet hôpital-ci par hasard ?

- Salut, répondit vaguement l'autre en grognant, puis il se remit debout.

- Qu'est-ce que tu fais ? s'enquit Eren, qui avait froncé les sourcils.

- Je me casse.

Il se posta devant l'infirmier, les coins de sa bouche abaissés, mit sa veste de costume sur son épaule, et alors qu'il allait sortir de la pièce en le contournant de près, il fut retenu par le poignet.

- Il n'en est pas question, répliqua le brun d'un ton implacable.

Levi braqua son regard dans sa direction, et l'infirmier se sentit presque coupable de voir son visage se refermer encore plus qu'il ne l'était déjà.

- Qu'est-ce que t'en as à foutre ? Je peux soigner le reste tout seul.

- Je n'en doute pas, rétorqua Eren, mais maintenant que tu es à l'hôpital autant s'occuper de toutes ces plaies.

- Il n'y en a pas tant que ça.

- Certes, certes, mais…

Une idée germa dans son esprit.

- … mais mieux vaut éviter que ça ne s'infecte dehors. On ne sait jamais, tu pourrais te choper n'importe quoi.

Ouais. Comme la plupart des gens qui faisait la connaissance de Levi, ils apprenaient rapidement et à leur dépens le côté maniaque du noiraud quant à la propreté. Ce dernier ne dit rien d'ailleurs, puis enfin il alla se rasseoir avec la souplesse et la méfiance d'un chat sur la chaise. Le brun tenta vainement de cacher son sourire.

- Je ne suis pas dupe, lui signala le patron du Titania, je sais que tu viens de me manipuler.

Alors que l'infirmier sortait le matériel nécessaire pour le soigner, il répondit simplement :

- Je ne fais que mon travail.

Puis, tandis qu'il s'asseyait face au noiraud et préparait les pansements, il ajouta avec une mine boudeuse :

- Et toi tu m'as bien l'air d'un de ces types qu'on déteste à l'hôpital.

- Plaît-il ? fit l'autre d'un ton dangereux.

- Ouais, expliqua le brun. Ceux qui empêchent le bon déroulement de notre travail en refusant de se faire soigner. Il peut y avoir quelques désagréments ensuite, et ça retombe sur nous bien évidemment.

Levi l'observa un moment sans rien dire, puis il grogna :

- Si ça avait été quelqu'un d'autre je me serais cassé.

- Je vais le prendre comme un compliment, ricana l'infirmier.

- C'est ça gamin, marre-toi tant que tu le peux encore.

Il fallait maintenant qu'Eren désinfecte les plaies, bien qu'elles soient minimes, et… Ça n'aurait pas dû lui donner cette étrange sensation dans les côtes, de devoir prendre le bras du noiraud. De toucher sa peau pâle. Mais il reprit contenance et fit d'une voix indifférente :

- Tends ton bras.

Avec une moue, Levi s'exécuta. Lorsque les doigts du jeune brun touchèrent la peau fine de son poignet cependant, il ne put s'empêcher de tressaillir.

- Tu es brûlant, fit-il remarquer à l'infirmier.

- C'est toi qui est froid, répliqua le brun, qui continua ensuite avec un sourire malicieux digne de sa mère : Tu as vraiment une peau de bébé tu sais.

- Eh, je t'emmerde, grogna le noiraud. Concentre-toi plutôt sur ta tâche, ou tu risques de te foirer.

Eren ne dit rien, il désinfecta simplement les trois blessures avec une moue amusée. Levi ne broncha pas, comme s'il ne sentait pas les coupures sur sa peau. Le brun se demanda comment il avait fait pour se retrouver au milieu de cette bataille sans le vouloir, mais il avait sa réponse, et il était certain qu'elle était la bonne version des faits. Levi avait participé au massacre, et il était suffisamment puissant pour s'en sortir sans être embêté par la Police Spéciale. Après tout n'était-il pas un de gérants du plus grand réseau de boîtes Titania de la région ? Ça sentait l'entourloupe à plein nez. D'autant que…

- Monsieur Stone hein.

- Ouais, répondit le noiraud après un temps, l'air un peu méfiant.

Ce qui n'échappa pas au brun.

- Ça te va pas vraiment, soupira-t-il.

- Faudra dire ça à mon paternel, marmonna l'autre.

Il sentait ces choses-là, Eren, les magouilles. Et il remarqua l'élément clé.

- Tu as une marque sur ton poing droit.

Il reconnaissait ce genre de blessure pour en avoir souvent eu sur ses propres mains. C'était quand il frappait vraiment de toute ses forces contre quelque chose, avec rage, et non par défense. La marque était petite, moins moche que le reste des blessures, qui restaient des entailles, bien que légères. Mais le brun ne connaissait que trop bien les séquelles d'un tel coup, et il savait qu'un hématome de cette ampleur à la main était autant douloureux que c'était rare.

- C'est rien, répondit Levi.

Les doigts de l'infirmier virevoltèrent sur la blessure, et il remarqua le noiraud tiquer, de manière pratiquement imperceptible.

- Eh bien, ça n'avait pas l'air de tout repos cette bataille.

- J'ai été pris dedans, rétorqua l'autre du tac-au-tac. Je n'ai pratiquement rien eu.

- Je ne t'ai pas demandé de te justifier, sourit-il avec bonne humeur.

Eh oui, il venait de le mettre dans une petite impasse. Aisément surmontable certes, mais une impasse tout de même, et le noiraud avait bien senti où il voulait en venir. Non que le brun ait tenté de le cacher.

- Peu importe, fit Levi un poil plus froidement.

Eren n'ajouta rien. Il se contenta de terminer de désinfecter les plaies, et de bien essuyer le peu de sang qui avait coulé sur la peau pâlotte du gérant de Titania. Puis il lui posa les pansements tranquillement, sans faire de commentaire.

- Tu ne me demandes rien ? demanda le noiraud avec suspicion, au bout d'un temps.

Il avait parfaitement saisi le fait qu'Eren avait compris son implication plus qu'innocente dans la bataille.

- Demander quoi ? Tu comptais me dire la vérité de toute manière ?

Les lèvres du noiraud tressaillirent, amusées.

- Pas vraiment.

Le brun élaborait consciencieusement sa tactique.

- Je suis là pour soigner, pas pour m'occuper de tes affaires. Ce dernier point ne concerne que toi.

Peut-être que s'il lui montrait qu'il pouvait avoir confiance en lui… Qu'il ne demandait rien en retour… Alors il l'intègrerait dans ses magouilles. Ou tout du moins lui en parlerait.

- Et tu as parfaitement raison, bailla Levi en croisant ses jambes dans l'autre sens. Tu es moins un morveux emmerdeur que je ne pensais.

- Mh. Merci… Je suppose ? fit l'infirmier d'un ton léger.

Le gérant de Titania le gratifia d'un minuscule sourire appréciateur, avant de revenir à la charge.

- Tu prends bien ton temps. Tu tiens tant que ça à ce que je reste ?

Balayant la question de la main, le plus jeune répliqua :

- Au moins tu peux être sûr que mon travail est bien fait.

- Ça reste à voir ça, ricana l'autre.

- Peuh.

Quatre pansements sur les bras, le noiraud se leva et enfila sa veste de costume. Ils se dirigèrent tous deux vers la porte, puis marchèrent jusque dans le hall, qui était maintenant un peu plus calme. Se plaçant à côté de l'entrée, le brun joignit ses mains devant et s'inclina légèrement.

- Si Monsieur veut bien se donner la peine.

Le noiraud arqua un sourcil et se planta devant lui.

- Je retire ce que j'ai dit, tu restes un gamin.

Le regard moqueur, l'infirmier lui sourit de toutes ses dents.

- J'aurai du mal à le nier.

Le front de Levi se plissa, et ses lèvres fines remuèrent de trois millimètres, semblant réfléchir. Il savait qu'il était temps de partir. Allez…, supplia intérieurement le brun. Dis-le. Me fais pas poireauter, j'ai pas que ton cas à régler pour les prochains jours.

- A quelle heure finis-tu ?

Tactique fonctionnelle. Réussite totale. Eren lui jeta un regard faussement désarçonné.

- Dix-neuf heures.

- Et tu as quelque chose de prévu ensuite ?

- Non, non… Pas vraiment.

- Parfait, répondit le noiraud. A tout à l'heure. »

Il partit sans plus de cérémonie. L'infirmier le regarda s'éloigner, un peu étonné tout de même. Les choses allaient peut-être aller plus rapidement que prévu. Il eut une petite pensée pour Carla qui l'attendait à la maison, mais l'éloigna bien vite. Son travail d'Exécuteur restait bien plus important qu'un fantôme imaginaire. Il fit volte-face, prêt à reprendre son boulot d'infirmier.

.

Levi était là, l'attendant devant une voiture luxuriante d'un rouge brillant, assis sur le capot. Le brun le fixait de derrière les portes vitrées, sans bouger. On ne pouvait pas faire moins voyant que ça. Il ne s'y connaissait pas trop, mais… Il s'agissait d'une Ferrari non ? A ses côtés, ses quelques collègues qui sortaient en même temps que lui de l'hôpital s'extasiaient sur le véhicule, se demandant qui ce « bel Apollon » pouvait bien attendre - riche Apollon surtout. Car c'était forcément quelqu'un de l'enceinte du bâtiment, et à moins que ça ne soit un patient c'était un salarié d'ici. Eren se pinça l'arête du nez en jurant. Il ne voulait pas attirer l'attention, peu importe sa provenance, et qu'elle ait ou non un rapport avec son métier d'Exécuteur. Il voulait être quelqu'un de complètement normal, jusque dans les moindre détails, sans donner l'occasion à quiconque d'entretenir des soupçons à son égard. Il prenait particulièrement soin de son image. Retroussant les manches de son blouson, il sortit, longeant les murs, se fichant de la poussière qui s'accrocheraient éventuellement sur son vêtement. Le noiraud ne manqua pas de le remarquer, et le fixa avec une moue amusée se diriger jusqu'à l'angle du parking, juste avant la sortie. Le brun lui fit ensuite des signes qu'il voulait discrets, lui indiquant d'amener sa voiture jusque-là. Et tant pis s'il avait eu l'air d'un imbécile.

Le pire ne fut pas cela. Le pire, ce fut quand Levi monta dans sa voiture et démarra en trombe, les pneus crissant quand ils s'arrêtèrent devant l'infirmier dépité. Passer inaperçu tu parles. Il fit rapidement le tour du véhicule et y entra en claquant la portière derrière lui.

« T'as fait exprès ! dit-il immédiatement au noiraud.

Ce dernier pivota d'un millimètre dans sa direction.

- Je ne vois pas de quoi tu parles gamin, tu te fais des idées.

- Hilarant, bouda le brun en détournant la tête et croisant les bras.

- Qui ne serait pas fier d'étaler sa chance devant ses collègues ? soupira Levi. Mon bijou est tout neuf en plus, profites-en.

- Moi justement, rétorqua Eren. Je n'aime pas attirer l'attention. Et encore moins avec une voiture rutilante de gros riche.

Le gérant de Titania prit un air faussement outragé.

- Comment peux-tu parler ainsi de ma nouvelle meilleure amie ? Dis-moi Roberta, qu'allons-nous bien pouvoir faire pour nous venger… ?

- Qu – t – Tu as donné un nom à ta voiture ? Sérieusement ? Il est pourri en plus !

Les doigts fins du noiraud vinrent lentement taper contre le volant.

- Tu sais microbe, je commence vraiment à me demander pourquoi je t'ai fait monter.

- Hein ?! Mais c'est toi qui m'as cherché ! riposta-t-il immédiatement.

Les lèvres de Levi frémirent, puis son visage reprit un masque sérieux et indifférent.

- Attache ta ceinture.

- Quoi ?

La voiture démarra lentement, puis passée la barrière de sortie de l'hôpital, le noiraud réitéra son ordre :

- J'ai dit attache ta ceinture.

Le brun s'exécuta, mais alors qu'il allait demander ce qui pressait tant le véhicule partit au quart de tour, le plaquant contre le siège. Il ne put hélas pas retenir un hoquet de surprise.

- J'en étais sûr ! s'exclama-t-il. Je savais que tu allais faire ça !

Le noiraud le dévisagea, retenant un sourire, puis passa une main dans ses cheveux corbeau.

- Une chose à mon sujet, petit : j'ai toujours le dernier mot.

- C'est ça, regarde la route plutôt. Et entre nous, ce serait toi le plus petit…

Une goutte de sueur froide coula avec une lenteur menaçante entre ses omoplates, et il frissonna. L'air s'était rafraîchi tout à coup. Brusquement, le véhicule se propulsa en avant à une vitesse hallucinante.

- Hiiii !

Heureusement qu'ils étaient sur une longue route. Mais… Levi ne ralentit pas, au contraire.

- C'est bon j'ai compris ! s'écria l'infirmier. Je parlerai plus de ta taille !

La voiture calma l'allure, et un petit sourire s'afficha sur les lèvres du noiraud. Ah il était fier de son petit effet hein.

- J'y peux rien si t'es complexé moi, marmonna le brun.

- Pardon ? susurra l'autre.

Et là, Eren se mit à rire. Bordel, ça faisait longtemps qu'il avait pas eu une sensation comme celle-là. Le Parkour ça passait, parce qu'il était entièrement libre de ses mouvements, mais être confiné dans un véhicule c'était autre chose. Pour la plupart ça devait rassurer, mais du point de vue du brun c'était l'inverse.

- Tu n'es pas très grand non plus ! haussa le ton le noiraud, croyant que l'infirmier se fichait de lui.

Il crispa sa main sur le levier de vitesse, prêt à faire vraiment flipper le plus jeune une bonne fois pour toute. Mais non, le brun lui tapota l'épaule en s'esclaffant.

- Ne t'inquiète pas, j'aime les personnes pas très grandes. Et merci pour les accélérations, je n'avais pas ressenti ça depuis pas mal de temps ! Ça m'a fait beaucoup de bien.

Levi ne put résister devant l'expression hilare d'Eren, et les coins de sa bouche se relevèrent. Merde, il souriait plus que coutume quand il traînait avec ce gosse. Son côté innocent qui lui faisait baisser sa garde, sans doute.

- Irrécupérable. » grogna le noiraud, autant à l'encontre de l'infirmier que de lui-même.

Le brun pouffa, et il eut presque honte de faire autant le gamin. Il sifflota le reste du trajet, impatient de la soirée qu'il allait passer. Attendez… Impatient ? Il haussa les épaules. Autant en profiter jusqu'à la fin. Il n'abaisserait de toute manière pas sa garde, il n'était pas assez con pour ça. Ils ne tardèrent pas à arriver dans un petit parking caché par une haute haie, à l'abri des regards de la route. Levi coupa le contact et ils sortirent tous deux du véhicule. L'infirmier se trouva face à un petit bout de terrain pour le moins sympathique. Un chemin pavé se dressait devant lui, bordé d'étendues d'herbe avec lanternes blanches dans les arbres – pour le moment éteintes, puisqu'il faisait encore suffisamment jour compte tenu de la période de l'année. Au bout, s'étendant de tout son charme, se trouvait un bâtiment ayant l'étrange aspect d'une maison. Mais le brun avait bien compris qu'il s'agissait d'un restaurant. Ils allaient évidemment devoir manger ce soir, mais il ne s'était pas attendu à ça. A ses côtés Levi le scrutait, attendant la moindre réaction de sa part. Voyant qu'il ne pipait mot, le noiraud prit une profonde inspiration, lissa le col de sa chemise et s'avança dans l'allée, le brun sur les talons.

Non mais sérieusement, se disait Eren. C'était quoi ce plan ? Un putain de dîner aux chandelles ? Ce n'était pas possible, c'était une blague ! Ou bien il allait subir un interrogatoire ? Il ne pouvait affirmer le contraire : il était foutrement nerveux, bien qu'il sache que c'était impossible que Levi soit au courant de son identité d'Exécuteur. Normalement. C'est d'un pas méfiant et crispé qu'il le suivit, s'attendant au pire.

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C'est tout pour le moment ! J'espère avoir quelques retours :) (non non, ce ne sont pas des menaces XD)

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