Tempête musicale

Chapitre 1 : Tempête musicale

Chapitre final

1800 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/03/2017 21:09

 Le capitaine Haddock est confortablement installé dans sa chaise à bascule, son journal à la main et sa pipe à la bouche. Quand soudain, une voix stridente retentit en écho dans tout le château. Il la reconnaîtrait entre mille.

« Capitaine Karpok!!! »

—   Mille millions de mille sabords ! LA CASTAFIORE ! crie-t-il paniqué. »

     Dans un sursaut, il lâche son journal et fait tomber sa pipe. Le papier désormais sur ses genoux, commence à s’effriter au contact de la chaleur.           Surpris, il recule alors de tout son poids et tombe à la renverse pour finir les quatre fers en l’air.

     Le journal, pendant ce temps, continue de s’effriter, menaçant de prendre feu. C’est à ce moment-là que Bianca Castafiore ouvre la porte à grande volée.

« Capitaine Kodak ! dit-elle d’une voix chantante. »

     Le visage de la cantatrice passe de la joie à la frayeur en un laps de temps très court. Elle s’engouffre dans la pièce faisant de grands gestes comme un pantin désarticulé. Nestor la suit, complètement désorienté.

« Oh mon dieu ! Capitaine Garlock ! Mais que faites-vous par terre ? Le journal brûle voyons ! crie-t-elle alors d’un ton plein de reproche. »

     Nestor s’empresse de prendre un vase posé sur la cheminée, jette les fleurs qu’il contient et vide l’eau sur le journal l’empêchant ainsi de prendre feu. Il court ensuite aider son maître à se relever.

« Monsieur va bien ? dit-il inquiet.

—   Oui ça va Nestor, merci.

—    Que Monsieur m’excuse, je n’ai pas pu la retenir, Monsieur… poursuit-il confus.

—   Ce n’est rien Nestor, c’est une vraie tornade cette bonne femme, répond-il à voix basse à son majordome. »

     Une fois le capitaine Haddock remis sur pied, il regarde les sourcils froncés Bianca Castafiore, qui est postée de sa carrure imposante, en face de lui, les mains sur les hanches avec un air sévère. Le loup de mer est désormais stupéfait car la cantatrice a clairement le dessus.

« Voilà ce qui arrive, capitaine Bolock, quand on fume la pipe en lisant son journal ! Quelle inconscience ! braille-t-elle de plus belle d’une voix perçante.

Non mais pour qui elle se prend cette espèce de rossignol de malheur ?

—   Madame Castafiore ! dit-il en serrant les dents et forçant un sourire. Que nous vaut cette visite ?

—   Et bien figurez-vous, mon cher capitaine Gurlock, que notre voiture est tombée en panne juste devant chez vous…

—   Pour la énième fois Madame Castafiore, c’est capitaine Haddock… HADDOCK !

Elle le fait exprès ou quoi ?

—   Oui, oui j’entends bien… Toujours est-il qu’il n’y a pas de dépanneur de disponible avant demain. Alors je me suis dis que vous pourriez m’héberger pour cette nuit ?

—   Et bien… C’est-à-dire que…  

Tonnerre de tonnerre de Brest ! C’est un cauchemar

—   Parfait, merci beaucoup capitaine Gondrak ! dit-elle en coupant la parole au loup de mer. Irmaaaaa ? poursuit-elle d’une voix grinçante.»

      Ce nouveau son strident fait sursauter Nestor et le capitaine Haddock. La migraine commence à se faire sentir chez ce dernier et l’angoisse l’envahit aussitôt. Il faut dire que Bianca Castafiore, appelée aussi « Le rossignol milanais » est une grande cantatrice d’opéra, et le capitaine a une sainte horreur de l’opéra. Qui plus est, elle a une voix retentissante et haut-perchée à la fois, et puis son débit de paroles est extrêmement rapide.

      

       Irma arrive alors catastrophée, manquant de se prendre les pieds dans les énormes valises de la cantatrice.

« Faites donc attention Irma ! dit celle-ci, irritée par tant de maladresse. »

       Nestor se dépêche d’aller aider la dame de compagnie. Voyant le désarroi de son maître, le majordome vient à sa rescousse en proposant à Madame Castafiore :

« Si vous me le permettez, je vais vous conduire à votre chambre Madame, dit-il dans une révérence.

—   Allez-y avec Irma, mon brave ! impose-t-elle en mettant l’accent sur chaque voyelle. Je reste avec le capitaine Gunlock. Cela fait tellement longtemps que nous ne nous sommes vus, n’est-ce pas mon cher ? poursuit-elle en adressant un grand sourire à ce dernier.

 

Oh non pas ça ! »


       Elle prend le capitaine Haddock par le bras et l’entraine malgré lui vers le canapé.

« Alors Capitaine Bartok ! Figurez-vous qu’il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire ! »

       La Castafiore s’engage dans un monologue interminable. Son débit de paroles est tellement rapide que le pauvre capitaine a l’impression que ses neurones vont disjoncter. Et le son de sa voix est un vrai supplice pour sa tête et ses tympans.

       De la sueur commence à perler sur son front, des bouffées de chaleurs l’envahissent et il sent son visage devenir rouge. Une petite veine apparaît même sur une de ses tempes.

« La fenêtre n’est pas très loin… »

        La Castafiore l’agace tellement qu’il serait prêt à sauter par la fenêtre, l’entrée de la pièce étant beaucoup trop éloignée. Il n’écoute rien de ce qu’elle lui dit, trop occupé à chercher une issue de secours où s’enfuir, jusqu’à ce qu’elle lui pose une question :

« Qu’en dites-vous, capitaine Gondrock ? »

        Que doit-il répondre ? Il n’ose pas la faire répéter, de peur de déclencher une nouvelle vague de paroles ennuyeuses à mourir. Des millions de réponses lui passent par la tête, mais la seule qui daigne sortir de sa bouche est :

« Pourquoi pas ?

—   Magnifique ! »

Il sait à la seconde même où il répond, qu’il va le regretter. La Castafiore se lève et se met face à lui. Cela ne voulait dire qu’une chose. Dans un raclement de gorge, la cantatrice s’apprête à pousser la chansonnette.

Non ! Pas ça ! Mille sabords ! Pas ça ! 

       Malheureusement, il ne peut plus bouger comme si une force invisible le poussait à rester assis, là, en face de cette grande cantatrice dont le chant ressemble plus à un perroquet qu’on égorge plutôt qu’à un rossignole.

« Haaaaaahaaaaa je ris de me voir si belle en ce miroir ! 

—   NON ! S’il vous plait pas ça ! Pas ça !

—   Haaaa ! Je ris ! De me voir si belle en ce miroir !

—   Pitié ! Arrêtez-ça ! Mille milliards de mille sabords !

—   Est-ce toiiiii ! Margueriiiiiteeeeee !

—   Tonnerre de Brest ! Laissez-moi partir, Bachibouzouk ! »

       Rien à faire. Le pauvre capitaine est paralysé devant ce chant apocalyptique. Il résonne dans ses oreilles et dans sa tête de toute part. Il sent qu’elle ne va pas tarder à exploser. Une vraie tempête musicale s’acharne sur son être immobile. Plein de désarroi, il se surprend même à pleurer. Aucun son ne peut sortir de sa bouche.

« Pourquoi je ne peux plus bouger ? Suis-je condamné à rester là, à écouter ce sempiternel chant de malheur ? »

Soudain, il entend une voix lointaine l’appeler. Elle se rapproche petit à petit et devient de plus en plus nette. C’est une voix rassurante, posée et calme.

« Capitaine ! Capitaine ! 

—   Non ! Arrêtez ça ! S’il vous plaît ! crie-t-il à tue-tête.

—   Réveillez-vous capitaine ! C’est Tintin ! »

       Le capitaine Haddock ressent comme une décharge électrique et se retrouve face à son ami. Ses yeux sortent de leurs orbites, sa respiration est saccadée, il est trempé de sueur et gigote dans tous les sens. Il se lève et regarde autour de lui en priant que la Castafiore ne soit pas là, quand Tintin vient se poster en face de lui. La joie prend alors possession de son corps.

          

« Capitaine ! crie alors une nouvelle fois le jeune homme.

—   Tintin ? Tintin ? renchérit-il.

—   Oui capitaine, c’est moi !

—   Tintin ! Ahahahah ! C’est bien vous ? Si vous saviez l’horreur que je viens de vivre !

—   Allons donc ! Ce n’était qu’un cauchemar ! »

       Un soulagement intense l’envahit. Son corps se détend peu à peu, son visage reprend une couleur normale, sa tête devient moins douloureuse et ses bouffées de chaleur se sont envolées. Il entame alors une danse ridicule, entrainant son ami dans son élan et son rire tonitruant résonne à présent dans toute la pièce.

« Un cauchemar ! Un cauchemar ! Ahahahah ! Tonnerre de Brest ! crie-t-il tel un dément.

—   Capitaine… dit Tintin gêné.

—   Chuuuut ! le coupe-t-il en s’arrêtant net. Ecoutez… Aucun bruit… Aucun chant ! »

        Il invite Tintin à contempler la grande pièce. C’est à présent le calme et la sérénité qui envahissent tout son être faisant disparaître son angoisse. Il se rassoit soulagé dans sa chaise à bascule et rallume aussitôt sa pipe pour se remettre de ses émotions.

« De quoi avez-vous rêvé capitaine ? l’interroge le jeune reporter intrigué.

—   De la Castafiore, mon ami… De la Catasfiore… se contente-t-il de dire.»

 

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