Tel est pris qui croyait prendre

Chapitre 1 : Tel est pris qui croyait prendre

Chapitre final

3658 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/04/2017 19:23

Le capitaine Haddock habitait au château de Moulinsart, qui avait été offert autrefois par le roi Louis XIV au chevalier François de Haddock, qui n’était autre que l’ancêtre de notre cher capitaine.

C’était un grand gaillard, autrefois marin, qui avait clairement l’apparence d’un vieux loup de mer. Il était plutôt grand et assez costaud. Il était le plus souvent vêtu d’un pull-over bleu, d’une veste et d’un pantalon noirs assortis à sa casquette de marin.

Il arborait une barbe noire bien fournie et des cheveux toujours en bataille, il avait un nez assez volumineux et de petits yeux bruns. C’était un homme caractériel mais qui au fond avait bon cœur. Il ne pouvait s’empêcher de jurer à tout bout de champ. Sûrement une vieille habitude liée à son ancienne vie de matelot.

Il fumait la pipe et avait un gros problème avec l’alcool, mais grâce à son ami Tintin, un jeune reporter talentueux qu’il avait rencontré lorsque ce dernier enquêtait sur le meurtre d’un marin, il avait grandement réduit sa consommation.

Ce jour-là, il était allongé de côté sur son lit, et dans un étirement il se retourna brusquement. C’est ainsi, que son bras vint s’affaler sur une personne à côté de lui.

« Nom de dieu ! Capitaine Kapock ! Mais que faites-vous ? », dit une voix survoltée et grinçante.

               Il tomba de stupeur hors du lit.

« Mille milliard de mille sabords! La Castafiore ! Mais que faites-vous ici ? Tonnerre de Brest ! cria-t-il en essayant de se relever.

—    Et bien, et bien ! Mon cher capitaine Bartock ! Quelle agitation de bon matin, voyons ! Ce n’est pas raisonnable tout ça ! », répondit la Catasfiore en se levant à son tour.

               Le capitaine Haddock aperçut alors Bianca Castafiore vêtue d’une simple nuisette. Il en resta bouche bée et incrédule. Le plus naturellement du monde, la cantatrice prit un peignoir qu’elle enfila.

« Voyons ! Ne restez pas planté là à me regarder en chien de faïence ! Venez m’embrasser ! cria-t-elle de sa voix chantante.

—    Pardon ! Qu’avez-vous dit ! renchérit-il, abasourdi, tandis que la Castafiore approchait de son imposante présence, les bras ouverts pour l’embrasser.

—    Non mais ça va pas ! Sorcière des Carpates ! »

               Il esquiva l’étreinte que voulait lui donnait la cantatrice et s’enfuit de la chambre en caleçon, sans avoir pris la peine de s’habiller. La Castafiore le regarda s’enfuir en esquissant un sourire.

« NESTOR ! cria-t-il à tue-tête en parcourant tous les couloirs du château, NESTOR !

—    Oui Monsieur, voilà Monsieur ! », répondit une voix qui ne devait pas être très loin. 

               Le majordome arriva à la rencontre du capitaine et fut surpris de le voir vêtu de la sorte.

« Qu’y-a-t-il Monsieur ? demanda-t-il inquiet.

—    Nestor ! La Castafiore ! Elle est dans ma chambre ! Elle était dans mon lit !

—    Mais bien sûr, Monsieur, c’est tout naturel…

—    Comment ça naturel ? questionna le capitaine éberlué.

—    Et bien, il est naturel de dormir avec sa femme…

—    Ma femme ? Mais ça ne va pas non ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire, tonnerre de Brest !

—    Mais vous vous êtes marié Monsieur…

—    Comment ça ? Mais c’est du délire !

—    Si vous permettez, Monsieur, vous devriez aller vous habiller. Une bonne douche vous fera du bien et je vais préparer le petit déjeuner pendant ce temps.

—    Mais… Nestor…, insista-t-il paniqué.

—    Ne vous inquiétez pas Monsieur, la douche vous requinquera et vous mettra les idées au clair.

—    Oui vous avez raison Nestor… répondit-il complètement désorienté, j’y vais de ce pas… »

               Une fois que le capitaine Haddock eut le dos tourné, le majordome ne put s’empêcher de retenir un petit rire.

Ce n’est pas possible. Moi, marié à la Castafiore ? Allons donc ! Jamais de la vie ! C’est absurde ! Allez ! Une bonne douche me fera du bien. 

               Persuadé d’avoir fait un cauchemar, il se mit même à rire de la situation. Lui, un loup de mer qui détestait l’opéra, marié avec cette cantatrice de malheur, qui ne pouvait s’empêcher de parler d’une voix stridente et qui chantait à tout va son chant apocalyptique qu’était le fameux air des bijoux de Faust ? Rien que d’y penser, il en avait des frissons.      

               Il fut soudain tiré de ses pensées lorsque la porte de la salle de bain s’ouvrit brusquement pour laisser apparaître la cantatrice tenant une brosse de bain sur l’épaule. Son visage devint rouge, tiraillé entre la gêne et la colère.

« Capitaine Kodaaaack ? chanta-t-elle à tue-tête, je viens vous frotter le dos ! »

               Il arracha aussitôt le rideau de douche pour s’emmitoufler dedans, manquant de glisser dans la baignoire.

« Mille millions de mille sabords! Mais que faites-vous ? Concentré de moules à gaufres ! »

–       Oh ! Arrêtez donc de jurer comme un charretier ! Je viens vous laver le dos…

–       Mais il n’en est pas question Madame Castafiore ! Je peux très bien le faire tout seul !

–       Très bien, très bien ! Je vous laisse ! Je vous attendrai en bas en espérant que cette douche vous rendra plus aimable ! », dit-elle en claquant la porte. 

               Excédé, il sortit de la douche, mit une serviette autour de sa taille et entrouvrit la porte donnant sur sa chambre pour vérifier discrètement que la Castafiore ne s’y trouvait pas. Soulagé, il s’empressa de s’habiller de sa tenue de marin, simple et confortable, puis descendit prendre son petit déjeuner.

               La Castafiore l’attendait à table, en train de boire son thé. Nestor demanda alors au capitaine :

« Monsieur se sent-il mieux ?

—    A vrai dire Nestor, chuchota-t-il, qu’est ce que c’est que cette histoire ? Que fait donc la Castafiore ici ?

—    Et bien Monsieur je vous l’ai dit ! Vous vous êtes marié ! Vous ne vous en souvenez plus ?

—    Allons donc Nestor… Vous vous jouez de moi, dit-il en ricanant.

—    Mais bien sûr que non, Monsieur !

—    Capitaine Kodack ! J’espère que vous vous changerez lorsque nous recevrons nos invités tout à l’heure, intervint la Castafiore.

—    Nos invités ? cria-t-il, les yeux ronds.

—    Mais oui ! Pour le brunch ! Il y aura Tintin, le professeur Tournesol ainsi que ces chers Dupond et Dupont. Et vous n’oublierez pas de vous coiffer aussi.

—    Mais c’est une blague ! Vous me faites marcher ? C’est pour un film, c’est ça ?

—    Capitaine Karpock! Regardez donc votre main si vous ne croyez pas en notre mariage.

—    C’est Haddock ! Mille milliards de mille sabords ! HADDOCK !

—    Oui, oui, inutile de crier ! »

               Dépité, il regarda alors sa main gauche et constata avec effroi qu’effectivement, une alliance était enfoncée autour de son annulaire.

Comment est-ce possible ? Je me souviendrais de m’être marié quand même. Puis en plus avec ce maudit rossignol ? C’est impossible ! 

               Il avait hâte de retrouver son ami Tintin. Lui pourrait sans aucun doute éclaircir cette histoire. Il décida pour le moment de jouer le jeu, désespéré, et écouta le monologue interminable de la cantatrice.

               L’heure du brunch arriva. Il avait enfilé son costume comme lui avait demandé sa « femme » et attendait avec impatience l’arrivée de Tintin. Tout le monde arriva au fur et à mesure, à commencer par les agents Dupont et Dupond :

« Capitaine Haddock ! Merci pour l’invitation et encore toutes mes félicitations ! dit l’un en lui serrant une main.

—    Je dirais même plus, foutes mes télicitations capitaine ! », dit l’autre en lui serrant l’autre main.

               Décontenancé, il les laissa le secouer vigoureusement, chacun d’un côté, avec leurs deux poignées de mains. Ils lui tendirent une bouteille de whisky décorée d’un ruban et poursuivirent leur chemin vers la Castafiore. Le capitaine regarda alors le cadeau qu’ils lui avaient offert, et il se rendit compte qu’il avait vraiment besoin d’un verre, mais il n’eut pas le temps de l’ouvrir que le professeur Tournesol, qui était dur de la feuille, apparut à son tour, vêtu de son chapeau melon noir, son imperméable vert kaki et son grand parapluie accroché à son bras gauche. Il s’avança vers le capitaine d’une démarche assuré et lui dit d’un air sévère et résigné:

« Capitaine, je dois être honnête avec vous, votre mariage avec la douce et belle Bianca Castafiore ne m’enchante guère.

—    Allons Tryphon! Vous savez très bien que tout cela n’est pas vrai…

—    Que vous avez gagné ? répondit-il outré.

—    Non, que ce n’est pas vrai ! Pas vrai ! cria-t-il en articulant.

—    Oui, oui très bien vous avez gagné. Mais j’espère que vous prendrez grand soin d’elle. C’est une fleur délicate vous savez, donc elle mérite toute l’attention du monde.

—    Mas je ne suis pas marié Tryphon!

—    Vous êtes désolé ? Et bien j’accepte vos excuses capitaine. Sans rancune ? »

               Il lui tendit la main et le capitaine la lui serra, fatigué de s’égosiller en répétant la même chose. Le professeur alla à son tour saluer la nouvelle mariée. Puis ce fut au tour de Tintin d’arriver avec son fidèle compagnon Milou.

 « Ah ! Tintin ! Mon ami ! cria-t-il de sa voix tonitruante, soulagé.

—    Capitaine ! Encore toutes mes félicitations ! Si vous saviez comme je suis fier d’avoir été votre témoin !

—    Pardon ? Mais Tintin, vous n’allez pas vous y mettre vous aussi !

—    De quoi parlez-vous capitaine ?

—    Mais de tout cela, mille sabords ! C’est complètement absurde !

—    Qu’est ce qui est absurde ?

—    Voyons, mon cher ami, nous savons tout les deux que jamais je ne me marierai et encore moins avec ce rossignol de malheur ! dit-il discrètement.

—    Et bien je vous avoue que j’ai été surpris lorsque vous me l’avez annoncé, mais après tout pourquoi pas ? Vous allez très bien ensemble !

—    Très bien ensemble ? », cria-t-il encore une fois, les yeux ronds. 

               Tintin le laissa seul et désemparé, tandis qu’il allait à la rencontre de la cantatrice pour la féliciter aussi, en lui offrant un présent. Le capitaine resta bouche bée et contempla le monde présent devant lui qui parlait, riait, pétait les bouteilles de champagne… Comment allait-il faire ? Il se retrouvait marié à Bianca Castafiore. Comment cela avait-t-il pu se produire ? D’autant plus qu’il ne se souvenait de rien. Il se servit un verre de whisky, mais Tintin l’en empêcha en lui proposant plutôt une flûte de champagne.

« Alors capitaine ? Comment s’est passée votre nuit de noce ?

—    Comment ? Comment ? COMMENT ? cria-t-il en recrachant sa gorgée de champagne.

—    Voyons capitaine ! Vous êtes partis en mer !

—    Non mais c’est complètement insensé !

—    Mon cher capitaine, nous vous avons vus prendre la mer ! intervint Dupont.

—    Je dirais même plus, nous vous avons vus rendre la per ! renchérit son confrère.

—    Mais qu’est ce que vous racontez, bande d’ectoplasmes ! s’énerva le vieux loup de mer.

—    Allons ! Capitaine ! Ne le prenez pas comme cela ! dit Tintin pour le calmer. Madame Castafiore va nous raconter ! »

               Il regarda tour à tour les visages des convives tandis qu’il desserra un peu sa cravate pour respirer.

« Mais bien sûr mon cher Tintin ! Avec grand plaisir ! dit-elle avec un accent exagéré. Nous avons vogué pendant des heures sous un ciel magnifiquement étoilé. Nestor était d’ailleurs là pour nous servir un repas de roi, n’est-ce pas Nestor ?

—    Oui madame. Et cela a été un grand honneur pour moi, répondit-il en s’inclinant.

—    Nestor ! Vous étiez-là ? interrogea le capitaine.

—    Mais bien sûr Monsieur ! Je serai toujours là pour vous servir Monsieur ! répondit-il avec un sérieux que le capitaine jugeait inquiétant.

—    Allons, allons, les amis ! Arrêtons cette mascarade ! », dit-il suppliant.

               Bianca Castafiore entoura de ses bras le capitaine en plein désarroi et lui plaqua un baiser sonore sur la joue. Ses yeux s’écarquillèrent d’effroi et il était tellement dépité qu’il se sentait incapable de réagir.

« Voyons mon cher et tendre capitaine Karpock ! Nous avons passé une nuit de folie, bercés par les flots, se mouvant au rythme serein des cahots du navire ! C’était absolument sensationnel !

—    Non, non et non ! Mille millions de milles sabords ! Je refuse cette idée ! Vous êtes tous devenus fou ou quoi ? Bande de cornichons invertébrés ! »

               Le capitaine devint soudain hystérique. Il se mit à beugler tous les noms d’oiseau qu’il connaissait.

« Bachi-bouzouk ! Anacoluthes ! Jus de réglisse ! Macrocéphales ! Marins d’eau douce ! »

               Il courait et criait comme un dément dans toute la pièce. Ses cheveux s’étaient hérissés sur sa tête et son visage était devenu tout rouge. C’en était trop pour lui, il ne pouvait pas en supporter d’avantage.

               Au bout d’interminable minutes, après avoir lâché toute sa colère, il s’arrêta un instant à cause d’un violent mal de tête et s’assit sur le fauteuil le plus proche pour se masser les tempes. Un silence gêné régnait à présent dans la pièce et tout le monde regardait le capitaine, inquiet. Nestor s’empressa d’aller vers lui pour tamponner son front qui dégoulinait de sueur.

« Allons Monsieur, reprenez-vous ! dit-il, décontenancé.

—    Voyons capitaine ! C’était une blague ! Calmez-vous allons ! Nous sommes le 1er avril…, intervint ensuite Tintin.

—    Pardon ? le coupa-t-il, hors de lui.

—    Pardonnez-nous, mais nous ne pensions pas que vous réagiriez comme ça…

—    UNE BLAGUE ! Vous appelez cela une blague ! », rugit-il au nez de son ami.

               Tintin n’avait pas prévu une telle réaction. Il soupçonnait le capitaine de vouloir lui mettre son poing dans la figure. Il serrait si fort ses mains aux jointures devenues blanches, menaçant le jeune reporter, que le visage de ce dernier devint tout blanc. Lorsque le vieux loup de mer leva ses bras en l’air, Tintin ferma les yeux se préparant au choc, mais au lieu de cela le capitaine cria :

« Poisson d’avril ! »

               Et il se mit à rire à pleins poumons. Il tapa amicalement son ami dans le dos.

« Vous pensiez vraiment que j’allais vous frapper ? railla-t-il de joie. Voyons Tintin ! Jamais je ne pourrais faire ça !

—    Oui, c’est vrai, vous m’avez bien eu, répondit-il en riant à son tour, soulagé. 

—    Si vous aviez vu votre tête !

—    Et la vôtre ! renchérit Tintin.

—    Oui c’est vrai, c’était une blague très réussie, je dois avouer que vous avez fait fort. Mais je me vengerai, soyez-en sûr ! 

—    Capitaine Kodack ! intervint la Castafiore de sa voix chantante, ce n’est pas bon pour vous de vous mettre dans un tel état, dit-elle, choquée.

—    C’est Haddock ! Mme Castafiore ! HADDOCK ! »

               Il se contenta de rire à gorge déployé et tout le monde suivit. Nestor vint aussitôt s’excuser auprès de son maître.

« Ce n’est rien Nestor ! Vous m’aviez caché vos talents de comédien ! », lui répondit-il amusé.

               Le majordome rassuré reprit aussitôt son service. Le professeur Tournesol vint à son tour discrètement et prit le capitaine à part.

«Capitaine ?

—    Qu’y a-t-il mon bon Tryphon ?

—    Très bien merci. Mais je dois vous avouer quelque chose.

—    Ah ? Et bien je vous écoute mon ami !

—    Non cela n’a rien à voir avec le surimi que vous nous avez servi voyons ! En fait, voilà, toute cette histoire de mariage est une blague pour le jour du « poisson d’avril », glissa-t-il discrètement à son oreille. Mais ne leur dites pas que je vous l’ai dit, motus et bouche cousue. »

               Il s’arrêta de rire un instant, puis il reprit de plus belle.

« Sacré Tryphon ! »

                Notre cher capitaine Haddock se souviendra toujours de cette farce. Lui et Bianca Castafiore mariés… Il marcherait sur la lune avant ça !



***


"Je tiens à remercier ma pré-lectrice, Reimusha, qui, avec son talent et ses précieux conseils pour l'écriture, me permets de m'améliorer à chaque histoire que j'écris."

Saiyuki.

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