Le pendule

Chapitre 1 : Le pendule

Chapitre final

5836 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/02/2024 11:28

Le pendule

 

-Tu ne manges pas, Marinette ?

La voix de sa mère fit sursauter la jeune fille. Elle cligna plusieurs fois des yeux comme si elle se réveillait d’un long rêve. Ses yeux bleus tombèrent sur la fourchette tenue par sa main droite. Elle la fixa un instant avec la sensation d’oublier quelque chose d’important.

-Marinette ? demanda de nouveau sa mère, une pointe d’inquiétude dans la voix.

L’appelée redressa la tête et vit sa mère la regarder avec les sourcils froncés. Elle détestait voir sa mère inquiète. Aussitôt, elle réagit avec un piètre sourire.

-Ah… Euh… Désolée maman. J’étais ailleurs.

-Certainement ce concours de stylisme qui te travaille encore.

Cette voix ! Non, c’était impossible ! Comment… ? Non ! C’était sûrement son imagination. Pourtant, à sa droite, Adrien dégustait paisiblement les nouilles sautées de sa mère.

Marinette rougit. Il était tellement mignon, décontracté et à l’aise dans SA cuisine. Il sentit qu’on l’observait. Il se détourna de son plat pour offrir un sourire complice à sa voisine de table. Il lui fit même un clin d’œil en ajoutant :

-N’est-ce pas ?

-Oui, tu as raison. Les meilleurs couturiers seront présents lors de ce concours. Si je suis repérée, maman, je pourrais obtenir un stage d’été chez eux. Ce serait formidable ! Après tout, il me reste encore un an et puis on devra choisir notre université, Adrien et moi.

Marinette se surprit elle-même. Depuis quand faisait-elle des projets d’avenir en incluant Adrien ? Depuis quand était-il si à l’aise dans SA maison ? La jeune fille ouvrit la bouche pour poser la question. Son action fut interrompue par l’horloge murale qui chanta dix-neuf heures. Pendant une fraction de seconde, le tic-tac des aiguilles l’hypnotisa. Cette sensation d’oublier quelque chose revint encore plus forte.

-Marinette ? Tu voulais dire quelque chose ?

-Euh… Oui ! Je n’ai pas encore choisi le modèle que je vais présenter. Je vais certainement cogiter toute la nuit. J’espère que je ne te dérangerai pas trop, Adrien. Dis-le-moi si je fais trop de bruit. Les murs qui séparent nos deux chambres ne sont pas bien épais.

Mais oui ! Comment avait-elle pu oublier une chose pareille ?! Adrien vivait avec eux depuis la mort de ses parents. Il s’était retrouvé seul du jour au lendemain. Marinette lui avait proposé d’emménager avec eux le temps de sa scolarité. Elle l’aimait tellement que le voir disparaître de sa vie lui avait été insupportable. Alors, comme une idiote bégayant, elle avait dit :

« Viens vivre chez moi ! »

Elle avait crié cette phrase après une multitude de mots incompréhensibles. Ses mains s’étaient triturées dans tous les sens. Elle avait été rouge comme une pivoine et avait senti le souffle lui manquer. Avec un sourire indulgent, il lui avait simplement répondu « oui, pourquoi pas ». Elle n’aurait jamais cru qu’il accepterait. Après tout, il était un riche héritier de… quatorze ans si elle se souvenait bien. C’était il y a déjà trois ans.

Marinette avait espéré que cette cohabitation aurait fait évoluer cette relation. Malheureusement, cette tactique l’avait confinée dans la friend zone. Elle le savait : il la voyait davantage comme une sœur.

-Ne t’inquiète pas, lui dit-il en la ramenant à l’instant présent. J’aime te voir cogiter. Tes créations sont si merveilleuses. Tu es vraiment talentueuse.

Marinette rougit. Elle sentait cette chaleur envahir son visage à chaque fois que le jeune homme lui faisait un compliment.

Elle prit une bouchée de nouilles afin de lui donner l’occasion de se reprendre. Elle devait cesser d’espérer pour rien, cesser de réagir au quart de tour à chacune de ses attentions. Bizarrement, les nouilles ne lui firent pas le bien escompté. Elles n’avaient pas de goût. Sa mère était pourtant une cuisinière hors pair. Marinette avait beau mastiquer, elle ne goûtait rien.

« Bah ! Je suis trop nerveuse. Je n’arrive pas à apprécier un bon repas », pensa-t-elle.

-Je vais marcher un peu pour me calmer. Désolée maman, tes nouilles sont délicieuses mais je n’ai pas très faim. Je n’en ai pas pour longtemps. Attends-moi pour la vaisselle.

-Je t’accompagne, annonça joyeusement Adrien. C’est bien mieux de se promener avec un peu de compagnie.

-Ah non, mon garçon ! intervint le père de Marinette. Tu m’as promis de m’aider pour la garniture des gâteaux pour la famille Tullman. Tu ne vas pas me lâcher maintenant. C’est une grosse commande.

-Mais on ne part pas très longtemps…

-Mon garçon, si tu veux réellement devenir un grand pâtissier, il est temps d’être un peu plus sérieux.

-Ce n’est pas grave, Adrien, je suis une grande fille qui a juste besoin d’un peu décompresser. Je reviens vite. À plus tard !

-Mais… Mais…

La main du père de Marinette s’abattit sur l’épaule du jeune homme alors qu’il tentait de se lever. Il était pris au piège. Dépité, il assista au départ de la fille de la maison. Il sentit son cœur se déchirer pour une raison inconnue. Un mauvais pressentiment le tiraillait.

Marinette inspira longuement l’air frais de l’extérieur. On était en avril mais l’air était doux et reposant. Les rues étaient calmes. Peu de promeneurs se baladaient. La jeune fille pouvait réellement se retrouver seule avec ses pensées. Elle songea au concours. Un rêve qui allait peut-être devenir réalité. C’est une entrée vers le monde auquel elle aspirait ardemment. Marinette la grande styliste. Marinette l’influenceuse de mode. Marinette et sa collection printemps que tout le monde s’arracherait. La rêveuse jubila à toutes ces réflexions.

Puis, ses pensées dérivèrent sur les mannequins. Forcément, elle débuterait avec une collection pour femme mais elle ne s’arrêterait pas là. Elle aimerait dessiner des tenues pour tout le monde. Une collection homme pourrait très bien convenir. Après tout, elle avait un jeune mannequin à porter de main. Si elle demandait à Adrien de lui donner un coup de main, elle était sûre qu’il accepterait. Avec ses cheveux blonds doux et soyeux, ses yeux émeraude et son teint de pêche, il avait un physique parfait pour des tenues plus atypiques et créatives. Marinette sentit son cœur bondir dans sa poitrine en s’imaginant mesurer sa poitrine musclée avec le mètre. Ses mains se déposeraient sur son corps afin de s’assurer que le tissu tombait correctement. La jeune fille déglutit difficilement. Finalement, ce n’était peut-être pas une bonne idée.

Un message interrompit son monologue intérieur. Elle sortit son téléphone et fut surprise de découvrir l’expéditeur : Adrien.

« Dommage que je n’ai pas pu te suivre. J’aurais aimé marcher et discuter un peu avec toi. Il n’est pas trop tard. Tu veux qu’on se fasse une sortie rien que nous ? »

Rien que nous deux… Rien que nous… ? Rien que nous deux !

Ces mots flottaient devant ses yeux. Que devait-elle comprendre ? Était-ce un signe ? Un appel au romantisme ? La panique monta en elle. Elle était excitée et effrayée en même temps. Elle agita les bras dans tous les sens. Que devait-elle faire ? Lui répondre tout de suite ? Elle désirait plus que tout ce tête à tête mais parviendrait-elle à assurer ?

Son téléphone vibra de nouveau.

« Marinette, j’ai des nouvelles informations sur le Paon. Il est possible qu’il soit de retour à Paris. J’envisage de te rendre ton kwami afin de le combattre. Viens me retrouver ce soir au plus vite. »

C’était Maître Fu. Depuis que Ladybug avait vaincu le Papillon, le Paon avait disparu du jour au lendemain. Ne voyant plus l’intérêt de la présence de Lady Bug, le vieil homme avait confisqué Tikki et était parti à la recherche de la fugueuse.

Cela avait été une grande perte pour Marinette : elle avait perdu sa meilleure amie, sa confidente, sa partenaire. De même, elle avait perdu son complice nocturne, Chat Noir. Lui aussi, son kwami lui avait été retiré. L’air de rien, ce vieux matou et ses blagues à deux balles lui manquaient. La jeune fille ne le connaissait pas bien. Elle avait dit que leur identité devait rester secrète pour leur protection. Aujourd’hui, elle se demandait si elle avait eu raison.

Cette entrevue détruisait ses espoirs d’un tête à tête avec Adrien. La mort dans l’âme, elle répondit au jeune homme.

« Je suis désolée. J’ai un autre rendez-vous. Je ne peux pas ce soir. Ce sera pour une prochaine fois. »

« Un autre rendez-vous ? Avec qui ? Il n’est pas un peu tard pour retrouver quelqu’un ? »

Marinette écarquilla les yeux. Serait-il en train de lui faire une crise de jalousie ? Elle secoua la tête. Elle était en train de se faire des films. C’était juste un ami qui s’inquiète pour sa sécurité.

« Tu veux que je t’accompagne ? Je ne suis pas rassuré de te savoir seule avec n’importe qui. Dis-moi au moins où tu vas. »

La jeune fille se mordit la lèvre. L’élu de son cœur était si attentionné. Malheureusement, elle ne pouvait pas accepter.

« Non, c’est gentil. Ne t’inquiète pas, je vais chez une personne de confiance. Je ne peux t’en dire plus. »

« Pourquoi ? Tu n’as pas confiance en moi ? Tu as peur que je dise tout à tes parents ? »

« Non. Ce n’est pas ça. Je n’ai pas l’autorisation de t’en dire plus. Vraiment, désolée. »

« OK… Fais comme tu veux… »

Marinette serra son téléphone contre son cœur. Des larmes silencieuses naquirent au coin de ses yeux. Elle savait qu’il était vexé. Ces derniers mots étaient si froids. Elle espérait simplement qu’il ne lui en voudrait pas très longtemps.

 

 

 

L’horloge murale sonna onze heures du soir. Marinette contempla les aiguilles. Leur tic-tac était hypnotisant. Grâce au silence, le simple bruit répétitif résonnait dans la pièce. L’héroïne aurait voulu bouger, monter dans sa chambre et enfin dormir. Son corps ne lui obéissait pas. Il était engourdi par la fatigue de cette longue marche.

Il lui avait fallu un moment avant d’arriver chez le sage asiatique. Il n’habitait pas à proximité de chez elle et les transports en commun avaient été franchement lents. Il y a quelques années, Ladybug auraient sauté de toit en toit sans se soucier de la circulation. Aujourd’hui, c’était une autre affaire. Paris regorgeait de monde et de touristes.

Une fois arrivée, elle avait frappé plusieurs fois à la porte de Maître Fu sans obtenir de réponse. Elle lui avait téléphoné sans davantage de résultats. La ladybug en elle avait refusé de renoncer. Bravement elle avait escaladé un mur pour espionner par une fenêtre. Estomaquée, elle avait découvert un appartement inhabité et poussiéreux. Maître Fu ne vivait plus là depuis des années.

La jeune fille n’avait pas renoncé pour autant. Elle avait retenté de lui sonner, avait envoyé des messages pour lui proposer un point de rendez-vous. Aucune réponse. Elle avait même attendu une bonne heure devant le bâtiment.

Finalement, elle avait décidé de rentrer chez elle. Elle avait pleuré tout le long du chemin. Elle se faisait une telle joie de revoir sa petite coccinelle. Elle lui aurait raconté les derniers potins à l’école, sa vie auprès d’Adrien, les tourments de son cœur. Mais, Marinette devait bien se l’avouer, elle était seule.

Elle bailla. La fatigue avait eu raison de son chagrin. Elle se sentait courbaturée par le froid et cette marche beaucoup trop longue. Emotionnellement aussi, elle était fatiguée. Elle savait qu’elle ne dormirait pas bien si elle allait se coucher maintenant.

L’esseulée quitta enfin la contemplation de l’horloge et se dirigea vers la salle de bain. Elle actionna le robinet et fit couler l’eau délicieusement chaude dans la baignoire. Elle y jeta quelques sels de bain dans l’espoir que leur parfum l’apaiserait.

Devant le miroir, elle défit ses éternelles couettes. Ses cheveux bleutés descendirent en cascade sur le dos. Adrien lui avait dit que ça lui allait bien. Mais elle se sentait vulnérable comme ça. Ses doigts passèrent lentement dans ses mèches. Comment Adrien la voyait-il ? Aimerait-il faire ce geste dans ses cheveux ? Étaient-ils suffisamment doux pour qu’il ait envie de le faire ?

Marinette soupira. Elle n’avancerait jamais dans la vie avec de telles questions. Il existait bien d’autres choses plus importantes qu’Adrien. Une nouvelle fois ce soir, la jeune fille sentit qu’elle oubliait quelque chose d’important. Un sentiment d’urgence l’étreignit. Elle devait… Elle devait… Aussi subitement qu’elle était apparue, cette sensation étrange s’évanouit.

Elle leva les épaules en signe d’impuissance. Se détournant du miroir, elle se laissa aller dans son bain. Elle ferma les yeux et se détendit.

Marinette fronça les sourcils. Quelque chose clochait. Elle inspira à plusieurs reprises. Elle ne percevait pas les fragrances florales qu’elle avait ajoutées. Non. C’était autre chose. Quelque chose d’autre n’allait pas. Elle s’assit dans son bain. Elle regarda autour d’elle. Qu’est-ce qui lui échappait ?

Ses yeux se posèrent sur le robinet. À quelle température avait-elle mis l’eau ? Sur la poignée, des chiffres étaient inscrits, indiquant la température souhaitée. Aimant la chaleur, Marinette avait tendance à mettre l’eau trop chaude. Elle devait s’y reprendre à plusieurs fois avant de plonger pleinement dans son bain. Ici, elle y était entrée sans problème.

La jeune fille releva ses mains, cherchant à emprisonner l’eau entre elles. Aucune sensation. Elle répéta l’opération. Ses mains étaient comme engourdies. Elle ne percevait pas la chaleur. Elle s’approcha du robinet et l’ouvrit à sa plus haute température. Elle plaça ses mains sous le jet d’eau brûlant. Rien. Marinette ne sentait rien.

« Je connais cette sensation. C’est comme si… Comme si j’étais… Comme si j’étais dans un… »

La porte s’ouvrit brusquement. Adrien entra. Il se dirigea vers le lavabo, sans un regard pour cette sirène improvisée. Il prit sa brosse à dent. Il y déposa du dentifrice. Pendant ce temps, Marinette l’avait observé retenant son souffle, trop surprise pour prononcer le moindre son. Elle rougissait à chaque seconde qui passait, appréhendant la réaction masculine à la découverte de sa nudité.

Si elle continuait à se taire, si elle parvenant à contenir les tremblements qui augmentaient, si elle pouvait se retenir de gémir de honte, peut-être qu’elle pourrait s’en tirer dignement, peut-être qu’Adrien ne la verrait pas à s’en irait comme il était venu, peut-être que cette situation ne déborderait pas dans un drame affligeant, peut-être que… elle devait arrêter d’espérer. Car l’ignorant l’aperçut dans le reflet du miroir.

Leur regard se croisa. La honte était à son comble du côté de la belle. Immédiatement, le garçon se retourna peu sûr de ce qu’il avait vu dans la glace, suppliant silencieusement à un mirage. Alors, il découvrit sa voisine de chambrée, dans le plus simple appareil, cherchant désespérément à cacher ses formes de ses bras, des larmes au bord des yeux.

-Marinette, que… ?!

-Sors d’ici !! hurla-t-elle. Va-t’en ! Va-t’en ! Va-t’en !

Vexé pour la seconde fois ce soir, le garçon fit la moue. Ses émeraudes se glacèrent. Ses beaux sourcils dorés se froncèrent. Il serra la brosse à dent inutilisé dans sa main.

-Très bien, dit-il froidement. Je m’en vais. Après tout, je ne suis pas assez bien pour passer la soirée avec toi.

-Non ! Attends ! Ce n’est pas…

La porte se referma avec fracas. Marinette sentit son cœur fragile se briser. Elle venait de repousser, ENCORE, celui qu’elle aimait. Elle ne s’était pas trompée : elle l’avait bel et bien froissé par ses réponses évasives et secrètes. Mais comment lui dire ? Comment lui expliqué qu’elle était… qu’elle avait été Ladybug ? Son identité secrète lui avait déjà pris tellement : son amitié avec Alya, Tikki et sa relation avec certains de sa classe qui n’avaient pas supporté, tout comme Alya, la perte de leur kwami.

L’ancienne héroïne appuya son front sur le rebord la baignoire. Trop d’émotions ce soir. Trop de fantômes du passé. Trop d’espoir envolé. Les larmes coulèrent inondant ses joues déjà rouges. Elle pleura sur son impuissance, sa maladresse et surtout sur la blessure qu’elle a affligée à l’élu de son cœur.

Des mains chaudes lui caressèrent la tête. Aussitôt, elle se redressa. Adrien était revenu. Il semblait désolé. Il frotta les bras posés sur le rebord dans un geste de réconfort. Il était incapable de soutenir le regard ébahi de la jeune fille.

-Je suis désolé, murmura-t-il. Je n’aurais jamais dû te parler sur ce ton.

-Non, c’est moi. Je m’excuse. J’aurais dû t’expliquer mais… je ne peux vraiment pas.

-Pourquoi ?

Ils se regardèrent en chien de faïence. L’esprit de Marinette fonctionnait à une vitesse fulgurante. Elle imaginait mille et un scénarii pour répondre à cette question apparemment innocente. Aucun ne convenait car, dans tous les cas, elle était forcée de lui répondre. Hors, elle détestait cela. Alors, le silence s’installa entre eux, intime, sensuel, les faisant se rapprocher davantage.

-J’avoue je suis jaloux, souffla-t-il.

Il posa une main sur sa joue, emprisonnant son visage doucement. Marinette n’en croyait pas ses oreilles. Son cœur tambourinait dans sa poitrine au point d’en être douloureux. Sa bouche était sèche. Elle avait du mal à réfléchir.

-Je ne supporte pas de te savoir avec un autre.

Sur ses mots, il se saisit des lèvres douces. La jeune fille sentit quelque chose exploser en elle. Oserait-elle appeler cela le bonheur ? Elle ferma les yeux, se délectant de l’instant.

Non ! Pas encore ! Ses lèvres étaient-elles engourdies ? Elle ne sentait rien. Où était la chaleur d’Adrien ? Elle voulait sentir le baiser langoureux de son aimé pas le vide.

Elle réouvrit les yeux. Adrien avait passé un bras derrière sa nuque. Son autre main descendait sur son cou. Cela, elle le ressentait. Mais, une fois les yeux fermés, c’était comme si tout cela n’existait plus. Alors, elle comprit.

Doucement, elle repoussa son aimé. Elle caressa ses joues, les mouillant au passage, afin de retenir ses avances. Tristement, elle lui sourit.

-Adrien, quel est ton nom de famille ?

-Mon nom de famille ?

-Je t’en prie. Dis-moi comment tu t’appelles ?

-Mais voyons, tu le connais.

-Dis-le-moi dans ce cas.

-C’est… C’est… Mais enfin, c’est…

Perdu, décontenancé par la question inappropriée, le jeune homme se leva. Il mit ses mains sur les hanches, réfléchissant sérieusement à la demande. Il se frustra de constater qu’il était incapable de fournir une réponse.

-Depuis quand exactement vis-tu avec nous ?

-Je… Depuis… Depuis la mort de mes parents.

-Justement ! Quelle est la cause de leur mort ?

-Ils sont morts, c’est tout. Quelle importance de savoir comment ?

-Si c’est très important.

-Mais où veux-tu en venir avec toutes ces questions sans queue ni tête ?

-Tu ne comprends pas. On n’est pas nous. Tout ça, ce n’est pas réel. On est dans un rêve. Je ne suis plus sûre de ce qui s’est passé avant le repas de ce soir. Mon dieu ! L’horloge !

-Quoi l’horloge ? Celle de la cuisine ?

-Je n’ai jamais eu ce genre d’horloge. Mais oui ! Je suis en train de rêver à cause du pendule.

-Alors là, j’avoue que je suis complètement perdu.

-C’est un horloger qui a été akumatisé. Il utilise son pendule pour endormir les gens et ceci est son illusion.

-Non ! Je ne te crois pas ! Je suis réel. Je ne peux pas croire que les sentiments que je ressens soient une illusion.

-Mais je t’assure que je ne mens pas.

-Très bien. Ok. D’accord, répéta-t-il en boucle totalement hébété.

Le frustré marcha de long en large dans l’espace exigu. Il sembla réfléchir à cette révélation contrariante. Brusquement, il ôta son T-shirt noir. Il déboutonna son pantalon et se mit nu dans la salle de bain.

-Mais qu’est-ce que tu fais ? s’indigna la jeune fille en cachant ses yeux.

Faisant mine de ne pas l’entendre, il entra également dans l’eau chaude, face à elle. Tendrement mais fermement, il écarta les mains fines de ses yeux saphir. Il l’obligea à les nouer autour de son propre cou.

-N’aie pas peur. Si tout cela est réellement une illusion, alors ce n’est pas grave. Marinette, je t’aime. Avant de me réveiller, je veux pouvoir te prendre dans mes bras. Même si tu n’es pas réelle, je veux être honnête au moins une fois avec toi.

-Mais, c’est toi l’illusion, chuchota-t-elle totalement incertaine de ce qui se passait réellement.

À genoux, il l’obligea à s’asseoir sur lui. Son corps nu contre le sien l’embrasa. Il ne put se retenir davantage. Il l’embrassa de nouveau fougueusement. Petit à petit, sa bouche descendit sur son cou. Il la maintenait contre lui. Ses soupirs l’enhardissaient et le ravissaient dans le même. Il avait envie de ne faire qu’un avec elle.

Marinette savait qu’elle aurait dû protester. Tout cela n’était que pure folie. Ce n’était réel. Elle le savait. Au moment où elle avait exposé sa théorie, elle avait su que c’était la vérité. Toutefois, même si le toucher était inexistant, les sensations émises étaient vraies. Elle sentait les papillons dans son ventre en voyant Adrien l’embrasser, la caresser, la désirer.

De nouveau, elle mit fin à cet ébat. Il lui fallut une seconde pour reprendre ses esprits. Elle ne devait surtout pas céder.

-Non ! Je sais que la personne que tu aimes réellement c’est Ladybug.

-Tu as raison, c’était le cas à une époque. Ladybug me fascinait. J’étais amoureux d’elle, je ne vais pas te mentir. Mais… Ladybug est un fantasme. Je l’ai compris avec le temps. Toi, j’aime tes sourires, ta joie et la manière dont tu t’ouvres aux autres. Je souffre de tes peines et je me réjouis de tes réussites. Si tu étais Ladybug ce serait formidable mais ce n’est pas le cas et je ne vais pas m’en plaindre. Je te choisis, toi.

-Oh ! Adrien… moi aussi, je t’aime.

Heureux de cette déclaration, l’amoureux reprit possession de ces lèvres délicieuses. Il sentit son aimée s’abandonner pleinement à ses caresses. Elle bougeait à un rythme lancinant, se pressant contre son torse viril. Jamais plus, il ne la lâcherait. Elle était à lui. Ce trésor lui appartenait. Il saisit un mamelon, en lécha la pointe. Il allait la posséder, affamé d’amour.

« Ma… Mari… Marinette… Marinette ! MARINETTE ! AU SECOURS ! »

-TIKKI !

Sans ménagement, l’héroïne se dégagea. Elle n’était pas cette jeune fille. Ici, ce n’était pas sa maison. Ce garçon n’était pas réellement l’amour de sa vie. Sa meilleure amie avait besoin d’elle. C’était tout ce qui comptait !

Faisant fi de toute pudeur, elle se leva et sortit de la baignoire. Elle réfléchissait à toute vitesse. Il fallait qu’elle sorte de cette illusion.

-Marinette, que…

Elle lança un regard redoutable au jeune homme abasourdi. Elle ne se laisserait plus détourner de sa mission par des chimères.

-Je ne suis pas Marinette. Je suis LADYBUG !

À ce cri, elle frappa de toutes ses forces dans le miroir. Ce dernier explosa en mille morceaux. Un éclat coupa sa joue. Comme elle s’y attendait, elle ne ressentit aucune douleur. Son bras droit était en sang.

-Mon dieu ! Marinette, qu’est-ce que tu as fait ?!!

« Ce n’est pas suffisant pour me réveiller », songea-t-elle.

Elle ramassa un bout très pointu. Ladybug se poignarda avec. Elle s’écroula. Le sang maculait tout son torse et son ventre. Elle n’était pas à terre comme elle l’imaginait. Adrien s’était précipité pour l’empêcher de chuter. Il pleurait à chaude larme, une main sur sa blessure.

-Mon dieu, Marinette… pourquoi… ? hoqueta-t-il de douleur.

-Ne te tracasse pas. Ceci est une illusion. Je suis Ladybug et je vais combattre Pendule.

Elle ferma les yeux, certaine de son plan. Elle crut entendre son amoureux imaginaire murmurer :

-Si c’est le cas, je viendrai t’aider en tant que Chat Noir.

 

 

 

Ladybug ouvrit subitement les yeux. Pendule, avec son affreux sourire de vainqueur, se tenait au-dessus d’elle. Il s’apprêtait à lui retirer ses boucles d’oreille. Elle lui fit un clin d’œil avant de se dégager d’un cumulet arrière.

-Pas aujourd’hui, Pendule !

-Mais comment as-tu fait pour échapper à mon illusion ?

-Les rêves, même très réalistes, ne pourront jamais remplacer la réalité. Tu t’es fourvoyé en croyant m’avoir comme ça.

Ladybug inspecta les alentours. Ils étaient sur la plage artificielle créée à l’occasion d’un shooting photo. Elle avait accepté l’invitation d’Adrien pour assister à cette séance avec des condisciples. Ce shooting faisait la promotion des nouvelles montres électroniques qui pouvaient aller sous l’eau sans encombre. Pendule avait attaqué l’équipe car, pour lui, c’était une insulte à l’horlogerie. Elle s’était rapidement cachée dans un vestiaire pour se transformer.

Chat Noir était là, un peu plus loin sur sa gauche, endormi par le maléfice de Pendule. Elle ne distinguait pas encore d’autres alliés dans les parages. Elle devait agir au plus vite avant que Pendule ne s’empare de la bague de son partenaire.

-Lucky Charm !

Comme à son habitude, son pouvoir lui fit apparaître un objet étrange. Cette fois-ci, ce fut un parapluie. Il faisait un temps magnifique, sans l’ombre d’un nuage. Elle transpirait même.

-Alors, à court d’idée, ma petite coccinelle ? ricana le méchant.

Ladybug serra les dents, prête à en découdre.

-Marinette !!!!!

Chat Noir venait de se réveiller, un bras tendu dans le vide, un visage décomposé par le chagrin. Ladybug entendit son cœur battre à tout rompre. Cela avait été un cri de désespoir, un appel plaintif. Chat Noir l’avait appelée, elle, Marinette et non Ladybug. Mais comment ? Et si… ?

Chat Noir secoua la tête et se massa les tempes. Il regarda les alentours. Rapidement, il se focalisa sur Pendule et Ladybug. En une fraction de seconde, il comprit la situation. Son expression changea ne devant que colère et rage.

-Je t’interdis de la toucher ! hurla-t-il en se jetant sur l’ennemi.

Pendule, malgré son âge avancé, esquiva sans aucune difficulté. Il recula, conservant son air joyeux de vainqueur. Il sortit sa montre à gousset. Il la plaça devant telle une arme.

-Fixez la montre, mes petits tourtereaux.

Chat Noir s’interposa entre Pendule et Ladybug, dans un geste protecteur envers cette dernière. Il devait la protéger. Il refusait de la perdre une nouvelle fois. Ce sang le hanterait jusqu’à la fin de ses jours. Une telle vision ne se présenterait jamais plus devant ses yeux. Il ferait tout pour que ça ne se reproduise jamais !

-Chat Noir, l’akuma est dans sa montre à gousset. J’en suis certaine.

Il acquiesça de la tête, trop énervé pour lui répondre. Ce salopard allait recommencer avec sa technique d’endormissement. Pouvait-il seulement l’empêcher ?

-Ne t’inquiète pas Chat Noir, j’ai un plan.

-Tic Tac ! Tic Tac ! Vous avez les paupières lourdes, les enfants !

-C’est ce que nous allons voir, Pendule !

Ladybug déploya le parapluie face à elle en guise de bouclier. Elle le fit tourner. Il était noir décorer d’une spirale blanche. En le bougeant de cette façon, elle activa l’effet hypnotique du dessin. Pendule vit des étoiles devant ses yeux. Il n’était pas endormi mais il somnolait.

-Chat Noir, à toi !

Sous les ordres de sa partenaire, le guerrier noir courut vers sa future victime.

-Cataclysme !

Grâce à son pouvoir, le super héros fit fondre le sable autour du super vilain. Cela créa des sables mouvants entrainant Pendule dans un trou. Ce dernier réagit trop tard. Il eut beau crier, il ne put empêcher cette prison poussiéreuse de le serrer dans son étau. Il essaya de sauver sa précieuse montre à gousset en levant un bras.

Ladybug en profita pour s’en saisir. Elle la cassa en l’écrasant du pied. Un papillon noir s’en échappa. La super héroïne l’attrapa grâce à son yoyo magique.

-Je te libère du mal !

La magie effaça toute trace du passage du mal. Le Paon et le Papillon avait une nouvelle fois échoué. Cependant, ils n’avaient pas dit leur dernier mot. Une autre occasion se présentera bientôt pour obtenir leur miracoulus. Jamais, ils ne renonceront à leur projet.

-Bien joué !

Ladybug tendit le point, un large sourire aux lèvres. Elle se tourna vers son coéquipier, heureuse de la tournure des événements. Contrairement à son habitude, Chat Noir ne lui renvoya pas son signe de victoire. Il se tenait, le dos courbé, le regard perdu dans le vide. On aurait dit qu’il portait toute la souffrance du monde. Médusée, Ladybug aurait voulu dire ou faire quelque chose pour le consoler.

Ce fut à cet instant que les boucles d’oreille émirent le son signant la détransformation prochaine. Ladybug lui tourna le dos, le cœur gros, prête à s’enfuir. Elle n’en eut pas le temps.

Chat Noir emprisonna son poignet fin entre ses griffes. De force, il l’entraina vers les vestiaires. Une fois à l’intérieur, il ferma la porte à clé. Quand il se tourna vers elle, Ladybug fut saisie par les tourments qui habitaient ces prunelles.

-Chat Noir ! Qu’est-ce que tu fais ? Nous allons bientôt nous détransformer.

-Justement ! Je veux savoir ! Je veux savoir si c’était une illusion, un cauchemar horrible ou…

Le jeune héros releva la tête. Il plongea son regard en elle. Malgré son silence, sa coéquipière comprit. Il voulait savoir s’ils avaient partagé la même illusion. Était-ce possible ? Non, Chat Noir n’était pas…

Ladybug écarquilla les yeux au fur et à mesure que sa logique la menait vers une conclusion impossible. Un frisson la glaça entièrement. Elle repensa aux baisers, aux déclarations et à la baignoire.

-On ne peut pas, parvint-elle à articuler. Je ne sais pas ce que tu as vécu dans ton illusion donc…

-J’ai vécu la plus belle et la pire des choses de ma vie, la coupa-t-il en prenant possession de ses épaules. Si c’est une illusion, si tout cela n’était qu’un horrible cauchemar sans queue ni tête, je pourrais peut-être oublier, je pourrais peut-être faire semblant que les mots prononcés étaient faux.

Ladybug ne savait que répondre. Rêvait-elle encore ? Parlait-il seulement de la même chose qu’elle ? Lentement, leurs visages se rapprochèrent. Timidement, Chat Noir frôla les lèvres de sa Lady. Elle ne s’écarta pas. Elle appréhendait ce baiser, laissant les papillons s’emballer dans son ventre, le souffle court.

Chat Noir s’enhardit et déposa un furtif baiser. Ladybug le sentit. Il était réel. Elle ressentait tout : son odeur, son souffle, sa chaleur, ce toucher exquis. L’amoureux taquina la lèvre inférieure puis, n’y tenant plus, il l’embrassa à pleine bouche, la serrant contre lui. La jeune fille laissa les émotions exploser en elle. C’était incomparable à tout qu’elle avait imaginé. Son corps était maltraité de l’intérieur sous le coup de toutes ces émotions qu’elle ignorait pouvoir un jour ressentir. Mais elle en redemandait. Elle ne pouvait s’empêcher de l’embrasser, de le caresser, de respirer cette merveilleuse odeur.

Après une éternité, ils ouvrirent les yeux, le souffle court, des étoiles dans les yeux. Marinette et Adrien était de retour. Les héros inconnus du quotidien. Adrien sourit, soulagé de l’avoir dénichée, d’avoir découvert son trésor. Il posa son front contre celui de son aimée.

-Et maintenant, on fait quoi ?

 


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