Fer de Lance

Chapitre 21 : L'entraînement

2299 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/05/2018 22:11

Peter, assis dans les gradins de la salle de combat, regardait son père s'entraîner avec Dragonfly, sa Libégon. La pokémon se mouvait avec grâce dans les airs et enchaînait des attaques dévastatrices, parfois sur un simple geste de Nicolas. Il avait passé tant d'années à s'exercer avec son équipe qu'ils n'avaient plus besoin de mots pour communiquer.

- C'était parfait, Dragonfly, la félicita-t-il une fois qu'il estima en avoir terminé. Comme toujours. Je t'aurais bien proposé d'aller te dégourdir les ailes avec Gul, mais il neige, et je sais combien vous détestez voler par ce temps.

La Libégon secoua la tête avec douceur et accepta de regagner sa pokéball. Une fois qu'elle eut disparu à l'intérieur, Nicolas ramena son attention sur son fils, qui n'avait toujours pas bougé.

- Quand tu auras un peu plus d'expérience, nous pourrons envisager de faire un combat, toi et moi, suggéra-t-il avec un sourire bienveillant. Il va sans dire que mes pokémon retiendront leurs coups.

- Euh... Oui. Pourquoi pas.

- Eh bien ! Pour faire preuve de moins d'enthousiasme, il faudrait que tu aies subi une attaque Hypnose. Quelque chose ne va pas ? Le dressage ne te plaît pas ? C'est vrai que tu ne parles pas souvent de tes progrès dans cette discipline.

Peter se sentit pâlir. Que ce soit avec Sandra ou avec son père, il s'appliquait toujours à détourner la conversation. Il avait trop honte d'avouer que la peur que lui inspiraient Kévin et sa bande le poussait à perdre tous ses combats, et pas seulement ceux qui l'opposaient à eux.

Après ses premières défaites, il s'était aperçu que son bourreau concentrait sa haine sur les cours de dressage, où il prenait un malin plaisir à l'humilier. En dehors de cela, cependant, il s'était calmé et Peter avait pu recouvrer un semblant de paix. Il avait donc continué à enchaîner les mauvaises performances, de façon à ce que cela perdure. Kévin paraissait se satisfaire d'avoir enfin trouvé une matière dans laquelle il brillait plus que lui.

Peter était heureux de ne pas avoir hérité d'un orgueil identique à celui de sa cousine, sans quoi il aurait été incapable de se résoudre à une telle déchéance. Au fond de lui, néanmoins, il savait que s'il avait été un peu plus comme Sandra, ce serait sûrement Kévin qui serait terrifié par lui, et non l'inverse.

- Si, j'aime beaucoup travailler avec Drake, assura Peter. C'est un excellent partenaire, il apprend très bien et progresse très vite.

Il espérait que sa voix ne trahirait pas sa culpabilité. Il s'en voulait de ce qu'il infligeait à son Minidraco, l'obligeant à gâcher tout son potentiel à cause de sa couardise. Le pokémon s'en agaçait souvent, d'ailleurs, et plus d'une fois Peter avait craint que sa nature hardie l'incite à lui désobéir, mais Drake se montrait loyal, en dépit de son mécontentement.

- Pourquoi sembles-tu aussi soucieux, alors ? insista Nicolas. Je crois me souvenir que tu l'étais également avant de partir pour Mauville. C'est encore à cause de Sandra ? Ça ne s'est pas arrangé, entre vous ? Ou elle t'en veut toujours parce qu'elle n'a pas de pokémon ?

- Non, ça va. Enfin, elle s'énerve constamment, elle me crie souvent dessus et elle boude pour un oui ou pour un non, donc... Tout est rentré dans l'ordre, apparemment.

- Peter, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose que tu ne me dis pas, et si tu ne te décides pas, je ne pourrais pas le deviner.

- Non, tout va bien, je t'assure.

Nicolas observa longuement son fils. Il n'était pas dupe, mais il savait qu'il ne soutirerait aucun aveu à Peter si celui-ci ne le désirait pas. Quand il était contrarié, sa principale réaction était de sombrer dans le mutisme, bien loin des colères violentes que Sandra aurait piquées dans la même situation. Le Champion songea avec ironie qu'ils devraient peut-être fusionner, afin de former un équilibre parfait.

***

Sandra se faufila en toute discrétion hors de la chambre de Peter. L'une de ses poches contenait un Rappel, tandis qu'elle avait dissimulé trois Potions dans l'autre. Karai menait des combats de plus en plus rudes et, en cas de défaite ou de blessure, sa dresseuse la soignait avec les médicaments qu'elle dérobait à son cousin.

Parfois, elle se demandait comment il faisait pour ne pas s'en apercevoir ou, si c'était le cas, quelle explication il donnait à ces larcins. Sans doute pensait-il qu'elle le volait pour le taquiner. C'était tout à fait le genre de frasque que Sandra aurait pu commettre autrefois, avant d'avoir bien mieux à faire.

Elle mit sa main devant sa bouche pour étouffer un éclat de rire lorsqu'elle songea à la tête que ferait Nicolas s'il découvrait que les fournitures qu'il a offerts à son fils pour Noël servaient en réalité bien plus à sa nièce. Mieux valait cependant qu'il n'en sache rien, car si Peter n'avait pas la sagacité de remonter jusqu'à Karai, son oncle en serait capable.

Après s'être assurée que la voie était libre, Sandra quitta l'Arène. Non sans une pointe de fierté, elle estima que si elle ne se destinait pas à devenir la meilleure dresseuse de tous les temps, elle aurait fait une remarquable voleuse.

En même temps, l'un n'empêchait pas l'autre... Une fois qu'elle aurait vaincu tous les adversaires à sa mesure, elle n'aurait plus rien à prouver et pourrait consacrer du temps à une autre activité. Elle n'en était pas encore là, cependant.

Sandra rejoignit la route 45, son lieu de prédilection pour travailler avec Karai. La neige l'accompagna tout au long du chemin, ce qui n'était pas pour la mécontenter. Elle savait les dragons particulièrement sensibles à la glace et entraînait volontairement sa pokémon dans de rudes conditions climatiques afin de l'endurcir.

- En avant, Karai !

La fillette avait consacré un temps considérable au perfectionnement de son lancer de pokéball en s'exerçant régulièrement dans sa chambre avec des balles en mousse. Être une excellente dresseuse était une chose, mais être une excellente dresseuse avec du style était encore mieux. Elle s'imaginait déjà conquérir les Arènes dans une magnifique combinaison turquoise, avec, pourquoi pas, une cape flottant dans son dos, à la manière d'une super-héroïne. Tout le monde se pâmerait alors devant elle.

Elle poussa un soupir de jubilation, s'y voyant déjà, pendant que sa dragonne étirait son corps longiligne à ses pieds. Sortant un mètre-ruban de sa poche, dans laquelle se trouvait également le Rappel, Sandra vérifia ce qu'elle soupçonnait depuis déjà quelques jours. Karai avait grandi. Elle mesurait six centimètres de plus qu'au début des vacances.

- Tu deviendras grande et forte, comme moi, assura-t-elle. Enfin, toi, tu as la chance de ne pas avoir besoin de soupe pour ça, même si je commence à me demander si ce n'est pas une invention des adultes, cette histoire. Peter en mange deux fois par semaine et il est toujours aussi chétif... lor.

Sandra s'esclaffa à son propre jeu de mot avant d'étudier les environs, en quête d'un adversaire à la mesure de Karai. Elle n'avait désormais plus aucun mal à venir à bout des Piafabec sauvages et s'en sortait avec de plus en plus d'aisance face aux Capumain qui sautaient parfois de branches en branches. Il lui fallait désormais des défis plus relevés.

Sa jeune dresseuse avait envisagé un temps de retourner sur la Route de Glace, mais sa raison autant que son orgueil l'incitait à se montrer patiente. Elle n'avait pas oublié leur cuisante défaite face à ce Marcacrin, lors de leur unique tentative, et Karai était encore loin de maîtriser Draco-Rage.

- Tu vois ce que je vois ? murmura Sandra en désignant ce qui ressemblait à un caillou, enfoncé dans une zone où la neige se mêlait à la boue. C'est un Racaillou. Est-ce que tu te sens capable de l'affronter ?

La Minidraco répondit par un sifflement affirmatif et se plaça en position de combat, pendant que la fillette s'accroupissait pour ramasser une poignée de neige, qu'elle jeta sur le pokémon sauvage. Celui-ci, enseveli de moitié dans la fange, jaillit brutalement en s'aidant de ses poings. Il paraissait furieux, ce qui était précisément l'objectif visé par Sandra.

Réagissant au quart de tour, le Racaillou fondit sur Karai, à qui Sandra ordonna d'exécuter un combo qu'elles avaient répété depuis le début des vacances. Il consistait à immobiliser l'adversaire avec Ligotage, à condition que cela soit possible, pour ensuite réduire sa défense avec Groz'Yeux, ce qui ne serait pas du luxe face à une espèce réputée pour sa robustesse.

L'enchaînement fonctionna, mais Racaillou profita de ce que Karai le retenait pour utiliser Poliroche, accroissant ainsi considérablement sa vitesse. Cela fait, il chargea vers l'avant pour s'arracher à l'étreinte de la dragonne. Celle-ci, après avoir stabilisé son équilibre, tourna la tête en direction de sa maîtresse, attendant ses nouvelles instructions.

- Ne te laisse pas impressionner, l'encouragea Sandra. De vous deux, c'est toujours toi la plus rapide. Pour l'instant, tourne-lui autour, que je me fasse une idée des capacités qu'il possède.

Elle en eut un aperçu quand un Jet-Pierres menaça de s'abattre sur Karai. La fillette réagit promptement et sa pokémon, suivant ses ordres, contra l'attaque avec Ouragan. Le puissant vent d'origine draconique dévia les rochers de taille moyenne. Ils s'écrasèrent autour de la Minidraco, sans la blesser.

- Encore une fois ! intima Sandra tandis que Racaillou fonçait sur elles en boule, dans une Roulade.

Karai le ralentit en répétant sa capacité, puis usa derechef de Ligotage, avant d'envoyer son ennemi valser un peu plus loin en déroulant brutalement sa queue. Cela lui fit perdre ses repères durant quelques secondes, que Sandra n'hésita pas à mettre à profit :

- Continue à le déstabiliser ! Ouragan !

Racaillou chancela dans un sens et dans l'autre, violemment agité par les bourrasques dont Karai l'accablait. Sandra lui désigna un tronc d'arbre robuste, à une demi-douzaine de mètres de là, qui pourrait être utile à sa pokémon pour remporter le combat. Tant bien que mal, elle projeta son adversaire contre l'écorce, dans laquelle il laissa une marque avant de s'effondrer, inconscient.

- Oui ! s'écria Sandra en bondissant de joie. T'es la meilleure, Karai !

La dragonne se redressa tant, par fierté, qu'elle étira sa colonne vertébrale au maximum, formant presque un angle droit avec le sol. Sandra retira ses gants pour passer une main sur ses écailles froides.

- Allons-nous-en, maintenant. Ce n'était probablement pas le seul Racaillou des environs, et s'il appelle ses congénères en revenant à lui, tu risques d'avoir plus de mal à en venir à bout.

Le regard de Karai se durcit et elle fendit l'air de sa queue pour montrer qu'elle n'hésiterait pas à en découdre. Sandra l'observa avec une bouffée de satisfaction. Elles se ressemblaient, toutes les deux. Elles avaient le même mauvais caractère, le même entêtement... C'était pour cette raison qu'elles réussissaient si bien ensemble, et qu'un jour, elles décrocheraient les étoiles.

- Il y aura d'autres combats, mais pas aujourd'hui.

« Et d'ici trois jours, il n'y en aura plus avant un bout de temps », songea amèrement Sandra, qui devrait alors reprendre le chemin de Mauville et de l'école. De colère, elle donna un coup de pied dans la neige et manqua de glisser sur le sol humide. Penser aux maths, au français, à l'Histoire... À toutes ces matières inutiles et au temps qu'elle perdait à les subir, cela la mettait hors d'elle. Sans parler de la pokémonologie, où la mauvaise note obtenue avant son départ lui était toujours coincée en travers de la gorge.

Un jour, quand elle aurait mis Johto et le reste du monde à genoux, tout cela ne serait plus qu'un lointain mauvais souvenir, mais en attendant, elle devait s'accrocher. Six années, c'était long, cependant. Quel était l'idiot qui avait décrété qu'un voyage initiatique ne pouvait s'effectuer qu'à partir de quatorze ans ? Dix suffisaient amplement.

N'était-ce pas l'âge qu'avait Dora l'Exploratrice dans le dessin animé où elle parcourait les routes avec son fidèle Capumain Babouche ? Et cela ne l'avait jamais empêchée de réussir ses quêtes ou de repousser l'odieux Chipeur le Feunard. Elle avait longtemps été une source d'inspiration pour Sandra, du moins jusqu'à ce que son cœur penche davantage en faveur des Cabaraffe Ninja.

- Ces adultes... fulmina-t-elle en lançant machinalement la pokéball de Karai en l'air. Ils croient toujours tout savoir, mais en réalité, ils n'y connaissent rien.

Sur ces mots, elle rappela sa dragonne dans un éclat de lumière rouge, tout en secouant la tête. Si cela n'avait tenu qu'à elle, Sandra aurait réformé le monde, mais pour l'heure, ledit monde se moquait bien de l'opinion d'une enfant. Quand elle aurait accompli ses objectifs, en revanche... Qui savait ? Peut-être se prosterneraient-ils tous devant elle.

Comme c'était beau de rêver... D'après son père, il s'agissait de l'une des deux conditions indispensables pour réussir dans la vie : toujours croire en ses rêves et ne jamais manquer de courage. Puisque Sandra respectait ces deux préceptes, son succès futur était quasiment assuré.

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