Une nouvelle vie pour Sarah

Chapitre 2 : Visite au pensionnat.

1972 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/04/2017 13:17

Le lendemain avaient lieu les obsèques de Monsieur Crisford. Ram Dass s’était occupé de réunir tous les proches du défunt. Ce fut l’occasion pour Sarah de revoir la famille Carmichael. Elle eut du mal à reconnaître Donald qui avait maintenant 18 ans. Il n’était pas très grand et pas très costaud. Il avait gardé sa bouille enfantine, avait de grands yeux bleus et étudiait la médecine.

Elle se souvenait très bien du jour où elle l’avait rencontré. C’était le premier mai, et elle rentrait du marché. La prenant pour une mendiante, il lui avait alors donné une pièce pour qu’elle puisse s’acheter à manger. Naturellement elle avait refusé, mais le petit garçon avait insisté alors elle avait accepté. « Maman m’a appris à être gentil avec les personnes aussi malheureuses que toi, nous devons les aider ! », avait-il dit. Elle fut touchée, mais aussi vexée d’avoir été prise pour une mendiante. C’était à ce moment-là, qu’elle avait réalisé qu’elle était tombée bien bas.

Mr Carmichael était l’avocat de Mr Crisford et il avait été chargé de retrouver Sarah lorsque ce dernier s’était installé à Londres. Aujourd’hui, il devait traiter de certains sujets avec la jeune fille car le défunt voulait lui donner son héritage, mais, vu les circonstances, il décida de s’occuper de cela un autre jour. La journée avait été éprouvante pour Sarah qui n’arrivait pas à se faire à l’idée de la perte de cet être si cher à ses yeux. Elle alla se coucher le cœur en peine.

La matinée était déjà bien avancée, et Sarah était toujours dans son lit. Inquiète, Becky décida de la rejoindre. Elle toqua à la porte :

« Sarah ? Tu es réveillée ?

— Oui Becky, entre. »

Elle s’exécuta et vint s’assoir aux côtés de Sarah.

« Comment vas-tu aujourd’hui ?

— Ca va mieux merci Becky. Et toi ? Tu as passé une bonne nuit ?

— Oui, une très bonne nuit, répondit-elle en détournant les yeux.

— Quelque chose ne va pas ? dit alors Sarah soupçonnant quelque chose d’étrange.

— Et bien… C’est Monsieur Ram Dass, ajouta-t-elle rouge comme une pivoine.

— Que s’est-il passé ? dit-elle perplexe.

— Je me sens toute bizarre à vrai dire… Hier soir, quand je suis partie me coucher, il m’a souhaité bonne nuit en me disant « je suis ravi que vous soyez ici », suivi d’un baise main. J’ai alors senti de la chaleur monter en moi, j’ai senti mes joues rosir et je me suis tout de suite réfugiée dans ma chambre. »

Sarah étouffa un petit rire.

« Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle !

— Excuse-moi Becky. Mais tu me rappelles moi lorsque j’ai rencontré Daniel.

— Tu as déjà ressenti ça toi aussi ?

— Mais oui Becky ! Et c’est parfaitement normal ! Tu es une adulte aujourd’hui donc ce que tu as toujours ressenti pour Ram Dass s’est comme amplifié !

— C’est vrai que depuis qu’il t’a sauvé la vie, il n’a jamais quitté mes pensées. Mais aujourd’hui c’est différent. Je le vois autrement qu’un prince charmant sur son fidèle destrier. Il est tellement beau, doux, respectueux,…

— Tu es amoureuse Becky, lui dit-elle en lui coupant la parole. Et vu ce qu’il t’a dit, je pense qu’il peut ressentir la même chose.

— Ah oui ?

— Oui je le pense.

— Mais comment pourrais-je le savoir ?

— Dans sa façon d’agir avec toi. Puis s’il est amoureux, tu le sauras très bientôt car il viendra te déclarer sa flamme. Comme Daniel l’a fait avec moi.

— Mais toi ce n’est pas pareil ! Tu es une grande dame, belle et intelligente !

— Et tu ne l’es pas moins que moi Becky ! », répondit-elle offusquée.

Cette dernière réfléchit un instant, mais elle n’était pas d’accord avec Sarah. Après tout elle n’était qu’une dame de compagnie. Voyant qu’elle ne répondait pas, Sarah s’empressa de la rassurer.

« Becky. Je suis une fille comme les autres. Seulement, j’ai hérité de l’argent de deux êtres chers disparus. Je n’admettrai pas que tu te rabaisses comme ça vis-à-vis de moi, Becky ! Tu es une femme sublime et généreuse !

— Je suis désolée.

— Ne sois pas désolée et prends confiance en toi ! »

L’idée de faire de la peine à Sarah lui était insupportable. Elle décida alors de se reprendre.

« Tu as raison, merci. »

Sarah ne put s’empêcher de la prendre dans ses bras quand quelqu’un toqua à la porte.

« Oui ? répondit Sarah.

— Le déjeuner est prêt mademoiselle, dit une voix à travers la porte.

— Oui nous arrivons ! répondit-elle avant de s’adresser à son amie. Allez Becky ! Allons manger j’ai une faim de loup !

— Oui ! »

Ram Dass s’était chargé de servir les jeunes filles. Il était très professionnel mais ses regards envers Becky ne passaient pas inaperçus, ce qui fit sourire Sarah.

 « Et si on allait rendre visite au pensionnat de Melle Mangin ? dit-elle.

— Honnêtement Sarah, je n’ai pas très envie de revoir cette femme odieuse.

— Oui je comprends, dit-elle, alors déçue.

— Mais tu peux y aller seule si tu veux ! Ne t’inquiète pas pour moi !

— C’est que je ne veux pas te laisser seule Becky.

— Oh non ! Ne t’inquiète pas pour ça ! Je pensais aller voir ma mère, mes frères et ma sœur.

— Quelle excellente idée Becky ! »

Elles continuèrent de déjeuner et vaquèrent ensuite à leurs projets de la journée.

 

Sarah arriva devant la porte d’entrée du pensionnat. Elle hésita un instant et contempla les alentours de la demeure. Elle était grande et imposante. Elle s’attarda un instant sur les marches qu’elle devait sans cesse nettoyer tous les matins, même lorsqu’il faisait un froid de canard. Elle se souvint de ses mains constamment gelées les jours d’hiver. Un jour, Lavinia, une élève qui était jalouse d’elle, lui avait donné un coup de pied et la pauvre Sarah s’était allongée de tout son long. Le seau d’eau s’était renversé sur elle, sous les yeux peinés des autres pensionnaires. Des bribes de souvenirs ne cessaient de lui revenir.

Elle inspira un bon coup et frappa à la porte. La femme qui ouvrit n’était pas Marie, l’intendante qui lui confiait les tâches les plus ingrates à l’époque. Cette femme était de loin beaucoup plus sympathique et était charmée par la prestance et l’élégance de Sarah.

« Bonjour Mademoiselle, que puis-je faire pour vous ? dit-elle respectueusement.

— Bonjour ! Je m’appelle Sarah Crewe et je viens rendre visite à Melle Mangin et Melle Amelia.

— Oui bien sûr Mademoiselle ! Entrez donc.

— Merci. »

Elle entra dans la demeure. Rien n’avait changé. Le couloir dans lequel elle se trouvait lui paraissait cependant plus petit, mais le papier peint et le sol étaient restés les mêmes. Elle suivit alors l’intendante qui la fit patienter dans un petit salon. Celui-là même dans lequel elle avait attendu Melle Mangin avec son père, lors de son premier jour dans l’école.

Sarah avait toujours été très imaginative et avant même de la rencontrer, elle se l’était imaginée avec des lunettes et un chignon sur la tête, grande, mince avait un air sévère. Son père avait ri à cette description, qu’il trouvait un peu trop imagée. Elle lui avait alors expliqué qu’elle pensait cela, car toutes les bonnes institutrices devaient ressembler un peu à la préceptrice avec laquelle elle étudiait, et cela avait grandement amusé son père. Elle fut interrompue dans ses pensées en entendant une voix qu’elle reconnut très bien.

« Melle Crewe !

— Mademoiselle Amélia ! »

La sœur de Mademoiselle Mangin vint l’accueillir avec une grande joie. Elle avait toujours été avenante auprès de Sarah et ne supportait pas de voir le mauvais traitement que lui infligeait sa sœur, mais elle n’osait pas, hélas, lui tenir tête.

« Comment allez-vous ? Qu’est-ce que vous avez grandi ! Vous êtes toujours aussi belle !

— Merci Mademoiselle Amélia. Je suis contente de vous revoir. Je suis revenu des Indes car Mr Crisford était gravement malade. Il nous a quittés il y a quelques jours.

— Oh que c’est affreux mademoiselle. Cela a dû être très dur pour vous.

—      Oui. C’est pour cela qu’aujourd’hui j’ai décidé de vous rendre une petite visite et voir si le pensionnat se porte bien. Mademoiselle Mangin n’est pas là ? »

Un air triste apparut sur le visage de Mademoiselle Amélia.

« Hélas, elle nous a quittés il y a déjà quelques années.

— Oh… Je suis désolée Mademoiselle.

— La tuberculose l’a emportée. Je sais qu’elle n’a jamais été tendre avec vous Mademoiselle, mais elle avait vraiment un bon fond.

— Oui je sais. Tout cela est du passé. Vous continuez toujours à enseigner ?

— Oh non je n’en ai plus le temps depuis que je suis devenue directrice.

— Et avez-vous des nouvelles de Lottie et Marguerite ?

— Et bien, pour ce que j’en sais, Marguerite est partie étudier dans une faculté de lettres.

— Marguerite ? En faculté de lettre ? Elle qui n’aimait pas étudier ! C’est une très bonne nouvelle ! Je savais qu’elle en serait capable. Et Lottie ?

— Et bien, pour ne rien vous cacher, Lottie a longtemps attendu votre retour et quand Marguerite est partie à son tour, elle était tellement bouleversée qu’elle a insisté pour que son père la retire du pensionnat.

— Et vous ne savez pas ce qu’elle est devenue ?

— Hélas non.

— Oh comme je m’en veux ! Je lui avais promis de revenir… Elle doit terriblement m’en vouloir.

— Ne vous inquiétez pas, elle était très jeune mais maintenant elle a dû comprendre que vous aviez aussi vos impératifs.

— Oui j’espère que vous avez raison… Bon et bien je ne vais pas vous accaparer plus longtemps Mademoiselle Amélia, j’ai été ravi de vous revoir.

— Moi aussi Mademoiselle Crewe et toutes mes condoléances.

— Merci. »

Sur ces mots, l’intendante la raccompagna à la sortie. Elle avait un goût amer et ne cessait de penser à la petite Lottie. Elle avait 4 ans, lorsque Sarah avait intégré le pensionnat et avait perdu sa mère, tout comme elle à son âge. Lottie la considérait comme sa maman. Comment avait-elle pu négliger sa promesse ?



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