Biohazard : Code Nivans

Chapitre 2 : Chapitre 2 : Chris (mai 2010, décembre 2012, avril 2013)

5068 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/09/2019 16:25

Enfin, j'allais le rencontrer. L'homme grâce et pour qui j'étais arrivé jusqu'au grade de lieutenant. J'étais à la fois excité et angoissé, à l'extrême. Le duo classique du stress du collégien. Je résistais pour ne pas vibrer bêtement sur ma chaise, dans ce qui servait de salle d'attente. D'autres soldats étaient là, aussi, mais ils étaient comme invisibles pour moi. Je n'avais même pas retenu leur nom, en fait. J'aurai des efforts à faire à l'avenir.

Je me surpris à repenser à Sherry. Cela faisait maintenant un an et demi que nous nous étions séparés, à la sortie de l'école. Je voulais savoir si elle avait elle-même atteint ses objectifs. Je l'espérais sincèrement. C'était une fille géniale, elle le méritait amplement. Je reprendrai de ses nouvelles pendant ma prochaine permission.

Puis, mon angoisse concernant le capitaine Redfield revint. Étant donné que j'étais le plus gradé des soldats présents, je serai sans doute son suppléant direct, et le premier à le rencontrer. Je ne savais pas pourquoi il tenait à rencontrer ses soldats un par un, mais ça augmentait mon angoisse. Moi, seul à seul avec un héros. Je me sentirais sans doute écrasé, insignifiant...

Un soldat, sans doute une sorte de préposé au secrétariat, sortit de la salle voisine pour me faire signe d'entrer. J'avalai ma salive, je poussai un soupir, et je me levai presque douloureusement de la chaise sur laquelle je n'étais assis que depuis dix minutes. Je marchai excessivement lentement, même moi je m'en rendais compte, et le soldat me tint la porte.

-Lieutenant Piers Nivans ? Asseyez-vous, dit une voix

Les yeux absorbés par le sol, je me dirigeai néanmoins vers la chaise en face du bureau, de l'autre côté duquel se trouvait sans aucun doute mon idole. J'accrochai la sangle de mon fusil fétiche à ma chaise, et m'assit, les genoux serrés et les mains sur les genoux, comme à chaque fois que j'étais nerveux.

-Regardez-moi, soldat, reprit le capitaine

Pour une raison que je ne m'expliquais pas tout de suite, mon cœur s'est mis à battre à tout rompre. Je respirais avec difficulté, mais je réussis néanmoins à obéir au premier ordre que Chris me donnait. Son regard intercepta le mien, et la Terre s'arrêta de tourner.

-Détendez-vous, d'accord ? ajouta-t-il d'un ton conciliant

Le sang me monta à la tête, et je réussis à acquiescer. Même si, évidemment, je ne pouvais pas décemment me calmer aussi vite devant une figure aussi imposante. J'avais déjà vu des photos de Chris, dans les archives du BSAA, mais le voir en vrai, c'était autre chose. Cependant, c'était le cadet de mes soucis, là.

Ce n'était pas de l'admiration, ni du respect, ni de la soumission que je ressentais en voyant le légendaire Chris Redfield me sourire, à moi, une limace. Non. C'était quelque chose de bien plus fort, de bien plus profond, de bien plus inexplicable.

J'ai su, au moment où je l'ai vu, que son visage ne quitterait plus jamais mes pensées.

-Donc, Piers, reprit Chris. Qu'est-ce qui vous a amené ici ?

Je dus me retenir pour ne pas dire quelque chose du genre "je suis venu en train, et ensuite en bus". Car j'en aurais été capable. Pas comme une note d'humour, mais parce que j'étais encore un peu paumé. Alors je me reconcentrai sur le plus important, en réfléchissant à ma réponse. Je réussis à la dire avec un naturel assez convaincant, dans mon oreille du moins.

-L'armée est une histoire de famille, en ce qui me concerne. Qui plus est, j'ai toujours été très impressionné par vos exploits, capitaine. C'est un honneur de travailler avec vous.

-Je ne suis pas sûr de le mériter, mais ça me flatte, dit Chris d'un ton qui trahissait sa modestie

-Si vous le méritez. Toute mon école militaire parlait de vous.

Ce qui était un faux mensonge. J'avais suivi sa carrière depuis plus tôt que ça, en vérité.

-Oui. Soit. Quelles sont vos qualifications ?

-Ce n'est pas marqué sur vos papiers ?

-Si. Mais j'aimerais l'entendre de votre bouche, dit-il en posant les coudes sur la table et la tête sur ses mains. Le papier n'est qu'un avant-goût. Je vous écoute.

La politesse élémentaire était de regarder la personne à qui on parle dans les yeux, dans le juste milieu disons, et je ne sus pourquoi j'avais l'impression que Chris me dévorait des yeux. Alors je détournai le regard, vaguement, en espérant que le rougissement que je sentais encore n'était pas trop visible.

-J'ai suivi un entraînement de sniper, depuis mon plus jeune âge, lançai-je d'un ton presque assuré. Par mon père qui était un sniper réputé. Pendant mes deux années à l'École Militaire Supérieure, j'ai su me diversifier, j'ai donc des bases de close combat et de manipulation de gadgets et d'explosifs.

-Voilà qui est très intéressant, dit Chris d'un ton satisfait. Je suis heureux de vous annoncer que vous êtes mon second, à partir de maintenant.

Je me tournai brutalement vers lui. Il avait un franc sourire sur le visage. J'avais envie de beugler quelque chose du genre "Déjà ?", mais rien ne sortit. J'étais trop heureux. L'homme que j'admirais le plus au monde m'avait accepté presque sans conditions.

-Vous aurez une période d'essai, et si vous ne me convenez pas, je vous éjecterai sans aucun remords et sans préavis, reprit-il. Est-ce clair ?

-Très clair, dis-je en regardant le sol

J'entendis alors un son, que je ne reconnus pas tout de suite. Je levai la tête vers le capitaine, qui me souriait encore. Sauf qu'il avait bougé, il était debout près de moi, et posa une main amicale sur mon épaule. Oh bon sang !

-Je plaisante, Piers, dit Chris d'un ton amusé. Détendez-vous, et tout ira bien, ok ?

-Très bien, capitaine.

-Alors rompez, soldat. Je dois accueillir les autres nouveaux, maintenant, dit-il en retournant s'asseoir

-Bien. Je m'en vais, donc, dis-je nerveusement en me levant

Je crus entendre Chris ricaner, alors que je prenais mon arme pour sortir. Je jetai un œil à mes futurs collègues, qui me rendirent un regard interrogatif. L'un d'eux se leva pour aller dans la salle, je n'avais même pas entendu son nom tant j'étais concentré sur autre chose.

-Alors ? Comment ça s'est passé ? me demanda l'un des soldats

-Bien. Il m'a l'air gentil. Il n'y a pas de quoi stresser, dis-je d'un ton plat

-Ah bon ? Alors pourquoi vous êtes tout rouge ?

La question était posée en toute innocence, mais elle me parut assez accusatrice, au fond.

-J'ai... un peu chaud c'est tout, bégayai-je. A plus tard.

Je sortis de la pièce avant même d'entendre la réponse. Ça n'allait pas être de tout repos, cette histoire, mais cela valait le coup. Du moins, je m'en persuadai du mieux que je pouvais.


[…]


Après avoir été affecté à l'unité de Chris, en tant que son second, nous avons enchaîné les missions de reconnaissance. Rien de bien palpitant, donc, et je ne m'en plaignais pas. A vrai dire, je prenais plus en compte l'évolution inexorable de mes sentiments pour Chris que la possible rencontre avec des aberrations organiques. Ce n'est que bien plus tard que nous avons affronté les premières armes biologiques, appelées J'avos, issus d'un tout nouveau virus. C'est là que l'enquête a commencé.

Notre mission d'aujourd'hui était d'enquêter sur un bâtiment en Edonie, dans lequel des expériences semblaient êtres menées sur le virus-C, dont le BSAA avait seulement entendu parler depuis quelques mois. C'était, à vrai dire, notre première piste sérieuse, et nous espérions, Chris et moi, qu'elle était fiable. A vue de nez, le bâtiment était vide, mais mon expérience avec Helena Harper il y a trois ans avait aiguisé ma méfiance et mon intuition. Je sentais, malgré le calme apparent, il y avait vraiment quelque chose qui nous y attendait.

Mon unité ne rencontra que peu de résistance, seulement quelques cocons de débutants que même les petits nouveaux n'eurent pas trop de mal à neutraliser. Chris partit en éclaireur, suivi par deux soldats, fouiller les étages supérieurs, alors que je restai avec les autres aux étages inférieurs. L'un d'eux, un des nouveaux nommé Finn (qui était d'ailleurs celui avec lequel je parlais le plus, et donc l'un des seuls dont j'avais retenu le nom...), m'apostropha.

-Piers ?

-Qu'est-ce qu'il y a Finn ? dis-je en allant le voir

-Je crois que j'ai entendu quelque chose bouger dans cette pièce, me dit-il en me montrant une des portes du rez-de-chaussée. Vous pensez qu'il faut aller voir ?

-Oui. Reste derrière moi.

-Ok chef.

Je passai devant, ayant encore en tête ma rencontre avec Helena, et j'ouvris lentement la porte. Il n'y avait personne. Mon impression de déjà-vu se renforça plus que nécessaire. Près de l'entrée, il y avait un cadavre, des Forces Spéciales si j'en croyais l'insigne sur son bras. Puis, derrière un bureau retourné, une femme apparut, les mains en l'air. Je la mis tout de suite en joue, ne manquant pas de remarquer la pistolet qui était à sa ceinture.

-Qui êtes-vous ? lui demandai-je, alors que mon jeune collègue faisait de même

-Je suis Ada. Ada Wong, répondit-elle d'un ton prudent. Je travaille ici, et j'ai réussi à me mettre à couvert avant l'attaque des terroristes.

-Où avez-vous trouvé cette arme ? dis-je en montrant le pistolet

-Je l'ai prise sur le gentleman derrière vous. Je me suis défendue comme j'ai pu contre des... espèces de monstres et des terroristes qui semblaient les superviser, mais quand les créatures ont commencé à grossir, je me suis enfermée ici. Le cadavre était déjà là quand je suis entrée.

Je me retournai vers le dit cadavre, et le regardai plus attentivement, alors que Finn ne lâchait pas Ada du canon de son arme. A y regarder de plus près, il semblait assez décomposé pour que je croie la version d'Ada. Je me retournai vers elle, elle avait toujours les mains en l'air.

-J'allais faire feu sur vous quand vous êtes entrés, ajouta-t-elle, mais je me suis ravisée quand j'ai vu vos uniformes. Vous êtes là pour enquêter sur l'attaque ?

-Oui, dis-je. Pouvez-vous nous renseigner sur ce qui s'est passé, exactement ?

-Comme je vous l'ai dit, je suis restée cachée. Mais j'ai entendu deux terroristes discuter dehors, derrière la porte. Ils badinaient, mais j'ai retenu les mots qui semblaient importants : J'avo, virus-C et Neo-Umbrella. C'est tout.

Neo-Umbrella ? Le virus-C ? En fin de compte, nous avions bien fait de venir.

-Et où sont ces terroristes maintenant ? demanda Finn avant moi

-Je ne sais pas, dit Ada en baissant les mains. C'est redevenu calme peu avant votre arrivée.

Derrière nous, j'entendis un rugissement, assorti d'un hurlement. Finn sursauta, et j'aurais fait de même si je n'avais pas quelques années d'expérience de plus que lui. J'allais sortir de la pièce, lorsque Finn me retint par le bras

-Que fait-on d'elle ? me demanda Finn en montrant Ada

-On va vous escorter jusqu'à la sortie, dis-je à cette dernière. Finn, garde un œil sur elle.

-D'accord. Venez madame.

-Je vous suis, messieurs, dit Ada d'un ton qui m'échappait

Nous ressortîmes tous les trois, pour voir Chris et les autres soldats affronter un énorme J'avo aux étages supérieurs. Nous nous précipitâmes ensemble dans les escaliers, et j'arrivai juste au bon moment pour tirer une balle dans la tête du monstre avec mon fusil anti-char. Ce qui était une erreur, car le bruit a attiré les autres monstres de l'étage vers nous. Chris remarqua Ada quand celle-ci tira une balle dans l'épaule d'un J'avo, permettant à Chris de l'achever.

-Qui est-ce ? demanda-t-il à Finn, qui était près d'elle

-Ada Wong. Une survivante, dis-je avant mon collègue

-Une survivante qui sait se servir d'une arme, apparemment, dit Chris en fronçant les sourcils

-J'ai dû apprendre après la première attaque des terroristes, se justifia celle-ci

-Je vois.

-Je n'ai plus de balles. Puis-je avoir un chargeur ?

-Tenez madame, dit Finn en lui en tendant un

-Merci mon grand, répliqua Ada avec un beau sourire

-De rien, bégaya Finn

Ada chargea son arme, et je compris tout de suite, à comment elle s'y prenait, que ça faisait manifestement plus longtemps que quelques heures qu'elle savait se servir d'une arme. Je me demandais sincèrement pourquoi elle nous avait menti, mais cela ne m'inspirait vraiment pas confiance. Nous reprîmes notre marche, et mon regard fut attiré par le visage cramoisi de Finn, ce qui me fit ricaner. Au fur et à mesure de notre avancée, j'avais l'impression que nous tournions en rond. Et j'entendis les grognements réguliers de Chris, qui semblait penser la même chose que moi.

-On n'avance pas, finit-il par râler à haute voix. A croire que les terroristes ont fermé toutes les portes derrière eux.

-Peut-être pas toutes, dit Ada

Nous nous tournâmes tous en même temps vers elle. Elle venait de tirer dans la tête d'une abomination qui bougeait encore.

-Il y a une sorte d'issue de secours ? demandai-je

-C'est ça. Mais elle se trouve au sous-sol, il va falloir redescendre. Désolée, si j'avais su, je vous en aurai parlé avant, ajouta-t-elle avec un rire gêné

-Ce n'est pas grave, dit Chris. Allons-y.

Je me retournai vers Ada, qui me fit un clin d'œil, avant de suivre Finn. Chris arriva près de moi, et, je ne sus pas pourquoi, j'eus un sursaut. Cela fit sourire Chris.

-Il faudra que je vous parle de quelque chose après cette mission, me dit-il d'un ton soudain sérieux

-Bien capitaine, dis-je d'un ton aussi posé que possible

Chris reprit sa route, et je restai sur ses talons, essayant de faire ralentir mon cœur. Il fallait que j'arrête de voir des messages subliminaux dans chaque phrase incomplète ou pas totalement explicite de Chris, sinon ça allait très mal se passer pour ma santé mentale.

Nous redescendîmes plus vite que nous étions montés, probablement qu'il n'y avait aucun survivant à part nous, ni vivant ni mort. Nous suivîmes Ada dans des espèces de couloirs paumés, cachés dans un coin de la pièce où nous avions trouvé Ada. Sans doute était-ce pour ça que personne ne l'avait jamais trouvée avant nous, à qui elle s'était volontairement montrée.

Nous arrivâmes finalement dans ce qui semblait être la dernière pièce. Au fond de la pièce, il y avait une porte avec un système de code, apparemment. Je jetai un œil aux alentours, au cas où, et me retournai vers Finn. Ada n'était plus là.

-Finn ! Où est-elle passée ? dis-je à mon camarade

-Hein ? Mais elle était là il y a deux secondes ! s'affola Finn en regardant autour de lui

Finn essaya de revenir en arrière, mais je le tirai vers moi au moment où une grille s'abattait devant la porte d'où nous venions. Je me retournai vers Chris, et fonçai pour le pousser à son tour pour ne pas qu'il se prenne la grille sur le coin de la figure. Chris m'offrit un regard surpris, et constata en même temps que moi qu'une grille nous séparait du reste de l'unité, qui s'acharnaient sur la grille de l'autre côté de la pièce.

-Du calme, soldats ! ordonna Chris de son ton autoritaire

Les recrues s'arrêtèrent de bouger d'un seul coup, et je me mis à réfléchir à un moyen de sortir. Je me dirigeai donc vers le système d'ouverture de la porte près de laquelle Chris et moi étions. Il demandait une emprunte oculaire ou digitale. Oui, ça aurait été trop simple.

-Ada ! s'exclama Chris

Je me retournai vite vers la traîtresse, qui nous offrait un beau sourire depuis derrière la grille près de l'autre entrée.

-Merci beaucoup de m'avoir escortée, messieurs, dit-elle d'un ton amusé. Voici un petit cadeau pour que vous vous souveniez de moi, ajouta-t-elle en mettant sa main dans sa sacoche

Elle lança une espèce de grenade, qui était en fait une bombe à aiguilles. Une pluie de seringues s'abattit sur notre unité, et Chris saisit la grille à deux mains, alors que ses soldats se transformaient en cocons.

-Non ! hurla-t-il

-Je vous en prie, ricana Ada en allant vers la porte

Les grilles se levèrent, au moment où les cocons étaient en train d'éclore. Aussi rapidement que possible, je tirai une balle dans chaque tibia d'Ada, qui s'effondra en avant, et me reconcentrai vite sur les nouveaux J'avo. Je fis feu sur eux, et je vis, du coin de l'œil, Chris, qui regardait les vestiges des cocons. Ce qui fit qu'il ne vit pas une attaque venir vers lui.

-Capitaine ! m'exclamai-je

Il leva le regard juste pour voir le bras du J'avo muté lui heurter le crâne. Je regardai Ada allongée de l'autre côté de la pièce et Chris qui s'effondrait près de moi. Je fis vite l'ordre dans mes priorités, et ramassai la mitraillette de mon capitaine pour être deux fois plus efficace. Après avoir tué le dernier monstre, je me dirigeai vers la criminelle de l'autre côté de la pièce, et je la ramassai par le col, en ignorant sa résistance et après l'avoir désarmée.

-Vous n'avez pas honte de maltraiter une femme comme ça ? me dit-elle d'un ton amusé

Pour répondre à sa question, je lui mis un direct dans le visage, et elle vacilla un peu plus.

-La ferme, marmonnai-je

Je contournai le corps de Chris, qui s'était fait cogner assez fort pour tomber dans les pommes, et je posai sa mitraillette près de lui. Du coup, plus violemment que nécessaire, je collai le visage d'Ada sur le détecteur de rétine. Oui, en fait, je lui éclatai la tête sur le mur. Mais le scanner était négatif.

-Pas de chance. Je ne travaille pas vraiment ici, ricana-t-elle

-Espèce de...

Je lui frappai de nouveau la tête sur le mur, plus fort cette fois, et je lui mis aussi un coup de crosse, pour être sûr, la faisant s'effondrer. Je ne sus pas ce qui m'a empêché de la tuer, à moment-là, mais je me corrigeai en ayant l'idée de faire sauter le bâtiment en sortant. Je ramassai Chris au passage, et me dirigeai vers la porte de l'autre côté de la pièce. Mais, alors que j'atteignais la porte, j'entendis un coup de feu. Visiblement, Ada était une maîtresse de l'ironie, car elle avait tiré dans ma jambe pour me ralentir. Sauf que, heureusement, j'avais quasiment vidé le chargeur de l'arme de Chris avant de lui "rendre", ce qui fit qu'elle ne put m'immobiliser qu'une seule jambe. Je me tournai vers Ada, et lui offrit, à mon tour, un sourire ironique. Les commandes des grilles étaient près de la porte, j'en profitai donc pour enfermer la saleté.

-On se reverra en enfer, ordure, lâchai-je avant de quitter la pièce

-Vous ne savez rien à propos de l'enfer, répondit-elle, juste assez haut pour que je l'entende

Je partis en claquant la porte, ignorant ses énormes sous-entendus, et appelai mes supérieurs pour leur annoncer que Chris était blessé et qu'il fallait bombarder l'endroit, dans le doute. Je réussis à boiter jusqu'à la sortie du bâtiment, juste pour voir des missiles s'abattre sur lui quelques minutes plus tard. J'étais assis contre la façade d'une maison, un peu plus loin, et, à côté de moi, Chris était encore évanoui. Je m'endormis sans m'en rendre compte, et je fus réveillé quelques heures plus tard par le commandement. Je réprimai un rougissement lorsque je me réveillai appuyé sur l'épaule de Chris, et que sa tête était, du coup, appuyée sur la mienne. Il ne semblait toujours pas réveillé. Les médecins l'ont expliqué comme un choc post-traumatique, qui s'assortirait sans doute d'une amnésie, et j'ai appris, peu après, que le corps de Carla n'avait pas été retrouvé. Mais étrangement, c'était le cadet de mes soucis, là, tout de suite. Ce qui me gênait, voire même qui m'énervait, sur le moment, ce n'était même pas le fait que cette charogne était encore en vie, non. Ce qui me faisait rager, c'est que je ne saurai sans doute jamais ce que Chris voulait me dire après la mission, car il ne s'en souviendrait peut-être jamais. Et moi qui pensais que j'avais un sens des priorités.

Chris fut envoyé dans un hôpital militaire spécialisé, où on traiterait ses futures migraines, et, pendant plusieurs mois, je n'eus aucune nouvelle. Jusqu'au jour où j'ai appris qu'il s'était enfui de l'hôpital, en semant le désordre sur son chemin. Effectivement, il avait perdu la mémoire, il avait réussi à s'enfuir dans un élan absolu d'incompréhension, et je fus envoyé pour le retrouver.


[…]


Mes recherches me menèrent en Europe de l'Est, et je ne pus m'empêcher de trouver ça ironique, en fait. C'était assez proche de l'endroit où Chris avait eu son traumatisme crânien, peut-être était-ce une sorte de réminiscence inconsciente. Je le trouvai dans un bar, en train de boire jusqu'à plus soif. Cela me fit énormément de peine de le voir comme ça, l'homme que j'avais toujours aimé et admiré. Mais il fallait que je me ressaisisse, et que je le secoue un peu, pour son bien.

Il était seul à une table pour deux, et je me plantai en face de lui. Il m'offrit un magnifique regard intrigué. C'était fou à quel point son regard n'avait pas changé, comparé à d'autres trucs. Il semblait avoir perdu du poids, par exemple. Mais je n'irai pas loin en m'épanchant dans les détails comme ça.

-Enfin je vous ai retrouvé, Chris Redfield, déclarai-je en m'asseyant

-On se connaît ? demanda-t-il d'un ton sincèrement intrigué

Cela faisait des mois que je n'avais pas entendu sa voix, cela me rendit tout chose. Mais il fallait que je reste concentré, sinon je ne récupérerai jamais.

-Bien sûr, dis-je simplement

-J'ai quelques trous, en fait. Vous pourriez me rafraîchir la mémoire ?

-Avec plaisir.

Je plongeai ma main dans ma poche, pour aller chercher mon téléphone portable. Je savais que ce que j'allais faire était cruel, mais "pour libérer quelqu'un d'un choc, il suffit souvent de lui en infliger un autre", avaient dit les médecins. Je me sentais mal d'avance, mais c'était nécessaire. Alors je sortis mon portable, et chargeai sur l'écran des photos de notre ancienne unité pour les montrer à Chris. Il m'offrit un beau regard d'incompréhension, et je m'expliquai.

-Vous voyez ces hommes ? C'étaient vos soldats.

Puis je changeai de photo. Celle de leurs cadavres mutilés par les mutations du virus-C.

-Et ils sont morts il y a quatre mois, ajoutai-je. Morts par votre faute.

Chris détourna le regard. Je vis un éclat de regret dans ses yeux, qui était sans doute inconscient. C'était un bon début. Je me levai en me penchant sur la table, pour remettre le portable devant ses yeux.

-Regardez-les, capitaine. Et souvenez-vous. Il le faut, dis-je d'un ton un peu trop tendre

-Je n'ai pas envie de voir ça, déclara-t-il

-Regardez-les ! dis-je un ton plus haut

-Non ! Laissez-moi ! s'exclama-t-il en se levant

La détresse qui était dans sa voix dans sa dernière phrase me fendit le cœur, mais il ne fallait pas que je faiblisse. Si son ton n'était pas redevenu... comme je m'en souvenais, c'est que mon travail n'était pas terminé. Je me levai pour me planter devant lui, le téléphone toujours dans ma main. Il fronça les sourcils.

-Pourquoi m'infligez-vous ça ? s'enquit-il d'un ton las

-Il faut que vous reveniez, capitaine, dis-je en essayant de garder un ton neutre

-Je ne vous connais pas. Laissez-moi tranquille.

Il passa à côté de moi en me poussant, et je rangeai le téléphone dans ma main pour le suivre, et me mettre de nouveau devant lui. Heureusement qu'il n'y avait aucun autre client dans ce bar, sinon ils auraient sérieusement commencé à se poser des questions. Chris m'offrit un regard énervé, cette fois. Du moins, il était énervé jusqu'à ce que son regard s'arrête sur mon épaule gauche. Je savais très bien ce qu'il voyait.

-BSAA... marmonna-t-il

-Oui, capitaine. C'est l'association que vous avez-vous-même fondée, il y a presque dix ans maintenant. Vous devez vous souvenir.

Chris fit une grimace, et essaya de nouveau de passer à côté de moi. Sauf que cette fois-ci, je le retins par un bras. Comme par réflexe, Chris m'envoya un direct du gauche vers mon visage, que je n'eus presque pas le temps de voir venir. Je l'évitai juste au dernier moment, pour attraper sa main et lui faire une clé de bras. Qui ne dura pas longtemps, car il y avait une différence manifeste de force entre nous. Il se libéra d'un coup, et me poussa en arrière, me faisant presque perdre l'équilibre. Je mis mon plan en place pendant qu'il me chargeait de nouveau. Je voyais à ses mouvements que j'avais clairement l'avantage au niveau des tactiques, mais il fallait que je fasse quand même attention. Qui sait à quel moment il retrouvera ses réflexes...

J'esquivai sans vraiment de mal ses assauts de personne presque bourrée, et, au moment où je m'apprêtais à contre-attaquer, ses mouvements s'accélérèrent. Je dus rester concentré encore plus, et je réussis à attraper un de ses poings pour lui faire une prise. Je l'attirai vers moi pour lui faire perdre l'équilibre, et lui fis un croche-pied pour le faire tomber à la renverse. Ensuite, alors qu'il essayait de se relever, je me plaça sur lui, assis sur son estomac et plaquant ses deux poignets au sol. Il essaya encore de bouger, alors je lâchai son poignet droit pour dégainer un pistolet tactique, qui est toujours caché dans la ceinture de mon pantalon (tactique de sniper, au cas où un ennemi réussit à s'approcher) et le caler sous son menton.

-Maintenant vous allez m'écouter, dis-je un peu essoufflé

-Mais je vous écoute déjà, Piers, dit Chris d'un ton amusé

Mon cœur eut un énorme raté, en réentendant ces intonations familières. Mais ce n'était pas tout : il m'avait appelé par mon prénom, alors que je ne m'étais pas présenté à lui, depuis tout à l'heure. Et enfin, je me rendis compte, à cause de ses intonations, de la position dans laquelle nous étions. Je balbutiai quelque chose d'incompréhensible même pour moi, ce qui fit bien rire Chris, et rangeai mon arme avant de me redresser un peu vite.

-Je croyais que... commençai-je

-Je me doute qu'il en manque encore. Mais j'ai retrouvé quelques bouts, grâce à vous, me coupa-t-il en se relevant, avec un petit sourire en coin qui m'avait trop manqué

-C'est normal capitaine, bégayai-je

-Il n'empêche que je vous remercie. Et je suis content de voir que vous tenez la forme.

-Qu'est-ce que vous avez fait pendant ces quatre mois ? m'enquis-je, curieux

Chris se fit soudain plus sombre, son sourire s'était envolé. Il se rassit à la table où il était assis, et reprit son verre. Je me rassis en face de lui, intrigué par son soudain changement d'attitude. Il finit son fond de verre, avant de me fixer intensément, comme s'il cherchait quelque chose sur mon visage.

-Ce n'est pas très clair, admit-il. Je me souviens avoir pas mal vagabondé. Je faisais des cauchemars toute les nuits, et je buvais la journée pour oublier. Mais j'ai compris, en vous voyant, que ce n'était pas que des cauchemars. C'était des souvenirs.

-Comment ça "pas que des cauchemars" ?

-Dans mes rêves, je vous perdais, vous aussi. Je n'ai fait le rapport que lorsque je vous ai vu de près, si vous voyez ce que je veux dire, ajouta-t-il avec un rire sans joie

Je ne sais pas quelle émotion j'avais entendu quand il a dit "je vous perdais, vous aussi", mais cela ressemblait à un ton mielleux dans mes oreilles dans mes oreilles de groupie, et me plaisait trop. Il craignait de me perdre, comme il avait perdu ses autres hommes. Ma sublime paranoïa ne savait pas du tout comment prendre cet aveu. Alors je le pris avec autant de détachement que possible. Du moins j'essayais.

-Oh, dis-je en réprimant un rougissement

-C'est tout ce que vous trouvez à dire ? demanda Chris d'un ton amusé

-Là tout de suite, oui, avouai-je. Que comptez-vous faire alors ?

Chris revint vers le bar, et je le suivis. Il commanda un autre verre, et je crus qu'il m'avait ignoré, ou qu'il ne m'avait pas entendu. Mais lorsque j'ouvrai la bouche pour lui reposer la question, il se tourna vers moi.

-Je reprends du service, bien sûr. Je ne m'arrêterai pas avant d'avoir fait payer Ada Wong.

-Ah, vous vous souvenez de ça aussi ?

-Ouais. Je me demande même comment j'ai pu l'oublier... Bref, je vous suis.

-Très bien.

Chris balança son verre au loin, devant le regard médusé du barman, et nous sortîmes du bar. Chris riait, et cela me fit sourire. Cela faisait des mois que je n'avais pas vu ça. J'avais retrouvé mon Chris.

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