Elixatura Consolans

Chapitre 3 : La potion de consolation

Chapitre final

3768 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/08/2021 07:37

Chapitre 3 La potion de consolation

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McCoy était parti le dernier, restant avec le Dr Keshichian pour vérifier ses hypothèses et faire ses dernières recommandations au personnel du petit bastion agricole. A eux deux, ils avaient pu débrouiller l'écheveau. Spock aurait sans doute bien aidé s'il avait été un minimum concentré.

Le capitaine avait ainsi appris que concernant le petit additif sur les crustacés, tout était de la faute des baleines. Les immenses spécimens locaux avaient un cycle de reproduction plus lent que leurs congénères terriennes. Quand le temps venait, une fois tous les quatre ans et demi, elles arrosaient de phéromones sexuelles plusieurs kilomètres cubes de mer au large des côtes afin d'attirer des mâles. Puis, la gestation d'un unique petit durait plus d'un an et si on comptait une petite période de latence avant le lancement d'un nouveau cycle, le miracle de la vie de ces cétacés se produisait à des intervalles excédant les rotations des chercheurs de l'avant-poste… Donc personne n'était vraiment au courant étant donné la récence de l'exploitation de l'épice indigo.

En ce qui concernait le trou dans le plafond, Kechichian avait résolu l'énigme. Il était dû à l'enthousiasme d'un jeune mâle de cinquante petites tonnes surnommé Moby Dick. Ce dernier faisait partie des animaux que l'océanographe suivait avec un traceur, et les relevés étaient formels : le cétacé l'avait suivi, en flairant de très loin une odeur alléchante ramenée là par ses modestes pêches. Et depuis deux jours, l'animal obstiné s'était approché de la plage, réduite à une mince bande de deux mètres et tombant abruptement en eau profonde. L'esseulé gémissait et s'efforçait sauter par-dessus le champ de force protégeant le bâtiment des fortes intempéries. Ses efforts désespérés étaient responsables de tremblements et d'une houle considérable qui détrempait tout le terrain autour.

Assommés par le mélange détonnant des fruits de mer imprégnés de phéromones de baleine et saupoudrés de l'épice indigo, les occupants n'avaient pas pu lever le bouclier pour empêcher un premier assaut impétueux. L'usine par contre, si. T'Priss avait expliqué que la raffinerie disposait de ses propres capteurs et d'un système de sécurité automatisé. Le bourdonnement produit par les machines avait couvert le tumulte pendant qu'elle vaquait à ses réparations et vérification des systèmes.

Sur le plan médical, il avait pu déterminer que dans les estomacs humains, le petit aphrodisiaque cétacé s'était recombiné avec le vin pris au moment du repas. Par malchance l'épice indigo avait accéléré la digestion. Donc, lorsque les sucs gastriques s'étaient mis à l'œuvre, les différentes molécules des aliments ingérés avaient produit très rapidement de l'éthanol. * Ces baleines de Dannus IV enivraient-elles leur partenaire pour copuler ? Il n'aurait sans doute pas de sitôt la réponse à cette fascinante question…

Et le plus drôle dans tout ça, c'était que ni T'Priss ni Spock n'avaient été affectés par les crustacés, en aucune façon et d'autant moins peut-être qu'ils les avaient consommés avec un autre assaisonnement. Non. Leur humeur « détendue » était due à une toute autre raison.

Tout était de la faute du cacao sucré qui avait agi sur leur organisme comme un désinhibant. Même non majoritaire dans le chocolat chaud, cet ingrédient bénin avait libéré dans leur sang un taux de sérotonine élevé – complètement absent de leur régime alimentaire habituel et auquel ils s'avéraient manifestement hypersensibles… Chez un humain, la dopamine et la sérotonine s'éliminaient trop vite pour atteindre le cerveau et produire réellement l'effet euphorisant que la culture populaire leur attribuait. Mais sur des Vulcains, « l'hormone du bonheur » avait été une réalité observable !

McCoy avait noté cette information dans le dossier médical de Spock. Il aurait préféré pouvoir la garder secrète au nom de la confidentialité des consultations. Hélas, le capitaine ne lui avait pas laissé le choix, en réclamant avec insistance un rapport précis sur l'état de santé de son second.

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Kirk laissait Stevens piloter la navette pour remonter à bord de l'Enterprise. Sans y penser sérieusement, il se disait que cette poudre miraculeuse aurait pu grandement faciliter l'intégration sociale de Spock à bord si quelques pincées s'étaient retrouvées de temps en temps dans son thé...

Depuis qu'il avait rempilé pour une nouvelle mission quinquennale, l'homme aux oreilles pointues ne s'en était jamais vraiment ouvert à lui, mais le capitaine se doutait que son second hésitait entre deux loyautés : son vaisseau et sa patrie. Kirk savait aussi que l'affection du lieutenant Uhura pouvait retenir Spock sur l'Enterprise et dans le giron de Starfleet. Il n'avait pas l'intention de se mêler de leur relation et n'espérait rien d'autre que retenir deux officiers compétents à son bord.

Mais malgré leurs caractères patients et prudents, malgré la pudeur de leurs sentiments bien réels, les deux tourtereaux se retrouvaient encore quelquefois en butte à des incompréhensions culturelles qui pouvaient leur faire reprendre leurs distances. Et c'était encore le cas en ce moment. Pour avoir essayé de cuisiner Uhura dans l'ascenseur (et s'être fait encore une fois rembarrer), il subodorait que ce devait être une grosse affaire. L'officier des communications resterait sûrement, mais Spock ? Kirk n'était plus sûr de rien.

Sans prévenir quiconque, il était allé discuter avec l'ambassadeur vulcain pour tâcher de comprendre pourquoi cet excellent élément de Starfleet envisageait d'abandonner poste et carrière sans sourciller (et sans jeu de mot). Son interlocuteur avait été clair : sa planète était détruite mais la survie de leur peuple restait possible à condition que tous les hommes en âge de procréer se marient et fassent des enfants…

Sous cet éclairage, il ne fallait pas être supérieurement futé pour déduire que le commandeur avait dû faire sa demande en mariage. Le lieutenant Uhura lui avait certainement réclamé un délai… Sans être fermée à l'idée d'avoir des enfants, une femme brillante comme elle n'était certainement pas prête à jeter si rapidement aux orties des années de formation à l'académie de Starfleet. Et il y avait par-dessus tout une donnée inconnue dont il était délicat de parler : personne ne savait si leurs bébés seraient viables, la naissance et la survie de Spock lui-même ayant été un vrai miracle.

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Stevens finissait les manœuvres pour atteindre le hangar d'appontage, et le capitaine regardait l'espace en caressant distraitement sa lèvre du pouce. Il devait reconnaître aussi qu'il avait aimé avoir un aperçu de son ami – le Vieux Spock lui avait certifié qu'il était son ami – sous un aspect plus « humain », ne serait-ce que pour connaitre la tête qu'il avait lorsqu'il souriait et semblait heureux.

Sans le dire pour ne pas l'offenser, il pensait au fond que Spock avait dû encaisser à pleine charge le féroce conditionnement vulcain, et que cela n'avait sûrement rien de juste pour un enfant qui en aurait eu « logiquement » moitié moins besoin que les autres…

Il était par contre bien sûr que Spock nierait une fois dégrisé et peut-être même le regarderait avec une déception discrète. Connaissait-on jamais les gens ? méditait-il en regardant l'espace. Il avait eu la preuve sous les yeux qu'une fois privé de ce carcan qu'il s'imposait, Spock pouvait montrer qu'il n'était ni sévère, ni froid, et même plutôt… charmant.

L'incident avec Nyota survenait et il ne s'autorisait aucune réaction. Ni bouleversement, ni amertume, ni déception d'être laissé mariner, quoiqu'avec tact et douceur.

Et puis surgissait alors cette troublante et grave beauté qui le dévorait des yeux de façon si tangible et incommodante... Trois cuillères de cacao sucré plus tard, le cerveau de Spock s'était fait l'esclave docile de ses aspirations secrètes. Combien de nanosecondes avait-il fallu pour qu'il souligne que Romuliens et Vulcains restaient complètement compatibles génétiquement ? Combien d'autres pour que l'hypothèse d'une telle union lui semble pleine de sens et raisonnable ? En lui offrant l'opportunité d'être tout aussi iconoclaste que son père, celle de trouver une hybride qui soit presque sa semblable, celle de faire son devoir envers son peuple et de rendre hommage – effectivement – aux idéaux du Vieux Spock… Voire l'éventualité d'attendre le pon farr avec plus d'impatience ?

Kirk sourit à cette indigne petite blague silencieuse et soupira en sentant la navette s'arrêter définitivement.

Avec T'Priss, Spock aurait certes pu augmenter ses chances d'avoir de beaux bébés (ça oui !), mais les divergences culturelles entre Vulcains et Romuliens étaient peut-être encore pire à affronter une fois chacun revenu à son état normal. Le tempérament « passionné » d'une Romulienne aurait sans doute été pour lui un cauchemar au quotidien.

Une demi-romulienne, lui souffla son cerveau pendant qu'il mettait un pied sur le dock.

Il fit taire ces fantasmagories en voyant Spock droit comme un i, l'attendre près de la porte.

— Commandeur, le salua-t-il brièvement. Je vois qu'au moins le téléporteur fonctionne parfaitement, vous semblez être en un seul morceau. Vous avez un rapport de situation à me faire ?

— Tous les systèmes du vaisseau sont mis à jour et opérationnels après le passage sur la Base Stellaire 12… Évidemment, il ne se trouvait aucun tribule à bord. Le Dr McCoy est rentré également, il tient à ce que je passe un scanner. Si vous aviez besoin de moi sur la passerelle, je serais ravi de pouvoir reporter cet examen superflu.

— Peut-être devriez-vous y aller… Vous savez qu'il a sa propre technique de prise vulcaine à base d'hypospray… Vous savez aussi qu'il est obligé de vous coller une dose de cheval et que vous ressentez un effet désagréable à chaque fois… C'est normal qu'il s'inquiète pour vous, cette petite perte de mémoire n'est peut-être rien, mais il s'en voudrait d'avoir laissé passer quelque chose. Les interactions pharmacologiques sur votre physiologie littéralement unique sont inconnues... Je vous accompagne si vous voulez, c'est sur mon chemin.

Jim afficha la mine la plus débonnaire de son répertoire tandis que Spock le scrutait d'un œil aussi détaché que possible. Il ouvrit la bouche quand les portes de la zone d'appontage se furent refermées. Il fallut quelques mètres vers l'ascenseur pour qu'il se décide à parler.

— Capitaine, est-ce que…

Il se tut brusquement parce qu'un enseigne venait de monter avec eux dans la cabine blanche brillamment éclairée. Kirk était amusé en surface mais aussi touché à un niveau plus profond qu'il vienne le trouver ainsi sans prétexter qu'il avait des calculs urgents à huit décimales après la virgule. L'enseigne les quitta rapidement, au grand soulagement de Spock qui put enfin s'en ouvrir à son supérieur.

— Capitaine, est-ce que… Est-ce que j'aurais montré un comportement… déplacé ou inapproprié pendant le temps que nous avons passé à finir d'attendre l'Enterprise ? demanda-t-il tout à trac.

— Qu'est-ce qui diable peut bien vous faire penser cela ?

— Eh bien, j'ai souvenir de vous m'ayez qualifié de « rustre » alors il me semble légitime de poser la question.

Les portes du turbolift s'ouvrirent à l'étage de l'infirmerie en chuintant doucement et Kirk lui fit signe de passer le premier.

— Ah, ça ? Non, ce n'est rien. Oubliez. Vous étiez préoccupé et désireux de finir les analyses du Dr McCoy au plus vite, ce que je comprends très bien.

Le capitaine sortit et longea la coursive aux murs blancs jusqu'à l'infirmerie dans l'espoir que Spock le suive. Mains dans le dos, ce dernier lui emboîta le pas de ses longues jambes, sans le lâcher d'une semelle.

— Vous me certifiez que je n'ai rien fait qui puisse avoir donné à l'ingénieure T'Priss l'impression que je souhaitais… m'engager envers elle ?

Kirk sourit en coin en actionnant l'ouverture des portes et ils pénétrèrent dans l'antre de McCoy. Contre toute attente, la vaste pièce avait des murs d'un ton gris-bleu plus foncés qu'on ne s'y serait attendu en un tel symbole de l'asepsie clinique, et un éclairage résolument non-violent, compensé par les nombreux écrans de contrôle rayonnant d'une luminosité aquamarine.

— M. Spock, votre comportement est toujours irréprochable. Cela vous a coûté mais quand je vous ai demandé de vous montrer un peu plus sociable avec l'ingénieure T'Priss, vous l'avez fait. Et comme d'habitude, vous avez dépassé mes attentes…

— Puis-je souligner que vous restez vague, capitaine ?

Kirk éluda le temps de demander à une infirmière si le docteur était disponible pour un scanner crânien et se vit répondre qu'il était avec une autre patiente mais arrivait tout de suite. Kirk vérifia en regardant par-dessus l'épaule du Vulcain mais se montra réticent à répondre.

— Vous m'en voudrez si je vous le dis. En plus, ce ne serait pas correct que vous l'appreniez par moi plutôt que par votre médecin personnel. C'est vrai que vous avez subi des effets secondaires. McCoy va vous en dire plus…

— Capitaine…

James aurait juré qu'une menace sous-jacente affleurait dans son ton. Il pouvait le vérifier chaque jour : plus volontaire et plus assuré que sa contrepartie de l'univers « d'avant Nero », ce Spock était nettement moins flegmatique. Il avait davantage de répartie et celle-ci pouvait virer au sarcasme quand on venait l'asticoter… Balançant au seuil de l'éthique et de la bienséance en tant que capitaine, en tant qu'ami toutefois, il ne put pas résister :

— Ok, tout à fait en off alors …

Jim grava dans sa mémoire le visage tendu d'un Spock sur les charbons ardents et il sourit de malice avant de lâcher :

— Mon vieux, je n'aurais pas parié dessus… mais vous emballez comme un champion !

Un bref éclair de panique flasha dans les yeux du Vulcain.

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Dans sa tenue blanche immaculée, le Dr McCoy termina de consulter sur le tableau de bord récapitulatif les relevés rassurants concernant T'Priss, puis commanda le retrait de la table d'examen pour la désengager du scanner. Spontanément, il aida la jeune femme à descendre, posant une main légère sur son dos et l'autre lui tenant le bras, comme s'il craignait qu'elle ne tombe.

— Et voilà, ma chère, c'est terminé. Vous êtes en parfaite santé et bonne pour le service.

Jim releva aussitôt le geste que Bones avait exécuté sans y penser. Avec un bref temps de retard, le médecin réalisa ce qu'il venait de faire et rompit le contact pour saisir le premier pad à portée, en essayant vainement d'avoir l'air naturel. Les commissures à peine relevées, T'Priss ne fit pas d'esclandre pour si peu – Dieu bénisse les Romuliennes ! Comme eux tous, le docteur était tombé immédiatement sous son charme à la fois capiteux et doux, son bon cœur ressentant sans doute encore plus la détresse et la solitude affective qu'elle cachait sous un étrange élan retenu. Prête à bavarder avec des Terriens, ça en disait long…

— Je n'en doutais pas mais votre attestation rassurera néanmoins mes employeurs. Je vous remercie… Leonard.

L'intéressé afficha un sourire radieux en l'entendant l'appeler par son prénom et Jim enregistra aussi la transformation radicale de sa physionomie… Avant que ce dernier ne tombe amoureux, le capitaine s'avança vers eux de quelques pas, interrompant hélas ce petit moment délicieux.

— Bones ! Je vous ai amené Spock pour un check-up, annonça-t-il tout de go. Ingénieure T'Priss, si vous êtes prête à redescendre sur Dannus IV, je vais vous reconduire jusqu'à la salle du téléporteur…

Après un dernier coup d'œil pétillant sur « Leonard », elle passa devant Spock avec hauteur en se contentant d'un salut bref. Cette distance semblait d'autant moins naturelle qu'elle tranchait avec le traitement qu'elle réservait au doc et à lui-même... Spock ne sembla pas s'en émouvoir ou plutôt il s'en émut à sa façon opaque. Seul un œil très exercé pouvait le discerner au renflement de sa lèvre inférieure.

Avec un sens impeccable du timing, la silhouette fine et élancée du lieutenant Uhura franchit le seuil de l'infirmerie au même instant. La gêne s'accrut en des proportions insoupçonnables. Pris entre deux femmes qu'il avait contrariées en un laps de temps assez court, Spock était évidemment en assez mauvaise posture. Il resta spectaculairement atone.

— Pourrais-je vous dire un mot en privé, commandeur, quand vous en aurez terminé ? exigea la fiancée inquiète, après un salut minimal d'une indifférence étudiée pour une rivale supposée.

— Bien sûr, lieutenant, répondit-il machinalement avant de se tourner un peu trop précipitamment vers le médecin-chef. Docteur, je suis prêt.

Jim se garda d'intervenir directement. Via une fusion mentale avec le Vieux Spock, une cérémonie de mariage extrêmement étrange avait été déversée dans sa tête. Si Nyota était également au courant des unions arrangées vulcaines, elle ne pouvait que s'inquiéter après la façon dont Spock et elle devaient s'être brouillés, et en constatant la présence d'une splendide « compatriote ».

Navrée, T'Priss chercha des yeux le capitaine pour la tirer de cette situation pesante, ce qu'il fit bien volontiers. Jim savait que son petit numéro de tombeur inconséquent agaçait Uhura depuis l'Académie. Il lui fut facile d'y recourir un peu pour détourner les soupçons sur lui tout en embarquant la belle. Pour son équipage, il était prêt à tous les sacrifices…

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Quelques minutes plus tard, T'Priss se plaçait au centre de l'un des emplacements lumineux disséminés sur le socle rouge du téléporteur. Jim avait déjà abandonné son rôle de charmeur, et il l'encouragea d'un sourire.

— N'en voulez pas trop à M. Spock. Il est sûrement mortifié à l'heure qu'il est.

— Je le suis aussi. Si j'avais su qu'il était fiancé, je ne me serais pas permis de lui parler si directement et j'aurais évité de me couvrir de ridicule.

— Mais non. J'imagine que la plupart de ceux qui vous ont croisée ont été ravis de voir que vous étiez très différente de l'idée qu'ils se faisaient d'une dame "vulcaine" car vous êtes sans nul doute bien plus abordable que le commandeur Spock qui les intimide.

— Je ne sais pas. Il m'a semblé que j'intimidais vos gens aussi.

— Pas pour les mêmes raisons, la flatta-t-il avec un petit coup d'œil par en dessous pour guetter comment elle le prenait, tout en pianotant le programme sur la console.

Elle ne fit qu'esquisser un sourire avec une expression difficile à décrypter. Il essaya de se dire que McCoy et lui-même n'étaient que des seconds choix dont elle n'acceptait le badinage galant que faute de prétendants ouverts d'esprit. Il n'y aurait vraisemblablement aucun mariage pour elle tant que la paix ne serait pas établie entre les deux peuples dont elle était issue… Et c'était bien triste.

Par courtoisie, il exécuta un bref salut romulien : le bras croisé sur la poitrine et le poing à l'épaule.

— Portez-vous bien, dit-il seulement. Et… évitez le chocolat dorénavant.

— Ou peut-être pas, finalement ? répondit-elle en cachant son émotion derrière un soupçon d'espièglerie.

Derrière la paroi de verre qui protégeait la console de contrôle, Kirk laissa planer sa main au-dessus de la manette, retenu par un petit regret lui aussi, puis il baissa les yeux.

— Capitaine ?

Etonné, il releva la tête pour la voir exécuter à son tour un improbable « salut terrien », absolument pas protocolaire, et peut-être enseigné par les gens de l'avant-poste. Il consistait à embrasser le bout de ses doigts et à souffler dessus comme pour envoyer un baiser avec un clin d'œil et un merci.

Le sourire aux lèvres et l'esquif de son cœur qui pouvait chavirer d'un instant à l'autre, Jim activa la téléportation et la regarda disparaître dans un orage de photons. C'était toujours comme ça dans sa vie. Il ne pouvait jamais que croiser les gens lorsqu'il était en mission. Sauf son équipage, évidemment.

Au moins, quand il inviterait Bones à prendre un verre au bar, auraient-ils quelque chose d'agréable à se remémorer : le souvenir de cette journée que Spock allait certainement s'empresser d'enterrer à grands coups de méditations. Et ils se tiendraient compagnie, dorlotant l'assurance d'avoir été furtivement les seconds choix les plus heureux au monde.

Il allait ressortir de la salle désertée quand, du coin de l'œil, il vit soudain apparaître sur le plot de téléportation où elle se trouvait quelques secondes avant, un petit paquet cylindrique étiqueté « Pour Leonard et James ». Posée à côté, une courte note précisait : « J'ai trouvé comment suivre votre conseil – T'Priss ». Il sut ce que c'était avant même de déchirer le papier d'emballage.

Nostalgique mais serein car il savait ce qu'il avait à faire, il retourna dans ses quartiers spartiates remballer ses rêveries et le cadeau en un paquet propre. Puis en s'appliquant, il colla dessus une nouvelle étiquette où il inscrivit après un instant de réflexion « Elixatura consolans » et « Pour Leonard, faites-en bon usage ».

Avec sa belle gueule, il n'était pas privé d'œillades féminines, ni de les entendre s'extasier sur son passage à propos de ses yeux, de ses lèvres « sensuelles »… ou d'autres parties de son anatomie. Mais Bones ? Pour être docteur – et tout autant retenu par l'éthique professionnelle – son ami au charme rugueux n'en était pas moins homme…

Avant de regagner la passerelle, il appela l'infirmerie.

— McCoy, passe dans mes quartiers après ton service. Quelque chose est arrivé pour toi par la valise diplomatique.

Cela fait, il s'en fut regagner la passerelle d'un pas énergique, laissant bien en évidence sur son bureau ce qui était très certainement l'ultime boîte de chocolat en poudre restant encore dans tout l'univers.




FIN

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Note de l'auteur

* Cette justification est du grand n'importe quoi.

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