La Porte des Etoiles : Histoire d'un aller et retour

Chapitre 1 : La Porte des Etoiles : Histoire d'un aller et retour

Chapitre final

7583 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/11/2023 12:28

Le colonel Jack O’Neill s’éveilla avec l’impression qu’un vaisseau-mère Goa’uld s’était abattu sur son crâne. La douleur lui vrillait les tempes et déferlait jusque dans ses cervicales sans lui laisser la moindre échappatoire. Alors qu’il tentait de lever la main pour masser son front endolori, il réalisa qu’il ne pouvait pas bouger. Ce simple constat suffit à le tirer pour de bon de sa léthargie. 

De solides cordes le maintenaient prisonnier. Grossières, trop serrées, mais nouées avec une redoutable efficacité. Comment Diable s’était-il retrouvé ainsi ligoté ? Il ouvrit les yeux, avide d’explications susceptibles de raviver sa mémoire pour l’instant défaillante. 

L’obscurité l’entourait, à peine percée par quelques torches crépitantes dont le faible éclat suffisait à peine à rendre discernables les contours de la grotte dans laquelle il se trouvait. Il fronça les sourcils. Une grotte… oui, il s’en souvenait à présent. La Porte des Étoiles les avait menés dans un réseau complexe de galeries souterraines. Vide, bien sûr, de toute forme de vie. Ou du moins l’avaient-ils cru jusqu’à présent. Car si le choc qui l’avait assommé aurait très bien pu s’apparenter à la soudaine chute d’une stalactite tant il s’était avéré fulgurant et imprévisible, les cordes qui le retenaient attestaient bien de la présence d’une quelconque présence intelligente dans les environs. 

Un gémissement, à sa droite, attira son attention. Pelotonné contre un mur, il identifia la silhouette d’un corps aussi bien saucissonné que le sien, en un peu plus menu toutefois.

—   Carter ? appela-t-il. 

—   Mon colonel ? Où… où sommes-nous ? Que s’est-il passé ? 

Jack soupira de soulagement. 

—   Je l’ignore, avoua-t-il. Quelque part dans les grottes, sans doute. 

—   Vous savez ce qui nous a attaqués ? 

Jack détourna la tête à la recherche d’autres corps potentiels. Les ombres lui masquaient une grande partie de la caverne et l’empêchaient de distinguer quoi que ce fût au-delà d’à peine un ou deux mètres. Il supposa toutefois que Teal’c ne se trouvait pas dans les parages : plus résistant qu’eux, il se serait à coup sûr réveillé plus tôt et aurait sans aucun doute déjà signalé sa présence aux deux Terriens.

—   Je n’en ai pas la moindre idée, répondit-il dans le même temps. 

—   Nous sommes seuls, Colonel ? 

—   J’en ai bien l’impression. 

Il entendit Samantha bouger. Vaincu par les ténèbres environnantes, il reporta son regard sur elle, pour la découvrir occupée à tenter de ramper vers lui. Il s’en sentit aussitôt rassuré, car ses efforts lui montraient qu’elle n’était pas blessée. 

—   Colonel, je crois que j’ai une idée pour nous débarrasser de ces cordes. 

Il arqua un sourcil, intéressé. 

—   Allez-y ? 

—   J’ai l’impression que la chose qui nous a attachés nous a mal fouillés. Je crois que j’ai toujours un couteau dans ma poche. 

Jack baissa aussitôt les yeux sur son propre équipement. La faible lumière l’empêchait de bien distinguer les plis de ses vêtements, mais il lui sembla repérer une petite bosse sur le flanc de son gilet, dans l’une de ses poches. 

—   Je crois que j’ai toujours le mien aussi, annonça-t-il. Vous penseriez pouvoir l’attraper ? 

—   Je peux essayer.

Enthousiasmé par ce soudain espoir, Jack entreprit de ramper à la rencontre de sa camarade. Il s’assura ensuite de pouvoir la laisser accéder à sa poche. Attachés comme ils l’étaient, leurs gestes se limitaient à une faible rotation du poignet, aussi durent-ils se contorsionner pour que la main de la jeune femme se retrouve au niveau de la poche incriminée. Elle peina à tirer la fermeture éclair et plus encore à glisser ses doigts entre les deux morceaux de tissus ainsi séparés. 

—   Ça vient, Carter ? s’impatienta Jack. 

—   C’est un peu délicat, Colonel… répondit-elle. Je fais ce que je peux… 

Un instant plus tard, elle lâcha une petite exclamation de triomphe.

—   Je l’ai. 

Avec mille précautions pour ne pas le lâcher par inadvertance, elle entreprit de le déplier pour, ensuite, découper ses liens. Elle s’entailla le poignet lorsqu’elle voulut glisser la lame entre la corde et sa peau, peina à lui faire mordre les fils, mais parvint finalement, au prix de longs efforts et de souffrance silencieuse, à sentir l’entrave se desserrer à mesure que les brins cédaient les uns après les autres. Une dernière secousse sur l’outil, et elle se retrouva les mains libres. 

—   Ça y est ! s’exclama-t-elle à voix basse. J’ai réussi, Colonel. 

—   Parfait, Carter. Dépêchez-vous de me libérer, qu’on puisse sortir d’ici. 

Elle s’exécuta en vitesse. Bientôt, tous deux se relevèrent en étirant leurs muscles endoloris. Leurs regards furetaient d’un bout à l’autre de la grotte, aussi loin que le faible éclairage leur permettait de distinguer des détails dans les ténèbres. L’un comme l’autre recherchaient des traces de leurs deux camarades disparus, ainsi que de leur équipement – radios comme armes leur avaient de toute évidence été confisquées.

Avant de quitter la caverne, ils attrapèrent une torche chacun. L’éclairage ne valait pas les lampes électriques, mais au moins leurs permettaient-elles de discerner les reliefs du sol sous leurs pieds. D’un regard, Jack signifia à Samantha qu’il passait devant, couteau sorti à défaut de quelque chose de plus performant. Ils s’engagèrent alors dans les boyaux, à l’affût du plus petit son, du plus léger mouvement dans les ténèbres en périphérie du halo de lumière, dans l’espoir de retrouver leur chemin, leurs affaires, et, bien sûr, leurs camarades. 

*****

Quelque part, bien plus bas dans les tunnels, Daniel Jackson retenait son souffle, caché derrière un épais rocher, dans une caverne si spacieuse qu’un petit lac s’y était formé. Il s’était retrouvé séparé du reste de l’équipe SG-1 après s’être arrêté pour inspecter une lance grossièrement taillée qu’il avait trouvée posée au sol. L’arme l’avait d’ailleurs surpris, tant par son aspect archaïque que par sa taille minuscule. Elle semblait en effet façonnée pour un enfant. 

Le temps d’héler ses camarades pour leur faire part de sa découverte, ils avaient disparu. Emportés par une bande de petites créatures laides au possible, vêtues de pagnes grossiers, équipés de coutelas et de piques aussi préhistoriques que la lance. Par prudence, Daniel avait choisi de rester discret et d’attendre que ces choses soient passées devant lui pour les suivre. Il avait fait l’erreur de se fier aux torches pour éclairer sa route, avait éteint sa propre lampe pour ne pas se faire repérer, et était passé au travers d’une planche un peu trop fine pour supporter son poids. 

La chute lui avait coûté son coude droit. 

Il s’était réveillé seul, dans l’obscurité la plus totale, mais avait, par chance, réussi à récupérer son arme et sa lampe de poche. Depuis, il errait, en quête désespérée de la sortie. Ses pieds commençaient à le faire souffrir, il avait soif et craignait de s’être perdu dans les galeries labyrinthiques qu’il arpentait. Aussi, la vue de ce lac souterrain providentiel l’avait presque enthousiasmé. Il avait cependant décidé de s’arrêter pour observer, de peur de rencontrer une créature malveillante. 

Alors qu’il étudiait du regard les berges désertes, son esprit ne cessait de ressasser les mêmes questions en boucle : qu’étaient donc ces êtres qui avaient enlevé ses camarades ? Leur forme humanoïde, quoique rachitique, lui rappelait les légendes de son enfance. Si les Goa’ulds avaient inspiré par leurs noms et leurs pouvoirs moultes divinités à travers le monde et les époques, auraient-ils aussi possédé des serviteurs dont l’apparence aurait pu générer, dans l’imaginaire terrien, des lutins, farfadets et autres gobelins ? 

Il fut tiré de ses pensées par une voix pour le moins inquiétante. Haut perchée, ponctuée d’une toux grasse, elle chantait des mots difficilement compréhensibles. Daniel identifia cependant quelque chose de semblable à l’anglais. Les sourcils froncés, il se concentra davantage. Pas de doute : la langue qu’il percevait dans les ténèbres de la caverne se rapprochait bien de la sienne. Plus britannique qu’américaine, peut-être, mais bel et bien similaire à ce qu’il connaissait. 

Prudent, il osa s’avancer de quelques pas, le faisceau de sa lampe de poche braqué devant lui. Bientôt, il distingua une silhouette famélique à la peau spectrale occupée à éviscérer le corps sans vie d’un des êtres qu’il avait rencontrés plus tôt. Il baissa cependant le canon de son arme. L’être vivant mesurait en effet à peine la taille d’un enfant.

—   E… excuse-moi ? 

Sa voix, bien que peu assurée, se répercuta entre les parois de pierre. La créature cessa de chanter et se retourna avec lenteur, révélant un corps plus décharné encore que ce que Daniel avait constaté au premier abord. Son crâne démesuré par rapport à la taille de son corps ne comportait que quelques rares cheveux, tandis qu’un pagne sale et déchiré habillait ses hanches saillantes. Le sourire édenté, mauvais, qu’il adressa au Terrien le laissa frémissant d’inquiétude. Mais plus terrifiants encore étaient ses yeux, deux véritables soucoupes livides où transpiraient démence et famine. Daniel déglutit avec peine, la bouche soudain asséchée. Son doigt tremblait sur la détente de son arme. Ce regard n’appartenait pas à un enfant. Ou alors, un enfant brisé, dont l’âme avait été exposée à trop de violence et de mauvais traitements. 

—   Qu’est-ce que c’est, mon précieux ? demanda la créature de sa voix gargouillante. Ça se mange ? 

—   Non, ça ne se mange pas, répliqua aussitôt le Terrien. Je suis perdu, je recherche mon chemin dans ces galeries. Qui es-tu ? Et… qu’es-tu ? 

L’enfant – si c’en était bien un – s’approcha. Daniel remarqua qu’il se déplaçait à quatre pattes, comme un animal. Mais pouvait-il croire que cette chose pût être humaine ? Méfiant, il la mit en joue.

—   Reste à distance ou je tire ! s’exclama-t-il. 

Son interlocuteur approcha avec un ricanement mauvais.

—   Tirer quoi, mon précieux ? Ça n’a ni flèches, ni lance, ni corde. Gollum ! Gollum ! Nous allons pouvoir arracher ses petits yeux et les gober, et l’écorcher pour manger ses entrailles ! 

Daniel fut surpris de remarquer que sa toux ressemblait presque à un mot. Ses paroles, toutefois, l’effrayèrent, d’autant que la lueur affamée dans ses yeux ne s’éteignait pas. Enfant ou pas, il allait le tuer s’il ne réagissait pas. Il se résigna donc à appuyer sur la gâchette de son arme. 

La détonation se répercuta dans la caverne avec une telle force que des poussières tombèrent du plafond. La balle, quant à elle, ricocha sur le sol de pierre à côté de la créature, brisant un petit caillou dans sa course et arrachant à l’être humanoïde un hurlement de terreur. Il plaqua ses mains contre ses oreilles, son corps rachitique recroquevillé sur place. 

—   Ça crie comme le tonnerre, mon précieux ! Quelle horreur, oh, quelle horreur…  

Daniel sentit la culpabilité l’envahir. Il baissa son arme. 

—   Je te promets de ne plus recommencer si tu promets de ne pas me faire de mal. 

Malgré l’anxiété qu’il ressentait – et un certain remords devant la panique de son interlocuteur, qui n’avait de toute évidence jamais croisé d’armes à feu de sa vie –, Daniel trouva sa voix étonnamment posée. La créature hocha la tête de manière frénétique. 

—   Tout ce que ça voudra si ça n’appelle plus le tonnerre ! Gollum ! Gollum ! 

Daniel baissa avec une lenteur délibérée le canon de son arme. 

—   Parfait. Relève-toi, je ne te ferai rien. 

La chose lui jeta un regard en coin et fit quelques pas en arrière par pure prudence. 

—   C’est magicien, ça ? demanda-t-elle. 

Le tremblement de ses lèvres fines inspira une telle pitié à Daniel qu’il s’agenouilla pour la rassurer. 

—   Je ne dirais pas magicien, répondit-il avec douceur. Je viens d’un monde où nous avons appris à fabriquer des armes qui crachent leurs projectiles de manière bien plus efficace que nous le serions avec des arcs ou des arbalètes. 

—   Un autre monde ? C’est impossible, mon précieux. Il n’y a pas d’autres mondes. Il n’y a que les étoiles dans le ciel et le vilain soleil. Non mon précieux, ça nous ment… oui, ça nous ment… 

Daniel crispa la main sur son arme. Plus il entendait cette créature parler, plus elle lui semblait folle. Il se demanda depuis combien de temps elle errait ainsi dans les grottes, et à quand remontait sa dernière rencontre avec un être vivant doué d’intelligence. 

—   Je ne te mens pas, reprit-il toutefois sur le même ton. Il y a, quelque part dans ces grottes, une grande arche de métal. Tu la connais ? 

La créature hocha la tête. 

—   Cette arche est ce qu’on appelle une Porte des Étoiles. Un passage vers d’autres mondes, pour peu que l’on en connaisse les coordonnées. 

—   Pourtant, jamais personne n’en est sorti ni n’y est entré. Non. Même les gobelins ne se risquent pas à traîner autour de cette chose, non non non ! 

—   Peut-être que personne ici ne sait comment l’activer, supposa Daniel. Et peut-être que personne n’a jamais trouvé utile de revenir ici depuis d’autres mondes. 

La créature ne répondit pas. Elle se détourna de Daniel, ramassée sur elle-même, en murmurant des propos incohérents que le Terrien n’essaya même pas de comprendre. Il imaginait sans peine sa perplexité. 

—   Quel est ton nom ? lui demanda-t-il au bout de quelques instants, mal à l’aise. 

Son interlocuteur se retourna, un peu perplexe. 

—   Nous n’avons pas de nom, déclara-t-il d’un ton détaché. Nous n’en avons plus. Gollum !

Daniel fut surpris de constater qu’il paraissait déçu. Son cœur se serra. 

—   Comment cela ? Tu es seul ici, petit ? Quel âge as-tu exactement ? 

La créature lui jeta un regard étrange. 

—   Petit ? Nous ne sommes pas « petit » ! Nous ne savons plus depuis combien de temps nous vivons, mais nous ne sommes pas « petit » !

Daniel s’empressa de le rassurer. 

—   Je suis sincèrement désolé. Vous… vous n’êtes pas un enfant ? 

—   Non ! s’exclama son interlocuteur avec hargne. Les enfants, nous les mangeons ! 

Il prit un air presque rêveur qui fit frissonner le pauvre terrien.

—   Surtout les bébés. De délicieux bébés joufflus. Ah, qu’est-ce que ça nous manque, cette chair tendre et fraîche…

Daniel sentit un haut-le-cœur l’envahir. Il préféra changer de sujet.

—   Alors, heu… comment souhaitez-vous que je vous appelle, heu… Monsieur… ?

La surprise transparut dans les pupilles dilatées de la créature.

—   Ça… ça veut nous donner un nom, mon précieux… un nom rien qu’à nous, comme autrefois… Gollum ! 

—   Gollum ? proposa le Terrien aussitôt. Est-ce que cela vous irait ? Ou peut-être préfèreriez-vous quelque chose d’autre… Harlod, par exemple ? 

La créature secoua la tête non sans se parler à elle-même. 

—   Non, mon précieux, ça n’était pas notre nom, n’est-ce pas ? Non, c’était autre chose, quelque chose de plus long… 

Son regard s’illumina alors. 

—   Est-ce que ça a un nom, mon précieux ? demanda-t-il comme s’il parlait toujours seul. 

—   Je m’appelle Daniel Jackson, répondit l’intéressé. 

Un silence s’installa. Daniel perçut le clapotis de l’eau, ainsi que, plus loin dans les tunnels, le mugissement d’une créature inconnue. Il s’empressa de pointer son arme dans la direction du cri. 

—   Qu’est-ce que c’était ?

Son interlocuteur – que Daniel se décida à appeler Gollum – émit un sifflement. Le terrien comprit un instant plus tard qu’il riait. 

—   C’est un gobelin, n’est-ce pas, mon précieux ? Un bon gobelin juteux, plus frais que les œufs de cafard.

Le regard affamé qu’il lui lança ne lui plut pas du tout.

—   Quel goût ça a, Daniel Jackson, mon précieux ? se demanda Gollum. 

—   Je vous l’ai dit, je ne suis pas comestible ! se défendit-il. 

Il esquissa plusieurs pas en arrière et releva son arme. À présent qu’il savait que cet être dément n’était pas un enfant, il n’aurait aucun scrupule à le blesser s’il menaçait sa vie.

—   Ne vous approchez pas de moi, sinon je fais revenir le tonnerre ! 

—   Pitié, non ! s’exclama Gollum. 

Il recula en vitesse, les bras croisés devant son visage. 

—   Alors cessez de vouloir me manger. J’aimerais retrouver mes compagnons et m’en aller de ces grottes sordides au plus vite. 

—   Il y a d’autres Daniel Jackson ici ? 

—   Ils ne sont pas plus comestibles que moi, je vous assure, martela-t-il d’un ton mordant. Mais ils ont été enlevés par de petites créatures malveillantes. 

Il désigna d’un geste le cadavre derrière Gollum.

—   Des créatures comme celle-là, acheva-t-il. J’aimerais les retrouver et les libérer. 

—   Oh, mais il ne pourra pas les libérer, mon précieux ! Non non non, il ne pourra pas… 

Gollum lui adressa un sourire édenté terrifiant. Il se mit à chantonner : 

—   Les gobelins les ont attrapés, comme nous attrapons les poissons. Ils vont les découper et les cuire. Ils vont en faire du ragoût et du rôti, et prendre leurs affaires pour s’en servir. 

Son rictus disparut. Ses sourcils se froncèrent. Il avança d’un pas en direction de Daniel, qui recula en conséquence, son arme braquée sur lui. 

—   Oui, mon précieux. Ils vont faire ça, et ne rien nous laisser des Daniel Jackson. Et nous ne pourrons même pas les goûter pour savoir s’ils ont la chair plus tendre que les gobelins ! 

Une série de gémissements plaintifs lui échappèrent. Daniel se sentit perplexe. La folie de Gollum le mettait de plus en plus mal à l’aise. S’il ne craignait pas autant de finir éviscéré comme le gobelin, il aurait tenté de l’aider. Il aurait même essayé de le ramener à travers la Porte des Étoiles pour lui offrir des soins psychologiques. Mais accepterait-il seulement d’être aidé ? Accepterait-il de les suivre alors même qu’il l’accusait de mentir ? 

Tout à ses questionnements, il réalisa soudain que Gollum s’était tu et qu’une rumeur bien plus inquiétante que ses larmoiements enflait depuis les boyaux obscurs. Il jeta un œil derrière lui. Alors que le sol se mettait à vibrer, la créature se mit à paniquer. 

—   Ils arrivent, mon précieux ! Nous devons nous cacher, vite ! Vite ! Ils ne doivent pas nous trouver ! 

Daniel n’eut pas le temps de l’arrêter qu’il s’était déjà enfui en direction du lac. Il disparut derrière un rocher. 

—   Gollum, attendez ! Qui arrive ?

Sa voix se répercuta dans la caverne, mais l’interpellé ne répondit pas. En revanche, un premier gobelin surgit de nulle part, une hache de pierre levée au-dessus de sa tête. Par réflexe, Daniel fit feu. L’immonde assaillant s’effondra au sol avec une série de gargouillis écœurants. Déjà, deux de ses camarades s’élançaient par-dessus son corps agité de spasmes pour attaquer à leur tour. Daniel recula, le doigt crispé sur la détente de son arme. Une nouvelle série de balles crépita et les deux créatures rejoignirent leur compère dans la mort. 

Daniel n’attendit pas que d’autres gobelins sortent des ténèbres. Il s’élança dans les tunnels à l’aveuglette dans l’espoir d’échapper à la horde qui menaçait d’inonder la caverne. 

*****

Quelque part plus haut dans les grottes, Samantha et Jack couraient aussi pour leurs vies, suivis d’un Teal’c déterminé à en découdre avec leurs poursuivants. Ils l’avaient retrouvé presque momifié tant les cordes qui l’entravaient étaient serrées autour de lui, enfermé dans une cage de bois solide aux pieds d’une immonde créature graisseuse presque trois fois plus grande que ses serviteurs. D’un commun accord, ils avaient choisi de créer un fumigène pour disperser les gêneurs et récupérer leur matériel, que les gobelins avaient à moitié démantibulé pour satisfaire leur curiosité. 

La supercherie avait cependant bien vite été découverte. Ils avaient tout juste eu le temps de récupérer leurs armes et de libérer le Jaffa avant que les hordes de créatures ne se reformassent pour mieux fondre sur eux. Ils s’étaient frayé un chemin à travers la masse grouillante de gobelins à grands coups d’armes à feu et de lance Goa’uld. 

Le boucan généré par les pistolets-mitrailleurs avait amplement suffi à tenir les assaillants à distance. Du moins, jusqu’à ce que le roi des gobelins ne se décidât à hurler des ordres incompréhensibles à ses troupes, qui se ressoudèrent et s’empressèrent de contre-attaquer. Face à leur nombre toujours croissant, l’équipe SG-1 avait donc jugé plus sage de filer. 

Au cours de leur course effrénée, Teal’c parvint à leur expliquer ce qu’il avait retenu de sa captivité : les petits êtres hargneux, comme il les appelait, ne possédaient qu’une technologie très ancienne. Leur curiosité les avait cependant poussés à tenter de comprendre le fonctionnement des armes qu’ils leur avaient confisquées. Sans grand succès pour la lance du Jaffa, dont le poids les avait vite limités, ils avaient en revanche tué par accident – ou amusement, il ne savait pas trop – quelques-uns des leurs lorsqu’ils avaient voulu essayer celles des soldats terriens. L’un d’eux avait même provoqué l’affaissement d’un tunnel complet avec une grenade qu’il avait dégoupillée par accident. 

En revanche, et à la grande frustration des deux militaires qui l’avaient sauvé, Teal’c ignorait où se trouvait le dernier membre de leur équipe. Ils ne purent cependant s’étendre sur la question, car leurs poursuivants commencèrent rapidement à les bombarder de lances et de projectiles de pierre guère assez puissants pour les tuer, mais toutefois suffisants pour les assommer. Ils accélérèrent l’allure, sans toutefois parvenir à distancer les créatures. Ils comprirent bien vite qu’elles voyaient dans l’obscurité bien mieux qu’eux, avaient depuis longtemps deviné qu’elles connaissaient les plus petits tunnels et, surtout, réalisèrent aux cris sauvages qui se répercutaient le long des parois de pierre qu’elles voulaient à tout prix les récupérer. Ou, plus certainement, les tuer. 

—   Il va falloir qu’on trouve un moyen de les semer, Colonel ! s’exclama Samantha, le souffle court. 

—   Et comment ? 

—   J’ai bien une idée… 

Teal’c tira un objet de sa poche. Une grenade. Ses deux équipiers comprirent aussitôt ce qu’il comptait faire. D’un commun accord, ils partirent en avant tandis qu’il dégoupillait l’engin et le lançait derrière lui de toutes ses forces. Il s’élança ensuite dans l’autres sens à toutes jambes pour rejoindre les Terriens. Au bout de quelques secondes à peine, l’explosion ébranla le tunnel. Un grondement infernal la remplaça aussitôt pour couvrir jusqu’aux battements frénétiques de leurs cœurs. D’un geste simultané, ils se couvrirent la tête de leurs bras sans cesser de courir droit devant eux. Des débris rocailleux plurent sur eux dans un crissement menaçant et un nuage de poussière les enveloppa, si dense qu’il leur piqua les yeux et enflamma un peu plus leurs bronches déjà malmenées par leur course. Des vibrations vinrent les déstabiliser, si bien qu’ils finirent par se jeter à plat ventre, incapables de poursuivre leur route. 

Ils restèrent ainsi, face contre terre, de longues secondes durant. Autour d’eux, le fracas de rochers s’écrasant sur le sol caverneux emplissait l’air et provoquait de telles ondes qu’ils les ressentaient jusque dans leurs os. Plus d’une fois, ils crurent que le plafond allait s’effondrer sur leurs têtes. Plus d’une fois, ils furent persuadés que les gobelins allaient les rattraper et les étriper. Plus d’une fois, ils virent la mort se dessiner derrière leurs paupières fermées. 

Mais peu à peu, pourtant, le tonnerre s’apaisa. Le déluge de terre et de rocs se tarit pour laisser place à un silence à peine troublé par leurs souffles erratiques. Un silence lourd, pesant. Un silence funeste. 

Teal’c fut le premier à se redresser, hagard, les yeux aveuglés par la poussière et l’obscurité. Il percevait, non loin de lui, la respiration sifflante de ses compagnons d’armes. Aucun signe auditif, cependant, de leurs poursuivants. 

—   Je crois qu’on a réussi à s’en débarrasser, articula-t-il avec lenteur. 

Sans se presser, il ralluma sa lampe. Il découvrit un véritable champ de ruines tant devant lui que derrière lui. A ses côtés, les deux Terriens se mirent à tousser. Le pâle faisceau qu’il braqua sur eux révéla, accrochée à leurs vêtements et leurs cheveux, une épaisse couche de poussière et de débris minéraux. Par chance, ils ne paraissaient pas blessés. Juste sonnés. 

Il reporta alors son attention sur le bout de tunnel d’où ils venaient. Les rares gobelins qu’il identifia gisaient au sol, quelques-uns à moitié écrasés par des blocs de pierre, un ou deux le crâne ouvert par la chute d’une stalactite ou d’un pan de plafond. Un véritable mur de débris bouchait le passage à quelques mètres d’eux à peine.

—   Nous sommes tranquilles pour un moment. 

Il se rapprocha des militaires, qui se relevaient à peine. Samantha épousseta ses cheveux, Jack ses bras. Leurs yeux, rougis par les particules en suspension dans l’air, versaient des larmes d’inconfort qu’ils ne contrôlaient pas. Ils peinaient à reprendre leur souffle. 

—   Dépêchons, les pressa-t-il toutefois. Nous avons pu les bloquer, mais pour combien de temps…

*****

Le tremblement de terre déstabilisa Daniel dans sa propre course folle à travers les couloirs minéraux. Il se rattrapa de justesse sur une paroi et s’accroupit, les bras ramenés au-dessus de son crâne, pour se protéger de la chute de potentiels débris. Il en profita pour éteindre sa lampe afin d’en économiser la batterie. 

L’incident ne dura que quelques instants. Juste assez pour le désorienter. Il laissa une minute s’écouler dès qu’il fut certain que les vibrations ne recommenceraient plus, le temps de déterminer si des gobelins se trouvaient dans les parages. Aucun cri, aucun pas ne lui parvint. 

Rassuré, Daniel s’apprêta à repartir. Il se redressa avant de rallumer sa lampe. 

Cling.

Il fronça les sourcils. Ce son provenait de son pied. Il braqua aussitôt le faisceau lumineux sur le sol pour vérifier s’il n’avait pas fait tomber quelque chose dans la précipitation. Un éclat doré lui confirma qu’un objet métallique se trouvait bien à terre. Il s’empressa de le ramasser, curieux. 

Sa main se referma sur un anneau d’or. 

Un anneau très simple, sans fioriture, peut-être un peu petit pour son doigt. Perplexe, il le garda dans sa paume, incapable de déterminer l’importance de sa trouvaille. Qui avait pu laisser tomber un si petit objet dans un coin aussi saugrenu ? Qui, dans cet endroit sordide, pouvait posséder un tel trésor ? 

Son esprit le ramena à Gollum. À ce précieux à qui il paraissait s’adresser tout le temps. Il serra un peu les doigts autour du bijou. Serait-ce le sien ? Dans ce cas, pourquoi n’avait-il pas remarqué sa disparition ? Il devait bien le porter à son doigt pour ne pas le perdre, non ? 

Daniel ne savait pas trop quoi faire. Un cruel dilemme le déchirait : d’un côté, il souhaitait le rendre à Gollum. Il n’était pas un voleur et ne comptait pas le devenir dans un avenir proche. Cependant, il ne savait comment revenir à sa caverne. Pire, est-ce que la créature s’y trouverait toujours ? Il en doutait. Il ignorait s’il errait dans les grottes ou s’il possédait une sorte de nid ou de maison quelque part. Il ne savait même pas s’il ne tenterait pas de l’attaquer pour lui reprendre l’anneau de force. 

Et puis… ramener cet anneau sur Terre serait un bon moyen de l’étudier. Il dégageait une douce chaleur au creux de sa main, une chaleur bienvenue dans cet environnement hostile, mais assez étrange de la part d’un objet métallique trouvé à terre. Peut-être n’était-il pas formé d’or comme il le supposait, mais d’un autre métal inconnu jusque-là chez eux ? Il ne savait pas trop qu’en penser. 

Perdu dans ses raisonnements émotionnels, il se remit en marche avec lenteur. Cette chose occupait son esprit presque autant que sa rencontre avec Gollum. Il lui tardait de retrouver ses camarades pour leur raconter son aventure et leur demander leur avis à son sujet. 

Penser aux autres membres de l’équipe SG-1 lui inspira une vague d’inquiétude malvenue. Où étaient-ils, à l’heure actuelle ? Avaient-ils réussi à fuir les gobelins ? Et retrouveraient-ils la route de la Porte des Étoiles ? Un profond soupir lui échappa. Tant de questions restaient sans réponses, sur cette planète. Ils n’avaient même pas réussi à en apercevoir l’extérieur. Et après la rencontre qu’ils venaient d’y faire, il doutait d’avoir envie de découvrir la surface et ses habitants. 

À mesure qu’il avançait, il sentit le tunnel s’incurver vers le haut. Bientôt, la pente le força à ralentir. Son souffle s’accéléra sous l’effort, mais il poursuivit son ascension. Même s’il se sentait bien incapable de retrouver son chemin seul, il savait qu’il devait remonter d’au moins cent mètres. Il ignorait combien de temps cela lui prendrait, ni même s’il parviendrait à regagner la Porte sain et sauf, mais il décida qu’il ne perdait rien à essayer. Et s’il croisait un autre groupe de gobelins… eh bien, il aviserait. 

Il marcha longtemps. Très longtemps. Coupé de la lumière du jour, il avait depuis son arrivée perdu toute notion du temps. Il se sentait de plus en plus épuisé, assoiffé, et même affamé. Les barres chocolatées qu’il gardait en permanence dans ses poches ne suffisaient pas à calmer les protestations bruyantes de son estomac, surtout qu’il les dévora toutes avant même d’avoir retrouvé la Porte. Et comme le chocolat lui donnait soif, il eut tôt fait de vider sa gourde en parallèle. 

À mesure qu’il marchait – ou, plutôt, errait – dans les boyaux de pierre, il sentit le désespoir l’accabler de plus en plus. Chaque tunnel ressemblait au précédent, chaque coude débouchait sur un couloir plus obscur que celui qu’il quittait, chaque paroi rocheuse se substituait aux autres sous ses yeux sans pour autant lui indiquer la bonne direction. Il ne trouva ni torches, ni structure de bois. Perdu comme il l’était, il en vint même à espérer croiser un gobelin, ne serait-ce que pour lui confirmer qu’une forme de vie quelconque habitait toujours les lieux. 

Il s’arrêta finalement dans un coin lorsque sa lampe commença à vaciller. Les bras croisés sur ses genoux pour reprendre son souffle, il luttait contre une panique dévorante. Jamais auparavant il ne s’était retrouvé dans une telle situation. Le poids de la terre au-dessus de sa tête l’oppressait au moins autant que les ténèbres qui l’entourèrent dès qu’il éteignit sa seule source de lumière. Àquelle profondeur se situait-il donc ? Pourquoi, malgré les heures qu’il venait de passer à arpenter les galeries, ne trouvait-il pas la moindre sortie ? Pourquoi tout lui paraissait mort, figé dans la pierre ? 

Avec un profond soupir, il appuya son front contre ses mains. La fatigue lui piquait les yeux et menaçait de lui donner la migraine. Il n’avait même pas de café pour y remédier. Ni de paracétamol, d’ailleurs. Au mieux devrait-il se résigner à prendre un peu de repos à même le sol, sans couverture ni matelas. Les miasmes humides le rendaient nauséeux, la poussière en suspension dans l’air depuis le séisme lui irritait la trachée. Quant au froid environnant, il engourdissait ses doigts, qui peinaient désormais à tenir son arme. 

Son état ne s’améliora pas lorsqu’il perçut de légers claquements rythmiques contre la pierre. Il crut d’abord à un début d’effondrement, avant de comprendre qu’il s’agissait en fait de pas. Et pas n’importe lesquels : des pas alourdis par des chaussures épaisses. 

Pris d’un soudain espoir, il se releva et ralluma sa lampe. Il s’élança ensuite dans la direction d’où provenaient les sons sans plus faire preuve d’aucune prudence. 

—   Sam ? Jack ? Teal’c ? Il y a quelqu’un ? 

Sa voix se répercuta entre les murs plusieurs fois. Les pas se stoppèrent. 

—   Daniel ? Daniel, c’est vous ? 

Son cœur explosa de soulagement. Un instant plus tard, il fut aveuglé par une lampe puissante tenue par le colonel, aussi stupéfait que lui. Par réflexe, il protégea ses yeux.

—   Jack, quelle joie de vous revoir ! s’exclama-t-il lorsque le rayon lumineux dévia de son visage. Vous allez bien, tous les trois ? 

Les quatre explorateurs se rejoignirent en quelques pas, ravis de se retrouver à nouveau tous ensemble. D’un commun accord, ils décidèrent de se reposer le temps d’échanger leurs mésaventures et rencontres respectives. Daniel narra en détail sa rencontre avec Gollum et ce qu’il avait appris sur les habitants de ces grottes. Les gobelins, comme il les avait appelés. Les deux Terriens froncèrent les sourcils de concert à cette révélation. 

—   Des gobelins ? demanda Samantha. Comme dans nos légendes terriennes ? 

—   Ça m’a surpris aussi, admit l’archéologue. Mais pourquoi pas, après tout ? Peut-être que les Goa’ulds disposent de serviteurs qui auraient pu les inspirer. 

—   Ils ne m’avaient pas l’air de servir les Goa’ulds, fit remarquer Teal’c. 

Les regards des trois Terriens se portèrent sur le Jaffa. 

—   Vous avez vous aussi pu constater qu’ils n’ont qu’une apparence vaguement semblable aux humains. Je ne leur ai pas parlé, mais j’imagine qu’ils sont trop peu intelligents pour avoir attiré l’attention des Goa’ulds. 

—   Ou alors, il s’agit d’une forme de vie primitive créée par une autre race alien, suggéra Samantha. Ce Gollum, Daniel, il ne leur ressemblait pas ? 

L’archéologue secoua la tête. 

—   Hormis la taille, il paraissait très différent. Presque plus humain, d’une certaine manière. D’ailleurs, il avait l’air de les craindre et ne paraissait pas se considérer comme étant l’un des leurs. 

—   Vous pensez qu’il pourrait provenir d’un autre peuple ? 

Il haussa les épaules. 

—   Peut-être. Il s’est enfui avant que je le lui demande, lorsque les gobelins sont arrivés. 

Le silence retomba entre eux, tout juste brisé par les bruissements du papier de leurs barres de céréales. 

—   Nous devons retrouver la Porte dans les plus brefs délais, déclara Jack au bout d’un moment. Je ne tiens pas à finir comme cette… chose, à hanter un lac souterrain sans plus jamais voir la lumière du jour. 

—   Pas étonnant qu’il soit devenu fou, dans de telles conditions, murmura Samantha. 

—   Peut-être l’était-il déjà avant d’arriver ici, supposa Daniel. 

Tous quatre se relevèrent. 

—   Par où on va ? demanda le colonel. 

Samantha et Daniel se regardèrent. 

—   Bonne question, répondit l’archéologue. 

Il leur fallut plus d’une heure pour parvenir à se mettre d’accord. Ensemble, ils tentèrent de dresser une carte plus ou moins fidèle des tunnels pour s’y retrouver. Grâce aux indications de Daniel – le seul à être resté conscient, du moins jusqu’à sa chute –, ils arrivèrent à la conclusion qu’ils devaient se trouver assez près de la Porte des Étoiles. Ils choisirent alors de repartir par la branche d’où venait l’archéologue. Une dizaine de minutes plus tard, ils bifurquèrent sur leur droite à une intersection. Le conduit les amena toujours plus loin au cœur de la terre. Puis, au bout de deux longues heures de marche, ils aperçurent enfin ce qu’ils cherchaient. L’anneau de métal qui les ramènerait chez eux, une fois réactivé. 

Daniel s’empressa de tirer d’une malle restée auprès de leur robot d’exploration une gourde neuve, qu’il vida en quelques instants. Pendant qu’il se restaurait, les deux militaires entreprirent de contacter le SGC pour demander l’ouverture de la Porte. Quant à Teal’c, il surveillait les environs avec inquiétude. Malgré les affirmations de Gollum dont son équipier lui avait fait part, il craignait de voir débarquer une nouvelle horde de gobelins. 

Une dizaine de minutes supplémentaire suffit au centre de commandement pour leur répondre et activer l’engin. Bientôt, le déclic familier des chevrons qui s’enclenchaient les uns à la suite des autres résonna dans la caverne, à leur grand soulagement. Une puissante vague bleutée gonfla depuis le centre de l’arche avant de se résorber, laissant une surface d’un bleu limpide devant les yeux des explorateurs. Robot et militaires s’engagèrent les premiers dans la structure mouvante, soulagés de pouvoir enfin rentrer chez eux. 

Alors qu’il se relevait pour rejoindre la base, Daniel sentit quelque chose dans sa poche. Il en tira l’anneau d’or qu’il avait trouvé plus tôt. Son regard s’accrocha à la courbure parfaite de l’objet. Il pensait l’avoir laissé là où il l’avait trouvé.

—   Qu’est-ce que c’est ? lui demanda Teal’c, qui l’avait rejoint non sans surveiller leurs arrières. 

—   Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? demanda Daniel d’un ton plus hargneux que ce qu’il aurait souhaité. 

Teal’c le dévisagea gravement. 

—   Cet objet dérange mon symbiote, déclara-t-il. Il porte une énergie mauvaise. 

Daniel ricana. 

—   Alors laissez-le moi. 

—   Je n’avais pas l’intention de vous le prendre. Du moins, avant que vous ne m’agressiez de la sorte. 

Il se planta entre Daniel et la Porte. 

—   Laissez-le ici, Daniel, lui ordonna-t-il. 

—   Et pourquoi vous écouterais-je ? siffla l’archéologue, agacé. Je n’ai pas d’ordres à recevoir de vous, Teal’c. Ecartez-vous, je souhaiterais rentrer. 

—   Vous n’irez nulle part avec cet anneau, Daniel. 

Leurs regards restèrent rivés l’un dans l’autre de longues secondes. La colère envahissait les traits du Terrien, un calme placide détendait ceux du Jaffa. 

—   Poussez-vous, réclama encore une fois Daniel. 

—   Vous vous entendez parler, Daniel Jackson ? répliqua Teal’c. Cette chose corrompt votre esprit. Mon symbiote a raison : elle est néfaste pour vous. Pour nous tous. Laissez-le ici. 

Daniel lui tint tête de longues secondes encore avant de finalement baisser les yeux avec un soupir. Il releva ensuite la tête, effrayé. 

—   Je… je suis sincèrement désolé, Teal’c. Vous avez raison. Je… je ne suis pas vraiment moi-même. 

Le Jaffa posa une main amicale sur son épaule. 

—   Laissez-le ici, répéta-t-il, et partons. Nous oublierons cette planète et ses coordonnées une fois rentrés. 

Daniel hocha la tête. Il s’apprêta à faire un pas en avant, mais Teal’c le bloqua de sa lance. 

—   Daniel, insista-t-il. L’anneau. 

—   Oh, pardon. 

Il lui jeta un dernier regard. Un court instant, il crut l’entendre murmurer des paroles obscures, dans une langue étrangère, qui l’effraya autant que son propre comportement. Dans un dernier éclair de lucidité, il le laissa tomber dans la poussière. 

Cling.

Le son clair parut décuplé par l’écho, comme une menace proférée par les ténèbres elles-mêmes. Daniel s’efforça de relever la tête. Teal’c lui sourit. 

—   Venez, mon ami. Les autres vont s’inquiéter. 

Les deux explorateurs reprirent leur marche vers l’arche. Parvenus à deux pas de la surface miroitante, Daniel s’arrêta cependant pour jeter un dernier regard en arrière. Dans la faible lueur de la Porte, il crut discerner, au sol, l’éclat livide de l’anneau. Teal’c suivit son regard, inquiet. Lentement, l’archéologue se détacha de l’objet et passa le portail. Rassuré, le Jaffa le suivit. 

Un instant plus tard, la Porte s’éteignait, au moment où une main filiforme s’emparait du bijou. 

—   Mon précieux… 

 

 

 

Laisser un commentaire ?