The Legend of Zelda, Shadow of Link

           CHAPITRE V : SARIA

           Dans une forêt verdoyante, une petite rivière coulait. Le saphir de l’eau se mariait à merveille avec l’émeraude des plantes. Une bande d’enfants s’amusait sur la berge. Leurs rires éclataient dans l’air en explosion de candeur. D’un coup les rires s’arrêtèrent puis le silence fut remplacé par des appels :

« SARIA ! SARIA ! »

Une jeune fille de seize ans aux cheveux mi-longs vert émeraude accourut aussitôt.

« Qu’est-ce qui se passe ? demanda t-elle.

-Regarde. »

Flottant à la surface de l’eau, Link dérivait vers la berge. Saria alla le sortit de l’eau, aidé par les enfants. Elle le regarda intensément.

« Saria, dit un enfant. Est-ce qu’il est mort ?

-Emmenons-le au Vénérable Arbre Mojo, dit Saria. »

           Link était allongé dans l’herbe devant un gigantesque arbre qui ressemblait à un visage humain fait d’écorce et de feuillage. Ses armes étaient disposées à côté de lui. L’arbre ne bougeait pas mais une certaine attention pour le jeune hylien semblait l’animé. Une voix essoufflée résonna entre les branches.

« Qui est-ce Saria ?

-La Rivière Enchantée l’a amené jusqu’ici, dit la jeune fille.

-Ses armes lui appartiennent ?

-Oui.

-Que veux-tu que je fasse ?

-Soigné-le s’il vous plait Vénérable Arbre Mojo.

-Seulement s’il le mérite. »

           Link ouvrit les yeux sur un ciel obscurcit par la couverture des branches. Durant de longues secondes, il ne pensa à rien. Il avait l’impression qu’il n’était pas vraiment ici. Puis les pensés, les souvenirs lui revinrent.

« Zelda ! s’exclama t-il en se redressant. »

Il n’y avait que des arbres autour de lui. Où était-il ? Il regarda de tous les côtés. Une jeune fille aux cheveux verts lui souriait.

« Bonjour, dit-elle. Ça va mieux ?

-Je ne sais pas, dit-il. Où suis-je ?

-A la Forêt Kokiri.

-La Forêt Kokiri ? Comment suis-je arrivé ici ? J’étais au Gouffre Maudit et… Mes armes !

-Elles sont là. Vous êtes tombé dans le Gouffre Maudit, n’est-ce pas ? La Rivière Enchantée qui coule au fond du gouffre vous a ramené ici. Mes frères et moi nous vous avons sorti de l’eau.

-Merci. Qui êtes-vous ?

-Je m’appelle Saria, je suis une kokirie. Et vous ?

-Link, je suis d’Hyrule. Cela fait combien de temps que je suis ici ?

-Deux jours. Vous étiez inconscient, le Vénérable Arbre Mojo vous a soigné.

-L’Arbre Mojo ? »

Link regarda l’arbre gigantesque qui se dressait à quelques mètres. Il sentait son regard sur lui et se releva immédiatement.

« Bonjour jeune Link, salua l’Arbre Mojo. Heureux de te voir en bonne santé.

-Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi Vénérable Arbre Mojo, dit Link. J’ai une dette envers vous et je m’en acquitterai dés que possible. Mais je dois m’en aller au plus vite.

-Tu veux sauver la princesse Zelda.

-Oui. Comment le savez-vous ?

-J’ai regardé au fond de ton âme, j’y ai vu la pureté de ton cœur, le courage et l’honneur. Mais également la déception face à l’échec de ta tentative de libérer la princesse des griffes de Ganon. Je comprends ton sentiment mais tu ne peux quitter ces bois.

-Comment ça ? Pourquoi ? Dites-moi pourquoi ?

-Pourquoi tu ne lui dis pas ? lança une voix. »

Link se retourna, Moriane était adossé à un arbre, les bras croisés.

« Alors Mojo tu vas bien ? Et toi Saria ?

-Bonjour Moriane, fit la jeune fille.

-Moriane, tu le connais ? demanda l’Arbre Mojo.

-J’étais avec lui au Gouffre Maudit, expliqua Moriane.

-Et la princesse ?

-Je n’ai pas pu la sauver, ils se sont mis à fouiller la forteresse de fond en comble. J’ai préféré venir ici. Après t’avoir vu tomber dans le gouffre, j’ai pensé que tu dériverais jusqu’à la Forêt Kokiri. J’ai quand même pu entendre qu’ils comptaient partir par le Désert Eternel.

-Quoi ? Les troupes royales n’oseront jamais s’y aventurer. Je dois y aller. Par où se trouve Hyrule ?

-Tu ne peux pas partir, dit l’Arbre Mojo.

-Pourquoi ?

-Car tu étais mort.

-Quoi ?! Mais je ne suis pas mort, je vis, je respire.

-Tu étais mort quand Saria t’a amené à moi. J’ai regardé au fond de ton âme et ai vu que tu méritais d’être sauvé.

-Mais pour ce faire il t’a insufflé une partie de l’âme de cette forêt, une partie de son âme en fait car tous ce qui vit ici fais partie de lui, dit Moriane.

-Si tu quittes cette forêt, mon âme te quittera et tu mourras à petit feu dans d’atroces souffrances.

-Tu vois ça n’en vaut pas la peine, fit Moriane. On ignore où Ganon a emmené la princesse et même si on le savait, tu n’aurais sûrement pas assez de temps pour la libérer.

-Combien de temps avant que je meurs ? questionna Link.

-Tu ne comptes pas y aller ! s’écria Moriane. Tu vas mourir !

-Arbre Mojo, si vous avez lu dans mon âme, vous savez que je ne peux rester ici à rien faire pendant que la princesse que j’ai juré de protéger est en danger.

-Je sais, souffla l’Arbre Mojo. Tout dépendra de ta force, deux semaines, peut-être moins, peut-être plus.

-On ne sait pas où est Zelda ? s’écria Moriane.

-Je peux le savoir. Link regarde dans la source qui coule à ta droite. »

           Link s’avança vers la petite mare d’eau claire. Elle ne reflétait que son visage. Au bout de quelques instants, le visage de la princesse Zelda apparut.

« Zelda ! s’exclama Link. Où est-elle ?

-Dans le Désert Eternel, ils se dirigent vers le sud, indiqua l’Arbre Mojo.

-Qu’y a-t-il au sud du désert ?

-Le désert donne sur un pays appelé Galinie, dit Moriane. Mais s’ils continuent plus loin au sud ils vont atteindre l’Empire Zelgad. Zelgad a d’étroites relations avec les pillards gerudos, c’est sûrement là qu’ils vont.

-Je dois y aller aussi, dit Link.

-Et pour cela tu comptes traverser Hyrule, le Gouffre Maudit, le Désert Eternel et la Galinie puis la chercher dans l’Empire Zelgad qui est soi dit en passant trois fois plus étendu qu’Hyrule. Ensuite il faut la ramener à Hyrule et que tu reviennes ici pour survivre. Tout ça en moins de deux semaines.

-Oui, dit Link.

-Folie !

-Si je ne le fais pas, je ne serai plus moi.

-Rien ne te feras changer d’avis, n’est-ce pas ? Bon ! On part quand ?

-Quoi ?

-Tu auras besoin d’un guide et j’ai parcouru la Galinie et Zelgad par le passé, de plus je peux t’y conduire par un chemin plus court, plus sûr et plus facile que la traversé du Désert Eternel. En passant de l’autre côté de la Forêt Kokiri, on atteindra les Montagnes Rouges, terres des Gorons. De là nous irons en Galinie, la traverserons et après nous serons à Zelgad. Les Gorons sont des amis, nous serons tranquilles sur leur territoire. Par contre après…

-Et en passant par le royaume Zora ? fit l’arbre Mojo.

-Ce serait possible mais ça nous rallongerait et le temps nous manque.

-On ne peut pas voyager à pied, dit Link. Si seulement Epona était là.

-Tu crois que je suis venu à pied ? »

La jument et le cheval volé aux écuries royales étaient dans une clairière non loin de l’Arbre Mojo.

« La nuit va tombée, dit Link. Nous partirons demain. »

           Link et Moriane dormaient au pied d’un arbre. Saria regardait Link avec tristesse sans comprendre pourquoi elle ressentait cela. Et quel était ce sentiment chaleureux qui brûlait en son âme quand elle posait les yeux sur le jeune hylien ?

« Tu ne veux pas qu’il parte, n’est-ce pas ?

-Arbre Mojo, dit-elle. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive.

-Tu découvres un sentiment que les Kokiris n’ont jamais connu. Vous autres mes enfants, vivez ici sans sortir de ces bois. Vous êtes tous frères. Link est différent. Tu découvres l’Amour. J’en suis heureux.

-Mais s’il part et ne revient pas ?

-Tu devrais aller avec eux.

-Quitter la forêt ?

-Je ne vous l’ai jamais interdit. Je l’ai même souhaité. Je voulais juste que vous le décidiez de vous-même.

-Je ne peux pas partir, je dois m’occuper des petits.

-D’autres peuvent s’en charger. Saria si tu souhaites partir, tu as ma bénédiction. »

           Le soleil se leva, discret à travers la frondaison. Link et Moriane vinrent voir une dernière fois l’Arbre Mojo avant de partir.

« Salut Mojo, fit Moriane. T’as bien dormi ?

-Bonjour, souffla l’Arbre Mojo. Tu es toujours déterminé à quitter ces bois ?

-Oui, répondit Link. Veuillez me pardonner mais je dois y aller, c’est mon devoir.

-Je comprends. Alors va et reviens nous vite. Dés que tu passeras la lisière de la forêt, la douleur t’assaillira, elle sera progressive. Une marque noire te rongera le corps petit à petit, lorsqu’elle te recouvrira en entier…

-Merci.

-Faite attention tous les trois.

-Tous les trois ? Qu’est-ce que t’as bu Mojo ? On est que deux ! railla Moriane.

-Et moi alors ? lança Saria derrière eux.

-Saria !

-Vous ne pouvez pas venir, interdit Link.

-Je sais que se sera dangereux, dit Saria. Mais je peux vous être utile. Je peux communiquer avec les plantes et les animaux, je peux guérir vos blessures et garder le lien avec l’Arbre Mojo.

-C’est vrai que ça nous serait utile, dit Moriane.

-Mais avez-vous une monture ? demanda Link.

-Bien sur.

-Alors d’accord.

-On ferait mieux de se tutoyer.

-D’accord. Allons-y maintenant. »

           Il ne fallut pas longtemps pour atteindre la lisière de la forêt. Après la dernière ligne de végétation le paysage changeait radicalement. La luxuriante forêt verdoyante laissait place à d’imposantes montagnes de roches rougeâtres. Moriane et Saria firent sortir les chevaux, ils se tournèrent vers Link.

« Le premier choc sera violent, dit Saria.

-Je sais, l’Arbre Mojo me l’a dit. »

Link prit mentalement son élan. Il sortit un pied puis l’autre. Il fit quelques pas pour s’éloigner de la forêt. Durant quelques courtes secondes rien ne se passa. Et venant des profondeurs de ses entrailles, une douleur lancinante l’assailli. Il tenta d’y résister, son visage se crispa, et finalement il tomba à genoux en poussant un affreux râle. Moriane et Saria se précipitèrent à côté de lui.

« Je peux soulager la douleur, dit Saria en posant sa main sur la poitrine de Link.

-Inutile, dit-il en lui prenant la main. C’est fini. »

Il était haletant mais son visage n’était plus déformé par la douleur. Ses yeux étaient encore fermés.

« Fini, jusqu’à ta prochaine crise, dit Moriane. Et en attendant tu sentiras une douleur grandissante à mesure que le temps passe. Ne perdons pas de temps, nous devons faire un maximum de chemin chaque jour. Debout. »

Link se releva. Lorsqu’il ouvrit les yeux, Moriane et Saria furent secoués de surprise.

« Link, tes yeux, dit Saria. Ils ne sont plus bleus, tes pupilles sont noires ! »

Les yeux de Link s’étaient obscurcis. L’eau pure avait été remplacée par les ténèbres d’une nuit sans lune.

« Pas le temps de s’en extasier, dit Link. La princesse Zelda attend dans les griffes d’un démon. Allons-y. »