Le Royaume des Rats

Chapitre 26 : Dégringolade

8234 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/04/2020 11:22

Enfants du Rat Cornu,

 

Le confinement continue, les Pestilens sèment encore la maladie, mais nous parviendrons à leur résister. Je vous souhaite de bien tous vous porter, et espère sincèrement que vous, vos proches, votre famille, vos amis se portent au mieux en ces temps troublés.

 

De mon côté, j’aimerais remercier une artiste en particulier, j’ai nommé Mennina. Consultez sa page sur DeviantArt, vous y trouverez les peintures qu’elle réalise à partir des personnages du Royaume des Rats de manière complètement désintéressée, ainsi que sa propre fanfiction dans le Vieux Monde intitulée Of the Same Blood.

 

Danke Schön, Mennina!

 

 

Quelques jours plus tard, Clarin et sa délégation rentrèrent à Steinerburg, avec les deux Skavens. Le voyage avait eu lieu sans la moindre anicroche. Psody avait senti une nette augmentation de la tension ambiante, mais rien de dramatique ne s’était produit depuis son départ.

 

Le soir, l’émissaire était en train de souper avec la famille Steiner et le Magister Mainsûre. Sœur Judy Hoffnung avait aussi été conviée. L’ambassadeur fut cependant déçu de ne toujours pas faire connaissance avec le plus jeune fils du couple d’hommes-rats, encore absent de la table, mais il tâcha de ne rien montrer. En revanche, il fut fasciné par le Magister. Il avait déjà eu l’occasion de rencontrer quelques Elfes pendant sa carrière, mais celui-ci lui raconta des histoires autrement plus intéressantes que les palabres diplomatiques habituelles, notamment sur sa terre natale, Ulthuan. Mainsûre le questionna sur l’Estalie en retour. Le Magister et la prêtresse de Shallya furent soulagés et heureux d’apprendre la réussite de leurs travaux conjugués.

 

-         Et donc, votre Altesse, je vous l’assure : nous n’avions pas quitté le champ que, déjà, la vraie nature reprenait ses droits sur cette abomination.

-         Cela prendra encore quelque temps, car les profondeurs de la terre elle-même doivent aussi être purgées, et il faudra être sûr qu’il n’y ait plus la moindre trace de malepierre, mais d’ici un mois ou deux, le domaine devrait être de nouveau vivable, expliqua Brisingr Mainsûre. Je pense même que les champs aux alentours seront plus fertiles qu’avant, grâce à l’énergie du masque Slann.

-         Je serais tout de même curieux de savoir comment votre fils a obtenu cet artefact ?

 

Psody tourna la tête vers le Prince. Celui-ci fit un petit geste d’indifférence. Confiant, le Skaven Blanc répondit :

 

-         Il m’a été donné par un Skaven Blanc. Oh, je devine-sais ce que vous vous dites : comment un Skaven Blanc aurait pu avoir entre les mains un objet provenant de Lustrie, dont le pouvoir est manifestement lié au soleil-soleil ? J’espère que votre curiosité est prête à accepter certaines choses plutôt… étonnantes ?

-         Je dirai même qu’elle est plus assoiffée qu’un Tueur Nain qui vient de traverser le Désert de Khemri sans avoir trouvé la mort !

-         Alors ouvrez bien vos oreilles, mais ne le répétez peut-être pas tout de suite au Prince Calderon, il pourrait douter de votre santé mentale. Parler à des Skavens d’égal à égal est déjà un concept inhabituel que beaucoup considèrent déjà comme « dangereux-hérétique ».

 

L’impatience était palpable pour l’Estalien. Bianka, elle-même installée près de l’Humain, décela la fragrance qu’émettaient les gens quand la curiosité tournait à l’obsession, c’était un parfum qu’elle appréciait tout spécialement.

 

Heike ne montra pas le même enthousiasme.

 

-         Si vous le permettez, Excellence, je vais coucher la petite. Nous connaissons déjà cette histoire, et il se fait tard.

-         Je vous souhaite une bonne soirée, señora Steiner.

-         Je serai à la serre, si vous voulez me voir.

 

Et la femme-rate se leva, aussitôt imitée par sa jeune fille. Avant de passer la porte, celle-ci s’écria :

 

-         Opa, vous n’oubliez pas le cadeau à Shallya, hein ?

 

Psody soupira, un peu agacé. Le Prince répondit :

 

-         Non, mon ange. Mais ça devait être une surprise ! Il faut savoir garder les surprises, de temps en temps.

 

Bien entendu, il n’en était rien, Sœur Judy Hoffnung savait très bien pourquoi le Prince l’avait faite venir. Isolde avait posé la question en voyant arriver la prêtresse. Pour éviter d’avoir à se lancer dans de longues explications sur les conventions encore inaccessibles à une enfant de deux ans, Ludwig Steiner s’était contenté de lui dire qu’il allait bien lui donner de l’argent à envoyer au temple de Shallya.

 

Sœur Judy vit le visage de la petite se plisser d’inquiétude.

 

-         Oh, ce n’est pas grave. Shallya ne sera pas fâchée pour ça, ne t’en fais pas. Par contre, je crois qu’elle pense que c’est vraiment l’heure d’aller au lit pour les petites filles !

 

Une fois les deux Skavens sorties, Psody put reprendre :

 

« Je vais vous révéler-raconter quelque chose que fort peu de gens hors de cette pièce connaissent. Un jour, peut-être, le livre que j’ai écrit avec mon père et le prieur Romulus ne sera plus considéré comme hérétique, et pourra être imprimé et distribué à travers les autres pays, mais en attendant, ce qu’il contient n’a pas encore circulé bien loin. Et je vais vous révéler quelques petits secrets que vous avez à présent le droit de connaître. Vous pourrez les répéter à votre Prince, mais je ne sais pas s’il vous croira. »

« Vereinbarung n’est pas le premier pays où un peuple a tenté d’apprivoiser-élever les enfants du Rat Cornu. Il y a plus de deux mille ans, un Prêtre Slann nommé Xarkish a tenté de faire la même chose. Les Skavens et les Hommes-Lézards étaient alors en guerre, le Clan Pestilens était particulièrement enchanté-ravi de se trouver dans un pays avec toute une flore et une faune nouvelles, dont un bon nombre de poisons et maladies pouvait être extrait-extrait. Xarkish a combattu les Skavens infiltrés en Lustrie. L’une des colonies qu’il a nettoyées contenait une pouponnière à l’intérieur de laquelle il y avait un bébé Skaven Blanc. Le petit avait été mis à l’écart, et donc préservé de la pourriture des Pestilens. Il a senti beaucoup d’énergie mystique dans ce petit garçon. Il a alors eu une idée incroyable-blasphématoire : le prendre pour en faire un allié. »

« Quelques années plus tard, le petit était devenu un jeune homme plein de vie, astucieux, et volontaire. Xarkish l’avait baptisé Cuelepok. Cuelepok avait appris à utiliser la magie de Ghyran – on ne l’appelait pas encore ainsi, à l’époque, mais il s’agissait bien de la magie de la vie, au moins une de ses variantes-variantes. Cuelepok était en bonne santé, mais il restait le seul Skaven de toute la cité de Capatec Hanahuac, et ça le rendait très malheureux. Les Slanns n’ont pas l’habitude d’exprimer leurs émotions. Vous auriez beaucoup de mal à lire chez eux les petits signes dont vous avez parlé à Sigmund. »

« Pour parer à cette solitude, Xarkish a organisé une récolte de jeunes Skavens encore en pouponnière, et a proposé à Cuelepok d’en élever quelques-uns. Et ça a marché ! Très rapidement, les petits Skavens ont rendu à Cuelepok tout l’amour qu’il leur avait généreusement donné. Il y eut d’autres récoltes, et bientôt au fil des années, Capatec Hanahuac devint une cité où les deux peuples cohabitaient. C’était quelque chose de complètement fou-insensé ! Autant permettre à des Gobelins d’habiter dans un Karak Nain. Et pourtant les choses se passèrent bien… du moins, entre les murs. En effet, les seigneurs Slanns des autres cités voyaient cela d’un très mauvais-mauvais œil. »

« Finalement, devant la recrudescence des Skavens Sauvages dans son pays, le Vénérable Seigneur Kroak ordonna à Xarkish d’exécuter tous les Skavens de Capatec Hanahuac, afin d’éviter toute trahison. Xarkish obéit, la mort dans l’âme. C’était ça, ou bien la cité toute entière qui était rasée-détruite. Mais il tenta d’aider son ami Cuelepok à fuir. Malheureusement, Cuelepok n’y parvint pas, et mourut d’épuisement. Mais avant sa tentative d’évasion, il a réussi à me contacter, moi, à travers le temps-espace. »

 

Psody marqua une pause, le temps pour Clarin d’assimiler toutes ces informations, et surtout d’encaisser la révélation qu’il venait de faire. Le Skaven Blanc invita d’un geste son père adoptif à continuer le récit.

 

« Mon fils a donc été contacté par Cuelepok. Et donc, afin de comprendre le sens des visions qu’il voyait sans cesse, il a fait des recherches, elles nous ont menées sur les traces de Marco Colombo, l’explorateur Tiléen. Nous avons remarqué dans les notes compilées par Colombo plusieurs petits indices qui nous ont finalement amené à la conclusion qu’il était possible de trouver les restes de Capatec Hanahuac, et donc les réponses aux questions de Psody. J’ai alors monté une expédition pour comprendre, et apprendre. Les résultats sont allés au-delà de mes espérances, Maître Clarin. Nous avons retrouvé Capatec Hanahuac… et ses habitants. Les descendants des Hommes-Lézards étaient là, avec Xarkish lui-même. Deux mille ans avaient passé, et pourtant il était toujours en vie – les Slanns sont connus pour leur longévité. »

« Xarkish s’est d’abord assuré d’être bien face au Skaven Blanc dont l’arrivée avait été prédite par Cuelepok. Ensuite, il lui a raconté toute l’histoire, et l’a laissé partir en lui faisant cadeau du masque de son vieil ami, et son trésor. Cette expérience aura vraiment fait grandir mon fils, Maître Clarin. Le trésor a permis de constituer les fondations du Royaume des Rats. Le masque de Cuelepok reste le symbole d’espoir par excellence de notre Principauté, et c’est pour cela que ses motifs ont été inclus dans notre blason. »

 

Clarin fit une moue admirative.

 

-         Quelle incroyable histoire !

-         N’est-ce pas ? rit le Magister. Par moments, j’envie notre ami. J’aurais dû l’accompagner. Quand il est parti, j’avais moi-même plusieurs affaires urgentes à régler dont je ne pouvais me défiler. Croyez bien que je le regrette !

-         Pourquoi ne pas y aller, alors, Magister ? demanda Sœur Judy. Après tout, vous êtes quelqu’un de reconnu dans le milieu académique, si vous demandez au Collège du Feu de financer une expédition pour y faire des recherches, le Patriarche devrait vous accorder les crédits ?

-         Ce n’est pas si simple, ma Sœur. Les Hommes-Lézards n’aiment pas tellement que des magiciens étrangers viennent faire des études chez eux.

-         Vous ne pourriez pas demander à vos compatriotes d’Ulthuan de vous soutenir ?

-         Non pas, Maître Clarin. Je peux vous dire que j’ai plutôt intérêt à éviter de me rendre sur Ulthuan.

-         Oh, j’en suis désolé, Maître Mainsûre.

-         Je vous remercie, mais vous n’avez pas besoin d’être désolé. Il y a longtemps que j’ai adopté l’Empire pour patrie.

-         Il n’empêche, votre Altesse, que votre fils vient de nous raconter une belle histoire.

-         Mais pourtant, elle n’est que le début, Maître Clarin. Cette histoire se poursuit, et vous êtes vous-même l’un des acteurs de sa suite.

-         Moi ?

-         Oui, ne faites pas le modeste, je vous prie. Vereinbarung est un pays relativement stable, et jusqu’à présent, les deux peuples qui y vivent réussissent à vivre en harmonie. Tout pourrait cependant s’écrouler en à peine quelques mois. Nous avons besoin d’alliés solides. Nous ne sommes pas prêts à supporter une lourde guerre. Or, ces dernières semaines, il y a plusieurs signes qui se sont multipliés. Plusieurs personnes cherchent activement à nous nuire, je crains. Les Skavens Sauvages ont frappé ici, aussi. Et nous avons été attaqués par des Orques, vers la frontière sud.

-         Oh… voilà qui est plutôt contrariant.

-         N’est-ce pas ? C’est pourquoi nous avons besoin d’alliés de confiance parmi nos voisins, et j’espère que votre monarque sera le premier.

-         C’est en bon chemin, votre Altesse, je vous l’assure.

 

Le repas se termina ainsi, et chacun regagna ses appartements pour la nuit.

 

*

 

Seul Psody ne se rendit pas dans sa chambre tout de suite. Il quitta le bâtiment, et se rendit dans la serre. Cet endroit avait été un cadeau du Prince pour sa fille, lorsqu’elle avait donné le jour aux jumeaux. Même si la femme-rate était ravie d’avoir déjà trois enfants qu’elle aimait de tout son cœur, il était bon pour elle de pouvoir s’isoler de temps en temps au calme.

 

Telle était la fonction de la serre. C’était un bâtiment carré, long d’une soixantaine de yards, aux parois constituées de verre renforcé. À l’intérieur, le promeneur pouvait découvrir toute une collection impressionnante de fleurs et de plantes bariolées. Le Prince en avait fait venir à grands frais de nombreux pays du Vieux Monde, entre autres la Tilée et l’Estalie, mais les plus coûteuses avaient été importées de contrées plus lointaines encore : Arabie, Cathay, et même quelques fleurs de Lustrie. Il avait fallu près d’un an à Steiner pour rassembler toutes ces graines, et davantage de temps pour les faire fleurir, mais le résultat en avait vraiment valu la peine. Régulièrement, on prélevait des graines saines afin de pouvoir remplacer les plantes qui dépérissaient. Tout le jardin intérieur était organisé en un petit labyrinthe, le bâtiment de verre était suffisamment grand pour ça. Mais il n’était pas possible d’y entrer sans la permission expresse de la propriétaire, qui était la seule à en posséder la clef.

 

Lorsqu’il approcha de la porte, Psody vit à travers le verre renforcé la lueur d’une lanterne. Il ouvrit la porte, entra, appela. Elle était bien là.

 

-         J’ai cru que tu irais directement te coucher ?

-         J’ai eu envie de te retrouver, qu’on ait un peu de temps rien que pour nous deux-deux.

 

Le soleil finissait de se coucher dehors, et l’éclat cuivré de ses derniers rayons donnaient une atmosphère presque automnale aux lieux.

 

Le Skaven Blanc hésita. Il articula péniblement :

 

-         Ils… n’ont rien vu. J’ai pris toutes les précautions pour ça.

-         Bien.

-         Tu sais… ce n’est pas parce que j’ai fait ça par devoir-obligation qu’ils… enfin… je t’assure que c’est resté entre moi et notre fils.

 

La jeune femme-rate ne répondit pas, mais Psody sentit le musc de la satisfaction. Elle se permit enfin une petite boutade :

 

-         Ne t’en fais pas. Tant que tu gardes ton ardeur pour moi seule, je ne suis pas jalouse.

-         Tu sais, ç’aurait pu être pire. T’imagines si on avait dû faire ça… à deux ?

 

Heike fit une petite moue songeuse.

 

-         Remarque… tous les deux, dans ce champ, sous le soleil… ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée ?

-         Au milieu de la charogne, avec tous ces soldats pour nous observer-mater ?

-         Sigmund les a bien contenus, non ?

-         Ah, parce qu’en plus, on aurait fait ça devant Sigmund ?

-         Non, c’est vrai, il faudrait que ce soit un champ désert, où il n’y a pas de gardes.

-         En pleine rase-campagne, pas ici. Même notre parc est sous surveillance.

-         Oui… sauf un endroit.

 

Psody reconnut le sourire entendu qui étirait à présent la bouche de la femme Skaven. Elle s’approcha de lui, et fit glisser son doigt sur sa poitrine. Il sentit son cœur accélérer alors que la voix de sa compagne susurra avec mystère et sensualité :

 

-         Cette serre.

-         Quelqu’un pourrait entrer ? suggéra l’homme-rat en souriant à son tour.

-         Qui ça ? Clarin ? Tu crois qu’il s’intéresse à mes fleurs ?

-         Et si Bianka décide de lui faire visiter l’endroit ?

-         Oh, mais il n’y a aucun risque qu’ils entrent !

 

Elle se tourna vers la porte, sortit de sa poche la clef de la serre, qui était attachée au bout d’une ficelle, et la tourna dans la serrure.

 

-         Il n’y a qu’une porte. Cette porte n’a qu’une clef, et c’est moi qui l’ai. Et si tu veux sortir un jour, mon chevalier cornu…

 

Elle passa la clef autour de son cou, et s’enfuit en riant, avant de disparaître derrière un bosquet. Le Skaven Blanc resta abasourdi, mais quand il entendit encore la voix d’Heike s’exclamer :

 

-         Viens la chercher !

 

Il ricana d’impatience, et partit à la poursuite de la femme-rate, entre les buissons taillés. À la première intersection, il repéra sur le chemin qui partait vers la gauche le châle de sa compagne. Plus loin, sa ceinture traînait par terre. Psody sentit son sang entrer en ébullition, et ce fut en courant qu’il suivit la piste vers l’extase.

 

*

 

Le tonnerre réveilla en sursaut Bianka. La pluie tombait à torrent sur les volets de la fenêtre de sa chambre, qui tremblaient sous la pression du vent. Elle se leva, s’étira, et sentit alors une curieuse odeur. Elle tourna la tête, et vit avec horreur trois lignes croisées en triangle peintes sur toute la hauteur du mur qui surplombait son lit. La couleur rouge et le fumet ne laissaient aucun doute, c’était bien du sang.

 

Un claquement sonore dans son dos fit réagir la jeune fille-rate. Elle se retourna, et vit que l’un des volets de la fenêtre s’était décroché, et tapait contre le mur. Hypnotisée par le mouvement irrégulier de la planche de bois, Bianka approcha pas à pas. Le plancher craquait sous ses orteils. Elle se trouva enfin face à la fenêtre. Dehors, ça tournait à l’ouragan. Les rafales de vent secouaient les arbres avec une violence incroyable.

 

La jeune fille hésita. Devait-elle prendre le risque de laisser entrer une telle bourrasque pour refermer le volet ? En même temps, il battait tellement fort qu’il risquait de se décrocher et de casser quelque chose. Ou pire, de tomber sur quelqu’un, bien qu’il fût de la dernière imprudence de se trouver dehors par un temps pareil. Elle resta ainsi, immobile, pendant un temps indéfinissable.

 

Finalement, elle prit sa décision. Elle tourna lentement la poignée ronde de la fenêtre, l’ouvrit, et fut presque repoussée par le vent. Elle serra les dents, et tendit le bras pour rattraper le volet décroché. Soudain, une main agrippa son poignet, et l’autre panneau encore fermé fut arraché par une force irrésistible. Bianka hurla de terreur quand elle vit devant elle une silhouette sombre qui lui glapit au visage, ses deux yeux brûlant d’une lueur verte.

 

Bianka tomba de son lit, trempée de sueur, le cœur battant à tout rompre, et un goût de sang dans la bouche. Elle se braqua vers la fenêtre, toujours fermée et intacte. Elle n’entendit rien d’autre que le chant de quelques oiseaux. Elle se précipita en avant, tira les rideaux d’un coup sec, écarta les battants et ouvrit en grand les volets.

 

Le soleil était déjà haut dans le ciel printanier, et dans le parc, la vie tâchait de continuer à un rythme à peu près normal. Le temps était radieux.

 

Contrairement à l’humeur de la jeune fille.

 

-         Bon, maintenant, ça suffit !

 

Elle fila se rafraîchir le corps, s’habilla, et descendit les escaliers d’un pas décidé. Elle passa quelques minutes à traverser le manoir, en passant par les lieux les plus stratégiques. Mais pas moyen de trouver l’un ou l’autre de ses parents. Elle courut vers le laboratoire, mais il était fermé à clef, tout comme la serre.

 

Furieuse, la jeune fille-rate regarda aux alentours, et se précipita vers la première servante qu’elle croisa, une jeune Skaven nommée Tanya.

 

-         Tanya !

 

La servante sursauta.

 

-         Oui, Maîtresse Bianka ?

-         Savez-vous où est mon père ?

-         Il n’est pas là, Maîtresse.

-         Et ma mère ? Vous l’avez vue ?

-         Pas davantage, j’en suis désolée.

-         Mais c’est pas vrai !

 

Bianka trépigna sur place.

 

-         Bianka, ça ne va pas ?

 

Elle pivota sur ses talons. C’était Magdalena.

 

-         Où sont mes parents ? articula difficilement la jeune fille-rate.

-         Ils sont en ville, avec votre grand-père et Maître Mainsûre. Ils ont laissé des consignes : ils ont un certain nombre d’affaires à régler, ils ne rentreront que pour le souper.

 

Bianka crissa entre ses dents, puis retint son souffle, ferma les yeux, et tâcha de garder le peu de calme qui lui restait. La seule solution qu’elle trouva pour passer la journée sans craquer fut de se réfugier dans la bibliothèque.

 

*

 

Le Magister était sur le seuil de la salle du trône.

 

-         Je suis sûr et certain que votre Principauté ne s’en sortira que plus forte.

-         Je me demande tout de même ce qu’en pensera le Patriarche Gormann ?

-         C’est un homme intelligent, plus que la plupart des gens du peuple ou des capitaines de l’armée. Vous pensez bien que j’ai préparé le terrain auprès de lui avant de vous parler de ce projet. Bien sûr, il n’aime pas les Skavens de l’Empire Souterrain, mais il reconnaît que Vereinbarung n’est pas encore une menace pour Karl Franz. À partir du moment où vous aurez au moins un allié parmi vos voisins, il se penchera plus avant sur la question. À ce moment-là, je lui proposerai de venir vous voir, avec l’escorte qui lui plaira, bien entendu.

-         Bien entendu. Il verra donc que nous n’avons que de bonnes intentions, et soutiendra notre permission auprès de l’Empereur.

-         Et je serai à la tête du chantier pour ouvrir un Collège de Feu à Steinerburg, votre Altesse.

-         Je préférerais commencer avec la Magie de Jade. La Magie de la Vie nous sera bien utile pour mieux cultiver nos terres. Mais je n’exclus pas pour autant la puissance de feu d’Aqshy, Mainsûre, soyez rassuré. Le Collège de Feu sera le deuxième à ouvrir ses portes. Bien, vous pouvez disposer.

-         Je vous souhaite une bonne soirée, votre Altesse.

 

L’Elfe s’inclina, et quitta les lieux. Il sortit du manoir et se dirigea vers la grille d’entrée. Chemin faisant, il vit la petite Isolde, assise sur un banc, en train de manipuler un petit objet brillant. Il sentit son front se plisser quand il distingua mieux ce qu’il y avait entre ses petits doigts : elle tenait une pièce de soie d’une main… et un petit couteau de l’autre.

 

-         Qu’est-ce que tu fais ?

 

Il avait parlé sans élever la voix pour ne pas la faire sursauter. Elle leva la tête, et répondit avec toute l’innocence du monde :

 

-         Je taille un bout de tissu pour fabriquer une robe à ma poupée.

 

L’Elfe ouvrit de grands yeux suspicieux.

 

-         On te laisse utiliser ce genre d’outil ?

-         Je ne fais pas de bêtise, je veux lui faire un cadeau !

-         Je ne pense pas que tes parents apprécieraient te voir jouer avec un couteau.

-         Et moi, je ne pense pas que nos parents apprécieraient vous voir lui donner des leçons d’éducation !

 

Le Magister pivota sur ses talons. Bianka lui faisait face, mains sur les hanches, furieuse. Il leva innocemment les mains.

 

-         Ta sœur joue à un jeu dangereux, je fais mon devoir d’adulte bienveillant.

-         Des clous ! Mêlez-vous donc de vos formules au lieu d’approcher ma sœur ! Vous ne deviez pas repartir à Altdorf, d’ailleurs ?

-         Figure-toi que ton grand-père m’a demandé de rester encore un peu, afin de faire une première étude sur la constitution d’un premier Collège de Magie ici, à Steinerburg. Tu n’es pas près de te débarrasser de moi, je le crains.

 

Ces paroles finirent d’énerver la jeune fille, qui s’en prit violemment à sa petite sœur.

 

-         Et toi, Isolde, où as-tu pris ce truc ?

-         Je ne l’ai pas volé, je l’ai trouvé.

-         Pose-le sur le banc. Tout de suite !

 

Le ton de la jeune fille n’autorisait pas la moindre argumentation, aussi Isolde obéit. Bianka ramassa prestement le petit ustensile, et l’examina sous tous ses angles. Elle pria Verena de l’aider à ne pas faire une crise de nerfs quand elle reconnut l’objet.

 

Le coupe-papier de Père !

 

Mais elle ne perdit pas son sang-froid. Elle demanda d’une voix blanche :

 

-         Où as-tu trouvé ça ?

-         Sous le fauteuil de ma chambre.

-         Et depuis quand tu l’as ?

-         Depuis… depuis le matin où Père et Sigmund sont partis.

-         Tu l’as gardé avec toi tout ce temps ? Et pourquoi donc ?

-         Pour pas qu’on le trouve.

 

Bianka regarda la petite fille dans les yeux. Celle-ci était pétrifiée, et une petite larme germa au coin de son œil.

 

-         C’est… c’est grave ?

-         Pas d’inquiétude, mon enfant, répondit Maître Mainsûre. Je suis sûr que…

-         Suffit ! glapit Bianka à son attention. Ceci ne vous concerne pas !

 

Elle courut vers l’annexe qui servait de laboratoire à son père. Il était temps de mettre les choses au point pour de bon.

 

 

Psody relisait le courrier qu’il comptait envoyer au Collège de Jade d’Altdorf. Le Magister Mainsûre l’avait répété au Prince, il était temps de fonder une école de magie digne de ce nom. Mais il convenait de savoir par où commencer. Au niveau financier, ils avaient passé la journée à prospecter auprès des différents temples et citoyens parmi les plus fortunés pour pouvoir lever les premiers fonds nécessaires, il fallait à présent déterminer comment les dépenser de la manière la plus constructive. Le Druide Ayden, le Mage de Jade qui l’avait formé, pourrait sans doute lui donner de bons conseils.

 

Le Skaven Blanc voulut prendre le gobelet posé près de lui pour se servir un verre d’eau, lorsqu’il entendit frapper à sa porte.

 

-         Entrez.

 

Mais alors qu’il tendit la main, il renversa la coupe qui roula sous le bureau. En grommelant, il se mit à quatre pattes. Il posa les doigts sur le gobelet, et entendit la voix de sa fille aînée.

 

-         Tu as perdu quelque chose ?

-         Seulement mon verre.

-         Tu es sûr ? Rien d’autre ?

 

Le Skaven Blanc entendit le bruit sec d’un objet posé sur le bois du meuble vernis. Il s’extirpa de sous le bureau, et son front se crispa quand il vit la main de Bianka qui appliquait sur le plan de travail son coupe-papier. Mais l’expression de sa fille le perturba davantage.

 

-         Mais… je croyais l’avoir perdu-perdu ! Qu’est-ce que tu fais avec ça ?

-         J’ai surpris Isolde en train de faire une bêtise avec.

-         Ne me dis pas qu’elle s’est blessée ?

-         Non. Sois tranquille, contrairement à Siggy, il n’y a pas de dégâts, à part un bout de tissu.

 

En effet, tout petit, le Skaven Noir s’était planté accidentellement un petit couteau dans la main, il en portait encore la cicatrice. Un peu soulagé, Psody se releva, et se gratta la tête.

 

-         D’où est-ce qu’elle l’a sorti ?

-         Elle l’a trouvé dans sa chambre.

-         Dans sa chambre ?

-         Sous son fauteuil. Elle l’a gardé sur elle depuis. Pour ce qui est des recherches d’indice, je crois qu’Heifetz a encore beaucoup à apprendre.

-         Heifetz ? Qu’est-ce qu’Heifetz vient faire là-dedans ?

-         Eh bien, son investigation.

 

Psody sentit son front se crevasser.

 

-         Quelle investigation ? Mais enfin, Bianka de quoi tu parles-parles ?

-         Comprendre comment ton coupe-papier a pu finir entre les mains d’Isolde. Je suppose que c’est avec cet objet que quelqu’un a tailladé le triangle du Rat Cornu sur son lit ?

 

Le cœur de Skaven Blanc s’arrêta net.

 

-         De quoi ?

-         Opa ne t’en a pas encore parlé ?

-         Il avait quelque chose à me dire, mais il a eu beaucoup de travail, vis-à-vis des bourgmestres du Royaume.

-         Tu n’as pas remarqué qu’il a offert un nouveau lit à Isolde ?

-         Euh… Si, mais je pensais que c’était pour qu’elle ait un lit plus grand-spacieux ?

-         Il l’a surtout fait pour qu’elle ne voie pas la planche avec le triangle des Skavens Sauvages qui a été gravé dedans. Par ton coupe-papier !

-         Mon…

-         J’ai d’abord cru que c’était encore un Coureur d’Égout qui a voulu te faire peur, mais il aurait fait ça avec une dague Eshin. Peut-être même qu’il aurait fait du mal à Isolde ? Cela pouvait être le fameux « traître », mais je me suis souvenue que tu es le seul à avoir la clef de ton laboratoire. Et donc l’accès à ce coupe-papier. C’est toi qui as fait ça, alors ?

 

Psody se rappela brutalement l’étrange impression d’absence qu’il avait eue le jour où Sigmund avait été mis au cachot. Il entendit alors un bourdonnement de plus en plus furieux. Toute la pièce tourna lentement autour de lui, et sa vue se brouilla.

 

J’ai… menacé-menacé ma petite fille ?

 

La colère de Bianka glissa progressivement vers l’inquiétude.

 

-         Père ? Père ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

 

La voix claire de la jeune fille-rate parvenait de plus en plus difficilement à ses oreilles. Les murs et les meubles de son cabinet s’estompaient à vue d’œil, et laissèrent place aux murs de pierre de la grande nef du temple du Rat Cornu de Brissuc. Bianka était toujours devant lui, indécise. Le bourdonnement se clarifia, et bientôt, une imprécation sonna de plus en plus distinctement aux oreilles du Skaven Blanc. Il reconnut sa langue natale quand il entendit : « Gloire au Rat Cornu ! Gloire au Rat Cornu ! »

 

Psody sentit chacun de ses poils se tendre à s’en décrocher de la peau lorsqu’il distingua une paire de mains aux doigts crochus caresser le cou et la poitrine de sa fille, comme deux monstrueuses araignées prêtes à la vider de son sang jusqu’à la dernière goutte. Derrière sa tête, les deux yeux malveillants de Vellux étincelèrent de moquerie et de lubricité.

 

C’en fut trop pour le Skaven Blanc. Il saisit le premier objet qui lui tomba sous la main – un épais volume relié prêté par Brisingr – et le lança de toutes ses forces en avant, vers la sinistre apparition.

 

-         Laisse-la !

 

Subitement, tout devint noir.

 

Quand Psody reprit ses esprits, il était debout, derrière son bureau. Ses yeux se posèrent successivement sur le coupe-papier, le livre de magie grand ouvert sur le sol de marbre… et Bianka, allongée de tout son long, inerte, avec le nez enflé, et du sang qui lui coulait sur le menton.

 

Psody tomba à genoux.

 

Il empoigna fermement ses cornes, renversa la tête en arrière. Un crissement suraigu, strident, écorcha sa gorge, fissura ses tympans, et écartela ses mâchoires en une effroyable distorsion.

 

La porte s’ouvrit avec fracas. Heike, Sigmund et Ludwig se précipitèrent à l’intérieur.

 

-         Trésor ! s’écria la mère-rate.

 

Elle s’agenouilla près de sa fille, lui caressa le visage pour la ranimer.

 

-         Eh bien, on dirait que Bianka avait raison, murmura la voix grave du Skaven Noir.

 

Les dalles claquèrent sous les pas lourds de Sigmund, qui approcha lentement. Psody sentit l’ombre de son fils peser sur lui. Lorsque leurs regards se croisèrent, il frissonna derechef. Le grand Skaven Noir serra les poings.

 

-         J’espère que tu as une excellente explication…

 

Le grand Humain s’empressa de s’interposer.

 

-         Siggy, non ! Ça ne peut pas être ce que tu crois !

-         Ma sœur, par terre, blessée… avec lui ?

-         Siggy, je t’en prie ! Ton père n’est plus lui-même ! On va arranger ça. Occupe-toi de ta sœur, je t’en prie.

 

Sigmund gronda, mais recula, et prit délicatement Bianka dans ses bras, avant de la sortir du bureau.

 

Psody tremblait tellement qu’il n’arrivait plus à se remettre debout.

 

-         Père, je… je…

-         Qu’est-ce que tu as vu ? Qu’est-ce que tu as fait ?

 

L’Humain se pencha vers lui, le Skaven Blanc l’agrippa par la chemise.

 

-         Enfermez-moi, vite ! Brisingr doit m’examiner !

-         Il le fera, mais seulement quand tu te seras calmé. En attendant, nous devons prendre des précautions. Heike, va le chercher, vite !

-         Il est à la porte ! s’écria Heike.

 

La pauvre femme-rate, affolée, courut à la poursuite du Mage Flamboyant.

 

*

 

Gabriel frissonna d’angoisse. Le soleil venait à peine de se coucher, les rayons verts de Morrslieb éclairaient le domaine. Le jeune Skaven eut l’impression de voir par la fenêtre la lourde patte du Rat Cornu peser sur toute la ville.

 

Il avait envie de dormir, il voulait changer de journée, mais il n’y arrivait pas. Son esprit survolté était trop en ébullition.

 

Contrairement à son habitude, il avait choisi de se coucher de bonne heure, pour tenter de dormir plus. Or, quelques minutes auparavant, son oreille avait capté la fin d’une conversation entre Sigmund et Bianka, par les fenêtres ouvertes.

 

-         Tu n’es pas fâchée contre lui ?

-         Non. Il est victime de quelque chose qui le pousse à voir des choses effrayantes.

-         Heureusement que les petits ne se sont rendus compte de rien.

 

Oh si, au moins l’un des deux « petits » sentait qu’il y avait anguille sous roche. De quoi voulaient-ils parler ? Qu’est-ce qui s’était passé ? Qui était « victime de quelque chose » ?

 

Avant d’aller se coucher, le petit Skaven avait été contrarié, le repas s’était passé sans ses parents, ni Sigmund, ni Bianka. Il avait travaillé toute la journée dans son atelier, et s’était retrouvé avec son grand-père et sa petite sœur. Opa Ludwig avait expliqué que Psody et Heike avaient besoin de « régler un petit souci de grandes personnes », et étaient allés en ville. Isolde, toujours aussi insouciante, avait passé la journée à jouer avec Teresa et Magdalena. Très fatiguée, elle n’avait posé aucune question. Quant à Bianka, d’après le Prince, elle avait voulu se coucher très tôt, et Sigmund était resté près d’elle. Mais instinctivement, Gabriel avait bien senti que quelque chose de très grave s’était produit. Toutefois, il n’avait pas osé interroger son grand-père. Et les quelques phrases qu’il venait d’entendre laissaient présager le pire.

 

La meilleure façon de supporter cela était une bonne nuit de sommeil bien réparateur, mais le sommeil ne venait pas.

 

Gabriel se contorsionna dans son lit. Il cala sa tête sous son oreiller. Il gigota nerveusement. Il se fourra le plus profondément possible sous les draps. Il resta immobile pendant une longue minute, puis comme il eut trop chaud, il envoya voler la couverture, puis il arracha sa chemise de nuit, et se roula sur le matelas en maugréant « Je vais dormir, oui ? Je vais dormir ? » Il finit même par ramper à quatre pattes sur son lit, comme un insecte hystérique.

 

Puis il s’immobilisa, réalisant le ridicule de la situation. Il se remit debout, se regarda, et se trouva pathétique à en pleurer. Sans mot dire, il ramassa son vêtement, se rhabilla, et s’allongea sur le lit. Il ferma les yeux, et tenta d’arrêter de penser.

 

Il resta ainsi pendant un temps indéfinissable. Dehors, le clocher sonnait successivement chaque quart d’heure. Le sommeil ne venait toujours pas. En revanche, une sensation désagréable titilla encore le jeune Skaven. Il se redressa, et soupira d’agacement.

 

Peut-être que j’arriverai à dormir si j’arrête d’avoir envie d’aller aux toilettes ?

 

Son grand-père avait fait installer un matériel qui constituait le nec plus ultra en matière d’hygiène : une pièce spéciale pourvue d’un siège relié directement aux égouts. Cela évitait d’avoir recours à un pot de chambre – Isolde en avait cependant toujours un dans sa propre chambre, pour plus de sûreté.

 

Quand il entra dans le couloir sombre, Gabriel trembla de nouveau de peur. Il se rappela de tout un tas d’histoires épouvantables sur les tunnels sombres de l’Empire Souterrain que son grand frère Kristofferson avait cru bon lui raconter pour s’amuser à lui faire peur. On y croisait des Skavens Sauvages par centaines, et parfois de monstrueuses créatures, fabriquées par le Clan Moulder ou améliorées par le Clan Skryre, parfois les deux. Le petit Skaven gris clair serra les dents.

 

Quelle andouille de m’avoir décrit toutes ces horreurs !

 

Le couloir pourtant familier lui parut terrifiant. Heureusement qu’il n’avait que quelques yards à faire pour le traverser et atteindre le petit cabinet. Il eut cependant un coup de panique lorsqu’il s’apprêta à soulever le couvercle de bois.

 

Les toilettes sont reliées aux égouts… Et si un Skaven Sauvage était caché dedans ?

 

L’envie de satisfaire le besoin naturel se fit plus oppressante que sa peur de l’intrus.

 

Une fois sa vessie soulagée, le petit homme-rat voulut regagner son lit, lorsqu’il distingua un rai de lumière par l’interstice de la porte menant à la chambre de Sigmund. Il eut envie de lui dire bonne nuit, de lui demander s’il pouvait rester un peu après de lui pour le rassurer. Avec Sigmund à ses côtés, Gabriel se sentait protégé. Il allait poser la main sur la poignée de la porte, mais suspendit son geste.

 

Il venait d’entendre un renâclement plutôt inquiétant.

 

Il avala sa salive et frissonna en sentant la sueur inonder sa chemise de nuit. Avec d’infinies précautions, il abaissa la poignée, poussa la porte lentement, très lentement. Quand elle fut complètement ouverte, ce fut pour révéler un triste spectacle.

 

Une forte odeur d’alcool irrita les narines de Gabriel. La chandelle vacillante sur le bureau éclairait Sigmund. Il était effondré de tout son long sur le plan de travail, marmonnant, et serrait les doigts autour du goulot d’un flacon de vin complètement vide.

 

-         Euh… Siggy ?

 

Le grand Skaven Noir grogna, et remua sur son fauteuil. La bouteille qu’il tenait tomba au sol, et roula lentement sur le parquet avant de s’arrêter au contact du gros orteil du pied nu de Gabriel.

 

Effrayé, le petit Skaven gris clair se sauva dans ses propres appartements.

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