Être soi-même

Chapitre 1 : Être soi-même

Chapitre final

2052 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/06/2023 09:36

L'animal lui atterrit sur le dos. Rampant sur le sol, lui qui espérait échapper au carnage sentit ses côtes se fracturer sous l'impact des 140 kg de muscle et d'acier. Sa complainte se mêla aux gargouillis: l'hémorragie interne était telle qu'il vomissait du sang. À genou sur le soldat au juste-au-corps citron, Wolverine avait le costume en lambeaux et le souffle saccadé. Sa cagoule était toujours en place, laissant apparaitre ses lèvres retroussées sur des crocs écumants. Avec un "snikt" métallique, trois fines lames longues comme ses avant-bras jaillirent du dos de sa main droite. Elles ne brillèrent pas longtemps au soleil : l'animal les enfonça au travers le crâne de sa proie. Les griffes finirent leur course dans le bitume de la route, s'y enfonçant de quelques centimètres. Le poing toujours en appuis contre la nuque de l'agent de l'AIM, Logan rentra les griffes avec un léger sursaut musculaire.

La boule de muscle se redressa complètement du haut de ses 1m60 puis, de la main gauche, il bascula sa capuche en arrière, libérant son imposante tignasse détrempée de sueur. En dépit de son nez de boxeur, de ses sourcils en broussailles et de son uniforme jaune et marron couvert de sang et déchiré par endroit, il émanait de lui comme une noble résilience. Résilience face aux événements et face à lui-même. Sous les lambeaux de son costume de X-Men, le corps de Logan était intact.

La voie de bitume qui sinuait entre les sapins était recouverte de cadavres. Un large véhicule blindé, couché sur le flanc, était éventré. Une vingtaine de corps, découpées en autant de morceaux, finissaient de déverser leurs fluides diverses sur la chaussée. Du sang surtout. Tellement de sang que la route avait virée au noir par endroit.

Au milieu des morts, à côté du camion, se dressait une petite fille. Il avait fait ça pour elle, pour ses tresses blondes, sa robe à fleurs et son petit ours en peluche. Il avait fait pour l'innocence qu'elle représentait. Une larme perlait sur la joue de la gamine, le regard vide. C'était loupé pour l'innocence.

L'organisation criminelle avait kidnappé la môme dans l'idée de faire chanter ses scientifiques de parents. Le SHIELD avait cru que Wolverine ferait moins de dégâts qu'un Hulk… Très certainement à cause des neurones à géométrie variable du géant vert. Allez savoir…

Avec Logan, c'était "on/off", "Cible vivante/cible morte".

Les hélicoptères étaient en approche. La gamine était figée de trouille. L'AIM lui avait indéniablement fait peur. Son sauveur lui avait glacé le sang. Suite au premier chargeur que les soldats de l'AIM lui avaient vidé dans le buffet, Logan avait vrillé Il était passé d'homme à animal. Ses sens avaient pris le dessus. Son instinct avait pris le dessus. Au dernier sang versé, il avait repris un semblant de conscience. Mais la gamine avait tout vu. Elle avait vu la bête se déchaîner.

Il ne savait pas quoi lui dire. Ils étaient à quelques mètres l'un de l'autre, mais séparé par des millions de kilomètres. Il aurait pu lui tendre la main. Il préféra lui tourner le dos.

Deux hélicos noirs se posèrent, chacun à une extrémité du carnage.

Loin derrière lui, des médecins prenaient la gamine en charge, et une équipe s'affairait à nettoyer le bitume.

Logan passa dans le souffle du second hélico et continua sa route. Vêtu d'un long manteau noir flottant dans l'air de cette fin d'après midi, un vieux gaillard athlétique, sauta hors du moulin et rattrapa le mutant au pas de course. D'une voix rauque, Logan l'envoya bouler :

-Fous-moi le camp, Fury.

Une coupe militaire aux tempes grisonnante, un patch sur l'œil droit, de la détermination dans le gauche, Nick Fury marchait désormais au côté du "héros". Les mains dans les poches, le directeur du SHIELD demanda, plus pour la rhétorique :

-Tu ne comptes pas retourner jusqu'à Westchester à pied ? J'espère que personne ne t'attend…

Le nabot s'arrêta. Effectivement, il était attendu. Il se retourna et contempla son œuvre de loin. Le borgne esquissa le geste de vouloir poser une main amicale sur l'épaule de Logan.

-Tu me touches, je t'arrache l'autre œil.

Fury ramena sa main sous son coupe-vent et sortit un cigare de sa poche intérieure. Logan le lui chipa au vol et se le ficha dans le bec.

-Je veux bien un taxi. Se raisonna l'hirsute avant d'ajouter : et du feu.


- - -


Le bistrot était embrumé, bruyant, vivant. Cela convenait au mutant. Un vieux stetson éliminé sur le crâne, un marcel blanc sur ses épaules velues, un ceinturon tape-à-l'œil sur un jean bien ajusté… Logan aurait presque ressemblé à un être civilisé en dépit de ce regard de chien prêt à mordre. Les habitués commençaient à le connaître, et les échauffourées se faisaient désormais rares. Plus personne n'essayez de lui marcher sur les santiags depuis longtemps. Dans le juke-box, Jagger chantait sa naissance dans le feu croisé d'un ouragan... Les Stones... Logan fouilla ses poches et en sortie une pièce de monnaie salutaire qu'il glissa dans la fente puis sélectionna Johnny Cash. Amen. Du fond de la salle, une voix s'éleva :

-Qui c'est le con qui nous met Walk the Line?!

Du fond du troqué émergea un grand brun élancé, mâchoire carrée et chemise à carreaux épousant impeccablement ses pectoraux. Ses larges lunettes rectangulaires avaient d'épais carreaux rouges derrière lesquelles les yeux de la tête de nœud étaient camouflés. Le genre d'abrutis à écouter les Beatles chez lui et à imposer les Stones en soirée. Logan empoigna la main droite pour le saluer et lui ficha une telle claque à l'épaule que le chef des X-Men fit un bon sur le côté :

-Salut Scott, lâcha impassible le Canadien, presque content de le voir.

Laissant son camarade frotter son épaule douloureuse, Logan rejoignit la table à laquelle ses amis l'attendaient.

Enfoncée dans une longue banquette, une poignée de X-Men avait laissé leurs responsabilités à l'école pour "Jeunes Surdoués" de Charles Xavier. À la toute gauche, face à un daikiri, l'incendiaire Jean Grey se la jouait casual jean/t-shirt. N'importe quel homme aurait vendu son âme pour prendre à Scott le rôle de prétendant auprès de la rouquine, Logan compris. La princesse kényane à ses côtés pouvait également faire tourner les têtes. Ororo passa la main dans sa longue chevelure d'argent, jouant de l'autre main avec la paille de sa pina-colada, riant avec distinction aux plaisanteries son voisin. Piotr prenait sur la banquette la place de deux hommes, et riait très fort à ses propres blagues. Une coupe en brosse, le sourire gaillard, le grand Russe posa son coca à la vue de son ami. Tous poussèrent à l'unisson des cris de satisfaction à la vue de Wolverine. À droite de Piotr se trouvait Kurt, qui fut le seul à se lever pour accueillir son ami.

-Joyeux anniversaire, Farfadet ! Lui souhaita Logan durant leur franche accolade.

Kurt était un jeune blondinet de taille moyenne au physique tristement banale. Wolverine renifla l'air, la moue désapprobatrice.

-Tu pus l'électricité statique quand tu utilises cette connerie.

Il saisit la main gauche de son ami, releva la manche de sa chemise de soie bleu ciel. L'une des griffes de sa main jaillit pour trancher le bracelet de cuir marron retenant ce qui ressemblait à une montre à quartz. La mécanique estampillée Stark Industrie n'avait pas touché le sol que son charme n'agissait plus. Le blondinet se mue en un fin démon bleu au sourire enfantin, trois doigts à chaque main, les oreilles en pointes. Une longue queue azur remontait de sous sa chemise de soie.

Scott Summers, se frottant toujours l'épaule, les avait rejoints. Avant qu'il ait pu émettre une objection, le nabot lui plaqua l'inducteur d'images sur le torse.

-C'était encore une brillante idée de notre grand chef, affirma Logan.

Lors du bref contact avec l'appareil, Summers pris l'apparence du blondinet quelconque. Il saisit l'engin pour l'éteindre et le glissa dans la poche de son pantalon en velours. Avant qu'il ait pu s'expliquer, Diablo intervint, visiblement gêné :

-Logan, je ne voudrais mettre personne mal à l'aise.

Le Canadien resta sans voix l'espace d'un instant, plongeant un regard désolé dans celui de son ami aux oreilles pointues.

Il saisit la main droite de son ami, la leva au-dessus de sa tête puis hurla à l'intention de la foule présente dans l'établissement :

-Mesdames et Messieurs !

Kurt eu de grands yeux gênés, enfonçant sa tête entre les épaules. Sous les yeux médusées de ses amis, Logan repris :

-Voici Diablo le Magnifique ! Et c'est aujourd'hui son anniversaire ! Je voudrais une ovation pour mon ami !

Johnny Cash avait terminé de chanter. Il ne restait que le brouhaha des discussions. Le mutant s'était très bien fait entendre, et l'apparence de Kurt n'était pas passée inaperçue. Il n'y eut cependant aucune réponse. Logan haussa les épaules, et statua :

-Tu vois ? Tout le monde s'en fout.

Il tira un tabouret, et s'installa à côté de Scott qui avait repris place auprès de Jean. Il héla un serveur :

-Garçon ! Une mousse !

Depuis le comptoir, un blouson noir, s'agrippant à sa chope, interpella le Canadien :

-Barrez-vous les mutos!

Sans se lever, sans le regarder, Logan lui lança :

-Toi, tu fermes ta gueule si tu veux pas que je crève les pneus de ton tricycle...

Pas de réaction.

Logan posa son galurin à côté de la bière fraîche que l'on venait de lui déposer. Une larme de condensation coula le long du verre. Il repensa à la gamine, et se focalisa sur ce qu'il avait à dire. Logan pointa Scott du doigt :

-Tu crois que t'as pas l'air chelou avec carreaux en rubis ? Et, Jean, quand tu parles dans la tête des gens, ça fout les jetons.

Il regarda Kurt, et calmement fit gentiment la morale à son ami :

-On est pas des Vengeurs, ou des Fantastiques. On est des foutus X-Men. Nos pouvoirs et notre apparence, c'est ce qu'on est. On n'a pas le luxe de se planquer derrière une identité secrète, sinon, on est plus personne.

Le nez dans son verre, Summers acquiesça.

Le diablotin avait compris :

-Ja, mon ami. Merci. Tu as raison.

Logan conclu, un peu pour lui même également :

-Tout ce que tu peux faire, c'est espérer que ceux qui ne comprennent pas finissent par comprendre un jour...

Piotr avala le fond de son verre de coca, topa dans le dos du frêle Diablo et déclara, presque fier :

-Et puis, Tovarich, tout le monde sait que je suis le plus effrayant des X-Men!

Un éclat de rire collectif s'éleva au-dessus des boissons.

Au bout de quelques dizaines de minutes, essentiellement passé a essayé de comprendre pourquoi Ororo c'était encore rabiboché avec Forge, son ex, un serveur s'approcha de Kurt et déposa devant le diablotin une large chope de houblon.

-Mais je n'ai rien commandé, se confondit le jeune homme.

Le plateau toujours en mains, l'employé indiqua le comptoir d'un mouvement de tête :

-C'est de la part de la jeune femme là-bas…

Du bout des doigts, une charmante blonde salua timidement Kurt de loin. Elle ramena sa longue chevelure en arrière et glissa légèrement ses lunettes de soleil sur son nez retroussé. Elle révéla ainsi de fines oreilles duveteuses en pointes et de larges yeux verts. Au cœur de ses iris, couvrant la totalité de ses cornées, brillaient des pupilles en forme d'amande.

Jean se pencha, comme pour discrètement déclarer à son ami :

-Tu vois Kurt : si tu t'autorises à être toi-même, les autres seront plus à l'aise à être eux-mêmes.

Kurt remercia l'inconnue d'un petit rictus maladroit. Elle le lui rendit, dévoilant d'adorables petites dents félines.

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