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Chapitre 7 : Big Bang TOS

3988 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/02/2021 10:27

Chapitre 7 : Big bang TOS


– Je vous jure que je ne savais pas qui elle était ! Sinon, il est évident que je n’aurais jamais…

Le capitaine eut le bon goût de s’arrêter net, tandis que sa peau prenait une intéressante teinte cramoisie. Spock choisit de ne pas commenter les dénégations de son supérieur. Il savait que James Kirk ne mentait pas et que la jeune prêtresse d’Ikkil, vraisemblablement curieuse, lui avait dissimulé son identité pour, comme le disaient les humains, « tenter sa chance ». Le capitaine se sentait suffisamment mal et il n’était pas nécessaire de rajouter à son embarras.

Le docteur McCoy, assis à la gauche du premier officier, fut moins magnanime.

– Mais on vous croit, Jim, le problème n’est pas là ! Le problème, c’est que vous commettez toujours des bourdes comme celle-ci ! [1] Je ne vois pas bien la façon dont nous allons expliquer à Starfleet pour quelle raison l’Enterprise et tous les membres de son équipage sont bannis à jamais d’Antares II. Vous savez qu’ils risquent d’étendre leur véto à tous les humains, n’est-ce-pas ?

Kirk ferma les yeux et soupira.

Je sais, Bones, ce n’est pas la peine de me le rappeler. Est-ce que tous les hommes ont été remontés à bord du vaisseau ?

– Tous, capitaine, répondit Spock. Nous sommes prêts à quitter l’orbite d’Antares lorsque vous en donnerez l’ordre.

– Capitaine, qu’est-ce que… qu’est-ce que vous allez dire à l’équipage ? hasarda timidement M. Scott.

– Je ne sais pas, avoua le capitaine dans un rare aveu de faiblesse. Je ne peux décemment pas annoncer à tout le vaisseau que j’ai été surpris à enfreindre l’un des tabous les plus sacrés des Antariens !

– Comme si c’était la première fois, marmonna le médecin en chef entre ses dents.

– Nous pourrions rejeter la faute sur notre « invité surprise », suggéra le lieutenant Uhura. Après tout, beaucoup de membres de l’équipage l’ont vu à l’œuvre et ont pu constater qu’il possède un don certain pour attirer les ennuis. Sans parler du fait qu’il a réussi à exaspérer à peu près tous ceux qui ont interagi avec lui. C’est d’ailleurs en grande partie à cause de lui que nous nous retrouvons dans cette situation.

Les trois hommes se tournèrent vers la jeune femme, visiblement choqués (et probablement plus que tentés) par sa suggestion iconoclaste. Spock, en bon Vulcain, était moins étonné et moins choqué qu’eux. Il avait déjà vu le lieutenant Uhura à l’œuvre, et la savait capable de manœuvres particulièrement retorses. Elle était, après tout, redoutable aux échecs.

– Cela apaisera la tension qui règne dans le vaisseau, reprit-elle comme si elle ne venait pas de proposer de passer outre douze articles du règlement de Starfleet.

Chose étrange, ce genre de choses dérangeait beaucoup moins le premier officier depuis quelques temps : fréquenter quotidiennement le capitaine Kirk l’avait amené à accepter que, parfois, l’esprit de la loi demeurait plus important que la lettre.

– Soyons honnêtes, poursuivit la jeune femme : les hommes sont épuisés, à bout, et voilà qu’on leur ordonne de quitter brusquement, sans une explication, la planète paradisiaque sur laquelle il était prévu qu’ils passent une petite semaine… Certains n’ont même pas eu l’occasion d’y descendre !

Kirk se passa une main sur le visage. Uhura avait raison, songea Spock en considérant le visage morne de ses compagnons : tout le monde était fatigué et à bout de nerfs.

– Vous êtes tous d’accord ? demanda le capitaine.

L’acquiescement général ne surprit pas le Vulcain outre mesure : le docteur Cooper avait en effet, techniquement, provoqué l’incident diplomatique sur Antares II.

Tous les regards convergèrent alors sur lui, et il réalisa qu’il n’avait pas répondu à la question.

– Trop immoral pour vous, Spock ? demanda McCoy en croisant les bras sur sa poitrine dans un geste de défi.

– Non, docteur, cet individu a causé suffisamment de problèmes à bord. Cependant, je mettrai une condition à la proposition du lieutenant Uhura.

– Et quelle est-elle ? demanda le médecin, méfiant.

– Nous devons immédiatement renvoyer le docteur Cooper à son époque. Le garder à bord constitue une grave infraction temporelle et risque de nous exposer à des dangers bien plus importants qu’une simple interdiction de séjour sur Antares.

Un silence tendu accueillit ses paroles. Le capitaine secoua négativement la tête.

– Spock, vous avez entendu ce qu’a dit Uhura : l’équipage est au bord de la mutinerie ! Un voyage temporel dans ces conditions me semble impossible.

– Ca m’arrache la bouche de le dire, mais je pense que Spock a raison, fit remarquer le médecin en chef à l’étonnement général. L’équipage est fatigué, mais je pense qu’il pourra supporter un voyage spatio-temporel. Toutes les espèces sont fascinées par le passé de leur planète. Les humains ne font pas exception à la règle. Vous verrez, lorsque vous annoncerez que nous nous rendons sur Terre, personne ne protestera.

Etonnamment, le docteur McCoy avait raison : personne ne protesta à l’annonce (prudente) faite par le capitaine. Personne ne posa de questions sur ce qui s’était réellement passé sur Antares II. Personne n’exigea de permission immédiate. Personne n’essaya de repousser le moment de débarquer Sheldon Cooper du vaisseau. Peut-être parce que les trois quarts de l’équipage avaient eu affaire à lui, et que personne n’était ressorti de l’échange de bonne humeur.

Ce genre de circonstances rappelait à Spock que le médecin en chef possédait, en dépit des apparences, un diplôme en psychologie, dont il savait user de manière retorse en certaines circonstances.

Personne ne posa donc le moindre problème, à l’exception, bien évidemment, du principal intéressé, qui refusa catégoriquement de répondre au capitaine lorsque ce dernier lui demanda de lui fournir le lieu et la date exacte de son départ. Spock avait rarement vu tant d’obstination chez un être humain.

Le premier officier avait lu avec grand intérêt la théorie de Cooper sur les mondes multiples et en avait déduit que l’homme capable d’une telle intuition et d’une telle rigueur scientifiques ne pouvait être que passionnant. Mais pour l’instant, Sheldon Cooper n’avait montré de lui-même que le côté buté, puéril et prétentieux de sa personnalité. Le Vulcain commençait à sérieusement douter qu’il existât chez cet individu une facette plus intéressante.

– Allez-y, Spock, essayez de le convaincre, vous êtes notre dernière ressource, s’écria le capitaine en sortant, exaspéré, de la cellule où il avait réintégré leur visiteur impromptu suite à l’incident qui s’était produit sur Antares. A moi, il ne dira rien, mais peut-être qu’il se comportera différemment avec vous.

Le Vulcain hocha la tête d’un air de doute.

– Bones pense qu’il ne pourra rien vous refuser, poursuivit Jim avec un petit sourire. Je crois que vous êtes… son personnage préféré.

Spock profita de cette remarque pour poser la question qui le dérangeait depuis que leur hôte imprévu leur avait appris l’existence d’une œuvre de fiction parlant du futur avec une lucidité déconcertante :

– Jim, que pensez-vous de cette série télévisée dont nous a parlé le docteur Cooper ? Pourquoi n’en avons-nous pas trouvé trace dans les archives de la Fédération ?

– Je n’en sais rien. C’est comme si le tout s’était volatilisé. Je n’ai pas trouvé une seule mention à… Star Trek, sur aucune des données que nous possédons. Je ne pense pourtant pas que ce type nous mente. Il connaît trop de détails de nos vies pour les avoir inventés.

Spock acquiesça. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : quelqu’un avait, pour une raison mystérieuse, fait disparaître toute trace de la série, et jusqu’à son souvenir. La question se posait non seulement du « comment » (car il n’est pas aisé de réduire à néant quelque chose qui, si l’on en croyait les dires du jeune scientifique, avait été connu par des centaines de milliers de personnes à son époque), mais également du « pourquoi » : quel pouvait être l’intérêt d’annihiler ce qui n’était somme toute qu’un innocent divertissement ? Une seule explication semblait possible : ceux qui avaient, encore une fois pour des raisons mystérieuses, relié le passé et le présent, avaient voulu effacer toute trace de leur imprudence. Il est en effet toujours imprudent de fournir aux hommes la prescience de leur avenir, même sous la forme déguisée de la fiction.

Et le fait qu’ils aient réussi indiquait qu’ils disposaient de moyens colossaux.

Spock s’astreignit à vider son esprit de toute préoccupation avant de pénétrer dans la cellule. Le regard du jeune homme s’éclaira lorsqu’il le vit apparaître et le premier officier dut faire appel à tout son contrôle vulcain pour éviter un mouvement instinctif de recul, poussé par une intuition bien rare chez lui qui lui soufflait que son interlocuteur se retenait de son côté pour ne pas se précipiter vers lui et lui sauter dans les bras.

– Commandant, s’exclama-t-il, je suis si heureux de vous voir !

Spock fit un bref signe de tête et s’assit en face de son interlocuteur, mettant prudemment une table entre eux deux. La personnalité du physicien ne lui laissait que peu de marge de manœuvre pour le convaincre, mais le premier officier savait jouer aux échecs.

– Docteur Cooper, un homme aussi intelligent que vous doit bien comprendre que votre position ici est intenable, commença-t-il de but en blanc.

Il entendit presque Kirk et McCoy, qui écoutaient la conversation depuis l’extérieur de la cellule, lever les yeux au ciel. Il savait ce que lui dirait le médecin dès qu’il ressortirait : que la flatterie ne seyait pas à quelqu’un d’aussi honnête qu’un Vulcain. Mais il ne s’agissait pas de flatterie. Sheldon Cooper était intelligent. Pour être plus exact, il possédait une certaine forme d’intelligence. Quasiment illimitée dans le domaine du raisonnement scientifique. Probablement quasiment nulle dans le domaine des relations humaines.

En face de lui, le visage juvénile s’éclaira. Spock se demanda si on lui avait jamais dit qu’il était intelligent. Il soupçonnait les autres aspects moins agréables de sa personnalité de prendre le dessus dans le jugement que les autres portaient sur lui.

Après tout, il était lui-même passé par là, avant de rencontrer James T. Kirk.

.

De l’autre côté de la cloison, Kirk et McCoy se regardèrent. Le capitaine avait bien conscience qu’il jouait avec Spock son dernier va-tout. Lui-même avait raisonné, supplié, menacé, sans aucun effet. Ce gamin obtus les tenait en échec par sa simple obstination inébranlable. Bones, toujours pragmatique et inventif, avait suggéré de s’arrêter sur la première planète venue, de choper quelques oiseaux, de préférence pas trop carnivores pour éviter un carnage, et de leur jeter leur prisonnier en pâture jusqu’à ce que son ornithophobie prenne le dessus et qu’il se mette à table. Malgré l’immoralité de la proposition, Jim était tenté. Si Spock échouait, il ne leur resterait guère plus que cette option – ou bien celle de la fusion mentale, si le Vulcain acceptait d’en pratiquer une sans l’accord de son interlocuteur, mais la probabilité pour que cela arrive était de 0,00001 sur 1000. Spock ne transigeait pas avec les principes moraux de son peuple. Les oiseaux semblaient plus réalistes.

– Au contraire, répondit le docteur Cooper d’une voix exaltée qui n’annonçait rien de bon, je comprends à présent que j’étais destiné à venir ici. Personne au monde ne vous admire plus que moi. Personne au monde n’a davantage rêvé de l’Enterprise que moi. A dix ans, j’ai même écrit un texte expliquant comment vous veniez me chercher pour m’emmener dans le futur. [2]

Bones échangea de nouveau avec Jim un regard désolé. Ce type était complètement taré.

– Mais je ne suis pas venu vous chercher, répondit Spock, impassible. Vous êtes venu seul, semble-t-il. Comment expliquez-vous votre brusque bond temporel ?

– Vous semble-t-il si étonnant que j’aie pu concevoir une machine à voyager dans le temps ?

La suffisance suintait de chacun des mots prononcés par le jeune homme. McCoy soupira.

– Je suis Vulcain et ne m’étonne pas pour si peu. Vous avez probablement l’intelligence et les connaissances nécessaires pour le faire, mais si c’était le cas, ce serait pour cette raison que vous êtes connu dans le futur. Or, il n’en est rien.

Kirk et McCoy se figèrent en même temps. Spock était tout simplement en train de violer l’équivalent de la Première Directive en révélant à Sheldon Cooper des éléments sur son avenir, et en interférant donc ainsi avec le cours d’une civilisation moins avancée que la leur : celle de l’humanité, deux siècles auparavant. Le capitaine fit un geste pour ouvrir la porte de la cellule, mais le médecin l’arrêta.

– Attendez, Spock n’est pas si stupide, il doit avoir quelque chose en tête. Il ne dira rien de plus, il veut juste l’appâter.

Jim regarda sur l’écran le visage bouleversé de leur visiteur et comprit immédiatement que le Vulcain avait eu la bonne intuition.

– Vous voulez dire que vous me connaissiez ? Vous avez entendu parler de moi ? Je suis célèbre au XXIIIème siècle ?

Spock leva un sourcil qu’on aurait pu qualifier d’amusé.

– Ai-je jamais dit cela ?

– Bien sûr que vous l’avez dit !

Le jeune scientifique trépignait à présent d’impatience.

– Bien évidemment, si vous restez avec nous maintenant, jamais vous ne serez en mesure de révolutionner l’histoire de la physique, poursuivit le premier officier, et l’avenir en sera changé.

– Qu’est-ce qui me dit que vous me dites la vérité ?

– Si votre… série télévisée est rigoureuse, vous devez savoir que les Vulcains ne mentent pas.

McCoy émit un bruit à mi-chemin entre un rire et le son de quelqu’un qui s’étrangle. Sheldon Cooper, les yeux exorbités, semblait hypnotisé par son interlocuteur. Fasciné, songea le capitaine.

– Si vous souhaitez rétablir le cours normal de l’histoire, vous devez nous expliquer comment vous êtes arrivé sur le vaisseau, et à quelle date exacte vous avez quitté la Terre.

Pendant un instant, Jim crut qu’ils avaient gagné et que le docteur Cooper allait tout leur révéler, mais il croisa les jambes, puis les bras.

– Je vous le dirai, à une condition.

Spock ne broncha pas.

– Enoncez-la.

– Je veux passer toute une journée sur la passerelle et participer aux manœuvres qui permettront mon retour dans le passé.

Kirk se frappa le front contre le mur avec un gémissement.

*****

Journal de bord personnel du capitaine, date stellaire 4309.45.

Les heures qui viennent de s’écouler compteront sans aucun doute parmi les plus longues de ma vie. Notre visiteur du passé s’est montré tout aussi pénible qu’à l’accoutumée, et, quoique nous ayons rempli notre part du marché en l’acceptant sur la passerelle, il a failli faire échouer (probablement en connaissance de cause) les manœuvres d’orbite autour de Lux 48-50, l’étoile choisie pour effectuer le saut temporel. Cette erreur nous a coûté une journée de décalage avec la date de son départ, si bien que nous venons d’arriver sur Terre près de vingt-quatre heures après le départ de notre invité.

Leonard Nimoy éteignit le PADD et échangea avec ses trois compagnons d’infortune un regard passablement hébété. Il n’avait pas été difficile de retrouver les journaux de bord de James Kirk et de cibler la période voulue. A peine sorti de la crise de l’amibe géante, l’équipage avait fait relâche sur Antares II, d’où ils avaient mystérieusement été expulsés à peine trois heures après leur mise en orbite. Le capitaine ne donnait pas plus de précisions, mais faisait mention d’un « voyageur du passé » qui semblait avoir causé divers soucis sur la planète et fait des difficultés pour se laisser renvoyer à son époque.

– C’est Sheldon, c’est obligé, avait commenté Howard Wolowitz. Kirk a l’air exaspéré, ça s’entend dans le son de sa voix. C’est le superpouvoir de Sheldon d’exaspérer les gens. S’il était un superhéros, il s’appellerait Exaspérator.

L’horloge indiquait 15h32. Sheldon ayant disparu vers 22h, il leur restait environ six heures trente d’attente.

– Sheldon va donc rentrer ce soir, commenta assez inutilement Leonard Hofstadter d’une voix tremblante.

Il semblait soulagé de constater que son colocataire n’avait pas été stupidement tué dans une mission quelconque, ou malencontreusement égorgé par un membre de l’équipage à bout de nerfs.

Le silence lui répondit. Tout le monde avait les yeux fixés sur le PADD qui les reliait miraculeusement à l’avenir.

– On… on écoute la suite ?

Trois paires d’yeux se tournèrent vers Rajesh Koothrapali, qui avait émis cette proposition à voix basse, timidement, comme si lui-même n’en mourait pas d’envie et qu’il n’avait dit cela que par acquis de conscience, pour être certain que les autres ne souhaitaient pas en savoir plus. Les regards se reportèrent presque aussitôt vers le vieil acteur.

– Le PADD est à vous, monsieur Nimoy, c’est à vous de décider.

Bien sûr, il aurait dû dire non. Il le savait. Cet objet lui avait été confié pour une mission précise, pas pour jouer les voyeurs. Il aurait dû dire non. Fermement. C’était la seule chose logique et morale à faire. Il aurait dû dire non, mais comment résister ?

– On peut peut-être écouter encore un peu, juste pour savoir si tout s’est bien passé et si le vaisseau a pu regagner son époque sans encombre.

Cette excuse totalement foireuse passa comme une lettre à la poste. A en juger par l’acquiescement aussi hâtif qu’unanime des jeunes gens qui l’entouraient, il aurait pu dire n’importe quoi, pourvu qu’il remette l’artefact en marche.

Journal de bord du capitaine, date stellaire 4315.87.

Notre visiteur du passé a enfin été rendu à son époque. Cette restitution s’est avérée plus compliquée que prévu, dans la mesure où quatre humains s’étaient rendu compte de son départ, et, plus problématiquement, de sa destination. Ils ont heureusement fait preuve d’une grande sagesse en acceptant d’oublier ce qui s’était passé.

– Quoi ? s’écrièrent les trois amis dans un parfait unisson indigné.

Seul Leonard Nimoy garda le silence. Il avait deviné bien avant de l’entendre que Kirk ne tolérerait pas une telle infraction à la Première Directive. Il ne partageait cependant pas la colère des jeunes gens. Le temps l’avait rendu philosophe, et il lui semblait qu’il comprenait ce capitaine à la fois proche et lointain – en tout cas, il compatissait à ses dilemmes. Il se demandait seulement si l’Enterprise était muni d’un médicament quelconque procurant une amnésie partielle à celui qui l’avalait, ou bien si Spock s’occuperait lui-même de les faire oublier. Il le saurait bien assez tôt.

Les trois scientifiques s’étaient tus pour écouter la suite du journal.

Notre seul problème concerne l’artefact qui a permis à des humains du XXIème siècle de nous contacter. Nous l’avons récupéré afin d’éviter que ce genre de… désagréments (Nimoy entendit très distinctement, à la place de ce mot, le terme « catastrophe ») ne se reproduise. (Silence.) Ou plutôt, nous avons cru le récupérer. (Silence.) L’objet, étudié par notre ingénieur, M. Scott, s’est avéré être un faux. Nous en avons déduit qu’avant de voir leur mémoire effacée, les hommes que nous avons rencontrés ont réussi à produire une imitation de cet objet et à nous duper en nous remettant la copie à la place de l’original.

Le silence qui suivit cette déclaration fracassante fut presque aussitôt rompu par un hurlement suraigu de la part du jeune Indien :

– Oh mon Dieu ! Howard, tu te sens capable de fabriquer un faux PADD ?

– Que je m’en sente capable ou non importe peu, répondit l’ingénieur. Puisque Kirk dit qu’ils ont récupéré un faux, c’est que j’en ai été capable !

– Que tu en seras capable, rectifia Leonard Hofstadter.

– Si Sheldon était là, fit remarquer Howard Wolowitz, il nous expliquerait certainement que le bon temps à utiliser est « j’en serai été capable » ou quelque chose du genre. [3]

Les deux autres eurent un petit rire. Ils avaient déjà oublié leurs souvenirs bientôt volés. Leurs esprits surexcités ne pensaient qu’à la manière de tromper Kirk et les autres. Le vieil homme savait qu’il serait vain de s’interposer. Ainsi qu’ils l’avaient très justement fait remarquer, le passé était déjà écrit.

Tandis que ses compagnons couraient en tous sens à travers l’appartement pour essayer de recueillir les matières premières nécessaires à leur entreprise, Leonard Nimoy poussa un soupir et s’allongea de nouveau sur le canapé, fermement décidé à faire une sieste en attendant la venue des officiers de l’Enterprise. Après tout, le journal du capitaine avait mentionné quatre humains. Il devait donc rester là. C’était écrit. Kaiidth, songea-t-il avec un petit sourire. [4]

Qui espérait-il tromper ? La vérité était qu’il n’aurait manqué cette rencontre pour rien au monde.




[1] Je reconnais bien volontiers être un peu injuste envers Kirk. Il drague souvent des filles dans la série, mais ça se termine rarement bien pour lui…


[2] Voir « The Thespian Catalyst » (saison 4, épisode 14) : Sheldon, qui a demandé à Penny de lui apprendre à jouer la comédie, lui propose d’interpréter une pièce qu’il a écrite plus jeune, dans laquelle Spock vient chercher le jeune Sheldon pour que son génie soit reconnu dans le futur… :-D


[3] Dans un épisode, « The focus attenuation » (saison 8, épisode 5), en parlant de Retour vers le futur, Sheldon invente de nouveaux temps, une sorte de « futur passé antérieur » qui sonne beaucoup mieux en anglais qu’en français et que je n’arrive pas à traduire ici…


[4] Kaiidth est un des mots les plus importants de la philosophie vulcaine, qui implique l’acceptation des événements : ce qui a eu lieu a eu lieu et il est illogique de chercher à le changer, de le nier ou de le regretter.

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