A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 50 : Et à la fin...

5015 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/04/2024 18:43

Chap 50 : Et à la fin… 


Fiévreuse et soucieuse, Reiko s’assit sur le lit.

Son époux l’avait tenue occupée une bonne partie de la soirée et, bien qu’elle soit épuisée à cause de cette activité nocturne et de son examen, elle ne parvenait pas à dormir.

“Et si j’ai échoué ? Et si… Hier était ma dernière journée à la Space Defence Force ?”

Cette phrase tournait à une telle vitesse dans son cerveau qu’il en résulta une migraine carabinée qui la rendit nauséeuse.

Elle jeta un coup d'œil au réveil-matin qui indiquait à peine six heures.

“Pour une fois que Sayuri dort… Je vais m’éclipser discrètement.”

Elle écarta les draps et, alors qu’elle s’apprêtait à se faufiler en dehors de la couette, des doigts se refermèrent autour de son poignet.


- Chaton, il est encore tôt, chuchota Bruce, parfaitement réveillé.

- Je suis trop anxieuse pour me reposer. 

- Tu aimerais que je te détende ?


Elle eut un petit rire exaspéré.


- Où trouves-tu toute cette énergie ?

- Pour profiter de toi, j’en ai toujours, avoua-t-il en embrassant la paume de sa main.

- Proposition alléchante mais je crois plutôt que je vais aller au QG.

- Maintenant ?

- Oui, ici je vais devenir folle. Et s’il s’agissait de mon… De ma…


Sa voix se brisa et elle enfouit son visage au creux d’un oreiller.


- Mon coeur, tu as toutes tes chances.

- Tu as vu ce que le parcours du combattant a donné. Rien que cette prestation calamiteuse peut me valoir une élimination.

- T’en sais rien. T’en sais rien du tout.

- Je ne veux pas te quitter. Je ne veux pas quitter Big1. J’aurais dû m’abstenir de me présenter à ce concours. J’aurais vraiment dû…


Il lui frotta le dos pour tenter de la tranquilliser.


- Laisse-moi une minute pour m’habiller.

- Mais… Et Sayu…

- On l’emmène avec nous. Il fait nuit, je préfère t’accompagner.

- Tu n’as qu’à me filer tes clefs.

- Je viens.


La jeune femme acquiesça, soulagée de ne pas avoir à affronter seule ces heures d’attente interminables et angoissantes.

Moins de quinze minutes plus tard, la famille Speed se tenait prête et s’enfila dans la cage d’escalier, armée d’une batterie de sacs. Elle déboucha dans la rue, éclairée par la lumière blafarde des lampadaires. Le Commandant déverrouilla alors la fermeture centralisée d’une large voiture rouge. À la naissance de son enfant, il avait acheté un break familial et avait vendu son coupé noir. 

“Un investissement nécessaire… Je suis un père respectable dorénavant. Adieu la conduite sportive.”

Ils se garèrent néanmoins rapidement sur le parking du Quartier Général de la SDF et, après avoir casé Sayuri dans un couffin, le couple se dirigea vers le hall principal.

La mort dans l’âme et l’estomac alourdi d’un poids s’apparentant à celui d’un astéroïde, Reiko passa les portes battantes de la salle de pause du peloton Sirius.


- Mon amour, à quelle…

- Neuf heures, chérie.

- D’a-D’accord, répondit-elle en s’affalant dans un fauteuil.

- Je vais chercher à boire, annonça-t-il en déposant délicatement le cosy au sol.


La pilote leva les yeux vers l’horloge, les ongles enfoncés dans les accoudoirs.


- Kami-sama… Ne me lâche pas, je t’en supplie.


***


- Il est temps.

- Oui… Oui.


Des tremblements agitaient les membres de Reiko et elle se mit debout en chancelant.

Puis, un tsunami de panique la submergea.

Irrésistible. Incoercible. Ravageur.


- En fait non… Je refuse… Je refuse d’y aller. S’ils me virent, je ne le supporterai pas. Oh Bruce…


Elle se réfugia contre son conjoint, froissant le tissu de sa veste entre ses phalanges.


- C’est bon, je te promets qu’on s’en sortira. Ils ne t’enlèveront pas à moi. Personne ne le peut… Pas même la Faucheuse.

- Hum.. Hum.


Fébrile, elle prit la direction de l’auditorium dans lequel de nombreux cadets et agents de la SDF qualifiés s’étaient déjà installés.

Arrivée devant l’entrée de celui-ci, elle dû lutter de toutes ses forces pour ne pas faire demi-tour.


- Je vais là-haut. Tu as une place réservée en bas avec les autres.


Elle avisa Karim et Laura qui l’interpellaient depuis le premier rang.


- Non… Non… J’ai raté… J’ai probablement tout raté…

- Reiko…, souffla-t-il en l’étreignant.

- Je suis certaine que c’est faux.


Kanna s’avança en compagnie de la totalité de l’unité Sirius.


- Vous tous…


La mère de famille s’approcha et arracha sa fille adoptive des bras du sniper.


- Je suis là ma belle. Tout va bien se passer.


Le nez niché dans ses boucles blondes, Reiko contenait difficilement ses larmes. Elle s’octroya encore quelques instants de répit, blottie contre la poitrine de Kanna Yuuki.

Puis, après une profonde inspiration, elle se détacha de cette dernière.


- J’y vais. On se voit… On se voit tout à l’heure.

- Oui, courage Koko, l'admonesta Manabu.

- On fêtera ça dès qu’ils appelleront ton nom, lui assura David.

- Oui !, renchérirent Yûki et Louise de concert.


Sans un regard en arrière, la démarche pesante, elle rejoignit la team Apodis.


- T’as l’air stressée, lui fit remarquer Laura.

- Non, tu crois ?

- Chut les pipelettes, ça va commencer !, les morigéna Karim.


***


- Kodaï.

- Je suis en retard ?, demanda le Commandant en s’asseyant à la gauche de Bruce, siège qui, étonnamment, était resté libre.

- Non, Layla Destiny Shura n’est pas encore là. Où est Hirumi ?

- Susumu a de la fièvre, elle a préféré le garder au chaud.


Bruce hocha la tête.


- Je connais ça, il faut être vigilant. Yûki pourra l’ausculter au besoin.

- C’est très généreux à toi.

- Et, à propos de ça… Je ferai de mon mieux pour le petit… Pour être à la hauteur de cette responsabilité.

- J’ai aucun doute là-dessus.


Mamoru se gratta le menton en s’adossant contre le dossier en bois.


- Je suis sûr que ça va aller. Elle n’a pas fait tant d’erreurs, si ?

- D’après ce qu’elle m’a raconté, je pense qu’elle est dans la course. Tôdo a déjà reçu des requêtes la concernant. J’imagine que ça joue en sa faveur.

- Des requêtes ?

- Des sollicitations des autres Commandants pour qu’elle soit incorporée dans leur section.

- Oh, je vois. Il y a donc un risque qu’elle soit affectée ailleurs.

- Uniquement si le Galaxy Railways est prêt à renoncer à ses bénéfices.

- Quoi ?

- Quand on parle du loup…


La porte de l’amphithéâtre s’était ouverte à la volée sur une silhouette massive, vêtue d’un manteau gris et jaune ainsi que d’une casquette blanche, sous laquelle s’échappaient des cheveux bruns en bataille, similaires à ceux de Manabu.


- Mais c’est… 

- Oui, lui-même, soupira Bruce en sifflant pour attirer l’attention du nouveau venu.


Celui-ci les repéra et grimpa les escaliers à grandes enjambées.

Il prit place à la droite du sniper, qui se sentit pris au piège entre ces deux figures d’autorité.


- Je suis…

- Non, on attend Shura.

- Mamoru Kodaï, Commandant du Yamato, enchanté !, lança ce dernier en se penchant en avant et en tendant sa main.

- Warrius Zero, Commandant du Karyû, Flotte Indépendante Terrienne. Enchanté, également, répondit-il en serrant vigoureusement les doigts gantés de son interlocuteur.

- Vous êtes venus finalement.


Zero ôta son couvre-chef en s’essuyant le front d’un revers de manche puis, sans daigner quémander la permission de son père, attrapa Sayuri sous les aisselles.


- Harlock est injoignable et ma princesse doit être très angoissée. Il fallait que je sois là pour la soutenir. Et toi, comment ça va Yuyu ? Qu’est-ce que tu as grandi ! Tu supportes le sale caractère de ton papa ? 

- Oha-sa ?

- Hum. On se détend, Wawa.

- Et qu’en est-il de notre affaire ? Ils ont cédé ?

- Vous êtes aussi ici pour vous assurer qu’ils prendront la menace au sérieux ?

- Exactement. J’ai juré au pirate qu’elle intégrerait ce peloton, il est donc hors de question qu’elle soit mutée je ne sais où. Et… Vous êtes le plus à même de la protéger, c’est évident.


Le Commandant du Yamato haussa un sourcil intrigué.


- Qu’est-ce que vous avez magouillé tous les deux ?

- Un coup de pression sur ces tocards de la Direction, grogna Bruce.

- Un avertissement en bonne et due forme, rectifia Warrius.

- C’est-à-dire ?

- S’ils l’assignent dans une autre section, on leur coupe l’accès à la Voie Lactée.

- Oui, voilà en gros c’est ça, approuva Zero.

- Oh, vous avez dégainé l’artillerie lourde !

- Faut ce qu’il faut, grommela Bruce.


Mamoru étouffa son rire.


- Reiko a de la chance de vous avoir pour veiller sur elle.


Le sniper se mordilla l’intérieur de la joue quelques secondes avant de répondre.


- Je ne t’ai jamais remercié. Pour ce que tu as fait quand j’étais dans le coma. Donc… Voilà, merci d’avoir pris soin de ma femme.

- Pas de quoi, Speed.

- Ouais j’ai une dette envers toi. Je compte bien la payer un jour.

- Je m’en souviendrai.

- La voici, les interrompit le Commandant du Karyû.

- On va bientôt être fixés, lâcha Bruce.


***


- Elle est là…


Longiligne, drapée de son éternelle cape bleue démesurée, sa chevelure de la même couleur effleurant le sol, Layla Destiny Shura fit son entrée.

À ce moment de la soirée, l’état de Reiko était proche de la liquéfaction.

L’anxiété transpirait littéralement par tous ses pores et elle utilisait une vieille brochure de recrutement pour s’éventer.


- Je vais m’évanouir, marmonna-t-elle.

- Tiens le coup encore un peu, l’encouragea Laura en enroulant ses doigts autour des siens.

- Je suis au bout du rouleau.


Le Commandant suprême s’avança sur l’estrade, un sourire énigmatique sur les lèvres.


- Mes chers aspirants, je vous remercie d’avoir toutes et tous participé à cette session, la neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf !


Elle balaya l’assemblée du regard, visiblement satisfaite.


- Sur nos soixante-huit candidats initiaux, quarante-six ont réussi les trois unités et par conséquent obtenu leur diplôme ! Félicitations à eux ! Pour ceux qui n’ont pas rencontré le succès escompté, je vous invite à retenter l’année prochaine.

- Vingt-deux éliminés… L’année prochaine !, s’étrangla Reiko.


“Je suis forcément dedans…”

Elle se lacéra frénétiquement le poignet, complètement paniquée et désoeuvrée.


- Je vais citer vos noms en débutant par la fin du classement. Lorsque vous êtes désignés, rejoignez-moi. Et donc, en quarante-sixième position…


Reiko écoutait cette énumération, désespérée.

Quarante-quatre.

Trente-cinq.

Trente-et-un.

“C’est foutu. Avec mon résultat catastrophique à la deuxième épreuve, je ne peux pas être si haut placée dans le tableau des scores. J’ai échoué. J’ai lamentablement échoué et je vais devoir quitter tout ce que j’aime. Tout ceux que j’aime !”

Vingt-neuf.

Vingt-trois.

“Que cette torture s’arrête !”

Dix-neuf.

Seize.

Douze.

“Je devrais m’en aller tout de suite pour fuir cette humiliation publique. Je ne pourrai plus regarder mes équipiers dans les yeux après cet échec cuisant. Ni même Bruce… Au mon dieu, je vais lui faire tellement honte. La femme du Commandant, une cadette incapable de décrocher une fichue certification.”

Voûtée, la tête enfoncée dans les épaules, elle se recouvrit le visage avec ses mains pour masquer son désarroi. 

“Je voudrais être partout ailleurs sauf ici.”


- Ko… Peed…


“Je dois me lever. Obliger mes jambes à bouger. Rester ici est une perte de temps. Il faut que j’accepte ma défaite et mon incompétence notoire.”


- Ko… Reiko !

- Hein ?


Karim secouait violemment la jeune femme, qui était totalement apathique.


- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

- Elle t’a appelé ! Elle a dit ton prénom ! Vas-y !

- Pa… Pardon ?, balbutia-t-elle, interloquée.

- Tu es la onzième ! C’est merveilleux ! Dépêche-toi !, se récria l’Officière radar.


Reiko se mit debout, abasourdie et vacillante, tandis qu’une ovation tonitruante retentissait derrière elle.


- Moi… ? Elle…? Moi ?!


Elle monta les quelques marches qui la séparaient de la scène et se présenta devant Layla Destiny Shura, ahurie et bras ballants.


- Reiko Speed ?, la questionna-t-elle avec gentillesse.

- Oui ?

- Bravo à vous pour cette jolie victoire. Votre affectation, maintenant… Tiens donc… Comme c’est surprenant…


Dans l’expectative la plus complète, la pilote était en apnée.


- Peloton Sirius, dirigé par le Commandant Bruce James Speed !

- Merci Kami-sama, se réjouit-elle alors que sa pression redescendait en chute libre.

- Reiko…

- Commandant ?

- Continue ainsi, obéis à ton instinct avant d’obéir aux ordres et surtout… Ne perds pas ton aptitude à croire dans les capacités des autres mais essaie aussi de croire en les tiennes, d’accord ?

- Je… J’essaierai !, promit-elle en se raidissant.

- J’en suis heureuse, dit-elle en lui offrant une feuille de papier tamponnée.


“Le Saint-Graal… C’est trop beau pour être réel. ”

Reiko s’échappa de l’estrade en cherchant son époux parmi le public agglutiné dans l’amphithéâtre.

Enfin elle l’aperçut, et ce qu’elle lut dans ses yeux gonfla son cœur d’une joie incommensurable.

Il ouvrit la bouche et, bien qu’elle ne les entendît pas, elle parvint à lire les mots sur ses lèvres.

Ces mots qu’elle n’aurait pas cru mériter.


“- Je suis fier de toi, chaton.”

- Bruce…

- Numéro dix, Laura Schmidt !


Reiko applaudit à tout rompre en retournant vers son siège, ravie pour son amie.


- Numéro cinq… Karim Al-Haddad !


“Incroyable. C’est tout bonnement incroyable. Comment a-t-on pu réussir ce sans faute avec mes performances médiocres?”

Les deux filles de la team Apodis firent une standing ovation pour leur partenaire qui avait obtenu une note exceptionnelle.

Un câlin collectif acheva cette cérémonie, au grand dam de l’artilleur, qui se retrouva pris dans un étau féminin.

Puis, Layla Destiny Shura se retira furtivement à l’instant où le chaos se répandait dans l’auditorium.

Pleurs, rires et cris en tout genre se mêlaient pour former un véritable capharnaüm.


- On est diplômés ! On est diplômés !, répétait Laura à tue-tête, en se pendant au cou de Reiko.

- Ouais… Ouais…, lança-t-elle hébétée.

- À la une, à la deux…, commença Karim.

- À l’Apodis !, terminèrent-ils simultanément.


La pilote remarqua alors son mari qui se frayait laborieusement un chemin parmi la foule en délire. Elle s’écarta de ses équipiers et, moins de dix secondes plus tard, se lovait contre lui, submergée par l’émotion, le soulagement et la liesse.


- Je ne suis plus une apprentie et nous restons ensemble… C’est vraiment… Vraiment… Inespéré !

- Je n’en ai jamais douté, chérie. Tu devrais te faire confiance. Si seulement tu te voyais, comme moi je te vois… Si seulement tu avais un tant soit peu conscience de toutes tes belles qualités…

- Soit les autres ont été pires que moi, soit mon pilotage peu conventionnel a porté ses fruits…

- T’as été géniale, point barre ! Après la naissance de Sayuri et notre mariage, ce jour fait partie des plus beaux qu’il m’ait été donné de vivre, ajouta-t-il en l’embrassant, débordant de fierté.


Elle s’abandonna à ce baiser, les jambes en compote, alors qu’une vague de bonheur pur déferlait sur elle. Et, pour une fois, elle choisit de se laisser emporter.


- Où est Yuyu ?, demanda-t-elle lorsqu’il daigna enfin la relâcher.

- Ici, répondit Mamoru ! Je l’ai soustraite à l’emprise de Zero avec toutes les peines du monde.

- Hum, je vous l’ai cédée même si ça fait neuf mois que je ne l’ai pas vue. Pas depuis l’accouchement à vrai dire, ronchonna Warrius en réajustant la casquette sur son crâne.

- Et moi donc !, rétorqua Kodaï en levant les yeux au ciel.

- Wawa ! WAWA !


La militaire repoussa son compagnon et se précipita vers le Commandant du Karyû qui eut tout juste le temps d’ouvrir les bras avant qu’elle ne lui saute au cou et ne noue ses cuisses autour de sa taille.


- Warrius ! Tu es là !

- Évidemment, princesse. Je ne voulais pas manquer cette occasion de tous vous revoir.

- Même moi ?, l’interrogea Bruce, sceptique.

- Comment vas-tu ? Comment allez-vous tous ? Et Marina ?

- Doucement…, dit-il en plaquant ses mains dans le dos de Reiko pour l’empêcher de tomber en arrière.

- Oh, désolée… J’oublie parfois que j’ai vieilli.

- Pas pour moi, Koko.


Ses deux pieds regagnèrent la terre ferme et elle s’empressa de saluer Kanna et les membres de son unité.


- Bravo ma fille ! Mille bravos !

- Merci Okaa-san !, s’exclama-t-elle en piétinant, surexcitée.

- Suis-moi, l’invita Louise en glissant ses doigts dans ceux de Reiko.

- Où ?

- Tu verras.


Manabu et David tenaient difficilement leur langue tandis que le petit groupe convergeait vers le bâtiment annexe.


- La salle de pause ?

- Oui !

- Tadaaaam !, s’écria l’artilleur en dégondant presque le vantail.

- Oh… Vous ! Oh !


La section Sirius s’était donnée un mal fou pour décorer la pièce à l’aide de nombreuses banderoles, bougies ou lampions. Une bannière trônait également au plafond sur laquelle était inscrite : “Omedeto gozaimasu Koko !”


- En japonais…


Elle ravala ses sanglots en pressant Manabu et Louise contre sa poitrine.


- Vous êtes les meilleurs ! Les meilleurs… Et si j’avais raté ?

- Il n’y a pas moyen !

- Vous n’auriez pas dû… Je ne mérite pas…

- Tu mérites ça et davantage, affirma le sniper en l’enlaçant.

- Bas les pattes, Speed, le houspilla Warrius en franchissant la porte.

- Vous n’allez pas vous y mettre aussi. 

- En l’absence d’Harlock, c’est mon devoir.

- Ben voyons… 


Reiko détailla la table sur laquelle une montagne de victuailles avait été dressée. 


- Des pancakes… Des gaufres… Bruce est-ce que c’est toi qui a cuisiné… ?

- Bien sûr, ce sont tes plats favoris. Aujourd’hui, c’est ton moment. Profites-en, okay ?

- Tu es adorable.

- Ce n’est pas le premier qualificatif qui me vient à l’esprit quand on parle de lui, ricana Warrius en attrapant une crêpe au vol.

- Bas les pattes Wawa, répliqua le concerné en lui administrant une claque sonore sur le dos de la main.

- Tsss, tsss, s’offusqua Zero en s’éloignant comme un chat blessé, les doigts pressés sur son uniforme.

- Irrécupérables, s’amusa Louise en s’installant à côté de la pilote.

- Oui… Mais tout ça me réchauffe le coeur.

- Je comprends, répondit Manabu en s’affalant vers ses équipières.

- Comment ai-je eu cette certif ? Ça me dépasse.

- Peut-être ont-ils décelé quelque chose, expliqua David en vidant sa bière d’une traite.

- Décelé… Quelque chose ?

- Ouais…

- Je suis de son avis, renchérit l’Officière radar en s’étirant.


Kanna, qui avait entrepris de servir à manger à tous les soldats présents, fourra une assiette pleine à rabord sur les genoux de ses deux enfants.


- Mangez et reprenez des forces !

- À vos ordres !


Mamoru, qui avait rendu Sayuri à la garde jalouse de son père, s’approcha et s’assit en tailleur sur le parquet.


- Santé !, dit-il en tendant son verre. À la pilote fraîchement certifiée !

- À Reiko !, reprit Warrius en dérobant discrètement plusieurs gaufres.

- À Reiko !, répéta l’assemblée dans un parfait écho.


***


- Quelle journée !


Bruce acquiesça en détachant un gros sac poubelle et en fourrant des détritus à l’intérieur.


- Et ils nous laissent ranger tout ce bazar… 

- Je peux au moins faire ça.

- Non chaton, toi t’es surtout censée te reposer.


Sayuri, qui gigotait dans son couffin, émit une plainte aiguë contrariée.


- Avec ce petit monstre, j’ai oublié la signification de ce mot.

- On devrait la confier à Zero pour la nuit tiens, railla le sniper. Il aurait tôt fait de nous la ramener.

- Papa poule va, tu ne le ferais pour rien au monde.

- C’est pas faux et je suis sûr qu’il pourrait remplir son biberon de boissons sucrées ou d’autres trucs de ce genre.

- Comme une canette de lait à la fraise ?

- Moque-toi.

- Pfffrt, pouffa-t-elle en jetant des restes de gâteaux.


Puis, soudainement prise d’un soupçon atroce, elle se tourna vers son conjoint.


- Mon amour, tu me jures que tu n’as rien à voir avec mon affectation ou mon classement, n’est-ce pas ? Tout ça… J’y suis parvenue par mes propres moyens, pas vrai ?


Le Commandant se figea et son sang se glaça.

Il ne désirait pas particulièrement mentir à sa femmme, mais il savait que toute vérité n’était pas bonne à dire.

“Si elle découvre que j’ai manigancé sa non-mutation avec Warrius, elle n’a pas fini de me prendre le chou.”

Pour cette fois, il décida donc de suivre cette maxime et de taire une partie de l’histoire.


- Tu ne dois ce succès qu’à toi-même.


Elle soupira, soulagée.


- Merci, j’avais besoin que tu me le confirmes.

- Aucun problème, répondit-il en fronçant les sourcils.


“Pourvu qu’elle ne fouine pas de ce côté là, je ne suis pas doué pour noyer le poisson.”, songea-t-il en achevant de plier les lampions.


*** 


- Déjà ? 

- Je serais bien resté, tu t’en doutes, mais…

- Je sais Wawa, c’est pas grave. Marina te récupère au passage ?

- Oui, princesse. Tu la verras une prochaine fois.

- Hum… Et quelle est la situation sur Terre ?


Warrius s’appuya sur le distributeur de sodas.


- Le statu quo est maintenu pour l’instant. La défaite de Promethium a permis de rééquilibrer la balance et, humains comme humanoïdes, tendent vers une cohabitation plus équitable.

- Et pacifique ?, demanda Reiko, perplexe.

- J’en ai l’impression.

- Moins de brimades envers les enfants ? Les femmes ? Ceux qui sont incapables de se défendre ?, continua-t-elle en serrant les dents.

- Je travaille chaque jour en ce sens, Koko. Éradiquer les robots de l’univers n’est pas une solution et ne l’a jamais été… J’en suis convaincu.

- J’en ai conscience. On en a discuté après la naissance de Sayu… J’aimerais mettre ma haine de côté mais c’est loin d’être évident.

- J’ai aussi traversé cette phase… Il y a longtemps…


La jeune femme se pelotonna contre lui, ébranlée par ces paroles.

Elle avait la fâcheuse tendance à oublier que la première épouse et le bébé de Warrius avaient trouvé la mort durant la Grande Guerre, à l’époque où sa propre mère avait succombé sous les bombardements qui avaient rasé Tôkyo.


- Excuse-moi, je n’ai pas le monopole de la souffrance.

- Je me souviens d’eux mais ça ne m’empêche pas d’avancer. Plus maintenant.

- Je t’admire Warrius, parce que moi je traîne mon passé comme un boulet au pied. Dès que je crois m’en défaire, la chaîne se resserre autour de ma cheville.

- Je suis persuadé que ta fille t’aidera à briser ces maillons.

- Je refuse de lui transmettre mon amertume, ma douleur et mon aigreur. Étonnamment, ce n’est pas de Bruce dont il faut s’inquiéter sur ce point mais bien de moi-même. 

- Ne t’en fais pas, vous y arriverez. Vous trois… Ensemble, vous êtes invincibles.

- Je ferai de mon mieux en tous cas.

- Je dois y aller. Embrasse-les pour moi, d’accord ?

- Sans faute.


Le Commandant du Karyû repoussa doucement la militaire.


- On garde le contact ?

- Je te donnerai des nouvelles de Sayuri.

- Et de toi… Et même de Bruce. Il a beau être hargneux, colérique et querelleur, je l’apprécie.

- Ravie de l’entendre.


Warrius se détourna en levant le poing et Reiko essuya les larmes qui perlaient sur ses joues avec son pull.


- À bientôt, Wawa. Prends soin de toi.


*** 


- Au revoir ma mignonne Yuyuyuyu !

- Quand c’est pas un, c’est l’autre, s’exaspéra Bruce en soufflant par les naseaux.


Sans se formaliser de cette critique acerbe, Mamoru couvrit le visage de la fillette de baisers, pendant qu’Hirumi et Reiko parlaient à voix basse, cette dernière berçant tendrement Susumu.


- Peut-être deviendront-ils bons amis ?


L’Officière du Yamato hocha la tête.


- Quel voie vont-ils choisir ?


Hirumi haussa les épaules, désabusée.


- L’avenir nous le révélera, n’est-ce pas ?

- Hum !


La pilote eut un petit sourire. Si le caractère taciturne de son interlocutrice en déstabilisait plus d’un, cela ne la dérangeait pas spécialement puisqu’elle était coutumière du naturel peu loquace de Bruce.

“Il s’exprime d’une manière différente”, pensa-t-elle en se figurant leurs activités nocturnes agitées. Une bouffée de chaleur lui monta alors au cerveau et elle se mordit la lèvre, l’imagination en roue libre.

La locomotive siffla et ce signal ancra brusquement Reiko dans la réalité, qui s’empressa de rendre le nourrisson à sa maman.


- Soyez prudents sur le chemin du retour et téléphonez-nous.

- Compris, répondit Hirumi, laconique.

- Toi aussi, intervint Kanna, qui s’était décidée à relâcher Manabu de son étreinte protectrice maternelle.

- C’est marrant que vous preniez le même train pour rentrer. Tabito et ensuite Mars, c’est ça ?

- Exactement. Tiens-moi un minimum au courant, veux-tu ?

- Oui, Okaa-san.

- Tu dis ça à chaque fois et…

- J’essaierai de m’y tenir. Et toi… Est-ce que tu as reçu un appel d’Harlock ? Du côté de Warrius, c’est le silence radio.

- Pas depuis un mois.

- Je vois, comme moi. Il était assez vague lors de notre dernière communication. J’espère qu’il n’est pas encore dans les ennuis jusqu’au cou.

- Ne t’en fais pas pour lui, il est coriace.

- Tu as raison, je me fais trop de soucis.


Elle salua sa mère adoptive avant qu’elle ne disparaisse à l’intérieur du train en compagnie de la famille Kodaï.


- Ça va être beaucoup plus calme sans eux, n’est-ce pas ?, dit-elle en récupérant Sayuri.

- On va enfin avoir la paix, oui, rétorqua le sniper.

- Mon amour…

- Je plaisante, chaton, murmura-t-il en effleurant sa peau du bout des doigts.


Ils observèrent l’express qui, après avoir pris de l’élan sur la rampe de lancement, fusa dans l’atmosphère de Destiny.


- Ils vont me manquer, se désola-t-elle en leur adressant de grands signes de la main.

- Tu peux les visiter quand tu le souhaites.

- Oui, je le ferai. Dès nos prochains congés.

- Reiko…

- Oui ?


Le Commandant de l’unité Sirius nicha son menton au creux de la nuque de sa belle.


- Mon seul et unique but est votre bonheur, à toi et à Yuyu. Je promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous soyez heureuses.

- À qui as-tu fait cette promesse ?

- À nul autre que moi-même.

- Vraiment ?


Bruce eut un rictus narquois.


- Et au vieux bandit, ajouta-t-il en enroulant ses bras autour de sa femme et de son bébé.

- Oho ! Oho ! Oho-sa !

- Tu l’as entendue ? Tu l’as entendue aussi ? Répète “Otto-san”, Sayu ! Elle l’a dit, hein ? Je n’ai pas halluciné !

- Gato ?


Le rire de Reiko s’envola dans les airs pour tutoyer les étoiles.

Peut-être même a-t-il atteint la plus brillante d’entre-toutes… Sirius.

Qui sait ?

Laisser un commentaire ?